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13/11/2014 | FRANCE | N°13-22702

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 novembre 2014, 13-22702


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a accouché, le 16 décembre 1995, d'une fille qui présente une paralysie du plexus brachial imputable à la manoeuvre de réduction, au cours de l'accouchement, d'une dystocie de l'épaule ; que les époux X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de l'enfant, devenue majeure ont assigné en responsabilité M. Y.

.., médecin obstétricien qui avait réalisé l'accouchement ;
Attendu que, po...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a accouché, le 16 décembre 1995, d'une fille qui présente une paralysie du plexus brachial imputable à la manoeuvre de réduction, au cours de l'accouchement, d'une dystocie de l'épaule ; que les époux X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de l'enfant, devenue majeure ont assigné en responsabilité M. Y..., médecin obstétricien qui avait réalisé l'accouchement ;
Attendu que, pour retenir que la lésion du plexus brachial n'est pas due à une faute de M. Y... mais à un aléa thérapeutique, l'arrêt énonce, d'une part, qu'il n'existait pas de risque particulier de macrosomie foetale et qu'il n'y avait pas nécessité de préconiser le recours à une césarienne, d'autre part, que la dystocie des épaules n'était pas normalement prévisible lors du suivi de la grossesse et que le médecin n'avait pas eu le sentiment d'être confronté à cette complication lors de l'accouchement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la dystocie était apparue lors de la traction de l'épaule et que le médecin n'avait pas procédé, à ce stade de ses opérations, à une épisiotomie, ni à aucune des manoeuvres préconisées en pareil cas, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer aux consorts X... la somme globale 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit qu'aucune faute n'était prouvée à l'encontre du docteur Jérôme Y... et débouté en conséquence les consorts Philippe et Sylvia X... de leurs demandes de condamnation du docteur Y... à indemniser leur préjudice et celui de l'enfant Noémie X... ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1147 du Code civil, il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l'engagement de donner des soins attentifs, consciencieux et, sous réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ; qu'il appartient au patient qui invoque la responsabilité du praticien de rapporter la preuve d'une faute commise par ce dernier ; que de plus selon les textes en vigueur lors des faits, et les principes jurisprudentiels dégagés avant l'intervention de la loi du 4 mars 2002, qui n'est pas applicable au présent litige relatif à des soins antérieurs au 5 septembre 2001, hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, son médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés, et il n'est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ; qu'il appartient à celui qui est contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; que le travail s'est déroulé dans les conditions suivantes arrivée à la clinique en début de travail, membranes rompues : 8h30, arrivée en salle de travail, dilatation à 4cm, rythme cardiaque de l'enfant bon, bon tout au long du travail ; 9h00 dilatation 4 cm, liquide amniotique clair ; 10h00 dilatation toujours à 4 cm, faibles contractions, mise en place d'une perfusion d'ocytocine ; à partir de 11h la dilatation progresse, elle est complète à 13 heures et la tête est engagée ; que le travail est donc relativement rapide, il n'y a pas eu de déclenchement ; que l'utilisation des spatules de THIERRY pour diminuer le risque de rupture utérine d'un utérus cicatriciel n'est pas critiquée ; que sur le passage des épaules, Madame X... déclare avoir entendu "ça ne passe pas aux épaules" ; que son mari ne confirme pas, il indique une difficulté mais pas de panique, il a le sentiment d'une urgence ; que le Docteur Y... n'a pas eu le sentiment d'être confronté à une dystocie des épaules, il n'a pas procédé à une épisiotomie, ni aucune des manoeuvres recommandées en cas de dystocie (manoeuvre de Mac Roberts ou Jacquemier) ; qu'il a procédé à une traction de l'épaule qui a été suffisante pour entraîner des lésions du plexus brachial ; que le risque de macrosomie foetale n'était pas constitué dans le cadre du suivi de Madame X... de sorte qu'il pouvait être envisagé une naissance par voie basse et que le Docteur Y... n'avait pas d'informations particulières à donner à une parturiente qu'il assistait pour la deuxième fois dans son accouchement ; que le Docteur Y... n'a pas manqué à son devoir d'information et de conseil ; que l'enfant souffre d'une dystocie des épaules ayant entraîné une lésion du plexus brachial qui est la conséquence directe de l'accouchement. Il est reproché au Docteur Y... de ne pas avoir procédé à une césarienne et de ne pas avoir effectué les manoeuvres de sauvetage en présence d'une dystocie des épaules, que le choix d'une césarienne n'était pas justifié en l'absence de macrosomie foetale ; que la césarienne à laquelle le Docteur Y... avait procédé pour le précédent accouchement de Madame X... avait été justifiée par une souffrance foetale et son défaut d'engagement, aucune de ces hypothèses ne s'étant présentées pour Noémie, alors que les mensurations du bassin de la mère ne présentaient aucune difficulté ; que l'expulsion s'est faite à l'issue d'un travail de 5 heures après une dilatation rapide après la pose d'une perfusion d'ocytocine ; que le déclenchement était déconseillé en présence d'un utérus cicatriciel, et alors que le terme n'était pas dépassé ; que l'usage des spatules de THIERRY n'est pas critiqué, il était adapté en présence d'un utérus cicatriciel ; que la dystocie n'était pas normalement prévisible en l'absence de signes de macrosomie foetale, elle est apparue lors de la traction de l'épaule, il s'agit d'un accident médical sans faute qui procède de l'aléa thérapeutique, le praticien ayant agi conformément aux données acquises de la science ; que le praticien n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité dans le déroulement de l'accouchement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE les demandeurs reprochent au Docteur Y... de n'avoir pas informé sa patiente sur les risques de macrosomie et sur les risques maternofoetaux et de ne pas avoir sollicité son avis sur