LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 janvier 2013) que les époux X... ont donné à bail rural à M. Y..., par acte sous seing privé du 30 octobre 1992, la ferme de la Rougerie ; que le preneur, qui exploite désormais des terres dans une autre région, où il réside, a obtenu des bailleurs, par acte sous seing privé du 10 octobre 2001, l'autorisation de sous louer les biens objets du bail au Groupement agricole d'exploitation en commun de la Rougerie, tout en conservant le bénéfice du droit unique de paiement qu'il percevait pour ces terres ; que les époux X... l'ont assigné en résiliation du bail pour sous location prohibée ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen, que toute sous-location d'un bien donné à bail agricole est illicite, quelle que soit la valeur de l'avantage qu'elle procure au preneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. Y... a accordé au GAEC La Rogerie la jouissance exclusive des terrains agricoles qui lui avaient été donnés à bail par M. et Mme X... en contrepartie de l'octroi à son profit des indemnités dues au titre des droits à paiement unique pour l'exploitation de ces terrains ; que pour dire qu'il n'y avait pas de sous-location illicite et rejeter la demande de résiliation du bail formée par M. et Mme X..., la cour retient que le montant de ces indemnités était inférieur au prix du fermage versé au bailleur ; qu'en se fondant sur ce motif inopérant, et en refusant de prononcer la résiliation du bail nonobstant l'existence d'une sous-location présentant pour M. Y... une contrepartie financière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
Mais attendu que la contrepartie nécessaire à la caractérisation d'une sous location prohibée ne peut résulter que d'une prestation servie en nature ou en espèces au preneur initial par le sous locataire, et qu'aucune contrepartie à la charge du GAEC n'a été relevée en la cause ;
Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le seconde branche du moyen unique qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux époux Y... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour les époux X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris et débouté M. et Mme X... de leur demande de résiliation du bail rural consenti à M. Y...,
AUX MOTIFS QUE l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime interdit les sous-locations et l'article L. 411-31 en fait une cause de résiliation du bail ; que ces dispositions sont d'ordre public, nonobstant l'accord du bailleur, en l'espèce matérialisé et mis en oeuvre depuis 2001 ; que la sous location est caractérisée quand le preneur confère à un tiers un droit de jouissance sur le fonds loué assorti d'une mise à disposition du fonds et d'une contrepartie financière ; qu¿il est établi que M. Y... a mis les terres louées à la disposition du GAEC La Rogerie, ce dont attestent ses membres, et qui résulte des termes mêmes de l'acte du 10 octobre 2001 par lequel il « autorise le GAEC La Rogerie à exploiter les terres qu'il a en fermage appartenant à M. X... sur la commune de Sainte-Foy, de l'ensemencement à la récolte », ce qui implique, par la généralité des termes qui couvrent l'intégralité du processus cultural, qu'il ne se réserve aucun droit de direction de l'exploitation, ni ne fournit aucun travail ou semence, ni ne perçoit tout ou partie de la récolte ; que la circonstance que M. Y... se rende parfois, en ULM selon attestation de M. Z..., sur les lieux, étant précisé qu'il habite à 450 km dans le Gers, ce qui est peu propice à une exploitation directe, ne suffit pas à caractériser qu'il se soit gardé le pouvoir de direction, ni que le GAEC n'intervienne sur les terres qu'en qualité de prestataire de services de M. Y... ; que les trois membres du GAEC attestent que M. Y... ne leur « donne aucune instruction pour exploiter, ne leur apporte aucune aide et qu'ils récoltent ce qu'ils sèment, et que la seule chose qui l'intéresse est de conserver les DPU qu'eux-mêmes devraient toucher et qui s'élèvent à un montant supérieur au fermage qu'il paie, de sorte qu'ils paient en réalité indirectement le montant de ces DPU comme un fermage » ; que par ailleurs, si M. Y..., qui a constitué une EARL, règle le fermage aux époux X..., et si le GAEC ne règle pas de fermage à M. Y..., il est constant que M. Y..., bien que n'exploitant pas les terres de Sainte-Foy, perçoit le DPU au titre de ces terres et de la dizaine d'hectares qu'il exploite dans le Gers, de sorte que cette recette serait de nature à compenser la dépense que constitue le fermage, et à constituer la contrepartie financière nécessaire à la reconnaissance d'une sous-location ; que pour autant, il ressort des pièces produites par M. Y... que le montant du DPU est inférieur au fermage : 894,72 ¿ pour la campagne 2005, 830,34 ¿ pour la campagne 2006, 852,26 ¿ pour la campagne 2007, 951,72 ¿ pour la campagne 2008, étant précisé que le DPU concerne également des terres exploitées dans le Gers par l'EARL M. Y..., alors que le fermage 2010 versé aux époux X... par M. Y... pour les terres exploitées en Vendée, seul connu, est de 2.129 ¿, dont d'un montant supérieur ; qu¿il s'ensuit qu'en l'absence de contrepartie financière réelle, il n'y a pas de sous-location prohibée, peu important les tenants et aboutissants non connus du montage accepté par les parties et par le GAEC depuis 2001 et le souhait des bailleurs d'en sortir, notamment en termes de projet de vente de parties des terres constructibles et d'intérêt pour M. Y... de conserver une surface minimale, non atteinte par les terres exploitées dans le Gers, pour conserver le bénéfice du DPU ;
1° ALORS QUE toute sous-location d'un bien donné à bail agricole est illicite, quelle que soit la valeur de l'avantage qu'elle procure au preneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. Y... a accordé au GAEC La Rogerie la jouissance exclusive des terrains agricoles qui lui avaient été donnés à bail par M. et Mme X... en contrepartie de l'octroi à son profit des indemnités dues au titre des droits à paiement unique pour l'exploitation de ces terrains ; que pour dire qu'il n'y avait pas de sous-location illicite et rejeter la demande de résiliation du bail formée par M. et Mme X..., la cour retient que le montant de ces indemnités était inférieur au prix du fermage versé au bailleur ; qu'en se fondant sur un ce motif inopérant, et en refusant de prononcer la résiliation du bail nonobstant l'existence d'une sous-location présentant pour M. Y... une contrepartie financière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
2° ALORS au surplus QUE le juge est tenu d'observer et de faire observer la contradiction ; que M. et Mme Y... n'avaient à aucun moment soutenu que la sous-location qui leur était reprochée aurait été licite dès lors que les droits à paiement unique dont ils conservaient le bénéfice étaient inférieurs au montant du fermage, ni communiqué aucune pièce tendant à établir ce fait, notamment le montant des DPU afférents aux terrains loués ; qu'en fondant sa décision sur cette circonstance et sur des « pièces produites par M. Y... » établissant que celui-ci aurait perçu des indemnités à hauteur de 894,72 ¿ pour la campagne 2005, 830,34 ¿ pour la campagne 2006, 852,26 ¿ pour la campagne 2007, 951,72 ¿ pour la campagne 2008, non communiquées aux époux X... et non débattues contradictoirement, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile.