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19/11/2014 | FRANCE | N°13-14895

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2014, 13-14895


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Centre de formation routière Y... en qualité de psychologue pour animer des stages de sensibilisation à la sécurité routière, selon plusieurs contrats à durée déterminée ; que le dernier stage qu'il a animé s'est achevé le 11 octobre 2007 ; que le salarié a, le 27 février 2008, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la r

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Centre de formation routière Y... en qualité de psychologue pour animer des stages de sensibilisation à la sécurité routière, selon plusieurs contrats à durée déterminée ; que le dernier stage qu'il a animé s'est achevé le 11 octobre 2007 ; que le salarié a, le 27 février 2008, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour décider que la prise d'acte de la rupture du 27 février 2008 s'analyse en une démission et non en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient l'absence de manquements graves imputables à l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que s'il tendait à la confirmation du jugement en ce qu'il avait requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée, le salarié, soutenant au principal devant la cour d'appel que cette requalification impliquait une rupture de ce contrat sans procédure ni lettre de licenciement du fait de l'arrivée à terme du dernier contrat à durée déterminée objet de la requalification, demandait en conséquence la condamnation de l'employeur au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement, la cour d'appel, qui n'a statué que sur la demande subsidiaire relative à la prise d'acte, a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre des stages annulés, l'arrêt retient que les calendriers prévisionnels des stages établis par le centre de formation n'avaient pas valeur contractuelle, qu'ils ne peuvent valoir engagement ferme de l'employeur, alors qu'il s'agissait seulement pour ce dernier de vérifier les disponibilités de l'intéressé aux dates prévues, qu'au surplus, la loi du 10 juillet 1989 imposant que le nombre de candidats au stage soit au moins égal à dix, lorsque ce n'était pas le cas, la société Centre de formation routière Y... était contrainte d'annuler le stage, que M. X... connaissait le principe qui lui a été rappelé dans le courrier du 12 septembre 2006 pour l'organisation de 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié reprises oralement à l'audience, selon lesquelles il faisait valoir que l'employeur n'avait jamais justifié de ce que la cause d'annulation des stages était un nombre insuffisant de participants au regard des exigences réglementaires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence celle de la mention dans le dispositif des dates relatives à la durée d'existence du contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a requalifié en contrat intermittent à durée indéterminée la relation de travail ayant existé entre M. X... et la société Centre de formation routière Y..., l'arrêt rendu le 29 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Centre de formation routière Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Centre de formation routière Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir dire la rupture de son contrat de travail requalifié en contrat à durée indéterminée sans cause réelle et sérieuse en raison du refus de l'employeur de lui fournir du travail au-delà de la date d'expiration du dernier contrat à durée déterminée requalifié, et de rémunérer celui-ci, après l'échéance de ce contrat à durée déterminée, et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes de paiement des indemnités de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la requalification du contrat de travail Monsieur X... a assuré 19 stages entre le 14 mai 2004 et le 11 octobre 2007 pour la SAS CFR Y..., représentant au total 38 jours de travail, sur trois ans (deux stages en 2004, huit stages en 2005, quatre stages en 2006, cinq stages de deux jours en 2007). Les parties ne contestent pas la relation de travail. La SAS Centre de Formation Routière Y... soutient avoir employé monsieur X..., à chaque-fois, dans le cadre de contrats à durée déterminée mais reconnaît être dans l'incapacité de produire les dits-contrats, à part le premier établi le 12 mai 