LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 1er juillet 2013), que M. X... et Mme Y..., épouse X..., ont acquis la propriété d'un ensemble immobilier pour le financement duquel ils ont souscrit deux prêts auprès de la banque Kaupthing Singer et Friendlander Limited (la banque), le premier, par actes authentiques des 5 et 15 mars 2004, et le second, par acte authentique du 3 juillet 2007 ; qu'en l'absence de remboursement, la banque a fait délivrer, le 30 mars 2012, un commandement de payer à l'encontre de M. et Mme X..., et, le 10 juillet 2012, les a fait assigner à comparaître, à l'audience d'orientation du juge de l'exécution ; que M. et Mme X... ont invoqué la nullité des actes de prêt pour défaut de respect du délai prévu par l'article L. 312-10 du code de la consommation et formé diverses demandes reconventionnelles ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de refuser de déclarer nuls les titres exécutoires dont se prévalait la banque et d'avoir en conséquence ordonné la vente à l'amiable de leur bien, ainsi que d'avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts et d'indemnité, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 5 de la Convention de Rome applicable au contrat litigieux dispose en son paragraphe 2 que « nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle » ; qu'ainsi, pour l'application de cet article, seule doit être prise en considération la résidence habituelle du consommateur et non son domicile ; que la cour d'appel, en se bornant à statuer au regard du « domicile » des époux X... figurant sur les actes de prêt sans rechercher si, comme cela lui était demandé, celui-ci constituait leur résidence habituelle, a confondu les deux notions et a ainsi violé les articles 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et L. 312-10 du code de la consommation ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait quand il résulte des propres termes de son arrêt, d'une part, que l'article 19 de chaque contrat de prêt indique le château de Bétous, en France, comme adresse de correspondance, d'autre part, que la banque a effectivement adressé ses courriers aux époux X... à leur résidence française à Bétous et, enfin, que M. et Mme X... étaient fiscalement assujettis en France, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résidence des époux X... était bien fixée, comme ils le soutenaient, à Bétous en France, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient et a derechef violé l'article 5 de la Convention de Rome et l'article L. 312-10 du code de la consommation ;
Mais attendu que l'arrêt ayant retenu, par un motif non critiqué, qu'il résultait de l'article 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que la loi du pays dans lequel l'emprunteur a sa résidence habituelle est applicable aux contrats de financement de la fourniture d'objets mobiliers corporels et non aux contrats de financement immobiliers, le moyen, qui se fonde sur la violation de ce texte, est inopérant en ses deux branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables à invoquer le moyen de nullité tiré de l'absence de délai de réflexion viciant les prêts des 5 et 15 mars 2004 et du 3 juillet 2007, ainsi que d'avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts et d'indemnité, alors, selon le moyen :
1°/ que par simple application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen de cassation, lequel soutient que les obligations résultant du code de la consommation français étaient applicables au litige, entraînera par voie de conséquence la cassation du même arrêt en ce que qu'il a dit que, le code de la consommation n'étant pas applicable, les époux X... sont irrecevables à invoquer le moyen de nullité tiré de l'absence de délai de réflexion viciant les prêts des 5 et 15 mars 2004 ;
2°/ que l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en relevant que les époux X... avaient jusqu'au 9 mai 2012 pour soulever la nullité des actes de prêts, alors que ceux-ci invoquaient devant la cour d'appel une exception de nullité qui était de ce fait perpétuelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1304 du code civil, ensemble le principe suivant lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;
3°/ que l'exception de nullité n'est perpétuelle que si l'obligation n'a pas été exécutée par celui qui invoque cette exception ; qu'en disant l'action prescrite sans avoir constaté une exécution totale ou partielle des contrats litigieux conclus en 2004 et en 2007 qui ferait obstacle au jeu du caractère perpétuel de l'exception de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil et du principe suivant lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, que le premier moyen a été rejeté ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, d'une part, que les contrats de prêt des 5 et 15 mars 2004 n'étant pas soumis au code de la consommation, aucune nullité tirée du non-respect des dispositions du même code n'est recevable, et, d'autre part, que le contrat de prêt du 3 juillet 2007 est soumis au code de la consommation, conformément à la volonté des parties, mais constate que M. et Mme X... n'ont pas remboursé la banque, ce dont il résulte que celle-ci avait exécuté, au moins en partie, le contrat du 3 juillet 2007, par la remise des sommes empruntées, au jour où était invoquée l'exception de nullité ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de déclarer irrecevables les exceptions de nullité des contrats de prêt litigieux, abstraction faite des motifs surabondants par lesquels la cour d'appel a déclaré irrecevable l'exception de nullité des prêts souscrits les 5 et 15 mars 2004, au motif de l'expiration du délai de prescription quinquennale, critiqués par la troisième branche ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer à la banque Kaupthing Singer et Friendlander Limited la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de déclarer nuls les titres exécutoires dont se prévaut la Banque KSF et d'avoir en conséquence ordonné la vente à l'amiable de l'immeuble des époux X..., ainsi que de les avoir déboutés de leurs demandes de dommages intérêts et d'indemnité ;
