LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Esterel technologies par contrat à durée indéterminée du 23 janvier 2001 en qualité de responsable partenaire Amérique du Nord au sein de la direction marketing et ventes indirectes à Montréal, ce contrat étant soumis à la loi canadienne ; que la société Esterel technologies a mis fin au contrat de travail du salarié à compter du 30 août 2010 ; que celui-ci a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet pour contester son licenciement ; que la société Esterel technologies a contesté la compétence de la juridiction prud'homale française et qu'un litige s'est élevé sur la loi applicable ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, alors en vigueur ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, que celles-ci peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat, qu'elles peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu d'autres dispositions de la présente Convention ; que selon le second, le choix de la loi applicable par les parties à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article ; que selon ce paragraphe, le contrat est régi, à défaut de choix des parties : a) par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ;
Attendu que pour déclarer la loi française applicable aux demandes formées par M. X... à l'encontre de la société, l'arrêt retient que le contrat de travail a seulement prévu la mise à disposition du salarié auprès de la filiale canadienne, la société de droit français ayant continué au cours de cette mise à disposition de lui verser son salaire et de décider de ses augmentations et étant restée son seul employeur, que c'est la société de droit français qui a rompu le contrat de travail qui est rédigé en langue française, que les parties ont toutes les deux la nationalité française, que c'est pourquoi le contrat de travail présente des liens plus étroits avec la France, la commune intention des parties étant de voir ce contrat soumis à la loi française compte tenu du lien de subordination entre le salarié et la société de droit français, de la langue employée, le salaire étant toujours versé par la société Esterel technologies ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. X... et la société Esterel technologies avaient conclu un contrat de travail prévoyant que la loi canadienne serait applicable, sans relever en quoi cette loi était moins protectrice que la loi française revendiquée par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé que la loi française est applicable au contrat de travail entre M. X... et la société Esterel technologies, l'arrêt rendu le 23 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Esterel technologies.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le conseil de prud'hommes de Rambouillet est compétent pour connaître du litige opposant Monsieur X... et la société ESTEREL TECHNOLOGIES SA et, évoquant le fond de l'affaire, D'AVOIR jugé recevable l'action de Monsieur X... devant le conseil de prud'hommes de Rambouillet et dit la loi française applicable ;AUX MOTIFS QUE sur la juridiction compétente, Monsieur X... estime qu'étant français et ayant travaillé pour une société française à l'occasion d'un contrat de travail conclu en France et par la suite étant licencié par cette même société, seules les juridictions françaises peuvent connaître de ce litige ; pour soutenir que le conseil des prud'hommes de Rambouillet est compétent, il demande l'application de l'article 14 du code civil, étant de nationalité française ; la société, qui demande confirmation du jugement qui s'est déclaré territorialement incompétent au profit des juridictions canadiennes, répond que le salarié avait expressément renoncé au privilège de juridiction au terme d'une clause attributive de juridiction claire et univoque stipulée dans le contrat d'emploi signé par les parties le 21 septembre 2001 et de ce fait attribuant en cas de litige la compétence aux tribunaux de Montréal. Subsidiairement elle considère qu'il est canadien depuis le 28 février 2008 et ne peut invoquer le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil ni les dispositions de l'article 15 du même code son employeur étant la filiale de droit canadien ; en l'espèce il existe bien un contrat international dès lors que le lieu d'exécution du travail a été au Canada de façon exclusive ; M. X... soutient qu'il a été mis à disposition de la filiale de la société mère française et qu'il a demandé l'application des dispositions d'ordre public en droit interne français de l'article L 1231-5 du code du travail. Il convient tout d'abord de déterminer quelles règles de compétence judiciaire s'appliquent ; aux termes de l'article 19 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait : 1) devant les tribunaux de l'Etat membre où il a son domicile ou 2) dans un autre Etat membre a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ou b) lorsqu'il n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui l'a embauché ; il en découle que le salarié peut attraire son employeur s'il est domicilié sur le territoire d'un Etat membre, quelque soit sa nationalité, devant les tribunaux de l'Etat membre où cet employeur a son domicile ; il convient de rechercher quelles ont été les parties au contrat de travail dès lors que l'appelant et l'intimée sont en désaccord ; il ressort des documents versés aux débats que le 21 septembre et le 15 octobre 2001 a été conclu un contrat entre M. X... domicilié au Canada et la société ESTEREL TECHNOLOGIES société française ayant son siège social en France ; il y était convenu que le salarié occupait un emploi au Canada dans les locaux d'Ingenuity Technology Inc. Et que ce contrat était régi par le seul droit canadien, les tribunaux de Montréal étant compétents en cas de conflit. Seule est produite une lettre datée du 18 avril 2002 émanant de cette société française informant le salarié de son rattachement à effet au 1er janvier 2002 à la filiale ESTEREL TECHNOLOGIES INC. En outre le salarié justifie que les augmentations de rémunérations ont toujours été décidées par la société française y compris après le mois de janvier 2002, société qui lui versait son salaire et qui l'a licencié ; il en découle que l'employeur de M. X... est resté la société de droit française ESTEREL TECHNOLOGIES ayant son siège social en France. Quant à M. X... il établit après la réouverture des débats qu'il a conservé la nationalité française ; dans ces conditions les dispositions de l'article 19 1) précitées du règlement communautaire s'appliquent, sans que le défendeur puisse se prévaloir des autres critères de compétence fixés par le texte ; en outre M. X... peut invoquer l'article 14 du code civil et voir juger que la clause attributive de compétence énoncée dans son contrat de travail n'est pas valable. En effet, ce contrat est soumis à des dispositions de droit français d'ordre public ;