le choix du mode d'accouchement par voie naturelle ou par césarienne ; que l'expert A... répond de façon positive à la question sur le respect du praticien de son devoir d'information et de conseil sans donner plus de précision au Tribunal ; qu'à l'époque de l'accouchement, les articles L. 1111-2 du Code de la santé publique et 16-3 du Code civil n'étaient pas en vigueur et le praticien était tenu, en application du contrat de soins qui le liait à sa patiente, d'une obligation générale d'information qui devait porter sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles ; qu'il vient d'être relevé que le risque de macrosomie foetale n'était pas constitué dans le cadre du suivi de la grossesse de Madame X... de sorte que le Docteur Y... n'était pas tenu d'une information particulière sur ce risque pas plus que du mode d'accouchement à choisir en fonction de la réalisation de ce risque ; que dans ces conditions, il convient de dire que le manquement reproché au Docteur Y... à son obligation d'information et de conseil n'est pas constitué ; qu'il est reproché au Docteur Y... de ne pas avoir choisi d'accoucher Madame X... par césarienne et de ne pas avoir effectué lors de l'expulsion de l'enfant Noémie X... les gestes préconisés par les bonnes pratiques médicales en cas de dystocie des épaules, à savoir la manoeuvre de Mac Roberts ou celle de Jacquemier ; qu'il est démontré par l'expertise du Professeur A... et non contesté par le Docteur Y... que la lésion du plexus brachial dont souffre la jeune Noémie X... est effectivement la conséquence directe de l'accouchement et il appartient au Tribunal de dire si sont fautifs, d'une part le choix d'accoucher par les voies naturelles, et d'autre part le fait d'avoir omis de pratiquer les manoeuvres préconisées en cas de dystocie des épaules ; que l'expert A... explique qu'à son avis le choix d'une césarienne prophylactique n'était nullement justifié en l'absence de risque particulier de macrosomie foetale et le Tribunal a déjà relevé qu'il suivait l'avis de l'expert parfaitement motivé sur cette absence de risque particulier et donc sur l'absence de nécessité de pratiquer une césarienne ; qu'il sera rappelé que si Madame X... avait accouché par césarienne lors de la naissance de son second enfant, c'est, non pas en raison de difficultés tenant aux mensurations de l'enfant ou à celles du bassin de la mère, mais en raison de la souffrance foetale de l'enfant et à son défaut d'engagement ; que le Professeur A... relève que le travail a duré 5 heures et la dilatation s'est effectuée rapidement après la pose de la perfusion d'ocytocine ; que l'expulsion a été assistée par des spatules de Thierry compte tenu de l'utérus cicatriciel de Madame X... et le Docteur Y... n'a pas effectué les manoeuvres préconisées en cas de dystocie des épaules ; que l'expert ne relève pas de faute et indique que la dystocie des épaules et ses conséquences relèvent de l'aléa thérapeutique ; que le Tribunal estime que la preuve d'une faute du Docteur Y... n'est pas rapportée dans la mesure où cette dystocie n'était pas normalement prévisible lors du suivi de la grossesse et où pendant l'accouchement elle n'est pas apparue au médecin accoucheur sans qu'une négligence ou une imprudence puisse être retenue contre lui ; qu'en conséquence, le Tribunal dit et juge que si la lésion du plexus brachial de la jeune Noémie X... est consécutive à l'accouchement pratiqué par le Docteur Y..., elle n'est pas le résultat d'une faute de ce médecin qui ne peut voir sa responsabilité engagée par application de l'article 1147 du Code civil ;
1°) ALORS QU'hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés, et il n'est pas dispensé de cette information par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ; qu'en jugeant que le docteur Y... n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil envers Mme X..., relativement au risque d'un foetus macrosome, au motif inopérant que « le risque de macrosomie foetale n'était pas constitué dans le cadre du suivi de Madame X... de sorte qu'il pouvait être envisagé une naissance par voie basse et que le Docteur Y... n'avait pas d'informations particulières à donner » (arrêt, p. 10, § 4), quand l'absence de constitution du risque avant l'accouchement n'était pas de nature à dispenser de son obligation d'information le docteur Y..., tenu d'avertir sa patiente des risques potentiels avant qu'ils ne se réalisent, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QUE tout médecin est tenu de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; qu'en jugeant que « le praticien n'a urait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité dans le déroulement de l'accouchement » et qu'« il s'agi rai t d'un accident médical sans faute qui procède rait de l'aléa thérapeutique, le praticien ayant agi conformément aux données acquises de la science » (arrêt, p. 10, § 7 et 8) quand il résultait de ses propres constatations que le docteur Y... n'avait procédé à « aucune des manoeuvres recommandées en cas de dystocie : manoeuvre de Mac Roberts ou Jacquemier » (arrêt, p. 10, § 3, nous soulignons), comportement qui caractérise une faute médicale, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QUE tout médecin est tenu de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; qu'en jugeant que « le praticien n'a urait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité dans le déroulement de l'accouchement » et qu'« il s'agi rai t d'un accident médical sans faute qui procède rait de l'aléa thérapeutique, le praticien ayant agi conformément aux données acquises de la science » (arrêt, p. 10, § 7 et 8) au motif inopérant que « la dystocie n'était pas normalement prévisible en l'absence de signes de macrosomie foetale, elle est apparue lors de la traction de l'épaule » (arrêt, p. 10, § 7), sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, la macrosomie révélée, il n'appartenait pas au docteur Y... de procéder aux manoeuvres de sauvetage en présence d'une dystocie des épaules, l'absence de réalisation de ces manoeuvres étant constitutive d'une faute médicale de nature à engager sa responsabilité civile, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-22702
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 04 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 nov. 2014, pourvoi n°13-22702


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22702
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