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29/10/2014 | FRANCE | N°13-23374

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 octobre 2014, 13-23374


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soutenant qu'une parcelle dont il est propriétaire, située sur le territoire de la commune de Venelles (la commune), a fait l'objet d'une appropriation illicite par l'association syndicale libre Les Forestières (l'ASL), M. X... a saisi le juge des référés aux fins, notamment, de voir faire interdiction à cette dernière et à ses membres d'user et jouir de cette parcelle et ordonner la suppression des aménagements réalisés ainsi que la désignation d'un expert ; qu

e l'ASL a attrait dans la cause la commune et, invoquant le caractère ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soutenant qu'une parcelle dont il est propriétaire, située sur le territoire de la commune de Venelles (la commune), a fait l'objet d'une appropriation illicite par l'association syndicale libre Les Forestières (l'ASL), M. X... a saisi le juge des référés aux fins, notamment, de voir faire interdiction à cette dernière et à ses membres d'user et jouir de cette parcelle et ordonner la suppression des aménagements réalisés ainsi que la désignation d'un expert ; que l'ASL a attrait dans la cause la commune et, invoquant le caractère d'ouvrage public des équipements litigieux, soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour se prononcer sur ses demandes, à l'exception de celle fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que l'atteinte au droit de propriété cause un trouble manifestement illicite que le juge des référés de l'ordre judiciaire a le devoir de faire cesser sous réserve de ne pas porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ; qu'en retenant que les demandes de M. X... échappaient à la compétence du juge judiciaire à la seule exception de la demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui s'est ainsi estimée incompétente pourstatuer non seulement sur la demande tendant à la suppression des aménagements fonciers réalisés sur la parcelle litigieuse, qui constituaient, à ses yeux, des ouvrages publics, mais encore sur la demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction à l'ASL et à ses membres d'user et de jouir de cette parcelle et, en particulier, d'y faire circuler des véhicules pour accéder au lotissement, demande qui n'avait pourtant pas pour objet de porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'autorité judiciaire ne saurait, sans s'immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ; que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, après avoir qualifié d'ouvrages publics les aménagements litigieux, constitués notamment d'équipements de voirie, a décidé que les juridictions de l'ordre judiciaire n'étaient pas compétentes pour se prononcer sur les demandes formées par M. X... et, notamment, sur celle tendant à ce qu'il soit fait interdiction à l'ASL et à ses membres de faire circuler des véhicules sur la parcelle sur laquelle ces ouvrages étaient implantés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour ordonner une expertise, l'arrêt, après avoir relevé que la parcelle litigieuse ne faisait pas partie de celles transférées par le lotisseur à l'ASL et que les équipements publics réalisés par les aménageurs des résidences sur cette parcelle avaient été remis gratuitement à la commune, énonce que l'ASL a obtenu le transfert à son profit de la propriété des biens, équipements et réseaux divers communs du lotissement, succédant aux droits et obligations du lotisseur ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne une expertise et commet pour y procéder M. Gérard Y..., l'arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la cour d'appel était incompétente pour se prononcer sur les demandes de Monsieur X..., à l'exception de celle fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE l'ASL reprend, devant la cour, le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative ; que la commune de Venelles soutient, pour sa part, que la demande d'enlèvement d'aménagements constituant des ouvrages publics se heurte à une contestation sérieuse ; que, de son côté, Monsieur X... estime que les ouvrages ont été réalisés par le lotisseur, de manière illicite, sur sa propriété et qu'il ne s'agit pas d'ouvrages publics ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la parcelle BX 105 (anciennement E 223) ne fait pas partie de celles transférées par le lotisseur à l'ASL ; que par lettre du 21 août 1986, le maire de Venelles a donné son accord au lotisseur pour que soient établis sur cette parcelle tous éléments de voirie desservant le lotissement envisagé ainsi que l'assiette d'équipements publics et notamment d'un bassin de rétention ; que la parcelle a fait l'objet d'une intégration dans le domaine communal par délibération du 14 février 1995 du conseil municipal de Venelles ; que le permis de lotir des résidences de la Brianne, du 28 juillet 1986, expose que les équipements publics ont été réalisés solidairement par les aménageurs de ces résidences et des Forestières et remis gratuitement à la commune de Venelles ; qu'il y est fait état d'opérations effectuées sur le territoire de la commune, en accord avec ses services techniques (voirie, assainissement, éclairage public, bassin de rétention, espace public en vue de la réalisation ultérieure d'une placette publique, etc) ; qu'il ressort notamment de l'étude hydraulique présentée à la commune en juillet 2008 que celle-ci compte plusieurs bassins d'orage qui servent à la régulation des épisodes de crues et notamment le bassin de rétention précité ; qu'il n'est par ailleurs pas discuté que des réseaux publics d'eaux de pluie passent sous la parcelle, tous éléments affectés à l'utilité générale ; qu'il ressort de ce qui précède que les actes dont se plaint Monsieur X..., même s'ils n'émanent pas directement d'une personne publique, ont pour origine le fait d'une personne privée participant à l'action administrative ; qu'il ne peut donc s'agir que d'une emprise résultant d'une prise de possession manifestement irrégulière, puisque Monsieur X... n'invoque pas la voie de fait, d'ailleurs écartée par l'arrêt de la cour du 30 septembre 2010 qui a confirmé ses droits de propriétaire de la parcelle en cause ; que si