LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 octobre 2012), que Mme X... et M. Y... ont fait construire une villa avec une rampe d'accès et un mur de clôture ; que M. et Mme Z... ont fait édifier une villa sur leur lot situé en amont de celui des consorts X...- Y... et séparé par un mur de restanque de soutènement, sous la maîtrise d'oeuvre de M. A... ; qu'à l'occasion de travaux de terrassement et de remblaiement réalisés par M. B..., assuré auprès de la MAAF, le mur des consorts X...- Y... s'est effondré ; que Mme X... a, après expertise, assigné M. et Mme Z..., M. A... et M. B... en annulation de l'expertise judiciaire et en indemnisation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y...-X... font grief à l'arrêt de retenir leur entière responsabilité, de mettre hors de cause M. et Mme Z... ainsi que M. B... et la MAAF, de les condamner à verser à M. B... la somme symbolique de 1 euro, de réformer le jugement qui a condamné M. et Mme Z... à leur verser une somme de 8 000 euros, et de les condamner à verser à M. et Mme Z... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que dans le procès-verbal de garde à vue du 1er avril 2009, l'expert judiciaire, M. E..., est revenu sur les observations de son rapport d'expertise et, tout spécialement, sur l'origine du sinistre ; qu'il y indique, à l'encontre de ce qu'il avait écrit dans son rapport d'expertise, qualifié d'" erreur ", que le sinistre trouve son origine, non dans le mur de soutènement des consorts Y... ainsi qu'il l'a initialement écrit, mais dans les travaux réalisés sur la propriété Z... ; que, pour retenir la responsabilité des consorts Y..., la cour d'appel s'est fondée sur le seul rapport d'expertise, sans tenir compte de la circonstance que l'expert lui-même avait, en garde à vue, après avoir reconnu de nombreuses " erreurs et maladresses de rédaction ", intégralement rétracté les conclusions de son rapport sur ce point ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé par omission le procès-verbal de garde à vue de M. E... du 1er avril 2009, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les déclarations faites par une partie dans le cadre d'une procédure pénale, même classée sans suite, constituent des preuves recevables ; qu'en énonçant que les consort Y... " ne peuvent continuer à combattre cette réalité en se prévalant de déclarations faites dans le cadre d'une procédure pénale, qui a d'ailleurs été classée sans suite ", la cour d'appel a violé le droit à la preuve, ensemble les articles 5 et 9 du code de procédure civile ;
3°/ que le rapport d'expertise précise que " les remblais ont été surélevés en moyenne d'un mètre par rapport au terrain naturel " ; que, pour écarter la responsabilité des époux Z..., la cour d'appel énonce qu'" il n'existe pas, dans le rapport d'expertise, de mesures précises sur la hauteur de ces terres rapportées " ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, que les rapports d'expertise étaient techniquement étayés, qu'il n'était nullement établi que les mouvements des terres sur la propriété Z... auraient eu une incidence quelconque quant à la survenance du sinistre, que le mur construit par les consorts Y...-X..., qui n'était pas le mur de soutènement prévu à leur permis de construire, ne pouvait conforter et stabiliser le mur de restanque dans la mesure où il demeurait un espace à son pied qui n'était pas bloqué et que si le pied de mur n'avait pas été décaissé par les consorts X...- Y..., le sinistre, quoiqu'il ait pu se passer au-dessus, ne serait pas survenu, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que le sinistre ne résultait que des carences des consorts Y...-X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner les consorts X...- Y... à verser à M. et Mme Z... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que M. et Mme subissent depuis plus de sept années un préjudice certain du fait de l'attitude des consorts Y...-X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le comportement procédural des consorts Y...-X... ne pouvait constituer une faute dans l'exercice de leur droit d'agir, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour accueillir la demande de M. B..., l'arrêt retient qu'il convient également de condamner les consorts Y...-X... à lui verser la somme symbolique de 1 euro ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les consorts Y...-X... in solidum à verser à M. B... la somme symbolique de 1 euro et à M. et Mme Z... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 25 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes de dommages-intérêts de M. B... et de M. et Mme Z... ;
Condamne les consorts X...- Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme X... et M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir retenu l'entière responsabilité des consorts Y...
X..., d'avoir mis hors de cause les époux Z... ainsi que Monsieur B... et sa compagnie d'assurance la MAAF, d'avoir condamné les consorts X...- Y... in solidum à verser à Monsieur B... la somme symbolique de 1 euro, d'avoir réformé le jugement qui a condamné les époux Z... à verser une somme de 8. 000 €, et d'avoir condamné les consorts X...- Y... in solidum à verser aux époux Z... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs que « sur la nullité des expertises et la demande de contre expertise, la recevabilité de l'appel n'étant pas contestée, il sera statué directement sur le fond de l'affaire ; que l'examen des deux rapports contestés permet de constater que chacune des parties en litige a été en mesure de pouvoir s'exprimer sur chaque point de la mission de l'expert ; que ce dernier y a parfaitement répondu ; que les deux rapports sont techniquement parfaitement étayés, le nombre de " sachants " intervenant aux côtés des consorts Y...-X... le démontrant. ; que ces derniers ne peuvent continuer à combattre cette réalité en se prévalant de déclarations faites dans le cadre d'une procédure pénale, qui a d'ailleurs été classée sans suite ; qu'il convient de remarquer qu'une grande partie de cette procédure très mouvementée, a eu lieu sans qu'il ne soit sollicité la nullité des expertises ni de contre-expertise ; qu'aucun élément objectif ne permet de fonder la mise en oeuvre d'une contre-expertise et ce, d'autant qu'entre juillet 2005 et ce jour, toute la zone litigieuse a été modifiée, le mur, initialement prévu au permis des consorts Y...-X... ayant été érigé et que de ce fait, il n'y a plus rien à constater ; en conséquence qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient de confirmer le Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en ce qu'il a débouté les consorts Y...-X... de leurs demandes de nullité des expertises et de contre-expertise ; que sur les responsabilités de l'effondrement : de Monsieur A... ; qu'il convient in limine litis, de remarquer que seule Madame X... demande la condamnation de Monsieur A..., sans d'ailleurs viser un quelconque fondement juridique, en première instance, à l'exclusion de toute autre partie au litige ; que dès à présent, il est utile de noter que Monsieur A... est totalement étranger au litige relatif au nouveau mur de soutènement ; que par ailleurs, il convient de constater qu'il résulte des divers documents versés aux débats que Madame X... ne rapporte pas la preuve que Monsieur A... serait impliqué dans la réalisation des remblais qu'elle estime responsables de l'effondrement du mur de clôture ; que d'ailleurs, l'expert note que la mission de Monsieur A... s'était achevée en mars 2005, bien avant le sinistre qui s'est produit en juillet 2005 ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le Premier Juge a mis Monsieur A... hors de cause ; que le Jugement sera confirmé sur ce point ; qu'il convient de condamner Madame X... à verser à Monsieur A... la somme de 1. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que, sur la responsabilité des consorts X...- Y... et des époux Z... : qu'il convient de noter que selon le rapport d'expertise, les consorts X...- Y... n'ont pas édifié le mur de soutènement qu'il leur incombait de construire, conformément à leur permis de construire ; qu'ils ont d'ailleurs indiqué, que pour des raisons d'économie, ils avaient décidé d'édifier un mur à l'intérieur de leur propriété en laissant à l'arrière dudit mur, un espace d'environ 20 cm avec celui en pierres sèches se situant à l'arrière ; que la construction de ce mur ne pouvait en aucune façon conforter et stabiliser le mur de restanques dans la mesure où il demeurait un espace à son pied qui n'était pas bloqué ; que malgré ces constatations claires et précises, les premiers Juges ont fait référence aux mouvements de terre sur la propriété Z... qui auraient pu avoir des conséquences sur l'éboulement ; qu'il convient de noter qu'il s'agit là d'une pure supposition ; qu'il n'existe pas dans le rapport d'expertise de mesures précises sur la hauteur de ces terres rapportées et leur incidence sur la bonne tenue du mur de restanque ; qu'il n'est nullement établi que les mouvements des terres sur la propriété Z... auraient eu une incidence quelconque quant à la survenance du sinistre ; que si le pied de mur n'avait pas été décaissé, ce sinistre, quoiqu'il ait pu se passer au-dessus, ne serait pas survenu ; que ce sinistre ne résulte en conséquence que des carences des consorts Y...
X... dont il convient de rejeter l'ensemble des arguments soulevés, non pertinents ; qu'il échet de retenir leur entière responsabilité et de dégager celle des époux Z... ; que par conséquent, il convient de mettre hors de cause Monsieur B... et sa Compagnie d'assurance la MAAF ; que le Jugement sera infirmé en ce sens ; que, par ailleurs, les époux Z... n'ont jamais revendiqué un rehaussement quelconque de nature à satisfaire la situation de leur terrain ; qu'ils se sont contentés de demander tout naturellement de voir vérifier si le mur construit était conforme et ensuite, à dire d'expert, celui-ci ne l'étant pas, de le terminer comme il se devait, c'est-à-dire au niveau de leurs terres naturelles qu'il ne peut leur être reproché une quelconque faute donnant droit à une indemnisation ; qu'ils n'ont nullement cherché contrairement aux affirmations du premier Juge, à tromper la religion des différents juridictions saisies tout au long de cette procédure ; qu'il conviendra de réformer le jugement qui les a, à ce titre, condamnés à verser une somme de 8. 000 euros ; que les époux Z... subissent depuis plus de 7 années un préjudice certain du fait de l'attitude des consorts Y...- X... ; qu'il convient en conséquence de condamner ces derniers in solidum à verser aux époux Z... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'il convient également de condamner les consorts Y...- X... à verser à Monsieur B... la somme symbolique de 1 euro ; que toutes autres demandes des consorts Y...- X... seront déboutées ; que ces derniers seront condamnés in solidum à verser une somme de 1. 000 euros (mille euros) en application de l'article 700 du Code de Procédure civile aux époux Z..., celle de 1. 000 euros à Monsieur A... et la somme globale de 1. 000 euros à Monsieur B... et la MAAF ; que les dépens de première instance y compris les frais d'expertise et les dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du Code de procédure civile, seront mis à la charge des consorts Y... - X... » (arrêt attaqué, p. 5 et s.) ;
1°) Alors que dans le procès-verbal de garde à vue du 1er avril 2009, l'expert judiciaire, M. E..., est revenu sur les observations de son rapport d'expertise et, tout spécialement, sur l'origine du sinistre ; qu'il y indique, à l'encontre de ce qu'il avait écrit dans son rapport d'expertise, qualifié d'« erreur » (procès-verbal de garde à vue, p. 10, troisième réponse), que le sinistre trouve son origine, non dans le mur de soutènement des consorts Y... ainsi qu'il l'a initialement écrit, mais dans les travaux réalisés sur la propriété Z... (ibid., deuxième réponse) ; que, pour retenir la responsabilité des consorts Y..., la cour d'appel s'est fondée sur le seul rapport d'expertise, sans tenir compte de la circonstance que l'expert lui-même avait, en garde à vue, après avoir reconnu de nombreuses « erreurs et maladresses de rédaction », intégralement rétracté les conclusions de son rapport sur ce point ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé par omission le procès-verbal de garde à vue de M. E... du 1er avril 2009, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
2°) Alors que les déclarations faites par une partie dans le cadre d'une procédure pénale, même classée sans suite, constituent des preuves recevables ; qu'en énonçant que les consort Y... « ne peuvent continuer à combattre cette réalité en se prévalant de déclarations faites dans le cadre d'une procédure pénale, qui a d'ailleurs été classée sans suite » (arrêt, p. 5, § 4), la cour d'appel a violé le droit à la preuve, ensemble les articles 5 et 9 du Code de procédure civile ;
3°) Alors que le rapport d'expertise précise que « les remblais ont été surélevés en moyenne d'un mètre par rapport au terrain naturel » (rapport du 8 février 2007, p. 19, § 5) ; que, pour écarter la responsabilité des époux Z..., la cour d'appel énonce qu'« il n'existe pas, dans le rapport d'expertise, de mesures préciser sur la hauteur de ces terres rapportées » (arrêt, p. 6, § 9) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir condamné les consorts X...- Y... in solidum à verser aux époux Z... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs que « que les époux Z... subissent depuis plus de 7 années un préjudice certain du fait de l'attitude des consorts Y...-X... ; qu'il convient en conséquence de condamner ces derniers in solidum à verser aux époux Z... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts » (arrêt attaqué, p. 7) ;
Alors que la cour d'appel a condamné les époux X...- Y... à verser aux époux Z... une somme de 5. 000 ¿ en raison de « leur attitude » (arrêt, p. 7, § 4) ; qu'en statuant ainsi sans expliquer en quoi cette attitude serait constitutive d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir condamné les consorts X...- Y... in solidum à verser à Monsieur B... la somme symbolique de 1 euro ;
Aux motifs que « qu'il convient également de condamner les consorts Y...-X... à verser à Monsieur B... la somme symbolique de 1 euro » (arrêt attaqué, p. 7) ;
Alors que la cour d'appel a condamné les époux X...- Y... à verser à Monsieur B... la « somme symbolique de 1 euros » (arrêt, p. 7, § 5) sans aucune indication du fondement, de la cause de cette condamnation, ou des faits justifiant cette condamnation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a statué sans motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile.