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13/11/2014 | FRANCE | N°13-20530

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 novembre 2014, 13-20530


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 avril 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 23 septembre 2009, pourvoi n° T 08-18. 310), que la société Robust a confié le 1er septembre 1995 à la société Gec Alstom, aux droits de laquelle vient la société Cegelec services (Cegelec), la réalisation de deux descendeurs de sacs destinés au chargement des navires à quai ; qu'invoquant un retard de livraison, des dysfonctionnements et des dommages engendrés par une faute lourde de la société Gec A

lstom, la société Robust l'a assignée en réparation au mois de mai 199...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 avril 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 23 septembre 2009, pourvoi n° T 08-18. 310), que la société Robust a confié le 1er septembre 1995 à la société Gec Alstom, aux droits de laquelle vient la société Cegelec services (Cegelec), la réalisation de deux descendeurs de sacs destinés au chargement des navires à quai ; qu'invoquant un retard de livraison, des dysfonctionnements et des dommages engendrés par une faute lourde de la société Gec Alstom, la société Robust l'a assignée en réparation au mois de mai 1998 et a obtenu ultérieurement en référé la désignation d'un expert en invoquant des incidents de fonctionnement ; que la société Gec Alstom a assigné la société Robust pour faire constater la réception des ouvrages et obtenir le paiement de sommes retenues sur le solde dû et l'indemnisation de ses préjudices ; que le tribunal a joint les instances, a statué sur certains points et sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Rouen, qui a été établi le 30 septembre 2001 ; que la cour d'appel de Paris a désigné un collège d'expert qui a déposé son rapport le 18 avril 2004 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Robust fait grief à l'arrêt de faire application de la clause limitative de responsabilité applicable aux pénalités de retard, alors, selon le moyen :
1°/ que l'ordre de service du 29 août 1995 était expressément cité à l'article 2 du marché du 1er septembre 1995 comme faisant partie des documents contractuels liant l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage ; que pour refuser de faire application des stipulations prévues dans l'ordre de service du 29 août 1995, la cour d'appel a jugé que la « garantie de résultat en termes de délais » incluse dans cet ordre de service avait « disparu du marché » ; qu'en statuant de la sorte, elle a dénaturé les termes clairs et précis du marché du 1er septembre 1995 et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que, selon les termes mêmes de l'ordre de service du 29 août 1995, qui constituait une pièce contractuelle obligatoire du marché, l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais stipulés constituait une obligation essentielle du marché ; qu'en jugeant que « le marché n'impose pas à la société Alstom une obligation de résultat (concernant la livraison des descenseurs dans les délais stipulés) de sorte que l'intimée ne peut qualifier cette obligation d'essentielle », la cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé l'article 1134 du Code civil ;
3°/ qu'est réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; qu'en faisant application de la clause limitative de responsabilité en cas de retard de livraison, qui contredisait l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais stipulés, obligation essentielle du marché, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;
4°/ qu'une clause limitative de responsabilité ne peut recevoir application dans l'hypothèse où son bénéficiaire a commis un dol ou une faute lourde ; que la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; que l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée peut se déduire d'une accumulation de fautes dans l'accomplissement de cette mission ; qu'après avoir constaté que la société Alstom avait conduit le chantier avec « une légèreté blâmable », que « l'épisode lié à la dimension des sacs à sucre démontre du manque de sérieux dans la direction du projet », que « l'erreur commise sur le poids des structures ne peut être admise pour une entreprise appartenant à un groupe de renommée mondiale », qu'il a fallu attendre la livraison sur le site pour que cette la société Alstom « s'aperçoive d'une sous estimation de 3 tonnes du poids sur les structures de l'hélicoïde et de l'arrimeur par rapport à la note de calcul et que les principaux retards son liés à cette erreur d'origine » et que le « fonctionnement en mode dégradé » lui était imputable, la cour d'appel, qui a jugé que la société Alstom n'avait pas commis de faute lourde et que la société Robust ne pouvait être indemnisée qu'à hauteur du forfait convenu de 283 604 euros, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1150 du code civil ;
