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18/11/2014 | FRANCE | N°13-23879

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 novembre 2014, 13-23879


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1er c) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que seule la déclaration par le transporteur de ce que la marchandise est mise sur le pont est de nature à en informer le chargeur, et faire ainsi échapper le transport à l'empire de cette Convention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que selon cinq connaissements émis au port de San Pedro (Côte d'Ivoire) le 1

er décembre 2007, la société Delmas, aux droits de laquelle est venue la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1er c) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que seule la déclaration par le transporteur de ce que la marchandise est mise sur le pont est de nature à en informer le chargeur, et faire ainsi échapper le transport à l'empire de cette Convention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que selon cinq connaissements émis au port de San Pedro (Côte d'Ivoire) le 1er décembre 2007, la société Delmas, aux droits de laquelle est venue la société CMA-CGM, a pris en charge sur son navire « Marie Delmas » des conteneurs chargés de graines de cacao à destination d'Amsterdam (Pays-Bas) ; qu'à l'entrée du Golfe de Gascogne, entre le 8 et le 9 décembre 2007, le navire a essuyé une violente tempête ; que vingt conteneurs ayant brisé leurs points d'arrimage ont été déclarés manquants à l'arrivée au port de destination tandis que vingt-cinq autres ont été endommagés ; que les sociétés Fortis corporate insurance SA, AXA corporate solutions, Aegon Schadeverzekering NV, Generali Schadeverzekeringsmaatschappij NV, Allianz Versicherungs-AG, M. Alexis Y..., pris en sa qualité de mandataire général unique pour la Belgique des Lloyd's et en particulier du Kiln Combined Syndicate 510, et la société Efico NV/ SA, destinataire de la marchandise, ont assigné la société CMA-CGM en paiement ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que le chargeur avait apposé sa signature sur chacun des connaissements qui mentionnaient que « les marchandises, qu'elles soient ou non placées dans des conteneurs peuvent être chargées en pontée ou sous pont, sans préavis au marchand, à moins qu'il ne soit spécialement stipulé au verso du présent document que le conteneur ou les marchandises seront transportés sous pont. Si elles sont transportées en pontée, il ne sera pas demandé au transporteur de noter, marquer ou tamponner sur ce connaissement la spécification d'un tel transport en pontée » et que sur le recto des connaissements était également indiqué : « il est de plus expressément convenu que le transporteur peut charger toute marchandise en pontée sans en aviser le chargeur. Ces marchandises seront considérées comme des marchandises chargées en cale pour ce qui est du régime et des limitations de responsabilité, de même que pour ce qui est de l'avarie commune », retient qu'il est ainsi justifié que le chargeur a eu connaissance de l'ensemble des clauses du contrat, qu'il les a acceptées et avait donc autorisé le chargement en pontée qui a été régulièrement effectué et que, dès lors, la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ne peut trouver application ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les clauses ainsi reproduites n'équivalent pas à la déclaration de mise sur le pont qu'exige le texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne la société CMA-CGM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Amlin corporate insurance et autres.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Ralph Z...agissant en sa qualité de mandataire général unique pour la Belgique des Lloyd's et en particulier du Kiln Combined Syndicate 510, la société Amlin Corporate Insurance, la société AXA Corporate Solutions, la société Aegon Schadeverzekering, la société Generali Schadeverzekeringsmaatschappij et la société Allianz Versicherungs-AG de leurs demandes aux fins de voir condamner la société CMA-CGM, venant aux droits de la société Delmas, à leur payer la somme de 483. 225, 41 euros avec les intérêts légaux à compter du 12 mars 2009,
Aux motifs propres que le 1er décembre 2007, la société Delmas devenue la société CMA-CGM prenait en charge 111 conteneurs remplis de graines de cacao au port de San Pedro en Côte d'Ivoire pour les acheminer par voie maritime à Amsterdam (Pays-Bas) sur son navire M/ S Marie Delmas pour la société Efico NV/ SA ; que lors de l'arrivée au port d'Amsterdam, 20 conteneurs étaient manquants, perdus en mer, tandis que 9 conteneurs étaient endommagés ; que le chargeur-expéditeur, la société SDV-SAGA CI, avait apposé sa signature sur chacun des connaissements qui mentionnaient que « les marchandises, qu'elles soient ou non placées dans des conteneurs peuvent être chargées en pontée ou sous pont, sans préavis au marchand, à moins qu'il ne soit spécialement stipulé au verso du présent document que le conteneur ou les marchandises seront transportés sous pont. Si elles sont transportées en pontée, il ne sera pas