2004, lors de la première relation de travail, signé par les deux parties (pièce 7 de la CFR Y...). Or l'article L 1242-12 du code du travail dispose qu'à défaut d'écrit le contrat à durée déterminée est réputé conclu à durée indéterminée. Dès lors, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui a justement requalifié le contrat à durée déterminée, en contrat à durée indéterminée et accordé au salarié une indemnité de 543, 71 ¿ correspondant à un mois de salaire au titre de l'article L. 1245-2 du code du travail. Etant souligné que les deux parties dans leurs conclusions demandent la confirmation de la décision attaquée sur ce point. Sur la rupture de la relation de travail Le dernier stage animé par monsieur X... pour le Centre de Formation Routière Y... s'est déroulé du 10 au 11 octobre 2007. Le 1er novembre 2007 Monsieur X... adressait à la SAS CFR Y... un avis d'arrêt de travail du 31 octobre 2007 au 27 février 2008 ; de travail qui sera prolongé jusqu'au 3 mai 2008. Par lettre du 27 février 2008 Monsieur X... a pris l'initiative de la rupture de la relation de travail avec la SAS Y.... Il prenait acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant au CFR Y... : « de n'avoir animé aucun autre stage de sensibilisation à la sécurité routière depuis le 11 octobre 2007 pour votre structure. Votre attitude me contraint donc à prendre acte, dès ce jour, de la rupture de mon contrat de travail, de votre fait pour absence de fourniture de travail, non paiement de salaires... d'autant que je vous rappelle que vous me devez plusieurs stages de sensibilisation à la sécurité routière qui sont inclus et précisés dans les différents plannings qui m'ont été adressés... ». En l'espèce, Monsieur X... ne démontre pas que le CFR Y... ait refusé de lui fournir du travail ni de continuer à travailler avec lui. Comme l'a justement souligné le premier juge, le fait pour l'employeur de ne pas avoir proposé à Monsieur X... d'intervenir entre le 31 octobre 2007 et le 27 février 2008, ne peut être reproché à l'employeur, dès lors que Monsieur X... lui avait fait parvenir un avis d'arrêt de travail du 31 octobre 2007 au 27 février 2008. Par ailleurs, Monsieur X... reproche à la SAS CFR Y... d'avoir annulé au cours des années 2004-2005-2006, neuf stages de sensibilisation routière initialement prévus. Or, les calendriers prévisionnels des stages pour les années 2004, 2005, 2006 établis par le centre de formation n'avaient pas valeur contractuelle. Ils ne peuvent valoir engagement ferme de l'employeur, alors qu'il s'agissait seulement pour ce dernier de vérifier les disponibilités de Monsieur X... aux dates prévues dans la mesure où celui-ci intervenait pour de multiples employeurs sur l'ensemble du territoire national. Au surplus comme l'a souligné le premier juge, la loi du 10 juillet 1989 imposant que le nombre de candidats au stage soit au moins égal à dix, lorsque ce n'était pas le cas, la SAS CFR Y... était contrainte d'annuler le stage. Monsieur X... connaissait le principe qui lui a été rappelé dans le courrier du 12 septembre 2006 pour l'organisation de 2007 : « ces périodes seront confirmées si le nombre de stagiaires inscrits est supérieur au minimum exigé. Dans le cas contraire nous vous avertirons une huitaine de jours avant l'annulation de la session ». (pièce 33 de l'employeur). Enfin si Monsieur X... reconnaît dans ses conclusions avoir eu de multiples employeurs, il ne justifie pas de l'ensemble de son activité au cours des années 2004, 2005, 2006 ni ne démontre qu'il avait effectivement réservé dans son emploi du temps les dates de stages figurant sur les plannings de la société CFR Y.... Dès lors, Monsieur X... ne rapporte pas la preuve des griefs invoqués ni de manquements graves à l'encontre de la société CFR Y.... En conséquence, la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui pour de justes motifs que la Cour adopte, a estimé que la prise d'acte de Monsieur X... devait produire les effets d'une démission et non ceux d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse dans la mesure où il n'est pas rapporté que l'employeur a manqué à une quelconque obligation déterminée présentant une certaine gravité et rendant impossible la poursuite des relations de travail. La Cour considère que les stages annulés ne pouvaient être rémunérés au titre de rappel de salaires, pour les motifs qui viennent d'être exposés ci-dessus. Dès lors, déboute le salarié de ses demandes ».
