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04/11/2014 | FRANCE | N°13-20021

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 novembre 2014, 13-20021


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 mai 2013), que la société Rohde et Schwarz a vendu à Mme X... (la débitrice), entrepreneur individuel, un matériel avec réserve de propriété ; que celle-ci a été mise en redressement judiciaire par jugement du 21 juillet 1995, M. Y... étant désigné administrateur judiciaire avec une mission d'assistance ; que ce dernier a négocié le rééchelonnement de la dette de règlement du prix de vente auprès de la société Rohde et Schwarz, sous réserve de la

restitution du matériel en cas de non règlement d'une seule échéance, modalité...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 mai 2013), que la société Rohde et Schwarz a vendu à Mme X... (la débitrice), entrepreneur individuel, un matériel avec réserve de propriété ; que celle-ci a été mise en redressement judiciaire par jugement du 21 juillet 1995, M. Y... étant désigné administrateur judiciaire avec une mission d'assistance ; que ce dernier a négocié le rééchelonnement de la dette de règlement du prix de vente auprès de la société Rohde et Schwarz, sous réserve de la restitution du matériel en cas de non règlement d'une seule échéance, modalité autorisée par une ordonnance du juge-commissaire du 29 novembre 1995 ; que les échéances convenues n'ayant pas été respectées, le matériel n'a pas été restitué au vendeur ; que le 4 février 2009, la débitrice, après résolution du plan arrêté le 24 mai 1996, a assigné M. Y... en responsabilité civile pour ne pas avoir restitué le bien, entraînant une majoration du passif de sa liquidation judiciaire ; qu'en cause d'appel, Mme Z..., liquidateur judiciaire de la débitrice (le liquidateur), est intervenue, faisant siennes ses moyens et prétentions ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que la débitrice et le liquidateur font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité exercée contre M. Y... en sa qualité d'administrateur judiciaire alors, selon le moyen :
1°/ que Mme X... avait fait valoir que M. Y... s'était vu investir par la débitrice et par la société Rohde et Schwarz d'un mandat qui, dès lors qu'il n'y avait pas été mis fin dans les conditions de l'article 2003 du code civil, s'était poursuivi après que M. Y... avait été désigné comme commissaire à l'exécution du plan et que le point de départ du délai de prescription était le 18 février 1999, veille du jugement de conversion en liquidation judiciaire et date jusqu'à laquelle M. Y... pouvait, en vertu de ce mandat, retourner le banc de test; qu'en s'en tenant à la date à laquelle M. Y... a cessé ses fonctions d'administrateur sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, lorsqu'un même administrateur judiciaire est désigné comme administrateur au redressement judiciaire d'un débiteur puis, après adoption d'un plan de redressement par continuation, comme commissaire à l'exécution de ce plan, sa mission prend fin, au sens de l'article 2277-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et de l'article 2225 nouveau du même code, à la date de la cession de ses fonctions de commissaire à l'exécution du plan ; qu'en l'espèce, les appelants faisaient donc valoir que le point de départ du délai de prescription devait se situer à la veille du jugement du 19 février 1999 par lequel le tribunal de commerce avait prononcé sa mise en liquidation judiciaire ; qu'en distinguant néanmoins les fonctions d'administrateur de M. Y... de celles de commissaire à l'exécution du plan pour déterminer le point de départ du délai de prescription, la cour d'appel a violé les articles susvisés du code civil ensemble l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la mission d'administrateur judiciaire de M. Y... a pris fin le 24 mai 1996, date du jugement arrêtant le plan de redressement par voie de continuation de la débitrice ; qu'ayant exactement fixé le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité à cette date, la cour d'appel, qui n'avait pas à tenir compte de la désignation de M. Y... en qualité de commissaire à l'exécution du plan, ni à répondre aux conclusions inopérantes sur l'existence d'un mandat conventionnel, exclu par la nature judiciaire du mandat de l'administrateur, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la débitrice et le liquidateur font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts contre M. Y... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan alors, selon le moyen, qu'en se bornant, pour écarter la responsabilité de M. Y..., à retenir que la créance de la société Rohde et Schwarz afférente au solde du prix du matériel vendu sous réserve de propriété n'était pas incluse dans le plan de redressement et qu'il incombait à Mme X..., redevenue in bonis, d'en régler les échéances conformément à son engagement accepté par le vendeur et homologué par le juge-commissaire, ou de tirer les conséquences de son impossibilité à ce faire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en plus de sa mission légale de commissaire à l'exécution du plan, M. Y... n'avait pas été investi tant par Mme X... que par la société Rohde et Schwarz d'un mandat de droit commun, qui s'était poursuivi jusqu'au jugement du 19 février 1999, et qui lui faisait obligation, en cas de non-respect du nouvel échéancier de règlement du prix de vente, de rendre effective la restitution du matériel à la société Rohde et Schwarz, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et 1991 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la créance de la société Rohde et Schwarz n'était pas incluse dans le plan de redressement, ayant donné lieu à un accord de paiement par mensualités, homologué par le juge-commissaire, et comme telle assimilée à une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture en application de l'article L. 621-122 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 ; qu'ayant ainsi écarté la responsabilité de M. Y... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, laquelle est exclusive de celle de mandataire conventionnel de la débitrice ou du vendeur du matériel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme X... au dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X... et Mme Z..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité civile dirigée par Mme X... contre M. Y... en sa qualité d'administrateur judiciaire ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ses dispositions qui réduisent la durée d'une prescription s'appliquent aux prescriptions à compter de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que l'article 2277-1 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 89-906 du 19 décembre 1989, fixait à dix ans la durée de la prescription de l'action dirigée contre les personnes habilitées à représenter ou à assister les parties en justice en raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait ; que la durée de cette prescription a été réduite à cinq ans par l'article 2225 issu de la loi du 17 juin 2008 précitée ; qu'en l'espèce, la mission d'administrateur judiciaire M. Y... a pris fin le 24 mai 1996, date du jugement arrêtant le plan de redressement par continuation de Mme X... ; que cette dernière a introduit l'instance par assignation du 4 février 2009 ; que la prescription de cette action a commencé à courir le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi, jusqu'au 19 juin 2013 ; que toutefois la durée totale séparant le 24 mai 1996 et le 19 juin 2013 étant supérieure à dix ans, la prescription était acquise le 24 mai 2006 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE Mme X... faisait valoir que M. Y... s'était vu investir par elle-même et par la société ROHDE et SCHWARZ d'un mandat (concl. récap. p. 11 et 12) qui, dès lors qu'il n'y avait pas été mis fin dans les conditions de l'article 2003 du code civil, s'était poursuivi après que M. Y... a été désigné comme commissaire à l'exécution du plan (p. 15) et que le point de départ du délai de prescription était le 18 février 1999, veille du jugement de conversion en liquidation judiciaire et date jusqu'à laquelle M. Y... pouvait, en vertu de ce mandat, retourner le banc de test (p. 10 § 2) ; qu'en s'en tenant à la date à laquelle M. Y... a cessé ses fonctions d'administrateur sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE Mme X... soutenait que l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 juillet 2012 sur les pourvois formés par elle et par M. X... sur le fondement de l'article 618 du code de procédure civile avait eu pour effet l'annulation, par voie de conséquence, du jugement du 24 mai 2006 ayant homologué le plan de continuation (concl. récap. p. 2 § 8) ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions de nature à remettre rétrospectivement en cause la date de fin des fonctions d'administrateur de M. Y..., la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE, lorsqu'un même administrateur judiciaire est désigné comme administrateur au redressement judiciaire d'un débiteur puis, après adoption d'un plan de redressement par continuation, comme commissaire à l'exécution de ce plan, sa mission prend fin, au sens de l'article 2277-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et de l'article 2225 nouveau du même code, à la date de la cession de ses fonctions de commissaire à l'exécution du plan ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait donc valoir (concl. récap. p. 9 et 10) que le point de départ du délai de prescription devait se situer à la veille du jugement du 19 février 1999 par lequel le tribunal de commerce avait prononcé sa mise en liquidation judiciaire ; qu'en distinguant néanmoins les fonctions d'administrateur de M. Y... de celles de commissaire à l'exécution du plan pour déterminer le point de départ du délai de prescription, la cour d'appel a violé les articles susvisés du code civil ensemble l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué rejeté la demande de dommages-intérêts dirigée par Mme X... contre M. Y... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