demandé au transporteur de noter, marquer ou tamponner sur ce connaissement la spécification d'un tel transport en pontée » ; que sur le recto des connaissements était également indiqué : « il est de plus expressément convenu que le transporteur peut charger toute marchandise en pontée sans en aviser le chargeur. Ces marchandises seront considérées comme des marchandises chargées en cale pour ce qui est du régime et des limitations de responsabilité, de même que pour ce qui est de l'avarie commune » ; que le chargeur-expéditeur n'a pas contesté avoir connaissance que les conteneurs pouvaient être transportés en pontée ; qu'il est ainsi justifié que le chargeur-expéditeur a eu connaissance de l'ensemble des clauses du contrat, qu'il les a acceptées et avait donc autorisé le chargement en pontée qui a été régulièrement effectué ; que dès lors, la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ne peut trouver application et aucune faute ne peut être reprochée au transporteur maritime d'avoir fait voyager les conteneurs sur le pont de son navire, les appelantes ne contestant pas que le navire était équipé d'installations appropriées pour le transport en pontée des conteneurs ;
Alors que la clause figurant au recto du connaissement aux termes de laquelle « il est de plus expressément convenu que le transporteur peut charger toute marchandise en pontée sans en aviser le chargeur, ces marchandises seront considérées comme des marchandises chargées en cale pour ce qui est des limitations de responsabilité de même que pour ce qui est de l'avarie commune », ainsi que celle mentionnant que « les marchandises qu'elles soient ou non placées dans des conteneurs peuvent être chargées en pontée ou sous pont, sans préavis du marchand, à moins qu'il ne soit spécialement stipulé au verso du présent document que le conteneur ou les marchandises seront transportées sous pont. Si elles sont transportées en pontée, il ne sera pas demandé au transporteur de noter, marquer ou tamponner sur ce connaissement la spécification d'un tel transport en pontée », ne permettent pas, lors de la création du connaissement, de connaître l'option qui sera finalement choisie et dispense même le transporteur, en cas de mise en pontée, de recueillir postérieurement l'autorisation de son cocontractant sur ce mode de chargement ; que ces clauses ne peuvent tenir lieu de la déclaration de mise sur le pont de la marchandise, celle-ci fût-elle placée en conteneurs sur un navire muni d'installations appropriées, qui est seule prévue à l'article 1er c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; qu'en énonçant que le chargement en pontée avait été régulièrement effectué dès lors que le chargeur-expéditeur ne contestait pas avoir eu connaissance que les conteneurs pouvaient être transportés en pontée en vertu des clauses précitées du connaissement qu'il avait acceptées et qu'il avait donc autorisé le chargement en pontée, la cour d'appel a violé l'article 1er c) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée, pour l'unification de certaines règles en matière de connaissements.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Ralph Z...agissant en sa qualité de mandataire général unique pour la Belgique des Lloyd's et en particulier du Kiln Combined Syndicate 510, la société Amlin Corporate Insurance, la société AXA Corporate Solutions, la société Aegon Schadeverzekering, la société Generali Schadeverzekeringsmaatschappij et la société Allianz Versicherungs-AG de leurs demandes aux fins de voir condamner la société CMA-CGM, venant aux droits de la société Delmas, à leur payer la somme de 483. 225, 41 euros avec les intérêts légaux à compter du 12 mars 2009,
Aux motifs propres que pour se libérer de l'obligation qui pèse sur lui, le transporteur maritime soutient alors que les conditions de navigation ont été anormalement pénibles et que la chute des conteneurs et les avaries subies résultent de « l'accident de mer » ou de la « fortune de mer » puisqu'une tempête d'une particulière importance s'est levée sur l'Atlantique au cours de la traversée du golfe de Gascogne par le M/ S Marie Delmas ; qu'il affirme qu'il ne peut lui être reproché les conditions d'arrimage des conteneurs et d'ailleurs, les sociétés appelantes ne démontrent pas qu'elles n'ont pas été adaptées ; que les premiers juges ont parfaitement énuméré les gestes effectués par la société Delmas pour renforcer l'arrimage des conteneurs à l'arrivée du mauvais temps, la décision prise par le commandant du navire d'en réduire la vitesse, de se dévier de sa trajectoire normale pour éviter le gros de la tempête ; qu'ils ont également parfaitement mentionné les conditions de mer dans la zone où se trouvait le navire, la très forte vitesse du vent, la hauteur des vagues mesurées à plus de 10 mètres ; qu'en conséquence, c'est par des motifs pertinents que la cour confirme que la société CMA-CGM venant aux droits de la société Delmas a démontré que les dégâts subis par la cargaison transportée résultent de cette traversée anormalement pénible entre le 7 et le 10 décembre 2007 dans le golfe de Gascogne qui revêtait pour elle les caractéristiques de la fortune de mer ; qu'il y a lieu de confirmer l'exonération de responsabilité retenue par les premiers juges pour les préjudices résultant tant de la perte des 20 conteneurs en mer que de la dégradation des 9 autres conteneurs ainsi transportés ; qu'il convient de confirmer le débouté des appelants de l'intégralité de leurs réclamations,
