LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à partir du 29 octobre 2002 par la société LCTC en qualité d'attachée commerciale, et dont le contrat de travail a été transféré à la société Steamo, puis à la société Kertel, a été licenciée le 15 octobre 2008 pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Vu les articles 1147 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de la nullité de la clause de non-concurrence faute de contrepartie financière, l'arrêt retient qu'elle ne peut prétendre à des dommages-intérêts que si elle justifie avoir respecté cette clause et qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'elle a été embauchée le 2 mars 2009 par une entreprise concurrente, exerçant une activité similaire à celle de la société qui l'employait ;
Qu'en statuant ainsi alors que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 3 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société BTSG, ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement reposait sur une faute grave et d'avoir en conséquence débouté Madame Habiba X... épouse Y... de l'intégralité de ses demandes
Aux motifs que selon la lettre de licenciement , les griefs reprochés à Madame Y... ont été exprimés en termes précis ; « vous avez été engagée en qualité d'attachée commerciale en date du 29 octobre 2002 ; pour rappel à votre retour de congé maternité, vous aviez positionné votre candidature à l'offre de mobilité interne au poste d'assistante d'administration des ventes au sein de notre entité L.COM ; après quelques entretiens tant au sein de Kertel qu'avec le directeur général d'L.COM nous avions consenti à vous transférer au sein d'L.COM et nous nous étions organisés en conséquence ; une journée sur place vous a suffi à changer d'avis et de décider finalement de reprendre votre poste auprès de la société Kertel ; Nous avons là encore accédé à votre demande ; Dans les mois qui ont suivi votre retour au sein de Kertel , vous avez fait savoir que vous souhaitiez dorénavant, vous orienter vers un poste de recouvrement, ce que votre responsable hiérarchique vous a là aussi accordé, puisque depuis le mois de septembre dernier vous avez basculé vers le recouvrement au sein de l'administration des ventes ; avant même que nous ayons eu le temps de formaliser cette nouvelle fonction, comme nous avons pu vous l'indiquer plusieurs salariés sont venus notamment le jeudi 25 septembre 2008 et le vendredi 26 septembre 2008 porter à notre connaissance des faits particulièrement graves vous concernant ; ceux-ci nous ont indiqué avoir été victimes pour certains et témoins pour d'autres de propos inadmissibles et déplacés que vous avez tenus à l'encontre de certains de vos collègues ; pour n'en citer que certains, concernant vos collègues d'origine marocaine : « vous les marocaines , n'êtes que des pétasses, des sorcières et des arriérées » et du même niveau en ce qui concerne les personnes de confession juive ou bien les homosexuels ; en plus de ces propos déplacés, vous n'avez pas hésité à dénigrer le travail de vos collègues, qui , nous vous le rappelons étaient les vôtres, il y a peu de temps encore, en avançant par exemple « je suis très contente de ne plus faire votre travail de merde » ; déstabilisées et choquées ces personnes ont fini par s'en ouvrir à nous et nous ne vous cachons pas avoir été consternés par un tel comportement ; la concordance des témoignages que nous avons recueillis ne laisse malheureusement aucune place au doute sur la réalité et la gravité des faits relatés ; nous sommes d'autant plus consternés que nous avions déjà dû vous alerter il y a quelques mois à peine sur votre attitude à l'égard de certains de vos collègues et sur vos remarques particulièrement désobligeantes visant à les rabaisser ; les propos que vous avez tenus sont intolérables et susceptibles notamment de porter atteinte à l'équilibre et à l'intégrité morale des salariés à qui ils sont adressés ; ils révèlent en outre un mépris des obligations élémentaires que doit respecter tout salarié dans son environnement professionnel, notamment à l'égard de ses collègues de travail et ne peut que ruiner les relations professionnelles indispensables au bon fonctionnement de notre société ; nous ne vous cachons pas être particulièrement choqués par votre comportement surtout au regard de nos valeurs et notre volonté à souligner et mettre en avant la diversité qui existe au sein des différentes entités du groupe ; nous avons toujours été attentifs à votre situation et à vos attentes y compris lorsque vous changiez d'avis en l'espace de 24 heures sans même donner une chance à une nouvelle opportunité que vous aviez pourtant souhaitée au sein d'L.COM ; vous comprendrez donc que nous ne pouvons envisager que nos salariés puissent subir ce genre de propos et nous sommes contraints de dresser le constat suivant : la situation est irrémédiablement bloquée de votre seul fait et elle ne saurait perdurer ; nous sommes donc contraints de sous signifier votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement dès réception de cette lettre ; votre solde de tout compte sera arrêté sans indemnité de préavis ni de licenciement » ; il ressort des écritures et des pièces versées aux débats que Madame Habiba Y... n'a fourni aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision du juge départiteur, lequel a fait une exacte appréciation tant en droit qu'en fait des circonstances de la cause par des motifs pertinents que la cour adopte , étant encore observé que : -la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier qui s'est placé sur ce terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce les propos tenus par la salariée sont établis par des attestations précises et circonstanciées de Madame Caroline Z...( responsable de l'administration des ventes), de Madame Imane A... épouse B... (assistante administration des ventes), confirmant avoir entendu des propos violents et mal placés revêtant parfois un caractère raciste et antisémite envers plusieurs collègues, ces propos étant déguisés par des « touches d'humour » et de monsieur C... montrant le mépris exprimé par Madame Y... lors de la promotion de Madame Z... ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, il s'agit de faits parfaitement datés par la dénonciation faite à l'employeur les 25 et 26 septembre 2008 par plusieurs salariés dénonçant des faits dont ils étaient victimes depuis plusieurs semaines et par l'attestation notamment de Madame Z... qui en confirme les circonstances précises ainsi que les noms des salariées visées par ces propos ; qu'aucune enquête supplémentaire n'était en l'espèce nécessaire pour les établir ; que ces propos d'un humour douteux comme l'a relevé le magistrat départiteur, sont dépourvus d'ambiguïté et étaient parfaitement désobligeants et insultants pour les salariés qu'ils visaient et ne pouvaient en tout état de cause être tolérés par l'employeur, tenu à une obligation de sécurité et de résultat en ce qui concerne la santé des travailleurs dans l'entreprise, notamment en ce qui concerne la prévention des faits de harcèlement moral que ces faits sans rapport avec les propositions de modification de contrat sollicitées par la salariée elle-même ont été à juste titre qualifiés de faute grave et empêchaient le maintien de Madame Y... dans la société, même pendant la durée limitée du préavis ; il y a donc lieu de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté les demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;
Alors que les propos injurieux et désobligeants tenus par un salarié à l'égard d'un autre ne caractérisent pas à eux seuls la faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail ; qu'il appartient aux juges du fond de prendre en considération, le contexte, le comportement antérieurement irréprochable du salarié, ainsi que la qualité de son travail tout au long de ses années de présence dans l'entreprise ; que la cour d'appel qui a décidé que « les propos d'humour douteux » qualifiés de « désobligeants et insultants pour les autres salariés » constituaient une faute grave et justifiaient le licenciement immédiat de la salariée, sans rechercher si l'absence de reproche antérieur sur le comportement de la salariée tout au long de sa carrière au sein de l'entreprise, ses qualités professionnelles reconnues alors qu'une promotion lui avait été proposée quelques semaines avant le licenciement, n'étaient pas de nature à exclure la faute grave, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L 1234-5 et L 1234-9 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de sa demande de dommages intérêts au titre de la clause de non concurrence
Aux motifs que Madame Y... a invoqué pour la première fois en cause d'appel, la nullité de la clause de non concurrence incluse dans son contrat de travail et non levée lors de la rupture de ce contrat ; le contrat de travail initial prévoyait effectivement en son article 11 une clause de non-concurrence ainsi libellée : « compte tenu de la nature des fonctions exercées par Madame Habiba X... au sein de la société LCTC Carte Téléphonique 365 Habiba X... s'engage postérieurement à la rupture de son contrat de travail qu'elle qu'en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société LCTC Carte Téléphonique 365 ; elle s'engage donc à ne pas travailler en qualité de salariée ou de non-salariée pour une entreprise concurrente et à ne pas créer directement ou indirectement par personne interposée, d'entreprise ayant des activités concurrentes à celles de la société LCT Carte téléphonique 365 c'est-à-dire les télécommunications ; cet engagement est limité sur le territoire français et à une durée de deux ans » ; contrairement à ce que soutient le mandataire liquidateur, ce contrat initial, à l'origine à durée déterminée a continué à régir les relations entre les parties lorsqu'il s'est transformé en contrat à durée indéterminée, la clause de non concurrence ayant par ailleurs été transmise avec le contrat lors de la modification de la situation juridique de l'employeur et du transfert du contrat de travail en application de l'article L 1224-1 du code du travail ; il faut constater en tout état de cause qu'à aucun moment, la clause de non concurrence n'a été expressément supprimée ; si la nullité de la clause peut être soulevée par la salariée en raison du fait qu'elle est dépourvue de contrepartie pécuniaire, il lui appartient cependant de démontrer comme le fait observer l'UNEDIC, qu'elle a respecté cette clause pour prétendre au versement de dommages intérêts ; en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Madame Y... a été embauchée le 2 mars 2009, par la société Midi Telecom, entreprise concurrente exerçant une activité similaire à celle de la société Kertel, en qualité d'assistante administrative ; la salariée sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 18000 € à titre de dommages intérêts ;
Alors que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence sans contrepartie financière est nulle ; qu'une telle stipulation qui méconnaît la liberté fondamentale du salarié d'exercer son activité professionnelle, cause nécessairement un préjudice au salarié ; que la cour d'appel qui a constaté que la clause de non-concurrence était dépourvue de contrepartie financière mais que la salariée qui avait retrouvé un travail dans une entreprise concurrente le 2 mars 2009, ne démontrait pas qu'elle avait respecté cette clause nulle, et ne pouvait prétendre au versement de dommages-intérêts ; qu'en refusant ainsi de réparer le préjudice que la salariée avait nécessairement subi du fait de la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil et l'article L 1121-1 du code du travail
Et alors qu'en tout état de cause, il résulte des constatations de l'arrêt que Madame X... n'a été embauchée par une société concurrente que plus de 4 mois après son licenciement ; qu'en énonçant que la salariée n'établissait pas avoir respecté la clause concurrence nulle, alors qu'il résultait de ses propres constatations qu'elle l'avait effectivement respectée pendant plus de 4 mois, la cour d'appel a encore violé l'article 1147 du code civil et l'article L 1121-1 du code du travail