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04/11/2014 | FRANCE | N°13-22726

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 novembre 2014, 13-22726


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal de M. Z..., en qualité de liquidateur judiciaire de M. X..., que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Fives Cryo ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fives Cryogénie, devenue Fives Cryo, qui fabrique des échangeurs thermiques et des pompes cryogéniques, a confié pendant plusieurs années des travaux de soudure à M. X..., entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne " HB Soudure " ; que M. X...ayant été mis en liquidation

judiciaire le 15 septembre 2009, son liquidateur, M. Z..., a fait assigner la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal de M. Z..., en qualité de liquidateur judiciaire de M. X..., que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Fives Cryo ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Fives Cryogénie, devenue Fives Cryo, qui fabrique des échangeurs thermiques et des pompes cryogéniques, a confié pendant plusieurs années des travaux de soudure à M. X..., entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne " HB Soudure " ; que M. X...ayant été mis en liquidation judiciaire le 15 septembre 2009, son liquidateur, M. Z..., a fait assigner la société Fives Cryo en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que pour retenir l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties, l'arrêt, après avoir rappelé que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, par la généralité de ses termes, s'applique à toute relation suivie, stable et habituelle, se borne à relever que la société Fives Cryo passait des commandes régulières à M. X...depuis le quatrième trimestre 2003 et que le chiffre d'affaires de ce dernier était réalisé, pour plus de 95 %, par ces commandes, ce qui l'autorisait à anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter les objections de la société Fives Cryo qui faisait valoir qu'elle passait systématiquement un appel d'offres pour chacune de ses commandes auprès, d'une part M. X..., d'autre part une société soeur, la Fives Norton, qu'elle n'était pas liée à M. X...par un contrat-cadre et qu'elle ne lui avait jamais garanti un chiffre d'affaires minimum, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Attendu qu'après avoir retenu la brutalité de la rupture intervenue en juin 2009 sans préavis, l'arrêt, pour limiter l'indemnisation de M. Z..., ès qualités, retient qu'il convient de tenir compte aussi de l'absence d'exclusivité, de droit ou de fait, imposée à M. X..., qui n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour diversifier sa clientèle malgré les risques liés à sa situation de dépendance ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans avoir constaté que la dépendance économique de M. X...résultait d'un choix délibéré de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt alloue à M. Z..., ès qualités, une indemnité au titre de la perte de marge brute subie pendant le préavis dont M. X...a été privé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Z..., ès qualités, qui invoquait des investissements en matériels et certification consentis pour satisfaire aux exigences techniques de la société Fives Cryo, ainsi que l'embauche, à la demande de cette dernière pour la mise en place de la certification projetée, d'un nouveau collaborateur trois mois avant la cessation des commandes, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement, l'arrêt rendu le 14 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Z..., ès qualités, demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR, limitant l'indemnisation du préjudice subi par Maître Z..., ès qualités, condamné la société FIVES CRYO à payer à Maître Z..., ès qualités, la somme de 103. 500 ¿ et d'AVOIR ainsi implicitement rejeté le surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L442. 6 1 5° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels » ; que la société Fives Cryo, qui reconnaît passer des commandes régulières à M. X...depuis le 4ème trimestre 2003, ne saurait contester l'existence d'une relation commerciale répondant à la définition de ce texte aux motifs :- qu'elle passait systématiquement un appel d'offres pour chacune de ses commandes auprès, d'une part de cet entrepreneur, d'autre part d'une société soeur, Fives Norton ;- que les parties n'étaient pas liées par un contrat-cadre ;- qu'elle n'avait jamais garanti à M. X...un chiffre d'affaires minimum ; qu'en effet par la généralité de ses termes la disposition précitée s'applique à toute relation suivie, stable et habituelle ; que la société Fives Cryo ne contestant pas que le chiffre d'affaires de M. X...était réalisé, pour plus de 95 %, par ses commandes et atteignait, pour les années 2007 et 2008, les sommes respectives de 1. 385. 784 ¿ et 1. 377. 732 ¿, autorisant l'entrepreneur à anticiper pour l'avenir une certaine continuité de flux d'affaires, la première condition posée est remplie ; que bien que la société Five Cryo conclut à l'absence de rupture au motif qu'elle n'a jamais indiqué à M. X...qu'elle souhaitait mettre un terme à ses relations, il résulte de sa pièce n° 1, un tableau des commandes passées à nos sous-traitants entre 2007 et 2009, qu'elle a cessé de s'approvisionner auprès de cet entrepreneur à compter du mois de juillet 2009 ; que ce n'est pas, comme elle soutient, la baisse des volumes de commandes qui caractérise la rupture mais leur arrêt total en juin alors que le niveau de celles passées aux deux autres sous-traitants s'est maintenu à un niveau élevé en juillet, avant de connaître un net fléchissement, en raison des circonstances économiques, au cours de l'autonome 2009 ; qu'elle ne saurait davantage soutenir que M. X...ne lui aurait fait aucun reproche à l'envoi des dernières factures, en août 2009 ou que l'instance n'aurait été engagée qu'en janvier 2010 par le liquidateur, en l'absence de renonciation formelle à l'action ou de prescription ; qu'enfin, l'imprudence alléguée de M. X...qui, en ne recherchant pas une nouvelle clientèle, a créé l'état de dépendance économique qu'il invoque aujourd'hui ne peut être prise en compte pour apprécier la réalité de la rupture dont elle n'est pas un élément constitutif au sens du texte précité ; qu'ainsi en tenant compte de la durée et de l'importance des relations, mais également de l'absence d'exclusivité, de droit ou de fait, imposée à M. X..., qui n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour diversifier sa clientèle malgré les risques liés à toute situation de dépendance, la Cour estime qu'il était fondé à bénéficier d'un préavis de six mois ; que sur le quantum de l'indemnité due, le préjudice correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires escompté, qu'il convient de calculer à partir de la moyenne des deux exercices complets précédant la rupture, soit 1. 380. 000 ¿ ; qu'en l'absence de tout élément produit par Maître Z... pour la déterminer, il convient de retenir le taux de 15 % suggéré par la société Fives Cryo et de la condamner en conséquence au paiement de la somme de 15 % x 1. 380. 000/ 2 soit 103. 500 ¿ ; que l'équité commande encore d'allouer à Maître Z... ès qualités une indemnité de 2. 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