AUX MOTIFS QU'il ne peut être reproché à M. Y..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, d'avoir engagé sa responsabilité alors que la créance de la société ROHDE et SCHWARZ n'était pas incluse dans le plan ainsi que cela ressort du document adressé le 26 novembre 1997 par l'appelante à l'intimé qui, en regard de cette créance, porte la mention : « réglé ordonnance ¿ non inscrit dans le plan de redressement » ; qu'en effet, par courrier du 5 septembre 1995, Mme X... s'était engagée à « régler les mensualités de retard qui auraient dû l'être et continuer les échelonnements comme ils étaient prévus contractuellement », ce qu'avait accepté la société ROHDE et SCHWARZ le 14 novembre 1995 et homologué le juge-commissaire le 29 novembre suivant par une ordonnance rendue au visa de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l'article L. 621-122 du code de commerce) dont le dernier alinéa dispose : « ¿ le juge-commissaire peut, avec le consentement du créancier requérant, accorder un délai de règlement. Le paiement du prix est alors assimilé à celui d'une créance né régulièrement après le jugement d'ouverture » ; qu'en conséquence, Mme X... étant redevenue in bonis par l'effet du plan de redressement, il lui incombait de régler ces échéances conformément à son engagement ou de tirer toutes conséquences de son impossibilité à ce faire ; qu'elle est donc particulièrement malvenue à tenter de faire supporter au commissaire à l'exécution du plan sa propre faute ;
ALORS QU'en se bornant, pour écarter la responsabilité de M. Y..., à retenir que la créance de la société ROHDE et SCHWARZ afférente au solde du prix du matériel vendu sous réserve de propriété n'était pas incluse dans le plan de redressement et qu'il incombait à Mme X..., redevenue in bonis, d'en régler les échéances conformément à son engagement accepté par le vendeur et homologué par le juge-commissaire, ou de tirer les conséquences de son impossibilité à ce faire, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. récap. p. 11 et suiv.), si, en plus de sa mission légale de commissaire à l'exécution du plan, M. Y... n'avait pas été investi tant par Mme X... que par le société ROHDE et SCHWARZ d'un mandat de droit commun, qui s'était poursuivi jusqu'au jugement du 19 février 1999, et qui lui faisait obligation, en cas de non-respect du nouvel échéancier de règlement du prix de vente, de rendre effective la restitution du matériel à la société ROHDE et SCHWARZ, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et 1991 du code civil ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le commissaire à l'exécution du plan de continuation qui, étant chargé de la défense des intérêts des créanciers, a qualité pour entreprendre les actions propres à empêcher l'aggravation du passif, et qui tient de l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985, devenu article L. 621-68 du code de commerce, le pouvoir de poursuivre les actions introduites par l'administrateur, engage sa responsabilité lorsqu'il s'abstient de prendre les initiatives en son pouvoir de nature à résorber une partie du passif et à le diminuer ; qu'en l'espèce, en l'état de l'échéancier accepté par la société ROHDE et SCHWARZ, par l'intermédiaire de M. Y..., à condition de se voir restituer le matériel vendu sous réserve de propriété en cas de non-règlement d'une échéance, les exposantes étaient fondées à reprocher à celui-ci, devenu commissaire à l'exécution du plan, et informé de l'impossibilité pour Mme X... de régler les échéances convenues, de ne pas avoir pris l'initiative ou, à tout le moins, conseillé la restitution du matériel pour diminuer la créance du vendeur ; qu'en se fondant, pour décider le contraire, sur les circonstances inopérantes que la créance relative à ce prix n'était pas incluse dans le plan de redressement et que Mme X... était alors redevenue in bonis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ensemble l'article 1382 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 6.000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, ayant considéré que l'action de Mme X... n'était recevable que parce que Mme Z..., liquidateur judiciaire de Mme X..., était partie à l'instance et avait conclu qu'elle faisait siens les prétentions et moyens de la débitrice, la cour d'appel ne pouvait prononcer à l'égard de Mme X... elle-même une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle a ainsi violé l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-9 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-20021
Date de la décision : 04/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 07 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 nov. 2014, pourvoi n°13-20021


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20021
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