5°/ que pour s'abstenir de rechercher si la « légèreté blâmable » avec laquelle la société Alstom avait conduit le chantier, le « manque de sérieux dans la direction du projet », l'« erreur commise sur le poids des structures », le retard causé par la « sous-estimation de 3 tonnes du poids sur les structures de l'hélicoïde et de l'arrimeur par rapport à la note de calcul » et le « fonctionnement en mode dégradé » imputable à la société Alstom, n'étaient pas constitutifs d'une faute lourde privant cette dernière de la possibilité de se prévaloir de la clause limitative de responsabilité insérée au contrat, la cour d'appel s'est fondée sur les motifs inopérants selon lesquels l'ouvrage était « globalement conforme à la commande et (sans) erreur de conception globale ¿ toutes les réserves ou non-conformités pouvant être levées » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du code civil ;
6°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement de la société Alstom à l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais impartis n'était pas constitutif d'une faute lourde, dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1150 du code civil ;
7°/ qu'en ne mettant pas la Cour de cassation en mesure de savoir si, pour apprécier l'existence d'une faute lourde, elle a pris en considération le rapport déposé par M. X...le 30 septembre 2001 et les multiples manquements qu'il constatait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du code civil ;
8°/ que le juge ne peut refuser d'examiner une pièce dont la communication régulière et la discussion contradictoire ne sont pas contestées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait refuser d'examiner le rapport d'expertise du 30 septembre 2001 pour apprécier l'existence d'une faute lourde de la société Alstom ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1315 du code civil ;
9°/ que dans son rapport du 30 juin 2001, M. X...a constaté, sur l'incident du 4 décembre 1997, que « la collision de l'armoire hydraulique avec le chéneau ¿ est très probablement liée à une hauteur excessive de l'armoire, conjuguée avec l'adjonction par Alstom d'un chéneau et de son tuyau d'évacuation, donc à une erreur de conception et de construction d'Alstom » et que « les capteurs d'anti-enfouissement ¿ sont des dispositifs rudimentaires, mal conçus par Alstom, fragiles et vulnérables à l'inhibition sans outil, ce qui n'est pas admissible » ; que, sur les incidents survenus les 24 et 25 mai 1998, il a également constaté que « les anomalies de comportement des chaînes de flèche sont le résultat d'une conception inadéquate par Alstom (pas de goulotte, plan de déroulement non plat, possibilités de débattement latéral trop restreintes) » ; que, sur l'incident survenu le 12 août 1998 sur l'arrimeur de l'appareil D2, il a encore constaté que « les ruptures des chaînes d'arrimeurs sont la conséquence d'une conception déficiente qui rend le nettoyage impossible » ; qu'il résultait de ces constatations que la société Alstom, qui avait prétendu maîtriser parfaitement la technologie nécessaire à la réalisation du projet, avait accumulé les erreurs de conception et de construction de sorte qu'elle avait commis une faute extrêmement grave dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'elle avait contractuellement acceptée ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté, sans dénaturation, que la « garantie de résultat » en termes de délais énoncée dans l'ordre de service de la société Robust du 29 août 1995 ne figurait pas dans le marché du 1er septembre 1995, relevé que la clause proposée par la société Robust, selon laquelle au-delà de quinze jours de retard elle conserverait toutes ses possibilités de recours indépendamment des pénalités de retard elles-mêmes, n'avait pas été acceptée par la société Alstom et retenu, par une appréciation souveraine de la volonté des parties au contrat, que cette question avait été débattue entre elles, la cour d'appel a pu en déduire que la réalisation du marché dans le délai prévu ne pouvait être qualifiée d'obligation essentielle s'imposant à la société Cegelec ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'existence d'une faute lourde devait être appréciée au regard de la difficulté de la mission confiée à la société Alstom et que celle-ci avait l'aptitude