la juridiction judiciaire est compétente pour assurer la réparation pécuniaire du préjudice causé par une emprise irrégulière, elle est en revanche incompétente pour ordonner des expulsions ou des restitutions dans ce cas ou la suppression d'un ouvrage public ; qu'il s'ensuit que les demandes formées par Monsieur X..., qui ne le sont pas à titre provisionnel en vue de son indemnisation du préjudice subi, échappent à la compétence de cette juridiction ; qu'en revanche que l'appelant a un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile d'obtenir l'organisation d'une expertise notamment au contradictoire de l'ASL, dont il rappelle à bon droit qu'elle a obtenu le transfert à son profit de la propriété des biens, équipements et réseaux divers communs du lotissement, succédant aux droits et obligations du lotisseur ; que les résultats de la mesure d'instruction lui permettront, le cas échéant, d'engager une action en vue de la réparation de son préjudice à l'encontre de l'une et/ou l'autre des parties à cette instance ;
ALORS QUE l'atteinte au droit de propriété cause un trouble manifestement illicite que le juge des référés de l'ordre judiciaire a le devoir de faire cesser sous réserve de ne pas porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ; qu'en retenant que les demandes de Monsieur X... échappaient à la compétence du juge judiciaire à la seule exception de la demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui s'est ainsi estimée incompétente pour statuer non seulement sur la demande tendant à la suppression des aménagements fonciers réalisés sur la parcelle litigieuse, qui constituaient, à ses yeux, des ouvrages publics, mais encore sur la demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction à l'ASL et à ses membres d'user et de jouir de cette parcelle et, en particulier, d'y faire circuler des véhicules pour accéder au lotissement, demande qui n'avait pourtant pas pour objet de porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble l'article 809 du code de procédure civile.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour L'association syndicale libre Les Forestières.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR ordonné une expertise et commis pour y procéder monsieur Gérard Y... avec pour mission, notamment, de décrire la parcelle cadastrée section BX n° 105, sise à VENELLES, tant au jour de l'assignation du 24 avril 2012 qu'à la date du 2 avril 1999, décrire les ouvrages et aménagements implantés sur cette parcelle et leur mode de gestion, déterminer les travaux de remise en état de la parcelle dans son état antérieur à la réalisation des ouvrages et aménagements du lotissement, la durée et le coût des travaux, et de fournir tous éléments d'appréciation du préjudice subi, le cas échéant, par monsieur X....
AUX MOTIFS QUE l'appelant a un motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile d'obtenir l'organisation d'une expertise notamment au contradictoire de l'A.S.L, dont il rappelle à bon droit qu'elle a obtenu le transfert à son profit de la propriété des biens, équipements et réseaux divers communs du lotissement, succédant aux droits et obligations du lotisseur ; que les résultats de la mesure d'instruction lui permettront, le cas échéant, d'engager une action en vue de la réparation de son préjudice à l'encontre de l'une et/ou de l'autre des parties à cette instance ; que la mission de l'expert sera précisée au dispositif du présent arrêt.
1°) ALORS QUE le juge ne peut accueillir une demande d'expertise en application de l'article 145 du Code de procédure civile sans caractériser l'existence d'un motif légitime de recourir à une telle mesure de sorte qu'il doit s'assurer que cette mesure d'instruction est sollicitée en vue d'une action dont le fondement est suffisamment déterminé à l'encontre de chacun des défendeurs ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de la Cour d'appel (p. 3, al. 7) que la parcelle BX 105 ne faisait pas partie de celles transférées par le lotisseur à l'Association Syndicale Libre « Les Forestières » et que, dans ses conclusions d'appel récapitulatives et en réponse (p. 8, al. 3 à 5), l'exposante avait fait valoir qu'elle n'est pas propriétaire des aménagements réalisés par le lotisseur sur cette parcelle et qu'elle n'a jamais eu pour objet de gérer des ouvrages et aménagements qui ne seraient pas intégrés au lotissement, l'acte de transfert de propriété « des voiries, espaces verts et communs » du 3 novembre 1992 ne faisant nullement mention de la parcelle BX 105 ; qu'en se contentant d'affirmer, pour retenir que monsieur X... avait un motif légitime d'obtenir l'organisation d'une expertise au contradictoire de l'Association Syndicale Libre « Les Forestières » en vue de l'engagement, le cas échéant, d'une action en vue de la réparation de son préjudice, que celui-ci rappelait à bon droit qu'elle avait obtenu « le transfert à son profit des biens, équipements et réseaux divers communs du lotissement » sans autrement justifier de l'existence d'un prétendu transfert à l'exposante des biens, équipements et réseaux publics figurant sur la parcelle BX 105 et en quoi l'exposante aurait un droit sur ces derniers, situés en dehors du lotissement « Les Forestières », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile.
2°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait à la fois retenir qu'il résultait du permis de lotir des résidences de la Brianne du 28 juillet 1986 que les équipements publics avaient été réalisés solidairement par les aménageurs de ces résidences et des Forestières et « remis gratuitement à la commune de Venelles » (arrêt p. 3, al. 8) et que monsieur X... rappelait à bon droit que l'Association Syndicale Libre avait « obtenu le transfert à son profit de la propriété des biens, équipements et réseaux divers communs du lotissement, succédant aux droits et obligations du lotisseur » ; qu'en entachant ainsi sa décision d'une contradiction sur le transfert des équipements publics réalisés par les lotisseurs sur la parcelle cadastrée section BX, n° 105, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-23374
Date de la décision : 29/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 oct. 2014, pourvoi n°13-23374


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.23374
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