La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2014 | FRANCE | N°13-24134

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 novembre 2014, 13-24134


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société LMO industrie du désistement de son pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa septième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme D'X... et les sociétés LMO industrie et Les Orgues ont confié à la société Compagnie financière Edmond de Rothschild banque (la banque) plusieurs mandats de gestion, « équilibrée » ou « prudente », des avoirs qu'ils détenaient dans des comptes titres et des PEA ; que reprochan

t à la banque des manquements à ses obligations de mandataire, M. et Mme D'X... et le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société LMO industrie du désistement de son pourvoi ;
Sur le moyen unique, pris en sa septième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme D'X... et les sociétés LMO industrie et Les Orgues ont confié à la société Compagnie financière Edmond de Rothschild banque (la banque) plusieurs mandats de gestion, « équilibrée » ou « prudente », des avoirs qu'ils détenaient dans des comptes titres et des PEA ; que reprochant à la banque des manquements à ses obligations de mandataire, M. et Mme D'X... et les sociétés LMO industrie et Les Orgues l'ont fait assigner en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. et Mme D'X... et de la société Les Orgues, l'arrêt retient que ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que la banque a manqué à son obligation d'agir dans le seul intérêt de son client ; qu'il retient également que la seule constatation que la banque a opté en grande partie pour des produits émis par elle n'est pas suffisante à faire la preuve du manquement invoqué, d'autant que les mandants avaient, en cochant les trois options énumérées à l'article 3 des mandats confiés, donné toute latitude au mandataire sur le choix des investissements ; qu'il ajoute que les mandants ont également donné leur accord exprès pour autoriser la banque à investir au titre des trois options sélectionnées, en ajoutant au bas des mandats de gestion une mention manuscrite à cet effet, ce qui démontre que leur attention a été attirée sur ce point ; qu'ils concluent qu'aucune faute au titre du devoir de conseil ou au titre des investissements choisis ne peut être retenue à l'encontre de la banque ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme D'X... et de la société Les Orgues qui soutenaient que la banque avait l'obligation, lors de la souscription des mandats, de s'enquérir de la situation financière de ses clients, de leur expérience en matière d'investissements boursiers et de leurs objectifs concernant les services demandés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Compagnie financière Edmond de Rothschild aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme D'X... et à la société Les Orgues la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme D'X... et les sociétés LMO industrie et Les Orgues.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme d'X... ainsi que la société LMO Industrie et la société civile Les Orgues de leurs demandes tendant à voir condamner la société Compagnie Financière Edmond de Rothschild à réparer les préjudices résultant des manquements de cette dernière à ses obligations ;
Aux motifs propres qu' « il convient de rappeler les stipulations des mandats de gestion souscrits selon lesquelles, pour sa bonne exécution : le mandant s'interdit expressément d'intervenir dans la gestion du mandataire (¿) ; il peut néanmoins émettre par écrit des réserves ou restrictions ponctuelles et spécifiques ; le mandataire agit au mieux des intérêts du mandant aux seuls risques de ce dernier, en mettant en oeuvre les moyens nécessaires à la gestion du portefeuille en conformité avec l'orientation de gestion choisie ; le mandataire n'est tenu qu'à une obligation de moyens ; que les premiers juges ont justement rappelé que ¿ hors PEA ¿ les souscripteurs avaient opté avant 2008, année correspondant aux griefs invoqués, pour une gestion équilibrée de leurs différents portefeuilles, à l'exception du compte de la société Les Orgues ; que la modification du profil de gestion choisie exigeait la régularisation d'un avenant, en application des stipulations des mandats de gestion ; qu'ils ont constaté qu'il n'y avait pas été procédé ; que les appelants ne contestent pas que la modification du profil de gestion nécessitait la régularisation d'un avenant (¿) ; que s'il résulte de ces éléments que durant l'année 2008, M. d'X... s'interrogeait sur l'évolution des marchés, et s'en inquiétait, il ne peut en être déduit, contrairement à ce qu'il prétend, une volonté claire et ferme de sa part, en tous les cas, avant le 20 novembre 2008, "d'affecter la totalité des actifs en produits de trésorerie ne comprenant aucun risque" ; que dans ces conditions, il ne peut être retenu un manquement de la banque à son obligation de loyauté, au motif qu'elle aurait dû attirer l'attention de son client sur la nécessité de modifier le profil de gestion choisie, pour que les placements soient totalement sécurisés, et