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la qualification du contrat de travail Aux termes de l'article L1242-12 du Code du travail, à défaut d'écrit, le contrat à durée déterminée est réputé conclu à durée indéterminée. Il s'agit d'une présomption irréfragable que l'employeur ne peut écarter en apportant la preuve contraire Le défaut de signature du contrat à durée déterminée par le salarié vaut absence d'écrit et entraîne donc également la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, sauf si c'est de son propre chef que le salarié n'a pas retourné le contrat paraphé et s'est donc volontairement abstenu de signer son contrat. Il ne peut en effet se prévaloir de sa propre faute pour solliciter la requalification de la relation de travail. S'agissant des contrats intermittents prévus à l'article L 3123-31 du Code du travail, il est nécessaire, pour y recourir, qu'un accord collectif étendu ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement le permette. En l'espèce, les parties ne contestent ni l'une ni l'autre l'existence d'une relation de travail. Selon Monsieur Alain X..., elle repose sur un contrat (le travail intermittent, donc à durée indéterminée. Il soutient que cette qualification a été retenue le concernant vis-à-vis d'autres employeurs. Il ajoute qu'en l'absence de contrat écrit (excepté pour son premier stage des 14 et 15 mai 2004) il a nécessairement été engagé sous contrat à durée indéterminée. Selon la SAS CFR Y..., le contrat de travail liant les parties est un contrat à durée déterminée régi par les articles L1242-2 et suivants du Code du travail, qui prévoit parmi les cas de recours au contrat à durée déterminée : 3- Emplois pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Pour justifier de ce qu'elle avance, elle invoque les articles 5. 4. 3 et 5. 4. 4 de la Convention Collective des Organismes de Formation. Les parties ont cependant admis à l'audience que la Convention Collective applicable est celle des services de l'automobile. Il ressort en effet du contrat de travail à durée déterminée signé le 12 mai 2004 que la relation de travail est régie par la convention collective des services de l'automobile. Quoi qu'il en soit, le contrat à durée déterminée doit impérativement être établi par écrit. Or, en l'espèce, seul le contrat du 12 mai 2004 qualifié de contrat à durée déterminée a été écrit et signé par les parties. La SAS CFR Y... verse aux débats deux contrats de travail qualifiés de contrat à durée déterminée, l'un pour les 25 et 26 juin 2007 et l'autre pour les 10 et 11 octobre 2007. Ces contrats ne sont pas signés et il n'est pas démontré qu'ils aient été remis au salarié, comme l'affirme la SAS CFR Y.... La Convention collective des services de l'automobile prévoit la possibilité de recourir aux emplois intermittents. En l'espèce, Monsieur Alain X... a travaillé pendant plusieurs années suivant divers contrats successifs dans le cadre d'une collaboration continue. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la relation entre les parties repose sur un contrat de travail intermittent à durée indéterminée. Sur la demande d'indemnité au titre de l'article L 1245-2 du Code du travail Lorsque le Conseil de Prud'hommes requalifie le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il accorde au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Monsieur Alain X... réclame la somme de 543, 71 ¿ correspondant à une moyenne mensuelle calculée sur la base de la rémunération annuelle versée pour les stages par la SAS CFR Y.... Sa demande apparaît fondée au regard des pièces versées aux débats. Il convient donc de condamner la SAS CFR Y... à lui verser la somme de 543, 71 € sur ce fondement. Sur la rupture du contrat de travail Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission. Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur. En revanche, un manquement ponctuel de l'employeur à ses obligations contractuelles, explicable par des circonstances indépendantes de sa volonté, sans que soit en cause sa bonne foi, ne saurait légitimer une prise d'acte de la rupture à ses torts. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit. C'est au salarié qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il n'est pas en mesure de le faire, s'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission. Dans sa lettre du 27 février 2008, Monsieur Alain X... expose : « Suite à ma lettre du onze octobre deux mille sept que je vous ai adressé et à laquelle vous n'avez jamais répondu, je vous confirme que j'ai animé un nombre important de stages de sensibilisation à la sécurité routière en tant que psychologue salarié pour votre structure au cours des années deux mille quatre, deux mille cinq, deux mille six et deux mille sept. Dans mon courrier, je vous proposais mes services pour l'année deux mille