nécessaire à produire l'ouvrage complexe qui lui avait été commandé et retenu que l'ouvrage livré était globalement conforme à la commande, sans erreur de conception, toutes les réserves et non-conformités pouvant être levées, la cour d'appel a pu, procédant aux recherches prétendument omises et par une appréciation souveraine de la valeur probante des deux rapports d'expertise, en déduire que la société Alstom n'avait pas commis de faute lourde et que la clause limitative du montant des indemnités de retard devait recevoir application ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Cegelec fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement au titre de travaux supplémentaires, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a relevé d'une part, qu'aux termes de l'article 3 du marché, seuls les travaux « pour la réalisation, la fourniture et l'installation des deux descenseurs » seraient exécutés pour le prix net global et forfaitaire de 26 576 000 francs rémunérant la totalité des travaux « nécessaires à la réalisation complète de l'ouvrage et au parfait fonctionnement de l'installation » et constaté d'autre part, que les travaux supplémentaires dont la société Alstom sollicitait le paiement, réalisés « sur demande de la société Robust », ne visaient pas « à réparer ses insuffisances » ou « à satisfaire aux exigences contractuelles » ; qu'il en résultait que ces travaux étaient exclus de l'objet du marché de sorte qu'ils ne pouvaient constituer la contrepartie du prix convenu pour son exécution ; qu'en retenant néanmoins que le prix convenu dans le cadre du marché rémunérait également les travaux supplémentaires réalisés par l'exposante sur demande de la société Robust, a cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le prix stipulé dans un marché forfaitaire rémunère les seuls travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage objet du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les travaux supplémentaires réalisés par l'exposante, « sur demande de la société Robust », ne visaient pas « à satisfaire aux exigences contractuelles » du marché ; que pour retenir néanmoins que ces travaux étaient inclus dans le prix stipulé dans ce marché, la cour d'appel s'est fondée sur le caractère forfaitaire du contrat ; qu'en procédant de la sorte, elle a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, selon l'article 3 du marché, les travaux pour la réalisation, la fourniture et l'installation des descendeurs seraient exécutés pour un prix net global et forfaitaire et que, selon l'article 2. 4 du cahier des clauses administratives générales, toute modification sur la variation de la masse des travaux devrait faire l'objet d'un avenant signé par les deux parties contractantes et constaté l'absence d'avenant au marché, la cour d'appel, qui n'a pas dit que les travaux litigieux avaient été exécutés « sur demande de la société Robust », en a exactement déduit que la demande de paiement de travaux supplémentaires de la société Cegelec ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Robust.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait application de la clause limitative de responsabilité et d'avoir, en conséquence, condamné la société CEGELEC SERVICES à payer à la société ROBUST la seule somme, en principal, de 283 604 ¿ au titre des pénalités de retard ;
Aux motifs que « l'article 6 du contrat traitant du délai d'exécution et des pénalités prévoit des pénalités équivalentes à 1/ 750ème du montant du marché par jour calendaire de retard dans la limite de 7 % de son montant, présentées comme la seule sanction applicable à l'entrepreneur ; qu'en l'espèce le retard imputable à la société ALSTOM a été fixé à 291, 5 jours par le rapport d'expertise ; qu'il s'en déduit que la pénalité « à la journée » dépasse très largement le plafond envisagé, d'un montant de 283 604 ¿ ; que pour prétendre obtenir une somme supérieure à 3 millions d'euros au titre du préjudice d'exploitation et de presque 2 millions au titre de son préjudice commercial et d'image ainsi que de celui subi par la société UCACEL, la société ROBUST demande à la Cour d'écarter cette clause limitative de responsabilité aux motifs que la société ALSTOM aurait commis, sinon une faute lourde, à tout le moins un manquement à son obligation essentielle ; que pour admettre cette prétention, les premiers juges ont analysé comme une faute lourde la multiplication des erreurs et fautes commises par la société ALSTOM retenant que cette partie avait obtenu le marché en se présentant comme un professionnel ayant une parfaite maîtrise de la technologie à mettre en oeuvre pour réaliser le projet ; mais qu'une faute lourde se définit comme un comportement d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à accomplir une mission qu'il a acceptée ; qu'en l'espèce, s'il est manifeste que la société ALSTOM a surestimé ses compétences et manqué de rigueur dans la réalisation de ce chantier, son attitude ne saurait être constitutive d'une faute lourde au regard de la difficulté de sa mission et du fait qu'elle a livré un ouvrage jugé par les experts « globalement conforme à la commande et (sans) erreur de conception globale ¿ toutes les réserves ou non-conformités pouvant être levées » ; encore que même si la société ROBUST démontre l'importance qu'elle attachait à obtenir une livraison le 15 octobre 1996, précisant qu'une campagne sucrière débute chaque année en octobre pour s'achever en septembre, non seulement le marché n'impose pas à la société ALSTOM une obligation de résultat de ce chef, mais encore ne prévoit-il pas une indemnisation d'un tel manquement de sorte que l'intimée ne peut qualifier cette obligation d'essentielle ; que cette question a été débattue entre les parties dès lors d'une part que la commande du 29 août 1995 faisait référence à une garantie de résultat en termes de délais, disposition qui a disparu du marché, d'autre part que dans le cadre des discussions précédant la signature du contrat la société ROBUST exigeait encore, par un courrier du 20 octobre 1995, qu'au-delà d'un retard de 15 jours, le maître de l'ouvrage conserverait toutes ses possibilités de recours indépendamment des pénalités de retard elles-mêmes, disposition qui ne se retrouve pas dans le marché, la société ALSTOM précisant ne pas l'avoir acceptée ; que l'intimée soutient encore que la seule clause limitative de responsabilité à prendre en compte serait celle figurant à l'article 11 ; que le terme de « dommage » employé par cet article, associé à celui de « responsabilité » de l'entrepreneur ne vise pas l'ensemble des préjudices éventuellement subis par le maître d'ouvrage, notamment ceux liés au retard dans la livraison, objet d'une autre disposition (article 6) mais seulement l'hypothèse de dégâts matériels ou atteinte aux personnes ; que l'article 12 complète d'ailleurs cette disposition en précisant les assurances « responsabilité civile » à souscrire par l'entreprise titulaire du marché, qui n'ont pas vocation à prendre en charge les conséquences d'un retard de livraison ; que la société ROBUST ne peut être indemnisée qu'à hauteur du forfait convenu de 283 604 ¿ » (arrêt attaqué, p. 12) (¿) ; sur la demande de dommages-intérêts, qu'il est constant que le chantier a été déficitaire pour la société ALSTOM et qu'à supposer qu'il ait existé depuis 1995 d'autres appels d'offres pour la construction de descenseurs à sacs de sucre, il peut être admis qu'elle n'aurait peut-être pas été retenue ; qu'elle est entièrement responsable de cet état de fait dont elle doit supporter les conséquences ; que l'ensemble du dossier démontre suffisamment qu'elle disposait des compétences nécessaires à la réalisation de l'ouvrage mais qu'elle a conduit ce chantier avec une légèreté blâmable ; que son aptitude à produire l'ouvrage complexe qui lui a été commandé résulte des conclusions des experts aux termes desquelles l'ouvrage livré est globalement conforme et que toutes les réserves peuvent être levées ; que l'épisode lié à la dimension des sacs à sucre démontre du manque de sérieux dans la direction du projet et que l'erreur commise sur le poids des structures ne peut être admise pour une entreprise appartenant à un groupe de renommée mondiale ; qu'il résulte des comptes-rendus de chantier qu'il a fallu attendre le 13 février 1997, soit après la livraison sur le site, pour que la société ALSTOM s'aperçoive d'une sous estimation de 3 tonnes du poids sur les structures de l'hélicoïde et de l'arrimeur par rapport à la note de calcul et que les principaux retards son liés à cette erreur d'origine qui a entrainé le remplacement des treuils de l'hélicoïde, la pose des renforts sur la structure du portique, la flèche, la liaison flèche-portique, travaux qui n'ont démarré que le 13 mars 1997 ; que le fonctionnement en mode dégradé est principalement imputable à la nécessité de procéder à ses travaux, le dispositif ne pouvant fonctionner, jusqu'à leur réalisation, qu'avec un gabarit provisoire (ne correspondant pas à la commande de la société ROBUST) ;