ce d'autant plus que M. d'X..., qui a signé l'ensemble des mandats - à l'exclusion de ceux consentis par son épouse- soit pour lui même soit pour le compte des sociétés dont il est le gérant, est un investisseur averti ; qu'il exerce, extrait K bis de la société LMO INDUSTRIE à l'appui, une activité de conseils dans toutes sociétés ou entreprises créées ou à créer ; que même s'il se présente dans ses écritures, comme un professionnel de l'investissement, hors marchés financiers, il n'en demeure pas moins que les termes employés dans les mails démontrent sa connaissance de ces marchés ; que surtout, lors de l'ouverture du compte PEA n° 23624560, le 9 septembre 2005, à l'occasion de laquelle il a précisé vouloir investir sur des supports au niveau de risques modérés et rechercher des investissements équilibrés, il s'est lui même présenté comme bénéficiant d'une connaissance financière 'confirmée' et a déclaré avoir déjà investi sur des actions, obligations et OPCVM ; qu'enfin, certains des profils de gestion avaient déjà été modifiés par le passé, par la conclusion de nouveaux mandats remplaçant les premiers, de sorte qu'il n'ignorait pas le formalisme exigé en cas de modification du profil de gestion choisi ; que les appelants sont en droit de soutenir, en se fondant sur les mails précités, qu'ils avaient émis le souhait, compte tenu de la conjoncture, d'adopter un objectif de prudence, et que le gestionnaire des comptes devait à tout le moins, faire application de la fourchette basse du profil de gestion équilibré ; que cette analyse est corroborée par le courriel envoyé à M. d'X..., le 6 juillet 2009, par Frédéric Y..., gestionnaire des comptes, qui confirme qu'il a été convenu entre eux, aux termes de conversations téléphoniques et de rendez vous, durant l'année 2008 "de rester relativement prudent et donc d'être proches des bornes basses des profils d'investissement" ; que les appelants soutiennent qu'en dépit de leurs instructions de prudence, la LCFR a augmenté dans le courant de l'année 2008, le pourcentage d'investissements risqués et engagé sa responsabilité ; que l'article 2 des mandats de gestion énonce que "la gestion sous mandat de comptes titres se fait selon l'orientation de gestion choisie par l'investisseur parmi les profils suivants : (¿) gestion équilibrée : ce profil est recommandé aux investisseurs qui acceptent des risques en capital, contrepartie d'un meilleur rendement de leurs investissements. Les produits sélectionnés sont diversifiés et les investissements en actions ou produits actions peuvent aller jusqu'à 65% du portefeuille" ; qu'il s'en déduit que les investissements en actions dans le profil de gestion équilibrée doivent se situer entre 30 et 65 % ; que l'examen des placements, pour la période critiquée, tel qu'il résulte des situations trimestrielles établies au 31 mars, 30 juin et 30 septembre 2008, reflète un pourcentage d'investissements en actions situé entre 33 % et 41 % selon les comptes titres considérés (hors PEA) c'est-à-dire conforme à ce qui est prévu pour un profil de gestion équilibré, et dans la fourchette basse, conformément à ce que sollicitaient les appelants ; qu'en outre, le pourcentage de produits monétaires et d'obligations a augmenté de façon importante au 30 décembre 2008, au vu des relevés produits à cette date ; que s'agissant du compte de la société civile Les Orgues n° 44925090 soumis en vertu du mandat, à une gestion prudente avec une limitation des investissements en actions à 30%, il n'est pas davantage établi de dépassement des pourcentages fixés au contrat, comme l'a pertinemment relevé le tribunal, après avoir analysé les relevés versés aux débats ; que les appelants ajoutent qu'en ce qui concerne le compte de la société Les Orgues n°4492140, soumis à une gestion équilibrée durant l'année 2008, le gestionnaire a "clairement" dépassé les limites de son mandat en juin et septembre 2008 ; que cependant cette affirmation n'est pas établie puisque l'examen des relevés des mois considérés, permet de s'apercevoir que les placements en actions se situent dans la fourchette autorisée, et que pour rechercher si les ratios d'investissements sont dépassés, les appelants additionnent à tort les placements en actions et les placements alternatifs, qui ne peuvent être assimilés ; que si les appelants affirment que les investissements ont été particulièrement risqués et donc inadaptés, eu égard aux orientations de gestion choisies, ils n'étayent leurs allégations d'aucun élément probant, de sorte que ce grief ne peut davantage être retenu (¿) ; que les appelants ont également donné leur accord exprès pour autoriser la banque à investir au titre des trois options sélectionnées, en ajoutant au bas des mandat de gestion une mention manuscrite à cet effet, ce qui démontre que leur attention a été attirée sur ce point ; qu'aucune faute au titre du devoir de conseil ou au titre des investissements choisis, ne peut par conséquent, être retenue » ;
Et aux motifs adoptés que « le mandant ne pouvait adresser d'instructions au mandataire à qui il avait confié la gestion, sauf une réserve écrite ponctuelle et spécifique ; que dès lors, s'il entendait modifier la gestion en terme de répartition des actifs, un avenant devait être régularisé pour modifier l'option choisie » ;