huit, ce qui était d'ailleurs la suite logique du contrat à durée indéterminée qui nous liait. Vous ne m'avez pas répondu. Donc depuis le stage des dix et onze octobre deux mille sept que j'ai animé pour vous, je n'ai animé aucun autre stage de sensibilisation à la sécurité routière pour votre structure. Votre attitude me contraint donc à prendre acte, dès ce jour, de la rupture de mon contrat de travail, de votre fait pour absence de fourniture de travail, non-paiement des salaires... D'autant que je vous rappelle que vous me devez plusieurs stages de sensibilisation à la sécurité routière qui sont inclus et précisés sans les différents plannings qui m'ont été adressés. (...) ». Il ressort des pièces du débat que dans le cadre de la relation de travail, la SAS CFR Y... adressait à Monsieur Alain X... des plannings avec les sessions de permis à points afin de lui permettre de confirmer ou non sa présence. Il travaillait pour la SAS CFR Y... de façon intermittente et variable selon les années Ainsi en 2004, il a effectué trois stages sur deux jours en mai, octobre et novembre. En 2005, il a participé en définitive à six stages sur treize prévus initialement. En 2006, il a réalisé quatre stages sur cinq programmés. Enfin, en 2007, Monsieur Alain X... a participé à cinq stages. Dans son courrier daté du 27 février 2008, Monsieur Alain X... reproche à son employeur de ne plus lui fournir aucun travail. Il ne démontre cependant pas le refus de son employeur de continuer à travailler avec lui. Son dernier stage s'est déroulé les 10 et 11 octobre 2007. Le 1er novembre 2007, Monsieur Alain X... remettait à son employeur un avis d'arrêt de travail pour la période du mercredi 31 octobre 2007 au vendredi 29 février 2008 inclus » Cet arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 31 mai 2008. Le fait pour l'employeur de n'avoir pas proposé à Monsieur Alain X... d'intervenir sur les stages de formation entre novembre 2007 et février 2008, alors que celui-ci se trouvait en arrêt de travail pour maladie, ne saurait s'analyser en un manquement grave de l'employeur. La volonté pour la SAS CFR Y... de ne plus fournir de travail à Monsieur Alain X... lors de l'émission de la lettre du 27 février 2008 ne ressort d'aucune pièce du débat. Monsieur Alain X... reproche en outre à son employeur d'avoir annulé au dernier moment un total de neuf stages prévus sur la période 2004-2005 et 2006. Les pièces produites et les explications apportées à l'audience mettent en évidence que suite à la transmission des plannings, Monsieur Alain X... informait la SAS CFR Y... de son accord sur les stages proposés en fonction de ses disponibilités. La loi du 10 juillet 1989 imposant que le nombre de candidats par stage soit au moins égal à dix, lorsque ce n'était pas le cas, la SAS CFR Y... était contrainte d'annuler le stage. Monsieur Alain X... connaissait le principe qui lui était rappelé dans le courrier du 12 septembre 2006 pour l'organisation des stages en 2007 : « Ces périodes seront confirmées si le nombre de stagiaires inscrits est supérieur au minimum exigé. Dans le cas contraire, nous vous avertirons une huitaine de jours avant l'annulation de la session ». Monsieur Alain X... n'a jamais formulé aucune plainte, ni aucune réclamation suite à l'annulation des ces stages durant la relation de travail. Ce n'est que dans son courrier du 27 février 2008 qu'il en fait le reproche à son employeur. A l'audience, il précise que le grief repose sur l'inobservation d'un délai de prévenance par l'employeur. Il n'en rapporte cependant pas la preuve. Or, pour que la prise d'acte de la rupture puisse produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il appartient au salarié de démontrer que des manquements graves ont été commis par l'employeur. S'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur Alain X... doit s'analyser en une démission, en l'absence de peuve de manquements graves imputables à l'employeur. Monsieur Alain X... sera par conséquent débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur l'indemnisation des stages annulés Monsieur Alain X... sollicite la rémunération des stages annulés, ainsi qu'il a été précédemment exposé, soit à titre de rappel de salaires, soit en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Il ressort des explications ci-dessus exposées qu'il était convenu entre les parties que les formations ne se tiendraient qu'à la condition qu'un nombre suffisant de stagiaires soit réuni. Monsieur Main X... n'est donc pas fondé à solliciter le paiement de ces stages à titre de rappel de salaires. Monsieur Alain X... travaillait pour plusieurs employeurs. Il ne démontre pas être resté à la disposition de la SAS CFR Y... pendant ces périodes, ni avoir subi de préjudice du fait de l'annulation de ces stages. Il sera par conséquent débouté de ses demandes ».
