LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'a été signé le 10 septembre 2013, le protocole préélectoral en vue de l'élection des délégués du personnel et des représentants au comité d'entreprise de la caisse de la mutualité sociale agricole Berry-Touraine, ce protocole prévoyant la répartition des électeurs dans deux collèges, l'un composé des employés, l'autre des cadres ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le syndicat national des praticiens de la mutualité agricole fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation de la clause du protocole relative au nombre de collèges électoraux, alors, selon le moyen :
1°/ que la représentativité syndicale catégorielle est consacrée par la loi et qu'elle s'exprime au sein du collège électoral qui lui est propre ; qu'ayant constaté que le protocole d'accord préélectoral, en confondant dans un même collège les cadres et les praticiens de la mutualité sociale agricole, supprimait la possibilité pour le Syndicat national des praticiens de la mutualité agricole de faire la preuve de sa représentativité catégorielle au niveau de l'établissement, en en refusant l'annulation aux motifs inopérants que la création d'un collège supplémentaire nécessite l'accord de tous les syndicats représentatifs, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2122-2 et L. 2314-10 du code du travail ;
2°/ qu'il résulte de l'existence de trois conventions collectives, dont l'une propre aux praticiens, applicables dans la mutualité sociale agricole, que celle-ci constitue un secteur professionnel divisé en trois branches, de sorte que la mesure de la représentativité d'un syndicat de praticiens au niveau de la branche professionnelle suppose que le vote s'exprime au sein de collèges électoraux qui soient réservés à cette catégorie professionnelle ; qu'en refusant d'annuler le protocole d'accord préélectoral organisant le vote dans une caisse sur la base de deux collèges, le premier pour les non-cadres, le second pour les cadres incluant les praticiens, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2122-2, L. 2122-5 et L. 2314-10 du code du travail ;
Mais attendu que n'étant pas affilié à une confédération syndicale nationale catégorielle interprofessionnelle, le syndicat national des praticiens de la mutualité agricole ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 2122-2 du code du travail ; que le moyen pris en chacune de ses branches est inopérant ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles R. 2314-29 et R. 2324-25 du code du travail ;
Attendu que le jugement attaqué a laissé les dépens à la charge du syndicat ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière d'élections professionnelles, il est statué sans frais, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement de la seule disposition relative aux dépens, le jugement rendu le 8 janvier 2014, entre les parties, par le tribunal d'instance de Blois ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quatorze.
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour le Syndicat national des praticiens de la mutualité agricole et autre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté le Syndicat National des Praticiens de la Mutualité Agricole de sa demande d'annulation de l'article 2 du protocole d'accord préélectoral conclu le 10 septembre 2013 en vue des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise de la caisse de Mutualité sociale agricole Berry-Touraine avec pour conséquence de droit l'annulation de ces élections, et de l'avoir débouté de sa demande de renégociation du protocole électoral censuré ;
aux motifs que le 10 septembre 2013, la Caisse de Mutualité Sociale Agricole Berry-Touraine a conclu avec les syndicats CFE-CGC, CFDT et CGT-FO un protocole d'accord préélectoral pour les élections des représentants du personnel : comités d'entreprise et délégués du personnel, fixées respectivement les 1er et 15 octobre 2013 pour les premier et second tours ; que le syndicat SNPMA n'a pas signé ledit protocole ; que la requête du SNPMA a pour objet la contestation du protocole d'accord préélectoral en vue de l'élection au comité d'entreprise de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Berry-Touraine, en ce qui concerne la composition du collège 2 (cadres) ; que l'article 2 dudit protocole dispose : « le personnel est réparti en deux collèges électoraux, en fonction de la classification des emplois : 1er collège : il regroupe les salariés non cadres (niveau 1 à 4 de la classification des employés et cadres) ; 2ème collège : il regroupe les salariés cadres (niveaux 5 à 8 de la classification des employés et cadres) ainsi que les salariés relevant des classifications des agents de direction (exception faite du directeur en sa qualité de Président du comité d'entreprise) et des praticiens » ; que le SNPMA sollicite l'annulation de l'article 2 dudit protocole au motif qu'il n'est pas fait mention, dans le protocole, de la coexistence dans l'entreprise de trois conventions collectives, en l'occurrence la convention collective des employés et cadres, celle des praticiens et celle des agents de direction, alors que pour être conforme aux dispositions légales, prévues par l'article L 2122-5 du Code du travail, de mesure d'audience électorale des syndicats dans les différentes branches, le protocole préélectoral doit permettre de comptabiliser les résultats électoraux « branche par branche » par la répartition des salariés en collège répondant à cette