LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2013), qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... aux torts partagés ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande principale tendant au versement d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère et de limiter le montant de celle qui lui a été allouée à un capital de 180 000 euros payable en une seule fois ;
Attendu, d'abord, qu'ayant estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'épouse alléguait, à tort, que son conjoint occultait la réalité de ses revenus, la cour d'appel a, par là même, procédé à la recherche prétendument omise ;
Attendu, ensuite, qu'en refusant d'allouer à Mme Y... une prestation compensatoire sous forme de rente viagère, la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de l'article 276 du code civil, sans avoir à motiver spécialement sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande principale de l'épouse tendant au versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère et d'avoir limité le montant de la prestation compensatoire payable en capital en une seule fois par M. X... au profit de Mme Y... à la somme de 180.000 euros ;
aux motifs propres que, sur la prestation compensatoire, les dispositions légales ont été énoncées dans le jugement ; que le mariage a eu lieu en 1982 ; que le mari est né au Tchad en 1956 et est médecin praticien hospitalier en otorino-laryngologie à Beauvais ; que l'épouse, née en 1959 en Ukraine, a eu un statut de cadre quand le couple est venu s'installer en France ; qu'ils ont acquis la nationalité française ; qu'elle n'a pas repris de travail salarié à la suite de son licenciement bien que les enfants dont elle s'est principalement occupée n'avaient pas besoin d'une surveillance permanente : l'ainé né en 1982 a un travail salarié alors que le second Yannick né en 1989 poursuit des études universitaires en effectuant un stage non rémunéré chez un avocat ;
qu'ainsi qu'elle l'a fait devant le tribunal, Mme Y... sollicite une expertise financière afin de déterminer les ressources de son mari ; que le tribunal a indiqué qu'il n'y avait pas lieu à une demande d'expertise financière et patrimoniale puisque la procédure avait débuté à la demande de Mme le 30 mars 2005, soit depuis plus de 90 mois ; que l'actif immobilier comportait un seul immeuble et que le notaire commis pour effectuer les comptes entre les parties allait nécessairement solliciter tous les comptes ouverts dans les établissements financiers tant par le mari que par la femme ; que le tribunal a fait une exacte appréciation en refusant la demande d'instruction ;
que Mme Y... demande notamment à titre subsidiaire l'attribution de la part de communauté du mari sur l'immeuble commun et le versement d'une rente viagère mensuelle de 1.500 euros ; qu'elle ne démontre par aucun élément qu'elle ne peut exercer une activité salariée en raison de son âge ; qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par la loi pour obtenir une rente viagère ; que cette demande est rejetée ; que pour obtenir l'attribution de la part de communauté sur l'immeuble commun, la cour ne dispose ni d'une évaluation actualisée, ni d'un acte complet d'acquisition de cet immeuble ; qu'il ne peut en l'état du dossier être fait droit à cette demande qui n'est pas évaluée et qui n'a pas fait l'objet d'une acceptation par le mari ;
qu'il est établi que l'épouse vie essentiellement, au vu de ses comptes bancaires, du versement des pensions alimentaires ; que les charges de copropriété de l'immeuble commun sont très élevées notamment par le versement de provisions pour un ascenseur et pour un ravalement ; que le jugement a fait une description très précise que la cour adopte, des revenus de M. X... depuis 1999, de ses droits à la retraite puis de leur patrimoine commun ; qu'aucune des parties n'indique si elle partage actuellement les charges de la vie courante avec une autre personne ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments il convient par adoption de motifs notamment en raison de la durée du mariage de confirmer le jugement qui a justement fixé à un capital de 180.000 euros la prestation compensatoire due par le mari à l'épouse en un seul versement en constatant qu'il pourrait éventuellement abandonner ses droits sur le bien commun comme lui demande l'épouse ;