ALORS D'UNE PART QUE, par application du principe « rupture sur rupture ne vaut », lorsqu'interviennent successivement plusieurs causes de rupture du contrat de travail, le juge est tenu d'examiner celles-ci de manière chronologique ; qu'ainsi, lorsque la succession de contrats à durée déterminée est requalifiée en contrat à durée indéterminée, la relation contractuelle se trouve rompue de fait, par un licenciement sans cause réelle et sérieuse, après que l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir du travail et de le rémunérer, si bien qu'alors même que le salarié aurait cru pouvoir prendre ultérieurement acte de la rupture de son contrat de travail, cette deuxième rupture du contrat de travail est nécessairement sans objet puisque la relation de travail a déjà été rompue au moment où l'employeur a cessé de fournir du travail au salarié et à cessé de le rémunérer ; qu'après avoir, tant par motifs propres que par motifs adoptés, requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et après avoir constaté que l'employeur avait cessé de fournir du travail au salarié à partir du 12 octobre 2007, la cour d'appel a borné son appréciation aux mérites de la prise d'acte du salarié du 27 février 2008 ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait-d'abord-de se prononcer sur la rupture de fait du contrat de travail concomitante au refus de l'employeur de fournir du travail et de rémunérer le salarié après la survenance du dernier contrat à durée déterminée, en octobre 2007, avant de statuer - ensuite, et seulement ensuite - sur le bien fondé de la prise d'acte du salarié de février 2008, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, l'article L. 1232-1 du code du travail, et le principe « rupture sur rupture ne vaut »,
ALORS D'AUTRE PART QUE, les écritures du salarié s'articulaient autour de deux moyens distincts ; que, dans le premier moyen, le salarié faisait valoir « § B ¿ sur la rupture du contrat de travail ; le licenciement de Monsieur X... découle nécessairement de la requalification du CDD en CDI ; en effet, lorsque le CDD a été requalifié en CDI, la rupture du contrat s'analyse en un licenciement ; le salarié a donc droit aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement et de préavis ; le licenciement sera de plus irrégulier et injustifié car l'employeur n'a de fait pas respecté la procédure de licenciement ni envoyé de lettre de licenciement avec les incidences financières que cela induit » (conclusions p. 11-12) ; que, dans le second moyen, le salarié invoquait « § C ¿ à titre subsidiaire, sur la prise d'acte à l'initiative de Monsieur X... imputable à l'employeur » (conclusions p. 13 et suivantes) ; qu'en statuant uniquement sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, sans jamais se prononcer et analyser la rupture de fait du contrat de travail antérieure, la cour d'appel a laissé sans réponse un moyen entier des écritures du salarié, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS EN OUTRE QUE l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; dans ses conclusions précitées, le salarié soutenait que la relation de travail avait été rompue de fait, par un licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse, après l'échéance de ce que l'employeur croyait être le dernier contrat à durée déterminée du salarié ; que, dans ses écritures (p. 4), l'employeur reconnaissait que « le dernier stage de Monsieur X... s'est déroulé les 10 et 11 octobre 2007 ; Monsieur X... écrivait dans les termes suivants à Monsieur Y..., en date du 11 octobre 2007 " Jacques, j'anime pour toi des stages de sensibilisation à la sécurité routière en tant que psychologue salarié depuis 2004, comme chaque année je me permets de te proposer mes services pour 2008, dans l'attente de ton planning pour 2008, je t'adresse mes meilleures salutations " ; Monsieur Y... n'a jamais répondu à ce courrier » ; qu'il est donc établi - par les conclusions concordantes des deux parties - et il est même reconnu, par celles de l'employeur, que celui-ci n'a plus proposé de travail au salarié à compter du 11 octobre 2007 ; qu'en refusant de reconnaître que la relation de travail requalifiée à durée indéterminée avait été rompue à la date du 11 mai 2007, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile,
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de rappel de salaires et, par voie de conséquence, d'avoir considéré que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ne devait pas produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ceux d'une démission, et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes de paiement des indemnités de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par ailleurs, Monsieur X... reproche à la SAS CFR Y... d'avoir annulé au cours des années 2004-2005-2006, neuf stages de sensibilisation routière initialement prévus. Or, les calendriers prévisionnels des stages pour les années 2004, 2005, 2006 établis par le centre de formation n'avaient pas valeur contractuelle. Ils ne peuvent valoir engagement ferme de l'employeur, alors qu'il s'agissait seulement pour ce dernier de vérifier les disponibilités de Monsieur X... aux dates prévues dans la mesure où celui-ci intervenait pour de multiples employeurs sur l'ensemble du territoire national. Au surplus comme l'a souligné le premier juge, la loi du 10 juillet 1989 imposant que le nombre de candidats au stage soit au moins égal à dix, lorsque ce n'était pas le cas, la SAS CFR Y... était contrainte d'annuler le stage. Monsieur X... connaissait le principe qui lui a été rappelé dans le courrier du 12 septembre 2006 pour l'organisation de 2007 : « ces périodes seront confirmées si le nombre de stagiaires inscrits est supérieur au minimum exigé. Dans le cas contraire nous vous avertirons une huitaine de jours avant l'annulation de la session ». (pièce 33 de l'employeur). La Cour considère que les stages annulés ne pouvaient être rémunérés au titre de rappel de salaires, pour les motifs qui viennent d'être exposés ci-dessus ».