nouvelle obligation, introduite par la loi n° 20085-789 du 20 août 2008 ; que le SNPMA soutient que le protocole ne peut être considéré comme conforme aux dispositions dudit article L 2122-5, selon lesquelles « dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui (¿) ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionné au niveau de la branche (...) », en ce sens qu'il ne permet pas, dans un collège général de cadres regroupant des salariés de 3 branches professionnelles, d'isoler les résultats électoraux de ces 3 branches ; que SNPMA fait remarquer, secondairement, que les résultats des différentes caisses de MSA, qui n'identifient pas les électeurs « cadres » quant à leur convention collective de rattachement, rendent impossible la mesure d'audience électorale des syndicats au niveau des branches professionnelles, et que tel est le constat du Ministère du travail, qui n'a pas été en mesure de publier, dans les délais fixés par la loi, les arrêtés désignant les organisations syndicales représentatives dans les 3 branches présentes en Mutualité Sociale Agricole ; que toutefois, l'article L 2324-11 du Code du travail dispose que les représentants du personnel sont élus sur des listes établies par les organisations syndicales pour chaque catégorie du personnel : d'une part, par le collège des ouvriers et employés ; d'autre part, par le collège des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés ¿) ; qu'en outre, dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingtcinq au moment de la constitution ou du renouvellement du comité, ces catégories constituent un troisième collège ; qu'en vertu de l'article L 2324-12 du Code du travail, le nombre et la composition des collèges électoraux peuvent être modifiés par un accord signé par toutes les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ; que toutefois, cet accord ne pourra pas faire obstacle à la constitution du troisième collège dans les entreprises où le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à 25 ; qu'en l'espèce, la cartographie générale des emplois de la Mutualité Sociale Agricole de Berry-Touraine répartit les personnels de celle-ci en 65 filières, sur 8 niveaux ; que cette cartographie distingue deux catégories de personnel, les « non cadres » (niveaux 1 à 4) et les « cadres » (niveaux 5 à 8) ; que les niveaux 1 à 4 de la cartographie des emplois, qui correspondent à des emplois de « non cadres », décrivent des postes d'agents techniques, d'aide comptables, d'agents péri-informatique, de techniciens, travailleurs familiaux, secrétaires, comptables, gestionnaires de trésorerie, vérificateurs techniques, correspondants à l'accueil, gestionnaires informatique et réseau, assistants conseil, secrétaires assistants, gestionnaires POA, gestionnaires CF, rédacteurs juridiques, coordonnateurs PSSP, DS, ASS, POA, CF et d'exploitation, experts PSSP, ASS, DS, POA et d'informatique départementale, notamment ; que les niveaux 1 à 4 correspondent donc à des postes d'employés et de techniciens ordinairement répartis entre les deux premiers collèges : « ouvriers et employés » et « techniciens et agents de maîtrise » ; que les niveaux 5 à correspondent à des personnels qui sont tous qualifiés de « cadres » ; qu'il s'agit des chargés d'études, des assistants sociaux, délégués à la tutelle, assistants de direction, cadres gestionnaires, conseillers, animateurs de l'échelon local, analystes, administrateurs de base de données, responsables d'unité d'exploitation, administrateurs réseau et systèmes, responsables de secteurs, chargés de mission, contrôleurs de gestion, administrateurs informatique départementale, ingénieurs réseaux et système, chefs de projet, maître d'oeuvre ou maître d'ouvrage, responsables de services, responsables de secteur, responsables de département et responsables de domaine, notamment ; que les niveaux 5 à 8 ne comprennent aucun agent de maîtrise ; que dans l'article 2 du protocole d'accord en date du 10 septembre 2013, les « non cadres » ont été regroupés dans un premier collège « salariés non cadres » constitué par le personnel dont l'emploi est positionné dans les niveaux 1, 2, 3 et 4 et les cadres de niveaux 5 à 8 ont été regroupés dans un collège spécial « cadres » qui leur est réservé sans aucune intégration d'agents de maîtrise, avec seulement la prise en compte des salariés relevant des classifications des agents de direction, exception faite du Directeur (en sa qualité de Président du comité d'entreprise) et des praticiens ; que la Mutualité Sociale Agricole Berry-Touraine et les syndicats signataires du protocole d'accord préélectoral du 10 septembre 2013 ont donc appliqué les dispositions des articles L 2324-11 et L 2324-12 du Code du travail, en distinguant les non cadres des cadres grâce à la constitution d'un collège spécifiquement dédié à ces derniers ; qu'en application de l'article L 2324-12 du Code du travail, la modification du nombre et de la composition des collèges sollicitée par le SNPMA ne pourrait être réalisée que par une convention, un accord collectif de travail, ou un accord préélectoral, signés par toutes les organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise ; que le tribunal d'instance n'a pas compétence pour ordonner une telle modification, sauf dans l'hypothèse où les dispositions des articles L 2324-11 et L 2324-12 du Code du travail auraient été enfreintes, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que de plus, l'argumentation du SNMPA consistant à soutenir