Et aux motifs adoptés des premiers juges que le défendeur verse aux débats : le statement of fact établi par le capitaine daté du 10. 12. 2007 précisant avoir réduit sa vitesse en raison du mauvais temps, avoir été informé de l'existence d'une très forte mer et de la houle anormale jusqu'à 13 mètres, au Nord dans le golfe de Gascogne, avoir changé de direction, avoir subi la perte de conteneurs à la mer en raison de la houle anormalement forte, alors que les conteneurs étaient positionnés sur 4 hauteurs, correctement arrimés avec une barre d'arrimage sur le côté : doubles filins croisés et longues élingues sur les cotés, une longue barre de fixation a été ajoutée par l'équipage avant l'arrivée du mauvais temps ; le rapport d'ARGOSS établi le 16. 01. 2008 étudiant la hauteur des vagues entre le 08 et le 10 décembre 2007 dans la Bay de Biscay, zone maritime concernée par la tempête. Ce rapport met en évidence des vagues très importantes entre 12 mètres et 14 mètres (latitude 44.° N et 45.° N-zone espagnole-Cap Finistère) et 20 mètres (latitude 48.° N-zone au large de la Manche) le 09. 12. 2007 entre 06 : 00 et 12 : 00 UTC ; que le tribunal relèvera, selon les mentions du statement of fact, que le navire le 09 décembre 2007 avant 0800 LT se trouvait en position 44 31. 3 Nord et à 1358 LT en position 45 06 ; que le tribunal relèvera que le navire se trouvait dans la zone concernée par la tempête ; que les comptes rendus météo datés du 9 décembre 2007, font état pour la période du 9 décembre 2007 dans le Nord Finistère, pointe du Raz : des rafales de vent dépassant 100 km/ heure, des vagues importantes (10 mètres à la côte et 15 mètres à l'entrée de la Manche), des conditions climatiques entrainant divers incidents maritimes, à savoir des annulations de transport, des pertes de cargaison à la mer ; que les demandeurs tout en contestant l'ampleur de la tempête, son caractère anormal en cette période de l'année, ne rapportent aucun élément de preuve à l'appui de leurs dires pour les justifier ; que le tribunal a examiné les mentions du statement of fact, faisant état des mesures de sécurisation prises (à savoir, barre d'arrimage sur le côté et doubles filins croisés et longues élingues sur le côté) et renforcées à l'annonce d'une tempête (une longue barre de fixation a été ajoutée par l'équipage à l'annonce du mauvais temps) ; que les demandeurs ne justifient pas par des éléments techniques probants que ces mesures de sécurisation étaient défectueuses ou insuffisantes ; qu'au contraire, le rapport d'expertise versé au débat atteste de l'arrachement des coins iso des conteneurs ; que le tribunal au regard des éléments de preuve rapportés, considèrera que le transporteur maritime n'a commis aucune faute et pris les mesures conservatoires nécessaires, en changeant de cap et en effectuant un complément d'arrimage ; que le tribunal, au vu des éléments de preuve fournis, considère qu'il est rapporté l'existence d'un événement anormalement pénible, résultant d'un concours de circonstances dans lesquelles entrent en cause, la force du vent, l'état de la mer, la hauteur des vagues, en lien direct avec la perte et les dommages aux conteneurs, événement constitutifs d'un cas d'exonération au titre « des périls, dangers ou accidents de la mer ou d'autres eaux navigables »,
Alors, d'une part, qu'il incombe à celui qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que c'est au transporteur qui prétend s'exonérer de sa responsabilité présumée de démontrer l'existence du cas exonératoire qu'il invoque ; qu'en énonçant que la société CMA-CGM venant aux droits de la société Delmas, était fondée à se prévaloir de l'exonération de responsabilité au titre de la fortune de mer aux motifs adoptés des premiers juges que « les demandeurs, tout en contestant l'ampleur de la tempête, son caractère anormal en cette période de l'année, ne rapportent aucun élément de preuve à l'appui de leurs dires, pour les justifier », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil,
Alors, d'autre part, que dans leurs conclusions d'appel signifiées le 12 février 2013 les assureurs faisaient valoir que le rapport de mer versé aux débats ne mentionnait ni la force des vents, ni la hauteur des vagues, de sorte qu'il n'était pas établi que le navire « Marie Delmas » aurait été confronté à des conditions de mer exceptionnelles constitutives d'un cas d'exonération au titre de la fortune de mer eu égard aux caractéristiques du navire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-23879
Date de la décision : 18/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 30 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 nov. 2014, pourvoi n°13-23879


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.23879
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