1) Alors que l'ordre de service du 29 août 1995 était expressément cité à l'article 2 du marché du 1er septembre 1995 comme faisant partie des documents contractuels liant l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage ; que, pour refuser de faire application des stipulations prévues dans l'ordre de service du 29 août 1995, la Cour d'appel a jugé que la « garantie de résultat en termes de délais » incluse dans cet ordre de service avait « disparu du marché » ; qu'en statuant de la sorte, elle a dénaturé les termes clairs et précis du marché du 1er septembre 1995 et violé l'article 1134 du Code civil ;
2) Alors que selon les termes mêmes de l'ordre de service du 29 août 1995, qui constituait une pièce contractuelle obligatoire du marché, l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais stipulés constituait une obligation essentielle du marché ; qu'en jugeant que « le marché n'impose pas à la société ALSTOM une obligation de résultat (concernant la livraison des descenseurs dans les délais stipulés) de sorte que l'intimée ne peut qualifier cette obligation d'essentielle », la Cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé l'article 1134 du Code civil ;
3) Alors qu'est réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; qu'en faisant application de la clause limitative de responsabilité en cas de retard de livraison, qui contredisait l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais stipulés, obligation essentielle du marché, la Cour d'appel a violé l'article 1150 du Code civil ;
4) Alors, en tout état de cause, qu'une clause limitative de responsabilité ne peut recevoir application dans l'hypothèse où son bénéficiaire a commis un dol ou une faute lourde ; que la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; que l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée peut se déduire d'une accumulation de fautes dans l'accomplissement de cette mission ; qu'après avoir constaté que la société ALSTOM avait conduit le chantier avec « une légèreté blâmable », que « l'épisode lié à la dimension des sacs à sucre démontre du manque de sérieux dans la direction du projet », que « l'erreur commise sur le poids des structures ne peut être admise pour une entreprise appartenant à un groupe de renommée mondiale », qu'il a fallu attendre la livraison sur le site pour que cette la société ALSTOM « s'aperçoive d'une sous estimation de 3 tonnes du poids sur les structures de l'hélicoïde et de l'arrimeur par rapport à la note de calcul et que les principaux retards son liés à cette erreur d'origine » et que le « fonctionnement en mode dégradé » lui était imputable, la Cour d'appel, qui a jugé que la société ALSTOM n'avait pas commis de faute lourde et que la société ROBUST ne pouvait être indemnisée qu'à hauteur du forfait convenu de 283 604 euros, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1150 du Code civil ;
5) Alors, en tout état de cause, que pour s'abstenir de rechercher si la « légèreté blâmable » avec laquelle la société ALSTOM avait conduit le chantier, le « manque de sérieux dans la direction du projet », l'« erreur commise sur le poids des structures », le retard causé par la « sous estimation de 3 tonnes du poids sur les structures de l'hélicoïde et de l'arrimeur par rapport à la note de calcul » et le « fonctionnement en mode dégradé » imputable à la société ALSTOM, n'étaient pas constitutifs d'une faute lourde privant cette dernière de la possibilité de se prévaloir de la clause limitative de responsabilité insérée au contrat, la Cour d'appel s'est fondée sur les motifs inopérants selon lesquels l'ouvrage était « globalement conforme à la commande et (sans) erreur de conception globale ¿ toutes les réserves ou non-conformités pouvant être levées » ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du Code civil ;
6) Alors, en tout état de cause, qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement de la société ALSTOM à l'obligation de livrer les descenseurs dans les délais impartis n'était pas constitutif d'une faute lourde, dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1150 du Code civil ;
7) Alors, en toute hypothèse, qu'en ne mettant pas la Cour de cassation en mesure de savoir si, pour apprécier l'existence d'une faute lourde, elle a pris en considération le rapport déposé par M. X...le 30 septembre 2001 et les multiples manquements qu'il constatait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du Code civil ;
8) Alors, en toute hypothèse, que le juge ne peut refuser d'examiner une pièce dont la communication régulière et la discussion contradictoire ne sont pas contestées ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait refuser d'examiner le rapport d'expertise du 30 septembre 2001 pour apprécier l'existence d'une faute lourde de la société ALSTOM ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1315 du Code civil ;
9) Alors, en tout état de cause, que dans son rapport du 30 juin 2001, M. X...a constaté, sur l'incident du 4 décembre 1997, que « la collision de l'armoire hydraulique avec le chéneau ¿ est très probablement liée à une hauteur excessive de l'armoire, conjuguée avec l'adjonction par ALSTOM d'un chéneau et de son tuyau d'évacuation, donc à une erreur de conception et de construction d'ALSTOM » et que « les capteurs d'anti-enfouissement ¿ sont des dispositifs rudimentaires, mal conçus par ALSTOM, fragiles et vulnérables à l'inhibition sans outil, ce qui n'est pas admissible » ; que, sur les incidents survenus les 24 et 25 mai 1998, il a également constaté que « les anomalies de comportement des chaînes de flèche sont le résultat d'une conception inadéquate par ALSTOM (pas de goulotte, plan de déroulement non plat, possibilités de débattement latéral trop restreintes) » ; que, sur l'incident survenu le 12 août 1998 sur l'arrimeur de l'appareil D2, il a encore constaté que « les ruptures des chaînes d'arrimeurs sont la conséquence d'une conception déficiente qui rend le nettoyage impossible » (V. Rapport du 30 septembre 2001, p. 125 à 127) ; qu'il résultait de ces constatations que la société ALSTOM, qui avait prétendu maîtriser parfaitement la technologie nécessaire à la réalisation du projet, avait accumulé les erreurs de conception et de construction de sorte qu'elle avait commis une faute extrêmement grave dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'elle avait contractuellement acceptée ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1150 du Code civil.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Cegelec.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société Cegelec tendant à obtenir le paiement de la somme de 3. 194. 447 ¿ au titre des travaux supplémentaires réalisés par cette dernière ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 3 du marché dispose que " les travaux pour la réalisation, la fourniture et I'installation des deux descenseurs seront exécutés pour le prix net global et forfaitaire HT et hors assurances de 26. 576. 000 Fl ce prix rémunérant la totalité des travaux, même non détaillés dans le document du marché, qui seraient nécessaires à la réalisation complète de I'ouvrage et au parfait fonctionnement de I'installation " ; que I'article 6 lire 51 ajoute : " le prix est ferme, définitif et non révisable ni actualisable " ;... ; que sans qu'il soit besoin d'examiner l'application à la présente espèce des dispositions de I'article 1393 lire 17931 du Code civil qui ne sont pas d'ordre public, que le contrat exclut toute possibilité de révision du prix et que le CCAG prévoit une procédure pour les travaux supplémentaires ; qu'il résulte en effet de I'article 2. 3 de ce document qu'après la signature du marché... aucune modification ne peut intervenir sur l'une quelconque des clauses ; que l'article 2. 4 ajoute : " toute modification tant sur la variation de la masse des travaux... devra faire l'objet d'un avenant, signé par les deux parties contractantes et'spécifiant les modifications techniques ou financières apportées au marché de base " et précise qu'une pièce sera annexée à l'avenant qui décomposera un prix global ou mentionnera les prix unitaires ; que la société Alstom connaissait cette procédure qu'elle n'a tenté de mettre en oeuvre qu'à une seule reprise, le 9 janvier 1996, en sollicitant un supplément de prix de 150. 000 F pour un montage du tambour de levage de la flèche avec accouplement de type Tonoflex ; qu'aucun avenant n'a cependant été signé, face au refus de la société Robust ; que la société Alstom ne saurait encore soutenir que I'article 3 du marché, qui dispose que le prix convenu rémunère la totalité des travaux, même non détaillés dans les documents du Marché qui seraient nécessaires à la réalisation complète de I'ouvrage et au parfait fonctionnement de I'installation, exclurait I'hypothèse d'un marché forfaitaire, lui permettant de soutenir que I'économie générale du contrat exclut l'existence de fourniture entièrement définie pour un prix convenu alors que ce texte se borne à rappeler les exigences liées à l'obligation de résultat et rappelées dans les contrats comme précisé ci-dessus ; qu'enfin la société Alstom ne saurait conclure au bouleversement de I'économie du contrat pour exclure le forfait convenu ; que ce tempérament jurisprudentiel a pour seule vocation de régir I'hypothèse d'un marché de travaux stipulé forfaitairement par application de la loi, pour rétablir un équilibre contractuel rompu par les exigences qu'une partie a pu, pour des raisons économiques, imposer à l'autre, qui ne correspond pas au contexte dans lequel s'inscrit ce litige ; qu'au surplus il résulte du rapport d'expertise X.../ Y..., qu'aucun élément technique ne vient contredire, que les travaux effectués par la société Alstom sur demande de la société Robust et ne visant pas à réparer ses insuffisances ou à satisfaire aux exigences contractuelles, dont il faut exclure le changement de moteur qui n'avait pas à être facturé à la société Robust dans la mesure où il était nécessaire pour atteindre le temps maximal de montée ou descente de la flèche fixé à 4 mns par I'article 1. 