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05/11/2014 | FRANCE | N°13-20186

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 novembre 2014, 13-20186


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1733 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 avril 2013) que dans la nuit du 4 au 5 mai 2008, un incendie d'origine criminelle a ravagé les locaux appartenant à la société Sophimar dans lesquels la société Snow Land Sea, locataire, exploitait une activité de vente et réparation d'engins motorisés ; que la société Sophimar a demandé la condamnation de la société Snow Land Sea à réparer les conséquences de l'incendie ;
Attendu

que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la société Snow Land Sea ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1733 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 avril 2013) que dans la nuit du 4 au 5 mai 2008, un incendie d'origine criminelle a ravagé les locaux appartenant à la société Sophimar dans lesquels la société Snow Land Sea, locataire, exploitait une activité de vente et réparation d'engins motorisés ; que la société Sophimar a demandé la condamnation de la société Snow Land Sea à réparer les conséquences de l'incendie ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la société Snow Land Sea avait entreposé dans les lieux des véhicules contenant du carburant et que l'expert avait mis en évidence la vulnérabilité de l'installation de télésurveillance et l'absence de sécurisation des lieux ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'incendie avait été causé par des malfaiteurs qui s'étaient introduits de nuit en arrachant un barreaudage et en neutralisant le système de télésurveillance des locaux et alors que la destination des lieux impliquait la présence de carburant, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute imputable au preneur ayant facilité l'acte de malveillance, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Sophimar aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sophimar, la condamne à verser à la société Snow Land Sea la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Snow Land Sea et autre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SARL Snow Land Sea à supporter les conséquences dommageables de l'incendie survenu le 5 mai 2008, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la SARL Snow Land Sea à payer à la SCI Sophimar des dommages et intérêts d'un montant de 48 000 € arrêtés au 1er juin 2009, puis d'un montant mensuel de 4 000 € jusqu'à reconstruction des locaux incendiés, et d'AVOIR débouté la SARL Snow Land Sea de ses demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il résulte du rapport d'expertise de M. X... que l'incendie a été causé par des malfaiteurs qui après avoir neutralisé la télésurveillance ont arraché deux barreaux de la fenêtre du secrétariat et ont allumé plusieurs foyers, avec un accélérant de combustion consistant dans l'essence de voiture ; que la SARL Snow Land Sea avait notamment entreposé dans les lieux des jet-skis et des quads en cours de réparation, tous véhicules contenant du carburant ; que le laboratoire Lavoue, qui a procédé à des prélèvements, conclut que les incendiaires ont utilisé des bidons d'essence présents sur place, conclusions confirmées par le rapport d'analyse du laboratoire de police scientifique de Marseille ; que l'expert X... a d'autre part mis en évidence la vulnérabilité de l'installation de télésurveillance dont le câble a pu être aisément sectionné, et l'absence de sécurisation des lieux qui avaient déjà fait l'objet précédemment d'un cambriolage selon le même processus ; que l'incendie ayant été alimenté par des matériaux trouvés sur place et dont la protection s'avérait insuffisante, le premier juge a retenu à juste titre que la SARL Snow Land Sea n'apportait pas la preuve d'un cas de force majeure exonératoire propre à combattre la présomption de responsabilité prévue à l'article 1733 du Code civil dont aucune des parties ne conteste l'application en l'espèce ;
1°) ALORS QUE l'article 1733 du Code civil ne s'applique que dans les rapports entre bailleur et locataire ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que le contrat conclu entre la SCI Sophimar et la SARL Snow Land Sea avait été résilié au jour de l'incendie ; qu'en retenant néanmoins que la SARL Snow Land Sea était responsable de ce dernier sur le fondement de l'article 1733 du Code civil, la Cour d'appel a violé ce texte ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le preneur n'est pas responsable de l'incendie causé par un événement extérieur présentant les caractères de la force majeure ; qu'en retenant, pour dire que la société Snow Land Sea ne rapportait pas la preuve d'un cas de force majeure, qu'elle avait entreposé dans les lieux des jet-skis et des quads en cours de réparation, tous véhicules contenant du carburant, et des bidons d'essence qui auraient été utilisés par les incendiaires, sans relever que la présence de ces véhicules et produits dans les locaux loués était anormale compte tenu de l'activité exercée par cette société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1733 du Code civil ;
3°) ALORS QUE le preneur ne répond pas de l'incendie arrivé par force majeure ; qu'en se bornant à relever que l'incendie avait été déclenché par des malfaiteurs qui, après avoir neutralisé la télésurveillance, avaient arraché deux barreaux de la fenêtre du secrétariat, et que l'expert judiciaire avait mis en évidence la vulnérabilité de l'installation de télésurveillance dont le câble avait « pu être aisément sectionné » et l'absence de sécurisation des lieux qui avaient déjà fait l'objet précédemment, non d'un incendie, mais d'un simple cambriolage, selon le même processus, sans relever quel système de sécurité supplémentaire, hormis le barreaudage des fenêtres, l'alarme reliée à une station de surveillance, le contrat d'abonnement souscrit auprès d'une société de télésurveillance, et les cadenas verrouillant la porte d'entrée, mis en place par la société Snow Land Sea, alors même qu'aucune stipulation du bail ne le lui imposait, aurait pu et dû être installé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1733 du Code civil ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'il résulte uniquement des termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire de M. X... que l'avocat de la société Sophimar, et non l'expert lui-même, avait prétendu qu'un cambriolage avait eu lieu quelque temps auparavant au cours duquel des malfaiteurs avaient, uniquement, scié des barreaux du bureau du gérant ; qu'en retenant, après avoir relevé que les incendiaires avaient neutralisé la télésurveillance et arraché deux barreaux de la fenêtre du secrétariat, que l'expert X... avait mis en évidence l'absence de sécurisation des lieux qui avaient fait l'objet précédemment d'un cambriolage selon le même processus, la Cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire et violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la SARL Snow Land Sea à payer à la SCI Sophimar des dommages et intérêts d'un montant de 48 000 € arrêtés au 1er juin 2009, puis d'un montant mensuel de 4 000 € jusqu'à reconstruction des locaux incendiés ;
AUX MOTIFS QU'il résulte du rapport d'expertise de M. X... que l'incendie a été causé par des malfaiteurs qui après avoir neutralisé la télésurveillance ont arraché deux barreaux de la fenêtre du secrétariat et ont allumé plusieurs foyers, avec un accélérant de combustion consistant dans l'essence de voiture ; que la SARL Snow Land Sea avait notamment entreposé dans les lieux des jet-skis et des quads en cours de réparation, tous véhicules contenant du carburant ; que le laboratoire Lavoue, qui a procédé à des prélèvements, conclut que les incendiaires ont utilisé des bidons d'essence présents sur place, conclusions confirmées par le rapport d'analyse du laboratoire de police scientifique de Marseille ; que l'expert X... a d'autre part mis en évidence la vulnérabilité de l'installation de télésurveillance dont le câble a pu être aisément sectionné, et l'absence de sécurisation des lieux qui avaient déjà fait l'objet précédemment d'un cambriolage selon le même processus ; que l'incendie ayant été alimenté par des matériaux trouvés sur place et dont la protection s'avérait insuffisante, le premier juge a retenu à juste titre que la SARL Snow Land Sea n'apportait pas la preuve d'un cas de force majeure exonératoire propre à combattre la présomption de responsabilité prévue à l'article 1733 du Code civil dont aucune des parties ne conteste l'application en l'espèce ; qu'en conséquence la décision déférée qui retient la responsabilité de la SARL SNOW LAND SEA sera confirmée ; que le dédommagement arbitré par le premier juge, au titre de la perte de loyer n'est pas discuté dans son quantum et sera confirmé ;
1°) ALORS QUE le juge, tenu de trancher le litige, ne peut condamner une partie au paiement, à titre de dommages et intérêts, de frais futurs indéterminés, sans procéder à leur évaluation ; qu'en condamnant la société Snow Land Sea à payer à la société Sophimar des dommages et intérêts d'un montant mensuel de 4 000 € jusqu'à reconstruction des locaux en réparation d'une prétendue perte de loyers futurs, la Cour d'appel, qui a ainsi mis à sa charge le paiement d'une somme indéterminée, dont le montant dépendra de la volonté de la société Sophimar, a violé l'article 4 du Code civil et l'article 12 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une partie ne peut être condamnée à réparer que le préjudice résultant directement du fait qui lui est imputé ; qu'en condamnant la société Snow Land Sea à payer à la société Sophimar la somme de 4 000 € par mois jusqu'à reconstruction des locaux, en réparation d'une prétendue perte de loyers futurs, la Cour d'appel, qui a ainsi mis à sa charge le paiement d'une somme dont le montant dépendra de la volonté de la société Sophimar, a violé les articles 1147 et 1733 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-20186
Date de la décision : 05/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL (règles générales) - Incendie - Responsabilité du preneur - Présomption - Exonération - Cas fortuit ou de force majeure - Origine criminelle de l'incendie - Limites - Faute imputable au preneur - Caractérisation - Nécessité

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Incendie - Responsabilité du preneur à bail - Présomption - Exonération - Cas fortuit ou de force majeure - Origine criminelle de l'incencie - Limites - Faute imputable au preneur - Caractérisation - Nécessité

Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui condamne un locataire à indemniser le bailleur des conséquences d'un incendie d'origine criminelle ayant détruit les lieux loués sans caractériser de faute imputable au preneur ayant facilité l'acte de malveillance


Références :

article 1733 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 avril 2013

Sur la responsabilité du locataire en cas d'incendie d'origine criminelle, à rapprocher :3e Civ., 2 octobre 1996, pourvoi n° 94-21589, Bull. 1996, III, n° 204 (cassation partielle) ;3e Civ., 18 mars 1998, pourvoi n° 96-10769, Bull. 1998, III, n° 61 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 nov. 2014, pourvoi n°13-20186, Bull. civ. 2014, III, n° 137
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, III, n° 137

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Sturlese
Rapporteur ?: Mme Andrich
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20186
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