Alors que 1°) les mandats de gestion prévoyaient la faculté pour le mandant de donner ponctuellement au mandataire des instructions écrites pour la gestion de ses comptes ; qu'en s'étant fondée, pour écarter la faute de la banque résultant de l'inexécution des instructions écrites données par son mandant au cours de l'année 2008, sur la circonstance inopérante que la modification du profil de gestion nécessitait la régularisation d'un avenant, cependant que le gestionnaire était tenu d'exécuter les instructions ponctuelles écrites reçues de son mandant, distinctes de la modification du profil du mandat de gestion par avenant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1991 du code civil ;
Alors que 2°) en retenant, pour écarter toute faute de la banque, qu'il ne résultait pas des courriels adressés en 2008 au gestionnaire des comptes que M. d'X... avait manifesté une volonté claire et ferme d'affecter la totalité des actifs en produits de trésorerie ne comportant aucun risque, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des courriels adressés au gestionnaire des comptes titres les 23 septembre, 7 et 8 octobre 2008 dont il résultait que M. d'X... avait manifesté à plusieurs reprises de manière claire et non équivoque la volonté que ses avoirs soient désinvestis des supports actions et soient conservés en espèces sur les comptes titres afin de prendre le moins de risques possible, méconnaissant le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Alors que 3°) et subsidiairement en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si le mandataire n'avait pas commis une faute en entretenant les mandants dans la croyance que leurs instructions étaient suivies d'effet, en sorte qu'ils pouvaient légitimement penser qu'une modification du profil de gestion était inutile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du code civil ;
Alors que 4°) et subsidiairement en ayant retenu que les appelants ne contestaient pas que la modification du profil de gestion nécessitait la régularisation d'un avenant, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des appelants qui soutenaient au contraire que « la régularisation d'un avenant écrit n'était en rien nécessaire » pour modifier les profils de gestion, en invoquant la modification des profils de gestion opérée par la banque au mois de décembre 2008 sans signature d'un avenant (conclusions p. 26) et le courriel du gestionnaire du 6 juin 2009 (conclusions p. 13 et 28), et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors que 5°) en ayant retenu, pour juger que la banque n'avait pas dépassé la fourchette basse du pourcentage d'actions convenue entre les parties, que les situations trimestrielles établies au 31 mars, 30 juin et 30 septembre 2008 faisaient apparaître des pourcentages d'investissements en actions situés entre 33 % et 41 % selon les comptes titres considérés, cependant que les situations trimestrielles en date des 30 juin et 30 septembre 2008 concernant le compte titres n°44925140 de la société civile Les Orgues révélaient que la banque avait porté les investissements en actions aux pourcentages respectifs de 45,27 % et 52,67 % excédant largement la fourchette basse convenue par les parties, la cour d'appel a de nouveau méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Alors que 6°) les mandats de gestion équilibrée stipulaient en leur article 2 que les investissements en « actions et/ou en produits actions » devaient s'inscrire dans une fourchette de 30 % à 65 % du portefeuille ; qu'en ayant retenu, pour dire que le gestionnaire n'avait pas excédé les limites de son mandat de gestion équilibrée du compte n°4492140 appartenant à la société civile Les Orgues, que les placements en actions, dont ne faisaient pas partie les placements alternatifs, se situaient dans la fourchette autorisée, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si les placements alternatifs ne devaient pas être inclus, en raison de leur exposition aux actions, dans l'appellation « produits actions » et ne devaient pas être intégrés dans le calcul du pourcentage d'investissement en « actions et produits actions » pour déterminer si les limites du mandat n'avaient pas été dépassées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1992 du code civil ;
Alors que 7°) en vertu de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, le prestataire de services d'investissement, doit, avant de contracter, s'enquérir des objectifs de son client, de sa situation financière, de son expérience en matière d'investissement et de sa compétence s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives ; qu'en n'ayant pas répondu aux conclusions qui soutenaient que la banque avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne s'acquittant pas de cette obligation légale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-24134
Date de la décision : 04/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 nov. 2014, pourvoi n°13-24134


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.24134
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award