2. 6 du CCP, sont d'un montant de l'ordre de 150. 000 Le somme qui n'est pas de nature à bouleverser l'économie du contrat de plus de quatre millions d'euros hors taxes ; qu'il convient en conséquence, confirmant le jugement déféré, de débouter la société Alstom de cette demande » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE ((l'article 3 du Marché 15/ 1. 01. 09. 95 stipule que''les travaux pour la réalisation, la fourniture et I'installation des deux descenseurs seront exécutés pour le prix net global et forfaitaire HT et hors assurances de 26. 576. 000 F (vingt six millionsl cinq cent soixante seize mille Francs Hors Taxes), " ce prix rémunérant " la totalité des travaux, même non détaillés dans le document du marché, qui seraient nécessaires à la réalisation complète de I'ouvrage et au parfait fonctionnement de I'installation " étant précisé à I'article 15 dudit marché " que le prix est ferme, définitif, non révisable ni actualisable " ; que le Tribunal dira que la société Alstom s'est fermement engagée à réaliser les deux descenseurs au prix de 26. 576. 000 F HT et qu'elle ne peut en prétextant des surcoûts dus, selon elle, à l'immixtion de la société Robust dans la réalisation de I'ouvrage, demander au Tribunal de condamner la société Robust au paiement de 27. 352. 152 F HT, le marché conclu étant un marché forfaitaire et le prix convenu devant être un prix définitif ; que par ailleurs, la société Alstom se prévalant de nombreuses expériences dans la réalisation d'ouvrages similaires, le Tribunal dira qu'il appartient à cette société d'établir, dès le départ, le coût réel de I'ouvrage qu'elle s'engageait à construire et qu'elle ne peut, trois ans après la conclusion du marché, " revenir " sur le prix convenu en faisant valoir des travaux supplémentaires pour lesquels elle ne fournit aucun document établi en cours de réalisation de I'ouvrage, démontrant que le maître de I'ouvrage (la société Robust) aurait donné son accord pour que le prix définitif ne soit pas le prix initialement convenu dans la convention » ;
1°/ ALORS QUE la Cour d'appel a relevé d'une part, qu'aux termes de l'article 3 du marché, seuls les travaux « pour la réalisation, la fourniture et I'installation des deux descenseurs » seraient exécutés pour le prix net global et forfaitaire de 26. 576. 000 F rémunérant la totalité des travaux « nécessaires à la réalisation complète de I'ouvrage et au parfait fonctionnement de l'installation » et constaté d'autre part, que les travaux supplémentaires dont la société Alstom sollicitait le paiement, réalisés « sur demande de la société Robust », ne visaient pas « à réparer ses insuffisances » ou « à satisfaire aux exigences contractuelles » ; qu'il en résultait que ces travaux étaient exclus de l'objet du marché de sorte qu'ils ne pouvaient constituer la contrepartie du prix convenu pour son exécution ; qu'en retenant néanmoins que le prix convenu dans le cadre du marché rémunérait également les travaux supplémentaires réalisés par l'exposante sur demande de la société Robust, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé I'article 1134 du Code civil ;
2°/ ALORS Qu'en toute hypothèse, le prix stipulé dans un marché forfaitaire rémunère les seuls travaux nécessaires à la réalisation de I'ouvrage objet du contrat ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que les travaux supplémentaires réalisés par l'exposante, « sur demande de la société Robust », ne visaient pas « à satisfaire aux exigences contractuelles » du marché ; que pour retenir néanmoins que ces travaux étaient inclus dans le prix stipulé dans ce marché, la Cour d'appel s'est fondée sur le caractère forfaitaire du contrat (cf. arrêt p. 11 § 1 et les motifs éventuellement adoptés du jugement p. 9 § 6) ; qu'en procédant de la sorte, elle a statué par un motif inopérant et privé ainsi sa décision de base légale au regard de I'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-20530
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 nov. 2014, pourvoi n°13-20530


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20530
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