1° ALORS QUE la durée raisonnable de préavis d'une relation commerciale établie doit prendre en compte l'état de dépendance économique d'un opérateur ; qu'en imputant à Monsieur X..., pour limiter l'indemnisation du préjudice dont Maître Z..., ès qualités, demandait réparation, le fait de ne pas avoir en « l'absence d'exclusivité, de droit ou de fait ¿ mis en oeuvre les moyens nécessaires pour diversifier sa clientèle malgré les risques liés à toute situation de dépendance » (arrêt, p. 4, § 9), quand la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait Monsieur X...nécessitait au contraire qu'il bénéficie d'un préavis plus important afin de lui permettre de renouveler sa clientèle et de restructurer son activité, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, n'est pas fautif le simple état de dépendance économique ; qu'en limitant l'indemnisation du préjudice subi dont Maître Z..., ès qualités, demandait réparation, aux seuls motifs que Monsieur X...« n'a vait pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour diversifier sa clientèle malgré les risques liés à toute situation de dépendance » (arrêt, p. 4, § 9) sans caractériser en quoi Monsieur X...aurait commis une faute, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

3° ALORS QUE Maître Z..., ès qualités, soutenait, en cause d'appel, que « 620. 000 ¿ d'investissement en matériel et certifications, ainsi que l'embauche de Monsieur Nicolas Y...avaient été réalisés en vain » et qu'ainsi devaient être « indemnisés les dépenses d'investissements non amortis » (arrêt, p. 14, § 9 et § 11) ; qu'en limitant l'indemnisation du préjudice dont Maître Z..., ès qualités, demandait réparation, sans répondre à ce moyen déterminant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Fives Cryo, demanderesse au pourvoi incident éventuel

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Fives Cryo à payer à Me Z..., es qualités, la somme de 103. 500 ¿ ;

AUX MOTIFS QUE la société Fives Cryo qui reconnaît passer des commandes régulières à M. X...depuis le 4ème trimestre 2003, ne saurait contester l'existence d'une relation commerciale répondant à la définition de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce aux motifs : qu'elle passait systématiquement un appel d'offres pour chacune de ses commandes auprès d'une part de cet entrepreneur et d'autre part d'une société soeur, Fives Nordon, que les parties n'étaient pas liées par un contrat cadre, qu'elle n'avait jamais garanti à M. X...un chiffre d'affaires minimum ; qu'en effet par la généralité de ses termes cette disposition s'applique à toute relation suivie, stable et habituelle ; que la société Fives Cryo ne contestant pas que le chiffre d'affaires de M. X...était réalisé, pour plus de 95 % par ses commandes et atteignait, pour les années 2007 et 2008, les sommes respectives de 1. 385. 784 ¿ et 1. 377. 732 ¿, autorisant l'entrepreneur à anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires, la première condition posée est remplie ;

ALORS QUE l'existence d'une relation commerciale établie, au sens de l'article L. 442-6. 1 5° du code de commerce, suppose que la relation entre les parties ait revêtu un caractère suivi, stable et habituel, et que la partie qui se prétend victime de son interruption brutale ait pu légitimement s'attendre pour l'avenir à une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial ; que tel n'est pas le cas lorsque chaque contrat passé entre les parties est soumis à un appel d'offres préalable, qu'il n'existe aucun accord cadre entre elles, et que la prestation confiée, en raison de sa nature, dépend des commandes obtenues par le cocontractant lui-même ; que la société Fives Cryo faisait valoir en l'espèce qu'aucun contrat cadre n'avait été conclu avec HB Soudure, que chacun des contrats qu'elle passait avec ses sous-traitants faisait l'objet d'un appel d'offres et donc d'une mise en concurrence, que les commandes qu'elle avait passées auprès d'HB Soudure les années précédentes avaient connu des variations très importantes, et qu'elle-même était tributaire des commandes qui lui étaient passées par ses propres clients ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire qu'il existait entre Fives Cryo et HB Soudure une relation commerciale établie ne pouvant être rompue sans préavis écrit, que l'article L. 442-6. 1 5° du code de commerce s'appliquait à toute relation suivie, stable et habituelle, sans rechercher si, au vu des circonstances ainsi invoquées, HB Soudure pouvait légitimement s'attendre à la stabilité de sa relation avec la société Fives Cryo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-22726
Date de la décision : 04/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 nov. 2014, pourvoi n°13-22726


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22726
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