que les salariés devraient être répartis en collèges, « branche par branche » en fonction des trois conventions collectives existantes (à savoir la convention collective des employés et cadres, celle des praticiens, et celle des agents de direction) dénature de manière flagrante la notion de branche professionnelle ; qu'en effet, une branche professionnelle ne peut pas être constituée seulement par une catégorie professionnelle au sein d'un même secteur d'activité, et est constituée par un regroupement d'employeurs ayant pour dénominateur commun l'exercice d'une activité économique identique ; que le fait que les salariés de la MSA relèvent de trois conventions collectives distinctes ne peut avoir pour effet de confondre chacune de leurs catégories professionnelles avec une branche professionnelle ; qu'en effet, la répartition des salariés au sein des collèges électoraux s'effectue en fonction des classifications du personnel, et non pas en fonction des conventions collectives applicables à chaque catégorie de salarié ; que c'est donc à tort que le SNPMA invoque les dispositions de l'article L 2122-5 du Code du travail, qui définit les conditions de représentativité au niveau de la branche professionnelle, et n'a aucune vocation à s'appliquer pour l'appréciation de la régularité d'un protocole préélectoral conclu au niveau de l'entreprise ; que seuls les syndicats représentatifs dans l'entreprise, à savoir en l'espèce la CFDT, FO et la CGC, ont qualité et compétence pour décider, par un accord unanime, la modification de la composition des collèges électoraux prévus par l'article L 2324-11 du Code du travail ; que le tribunal fait observer, à ce propos, que le SNPMA n'a pas la qualité de syndicat représentatif au sein de la Mutualité Sociale Agricole Berry-Touraine ; que le protocole d'accord préélectoral du septembre 2013 étant parfaitement conforme aux dispositions légales applicables, il y a lieu, en conséquence, de débouter le Syndicat National des Praticiens de la Mutualité Agricole et monsieur Y...Joël-Erick X..., représentant de la Section syndicale du SNPMA au sein de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole Berry-Touraine, de leurs demandes tendant à voir prononcer l'annulation de l'article 2 dudit protocole conclu en vue des élections professionnelles des membres du comité d'entreprise de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Berry-Touraine avec pour conséquence de droit l'annulation de ces élections, et à voir ordonner la renégociation, sans délai, du protocole électoral censuré ;
1. alors que la représentativité syndicale catégorielle est consacrée par la loi et qu'elle s'exprime au sein du collège électoral qui lui est propre ; qu'ayant constaté que le protocole d'accord préélectoral, en confondant dans un même collège les cadres et les praticiens de la Mutualité sociale agricole, supprimait la possibilité pour le Syndicat National des Praticiens de la Mutualité Agricole de faire la preuve de sa représentativité catégorielle au niveau de l'établissement, en en refusant l'annulation aux motifs inopérants que la création d'une collège supplémentaire nécessite l'accord de tous les syndicats représentatifs, le tribunal d'instance a violé les articles L 2122-2 et L 2314-10 du code du travail ;
2. alors en outre qu'il résulte de l'existence de trois conventions collectives, dont l'une propre aux praticiens, applicables dans la Mutualité sociale agricole, que celle-ci constitue un secteur professionnel divisé en trois branches, de sorte que la mesure de la représentativité d'un syndicat de praticiens au niveau de la branche professionnelle suppose que le vote s'exprime au sein de collèges électoraux qui soient réservés à cette catégorie professionnelle ; qu'en refusant d'annuler le protocole d'accord préélectoral organisant le vote dans une caisse sur la base de deux collèges, le premier pour les non-cadres, le second pour les cadres incluant les praticiens, le tribunal d'instance a violé les articles L 2122-2, L 2122-5 et L 2314-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir laissé au Syndicat National des Praticiens de la Mutualité Agricole la charge des dépens, en ce compris le montant de la contribution à l'aide juridique ;
aux motifs que le SNPMA succombant à l'instance, il n'y a pas lieu de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il est équitable de mettre à la charge du SNPMA le paiement des frais non compris dans les dépens que la Caisse de Mutualité Sociale Agricole Berry-Touraine a dû exposer pour soutenir la présente instance, et qui seront évalués à 1. 500 ¿ ; que l'équité commande de mettre à la charge du SNPMA le paiement des frais non compris dans les dépens que le Syndicat CFDT MSA BERRY-TOURAINE (SGA 37) et la Fédération Générale Agroalimentaire CFDT (FGACFDT) ont dû engager pour soutenir la présente instance, et qui seront évalués à 1. 200 ¿ ; qu'il est équitable de mettre à la charge du SNPMA le paiement des frais non compris dans les dépens que le SNEEMA CFE-CGC a dû exposer pour soutenir la présente instance, et qui seront évalués à 1. 500 ¿ ; qu'enfin, il convient de laisser les dépens, en ce compris le montant de la contribution à l'aide juridique, à la charge du SNPMA ;
alors qu'en matière d'élections professionnelles, la procédure est sans frais ; qu'en mettant les dépens à la charge du Syndicat National des Praticiens de la Mutualité Agricole, le tribunal d'instance a violé les articles R 2324-25 et R 2314-29 du code du travail.