AUX MOTIFS QUE la Convention de Rome indépendamment de la loi choisie permet l'application protectrice du code de la consommation français, loi de police, qui oblige « tous ceux qui habitent sur le territoire français » ; que la loi dite Schrivner doit ainsi s'appliquer aux crédits souscrits auprès d'une banque étrangère, même établie hors du territoire national, dès l'instant que l'emprunteur réside en France au moment de la conclusion du contrat ; qu'à cet égard, les parties ont expressément soumis leurs rapports contractuels à la loi anglaise pour les stipulations du contrat et à la loi française quant aux règles régissant les sûretés et garanties ; que les époux X... ont alors déclaré, selon mentions portées aux actes authentiques signés les 5 et 15 mars 2004 devant un notaire, être domiciliés à Chypre ; qu'aucun élément ne permet de démontrer que les époux X... se sont fait reconnaître comme résidents français, qu'or il n'appartient pas à un établissement bancaire de s'immiscer dans la vie de ses clients, sachant que ces derniers ont de nombreuses résidences en Europe, notamment en Suisse, domiciliation élue du prêt du 3 juillet 2007, mais aussi de celui contracté en 2000 auprès du Crédit Agricole ; que l'envoi de courriers par la banque à Bétous n'est pas plus de nature à rapporter la preuve de leur qualité de résidents français, dès lors que l'article 19 de chaque contrat de prêt stipule que les notifications peuvent être faites par la banque soit au domicile des X..., soit à Bétous ; qu'enfin les époux X... pas plus ne peuvent tirer des redressements fiscaux qui leur ont été notifiés la preuve de leur qualité de résidents français, dès lors que il ne s'évince pas automatiquement d'une imposition fiscale en France une résidence fiscale en France ; que la convention fiscale entre la France et le Royaume Uni prévoit un certain nombre d'impositions en France indépendamment de la résidence fiscale, comme les revenus de biens immobiliers et certains revenus de valeurs mobilières ; qu'ils produisent, au titre de l'année 2004, un avis d'imposition sur le revenu qui ne permet pas de caractériser les revenus imposés et que l'avis de 2006 a été établi à l'adresse d'un cabinet d'avocats parisiens ; qu'en dernier lieu, les époux X... ne sauraient reprocher à la banque de nationalité anglaise la nonconformité de son offre de prêt aux stipulations du droit de la consommation français, dès lors qu'eux-mêmes n'ont pas porté à sa connaissance qu'ils entendaient se voir reconnaître la qualité de résident français, privant cette dernière de la mise en conformité de son offre avec les stipulations du code de la consommation français, sachant au plus fort, que les conventions font foi entre les parties et s'exécutent de bonne foi ;
ALORS, d'une part, QUE l'article 5 de la Convention de Rome applicable au contrat litigieux dispose en son paragraphe 2 que « nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle » ; qu'ainsi, pour l'application de cet article, seule doit être prise en considération la résidence habituelle du consommateur et non son domicile ; que la cour d'appel, en se bornant à statuer au regard du « domicile » des époux X... figurant sur les actes de prêt sans rechercher si, comme cela lui était demandé, celui-ci constituait leur résidence habituelle, a confondu les deux notions et a ainsi violé les articles 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et L. 312-10 du code de la consommation ;
ET ALORS d'autre part, QU'en statuant comme elle l'a fait quand il résulte des propres termes de son arrêt, d'une part, que l'article 19 de chaque contrat de prêt indique le château de Bétous, en France, comme adresse de correspondance, d'autre part, que la banque a effectivement adressé ses courriers aux époux X... à leur résidence française à Bétous et, enfin, que M. et Mme X... étaient fiscalement assujettis en France, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résidence des époux X... était bien fixée, comme ils le soutenaient, à Bétous en France, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient et a derechef violé l'article 5 de la Convention de Rome et l'article L. 312-10 du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les époux X... irrecevables à invoquer le moyen de nullité tiré de l'absence de délai de réflexion viciant les prêts du 5 et 15 mars 2004 et du 3 juillet 2007, ainsi que d'avoir rejeté leurs demandes de dommages intérêts et d'indemnité,
AUX MOTIFS QUE : « n'étant pas soumis au code de la consommation, aucune nullité tirée du non-respect de ces mêmes dispositions ne saurait être recevable ; que, toutefois, il convient de rappeler que l'article L. 311-15 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure dispose que « le contrat de prêt est parfait dès l'acceptation de l'offre » et que c'est donc à cette date qu'il convient de se placer, sachant que l'exception de nullité tirée de l'absence de délai de réflexion est une nullité relative qui se prescrit par cinq ans et que s'agissant des prêts consentis en 2004 et en 2007, les consorts X... qui ont accepté l'offre plus de cinq ans avant ne sont plus recevables à l'invoquer » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE par simple application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen de cassation, lequel soutient que les obligations résultant du code de la consommation français étaient applicables au litige, entraînera par voie de conséquence la cassation du même arrêt en ce que qu'il a dit que, le code de la consommation n'étant pas applicable, les époux X... sont irrecevables à invoquer le moyen de nullité tiré de l'absence de délai de réflexion viciant les prêts du 5 et 15 mars 2004 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en relevant que les époux X... avaient jusqu'au 9 mai 2012 pour soulever la nullité des actes de prêts, alors que ceux-ci invoquaient devant la cour d'appel une exception de nullité qui était de ce fait perpétuelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1304 du code civil, ensemble le principe suivant lequel l'exception de nullité est perpétuelle ;
ET ALORS, ENFIN, QUE l'exception de nullité n'est perpétuelle que si l'obligation n'a pas été exécutée par celui qui invoque cette exception ; qu'en disant l'action prescrite sans avoir constaté une exécution totale ou partielle des contrats litigieux conclus en 2004 et en 2007 qui ferait obstacle au jeu du caractère perpétuel de l'exception de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du code civil et du principe suivant lequel l'exception de nullité est perpétuelle.