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur l'indemnisation des stages annulés. Monsieur Alain X... sollicite la rémunération des stages annulés, ainsi qu'il a été précédemment exposé, soit à titre de rappel de salaires, soit en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Il ressort des explications ci-dessus exposées qu'il était convenu entre les parties que les formations ne se tiendraient qu'à la condition qu'un nombre suffisant de stagiaires soit réuni. Monsieur Main X... n'est donc pas fondé à solliciter le paiement de ces stages à titre de rappel de salaires. Monsieur Alain X... travaillait pour plusieurs employeurs. Il ne démontre pas être resté à la disposition de la SAS CFR Y... pendant ces périodes, ni avoir subi de préjudice du fait de l'annulation de ces stages. Il sera par conséquent débouté de ses demandes »,
ALORS D'UNE PART QUE, l'employeur est débiteur deux obligations fondamentales et essentielles découlant du contrat de travail, fournir du travail au salarié, le rémunérer pour cette prestation de travail ; que c'est donc à l'employeur d'apporter la preuve qui s'est libéré de ces deux obligations essentielles et, le cas échéant, c'est à lui de prouver qu'il a suffisamment prévenu le salarié des circonstances l'en empêchant ; qu'en l'espèce, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, « pour absence de fourniture de travail, non-paiement des salaires » et au motif que celui-ci avait annulé « plusieurs stages de sensibilisation à la sécurité routière qui sont inclus et précisés dans les différents plannings » ; qu'après avoir requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et après avoir constaté que l'employeur avait annulé une dizaine de stages, la cour d'appel a constaté que l'employeur envoyait des plannings de stages au salarié, que les stages ne pouvaient avoir lieu qu'en présence de dix candidats et que l'employeur s'était engagé à « avertir le salarié sous huitaine avant l'annulation d'une session » ; que cependant, s'agissant du délai de prévenance, la cour d'appel qui a constaté que le grief formulé par le salarié repose sur l'inobservation d'un délai de prévenance par l'employeur a estimé que le salarié n'en rapporte cependant pas la preuve ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve violant ainsi l'article 1315 du code civil,
ALORS D'AUTRE PART QUE, dans ses écritures (p. 17), le salarié soutenait que « la SAS CFR Y... invoque le fait que les stages annulés, l'étaient parce que l'effectif des stagiaires était inférieur à 10, mais elle ne justifie aucunement de ce que les stages en question ont été annulés pour cette raison » ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur avait apporté la preuve de ses allégations, et en s'abstenant de rechercher si l'employeur s'était donc valablement libéré de son obligation de fournir du travail au salarié ou à tout le moins qu'il avait valablement pu ne pas lui en fournir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'article L. 1232-1 du code du travail,
ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, à aucun moment dans ses écritures, l'employeur n'a soutenu ni même allégué que le salarié ne se serait pas tenu à sa disposition durant les dates des neufs stages qu'il a annulés ; qu'en relevant d'office que « le salarié ne démontre pas être resté à la disposition de la SAS CFR Y... pendant ces périodes, ni avoir subi de préjudice du fait de l'annulation de ces stages »- alors qu'il n'existait pas la moindre contestation sur ce point et que le salarié a nécessairement subi un préjudice, notamment économique pour le salaire qui ne lui a pas été versé-la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile,
ET ALORS QUE le salarié étant ainsi bien fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts d'un employeur qui ne respectait pas les obligations fondamentales et essentielles découlant du contrat de travail, la cassation à intervenir entrainera la cassation de l'arrêt des chefs relatifs aux conséquences de la rupture aux torts de l'employeur en application de l'article 624 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14895
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2014, pourvoi n°13-14895


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14895
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