ALORS TOUT D'ABORD QUE les dispositions de l'article 19 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 ne sont pas d'ordre public et qu'il peut en conséquence y être renoncé ; que le salarié français exerçant son activité au Canada, dont le contrat d'emploi stipule que seuls les tribunaux de Montréal seront compétents pour connaître de ses éventuels litiges avec son employeur, et qui a saisi la commission des normes du travail de Montréal, ne peut se prévaloir des dispositions susvisées ; qu'en statuant autrement la cour d'appel a violé par fausse application l'article 19 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
ALORS ENSUITE QUE si toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de travail est nulle et de nul effet, il en va autrement des contrats internationaux ; que la cour d'appel qui a expressément reconnu que le contrat de travail de Monsieur X... était un contrat international a violé par fausse application l'article L 1221-5 du code du travail ;
ALORS ENFIN QUE l'article 14 du code civil consacre une compétence, non pas exclusive, mais subsidiaire du juge français, dont l'exercice est facultatif pour les parties, qu'il est sans effet en présence de renonciation de son bénéficiaire ; qu'en estimant que la clause attribuant compétence aux tribunaux de Montréal était non valable, la cour d'appel a violé l'article 14 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit la loi française applicable au contrat de travail entre Monsieur X... et la société ESTEREL TECHNOLOGIES ;AUX MOTIFS QU'en présence d'un conflit de lois en cas de travail exécuté hors de l'Union Européenne mettant en jeu des ressortissants de l'Union Européenne le juge français est tenu d'appliquer la Convention de Rome du 19 juin 1980 même si ce contrat est exécuté hors de l'Union Européenne et qu'il contient une clause prévoyant l'application de la législation canadienne. La société intimée demande qu'il soit statué sur la loi applicable ; comme l'ont relevé les premiers juges s'agissant d'un contrat de travail antérieur au 7 décembre 2009 les dispositions de cette convention de Rome trouvent à s'appliquer ; l'article 6 intitulé « contrat de travail individuel » précise : « nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article. Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ; en l'espèce, il est établi au vu des pièces versées aux débats que le contrat de travail a seulement prévu la mise à disposition du salarié auprès de la filiale canadienne, la société de droit français ayant continué au cours de cette mise à disposition de lui verser son salaire et de décider de ses augmentations et étant restée son seul employeur. C'est en outre la société de droit français qui a rompu le contrat de travail qui est rédigé en langue française. Enfin les parties ont toutes les deux la nationalité française. C'est pourquoi le contrat de travail présente des liens plus étroits avec la France, la commune intention de parties étant de voir ce contrat soumis à la loi française compte tenu du lien de subordination entre le salarié et la société de droit français, de la langue employée, le salaire étant toujours versé par la société ESTEREL TECHNOLOGIES ; dans ses conclusions la société ESTEREL TECHNOLOGIES reconnaît que la société ESTEREL TECHNOLOGIES INC est sa filiale. Au vu des pièces produites qui démontrent que le seul contrat de travail liant M. X... l'a été avec la société française ESTEREL TECHNOLOGIES et en présence d'une mise à disposition du salarié au profit de cette filiale, il est fondé à voir s'appliquer les dispositions impératives de droit français prévues à l'article L 1231-5 du code du travail ; le contrat étant soumis aux dispositions des lois françaises de compétence interne, M. X..., de nationalité française, n'a pas pu valablement renoncer aux dispositions de l'article 14 du code civil relatives au privilège de juridiction française et la clause attributive de compétence stipulée dans son contrat de travail conclu avec une société de droit français soumis à la loi française n'est pas valable ; c'est pourquoi le jugement qui s'est déclaré incompétent au profit des juridictions canadiennes doit être infirmé ;
ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article 3 § 1 de la convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties et ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ; que la cour d'appel qui, nonobstant le choix fait par les parties de la loi canadienne pour régir leurs relations contractuelles a décidé que la loi française était applicable a violé l'article susvisé ;
ALORS D'AUTRE PART QUE si le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article, encore faut-il que les juges du fond caractérisent les dispositions de la loi étrangère normalement applicable ; que la cour d'appel qui a tenu pour établi le fait que la loi canadienne offrait une moindre protection que la loi française au salarié sans fournir à cet égard le moindre renseignement a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la convention du Rome du 19 juin 1980 ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE selon l'article 6 § 2 de la convention de Rome du 19 juin 1980, la législation applicable est celle du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, ou, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, la loi du pays où se trouve l'établissement qui l'a embauché ; que le pays dans lequel le travailleur, dans l'exécution du contrat, accomplit habituellement son travail au sens de cette disposition est celui où à partir duquel, compte tenu de l'ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, il s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait admis que le lieu d'exécution du travail a été au Canada de façon exclusive, a dit la loi française applicable a violé l'article susvisé ;
ALORS DE QUATRIEME PART QU'il est constant que les parties avaient expressément choisi la loi canadienne pour régir leurs relations contractuelles ; que la cour d'appel qui a dit que leur commune intention avait été de voir le contrat soumis à la loi française a dénaturé l'article 15 du contrat de travail et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS DE CINQUIEME PART, à titre subsidiaire, QUE dans ses conclusions, la société ESTEREL TECHNOLOGIES faisait valoir que les dispositions canadiennes sur le licenciement pour motif économique constituent des lois de police, ce qui les rendait applicables indépendamment de la loi régissant le contrat de travail ; que l'arrêt qui n'a pas examiné ce moyen décisif a violé l'article 455 du code de procédure civile.