et aux motifs adoptés que Mme Y... soutient sans être contredite sur ce point n'avoir travaillé en France que pour la société Kontron ; qu'elle justifie avoir travaillé dans cette entreprise de 1994 à 1997, avoir été licenciée en janvier 1997 de cette société et avoir été indemnisée par le biais d'allocations chômage jusqu'en novembre 1999 ; que nonobstant l'absence de relevé de carrière versé aux débats, il n'est pas contesté par l'époux que Mme Y... n'ait pas exercé d'autre activité salariée en France ; qu'il s'ensuit que, de fait, l'épouse s'est consacrée à compter cette date à l'entretien du foyer et l'éducation des deux enfants alors âgés de 14 et 8 ans, étant observé que cette période (1997) correspond à l'époque où son conjoint a été employé comme médecin praticien contractuel au centre hospitalier de Beauvais en tant qu'ORL ; que quel que soit aujourd'hui le positionnement de l'époux quant à l'absence d'activité salariée exercée par son épouse à compter de cette date, il ne peut qu'être considéré qu'il s'agit d'un choix commun du couple, au regard notamment de l'activité professionnelle de l'époux nécessairement prenante ; qu'il résulte de ce qui précède que l'épouse ne pourra faire valoir aucun droit à retraite, tout comme il lui sera difficile de retrouver une activité normalement rémunérée compte tenu de son âge et de son absence d'expérience professionnelle ;
que M. X... a justifié par la production des arrêtés de nomination le concernant avoir exercé comme médecin praticien contractuelle au centre hospitalier de Beauvais, en spécialité ORL, à compter du 30/09/1997, avoir obtenu l'autorisation d'exercer en France par arrêté du 22 janvier 1999 et avoir obtenu un poste de chirurgien permanent en ORL au centre hospitalier de Beauvais le 2 juillet 2002, le conseil de l'ordre des médecins de l'Oise attestant qu'il est régulièrement inscrit au tableau de l'ordre des médecins depuis le 12 novembre 1997 comme spécialiste ORL et compétent en chirurgie de la face et du cou depuis le 16 décembre 1998, ce qui semble accréditer les propos de son épouse sur sa compétence de chirurgie plastie de la face et du cou ; que l'époux exerce donc comme praticien hospitalier, salarié à ce titre ; qu'il reconnaît en outre et justifie de bénéfices non commerciaux au titre des consultations libérales qu'il effectue parallèlement ; que, s'il a justifié avoir pu être désigné comme remplaçant d'un autre praticien hospitalier à concurrence d'un jour par semaine (le docteur Z...) d'octobre 2003 à septembre 2005, il n'est pas démontré que cette activité n'ait pas été incluse dans les revenus régulièrement déclarés par M. X... auprès des services fiscaux, l'époux ayant en outre justifié d'un contrôle fiscal exercé au titre des années 2003 à 2004, dont il est justifié que ses revenus d'activité n'ont pas été redressés, seuls ceux de l'enfant majeur ayant été réintégrés à ceux du couple ; que, s'agissant des revenus de l'époux, c'est à tort que l'épouse allègue de revenus occultes de son conjoint, et de ce que ce dernier occulterait la réalité de ses revenus tirés de son exercice libéral, se fondant sur ce point sur une disproportion entre les revenus déclarés par son conjoint et les mouvement de comptes et encaissements réalisés par ce dernier sur ses comptes bancaires, confondant manifestement les recettes et bénéfices de son époux à ce titre ; que M. X... a en effet parfaitement justifié, par exemple, au titre de l'année 2006, par la production de ses déclarations fiscales accompagnées des pièces de son comptable qu'en 2006, il a cumulé 79.105 euros de recettes à titre libéral, ce qui représente un bénéfice de 33.099 euros déduction faite des charges ; qu'il s'ensuit que M. X... justifie avoir cumulé des revenus salariés et des revenus non commerciaux à compter de l'année 1999 ¿ qui s'établissent actuellement à 5.460 euros par mois sur la base des revenus perçus en 2008, outre les revenus tirés de son activité libérale susceptibles de varier depuis 2005 entre 31.000 et 47.000 euros, soit une moyenne pouvant être raisonnablement retenue 39.000 euros, soit 3.250 euros par mois, soit des revenus de l'ordre de 8.800 euros par mois ; que si la disparité dans les revenus