LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Grégory X...,
- Mme Monique Y..., - M. Pierre A..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 11 juin 2013, qui, dans la procédure suivie notamment contre le premier du chef de contrefaçon, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi de M. X...:
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur le pourvoi de Mme Y...et de M. A... :
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, 2, 3, 427, 459, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. A... de ses demandes à l'égard de M. B..., a condamné solidairement MM. C..., D..., X...et E...à payer à Mme Y...la somme de 65 000 euros et à M. A... celle de 45 000 euros ;
" aux motifs que Mme Y...a développé un logiciel d'analyse financière dénommé SAFIR-X qui existait en deux versions :- SAFIR XS vendu au prix de 5 750 euros HT,- SAFIR XP vendu au prix de 29 500 euros HT ; qu'elle en a confié la commercialisation à M. A..., immatriculé en nom personnel et sous l'enseigne SIRTRADE International auprès du tribunal de commerce de Bobigny, ce dernier étant principalement connu via internet sur les forums auxquels il participe depuis de nombreuses années ; que ces deux logiciels étaient des modules additionnels à un logiciel d'analyse technique en temps réel très connu (Tradestation) dont les droits sont détenus par la société de droit américain Tradestation Technologie aux USA, lequel était également diffusé en France par M. A... ; que M. A... avait été contacté par des internautes qui l'informaient qu'une personne proposait surie net le logiciel SAFIR-XP " déblogué avec tout ce qu'il faut pour le faire fonctionner avec Trade Station " ; que dès lors M. A... et Mme Y...déposaient une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction le 30 mai 2005 ; que l'instruction établissait que M. X..., gérant de portefeuille à la Société Générale dans la gestion privée, déjà client de M. A... depuis plusieurs années, en janvier 2003 s'était intéressé au logiciel SAFIR-XP et, souhaitant tester la version professionnelle du logiciel, afin de pouvoir proposer son travail à une autre entité de la Société, s'était rapproché de M. A... qui lui avait remis une version d'évaluation temporaire numérotée, version à durée limitée, qui expirait automatiquement et valable pour un mois qu'il conservait ; que M. X...avait parlé de ce logiciel avec une connaissance M. E...qui lui avait alors proposé d'acquérir une version " déverrouillée " contre remise d'une somme de 1 500 ou 2 000 euros, en faisant appel à un " haker " soviétique ; que dès lors M. X...avait demandé une second clé à M. A..., prétextant l'installer dans son bureau, la première étant installée chez lui, qu'il avait transmise à M. E...; qu'ensuite il avait contacté Jean-Noël H..., pour lui demander de participer à l'achat d'une version de SAFIR XP pour un montant de 400 euros ; que M. E..., avait ainsi contacté le haker pour déverrouiller la version SAPHIR XP ; que c'est cette version déverrouillée qui sera proposée sur certains sites internet, car s'y retrouvait le numéro caché apposé sur la version remise à M. X...par M. A... ; que MM. C...et D..., qui s'étaient rencontrés sur un forum spécialisé en matière boursière, après avoir eu une discussion sur ce logiciel, acquéraient un logiciel SAPHIR XP au prix global de 1 500 euros sur un site australien www. l2at. com qui renvoyait au site tradetoll-cracks. com, site spécialisé dans la vente de logiciels à bas prix contrefaits ; que M. C..., via ses quatre comptes internet, revendait une copie du logiciel à trois personnes et en remettait, selon ses dires, une gratuitement à une quatrième personne ; que M. C...proposait, via un forum spécialisé en matière boursière, à M. B...d'acquérir le logiciel SAPHIR XP pour 350 euros, somme que ce dernier lui faisait parvenir contre envoi d'une copie du logiciel ; que chez ce dernier était découvert le " cd rom " contenant une sauvegarde du logiciel SAPHIR XP ; que la cour confirmera le jugement déféré qui a débouté de ses demandes M. A... à l'égard de M. B...; que les constitutions de parties civiles de Mme Y...et M. A... sont recevables à l'égard de MM. C..., D..., X...et E...; que la cour dispose d'élément suffisants d'appréciation pour fixer le préjudice direct et actuel résultant pour les parties civiles des agissement frauduleux des prévenus aux sommes suivantes : condamne solidairement MM. C..., D..., X...et E...à payer Mme Y...la somme de 65 000 euros ; cantonne la solidarité pour chacun des prévenus aux sommes suivantes : M. X...à 20 000 euros, M. E...à 20 000 euros, M. C...à 15 000 euros, Alain D...à 10 000 euros ; condamne solidairement MM. C..., D..., X...et E...à payer M. A... la somme de 45 000 euros ; cantonne la solidarité pour chacun des prévenus aux sommes suivantes : M. X...à 15 000 euros, M. E...à 15 000 euros, M. C...à 10 000 euros, M. D...à 5 000 euros ;
" 1°) alors que le droit au procès équitable, qui garantie l'égalité des armes, commande au juge de mettre chaque partie en mesure de débattre contradictoirement des conclusions et pièces adverses ; qu'en ne mettant pas M. A... et Mme Y...en mesure de débattre contradictoirement, au besoin en renvoyant l'affaire, des conclusions déposées par les prévenus la veille ou le jour de l'audience, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ;
" 2°) alors que la note en délibéré déposée par une partie à la suite de l'audience doit être visée et analysée ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de viser et d'analyser la note en délibéré déposée le 17 mai 2013 par M. A... afin de répondre aux conclusions des prévenus déposées la veille ou le jour de l'audience ;
" 3°) alors que le droit au procès équitable exige que la cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en refusant de tenir compte d'une note en délibéré qu'elle avait pourtant préalablement autorisée après avoir reproché à M. A... de ne pas vouloir produire sa comptabilité différentielle établissant le préjudice issu du piratage de la version Safir Xp par rapport à celle de Safir Xs, la cour d'appel a pris position à l'encontre de la partie civile et ainsi manqué à son devoir d'impartialité ;
" 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que la cour d'appel a méconnu ce principe en déboutant M. A... de sa demande indemnitaire à l'égard de M. B...sans consacrer aucun motif de ce chef ;
" 5°) alors que si les juges du fond apprécient souverainement le montant du préjudice subi par la victime d'une infraction, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en se contentant d'affirmer, pour limiter à 65 000 euros l'indemnisation accordée à Mme Y...et à 45 000 euros celle accordée à M. A..., qu'elle disposait « d'éléments suffisants » pour fixer à ces sommes le préjudice direct et actuel résultant pour les parties civiles des agissements frauduleux des prévenus, sans se prononcer sur les conclusions et pièces précises produites par ces dernières ni préciser quels éléments la conduisaient à cette évaluation, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ; "
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation de M. A..., dirigée contre M. Georges B..., l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation à réparation de M. B...envers M. A... résultait de la déclaration définitive de culpabilité du premier du chef de contrefaçon au préjudice du second et qu'il lui appartenait d'en rechercher l'étendue pour le réparer dans son intégralité, la cour d'appel a méconnu le texte et le principe susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour fixer comme elle l'a fait les préjudices des parties civiles, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des parties, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen :
I-Sur le pourvoi de M. X...:
LE REJETTE ;
II-Sur le pourvoi de Mme Y...et de M. A... :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 11 juin 2013, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.