entre époux est incontestable, il doit être observé que ce n'est que depuis 1999 que l'époux dispose de hauts revenus, soit depuis qu'il a pu cumuler pratique hospitalière et libérale ; qu'il ne cumule en conséquence de droits à la retraite importants que depuis cette date ; que, sur la base des ses ressources actuelles, il rembourse en l'état le crédit immobilier afférent au bien commun ayant constitué le domicile conjugal de 780 euros mais pourra faire valoir son droit à récompense de ce chef lors des opérations de liquidation de la communauté ; qu'il assume en outre une charge de loyer de 733,31 euros, une charge d'imposition sur le revenu de euros, outre un crédit Finaref de 149 euros, outre les charges de la vie courante et la pension alimentaire mise à sa charge pour Yannick de 600 euros, outre indexation de droit jusqu'à l'autonomie de cet enfant majeur ;
que s'agissant du patrimoine commun des époux, il est composé de l'appartement de 4 pièces sis à Palaiseau évalué en novembre 2009, par 3 agences distinctes entre 170.000 et euros ; que ce bien est grevé d'un prêt immobilier prétendument souscrit en juillet 2000 mais non produit aux débats ; que l'épouse allègue que restait dû au titre dudit prêt en juin 2009 un capital de 46.813 euros, soit un actif net de 128.000 euros, sauf à déduire le droit à récompense de l'époux pour avoir assumé seul le crédit immobilier depuis juin 2005, soit une créance de l'ordre de 37.440 euros à l'encontre de la communauté (donc de 18.720 euros), soit des droits de l'épouse de 45.280 euros, dont il conviendra de déduire l'indemnité d'occupation due par cette dernière à compter de juin 2005 pour avoir occupée seule le dit bien, indemnité qui ne saurait être inférieure à 800 euros par mois selon les évaluations faites par les agences immobilières soit près de 23.200 euros (800 x 58/2) de sorte que les droits de l'épouse dans la liquidation de la communauté seront limités et ne sauraient excéder 22.000 euros ; que s'agissant des actifs mobiliers, les relevés de comptes produits par l'époux font état d'une épargne de 2.859 euros au LCL au 25 mai 1997 et de valeurs mobilières d¿un montant de 7.179 euros ;
qu'en conséquence des éléments qui précèdent, notamment la durée du mariage, l'absence d'activité professionnelle de l'épouse comme de droits à la retraite et de l'importante disparité des revenus entre époux, M. X... sera condamné à verser à son épouse une prestation compensatoire d'un montant de 180.000 euros en capital, payable en un seul versement, compte tenu des facultés contributives de l'époux lui permettant outre l'abandon de ses droits éventuels sur le bien commun, de contracter un prêt pour régler cette prestation le cas échéant ;
1°) alors que, d'une part, tout jugement doit être motivé à peine de nullité, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motifs ; que le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande de versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère à la faveur d'une simple affirmation selon laquelle « elle ne démontre par aucun élément qu'elle ne peut exercer une activité salarié en raison de son âge » (arrêt, p. 5 §3) sans répondre aux conclusions de l'intéressée qui, au soutien de cette demande, faisait valoir qu'outre le fait elle soit dépourvue de toute expérience professionnelle à l'âge de 54 ans, ainsi que l'a expressément constaté le premier juge (p. 15 et s.), elle est aujourd'hui atteinte d'une pathologie chronique invalidante l'empêchant d'exercer un emploi non qualifié (conclusions, p. 13 et s.), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) alors que, d'autre part, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'en fixant le montant de la prestation compensatoire due à Mme Y... à la somme de 180.000 euros sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 5 et s.), s'il résultait clairement des éléments de preuve produits aux débats par M. X... que celui-ci occultait une partie de ses revenus dès lors qu'il établissait avoir des charges mensuelles (près de 9.300 euros) bien supérieures au montant total de ses revenus (8.800 euros), la cour d'appel, qui n'a pas statué au regard des ressources réelles du débiteur de la prestation compensatoire, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil.