LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° C 13-16.936 et Z 13-17.209 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par La Poste à compter du 1er avril 1983 selon plusieurs contrats à durée déterminée jusqu'au 1er janvier 1999, puis par un contrat à durée indéterminée intermittent de 1 200 heures par an, enfin par un contrat à temps complet à partir du 1er août 2004 ; qu'elle a, le 10 novembre 2010, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification des contrats à durée déterminée et à durée indéterminée intermittent en contrat à durée indéterminée à temps complet et de diverses demandes subséquentes de rappel de salaires et de dommages et intérêts, ainsi que d'une demande au titre d'une discrimination fondée sur le sexe ;
Sur le moyen unique du pourvoi de la salariée :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre d'une discrimination fondée sur le sexe, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe donné par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires ; qu'une telle discrimination est caractérisée lorsque la mesure affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe ; que cette appréciation doit se faire en tenant compte de la totalité des salariés placés dans une situation comparable au regard de la pratique en cause ; qu'en l'espèce, afin d'apprécier l'existence d'une discrimination indirecte à raison du sexe en matière de recours aux contrats précaires, la cour d'appel a comparé la proportion de femmes engagées en contrat à durée indéterminée et de femmes engagées en contrat à durée déterminée ou en contrat intermittent au sein du seul personnel d'exécution contractuel ; qu'en excluant de cette comparaison les autres catégories de personnel contractuel de l'entreprise comme les salariés employés sous le statut de fonctionnaire sans justifier en quoi ces salariés se seraient trouvés dans une situation différente au regard de la pratique en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ensemble de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre la discrimination ;
2°/ qu'il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments de fait invoqués par le salarié afin de dire s'ils laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en l'espèce, afin de justifier de l'existence d'une discrimination, Mme X... faisait notamment valoir qu'au travers d'accords et notes internes relatives à l'égalité professionnelle, La Poste avait reconnu l'existence d'une situation de discrimination au détriment des femmes au sein de l'entreprise ; qu'en s'abstenant d'examiner cet élément de fait invoqué par la salariée afin de dire s'il laissait supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu que les agents employés par La Poste sous le statut de fonctionnaire ne se trouvent pas en ce qui concerne leur recrutement dans la même situation que les salariés de droit privé ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a procédé à la comparaison de la proportion de salariés masculins et féminins, engagés d'une part par contrats à durée déterminée et d'autre part par contrats à durée indéterminée, en prenant en compte les seuls salariés de droit privé ; qu'ayant constaté que le pourcentage de femmes employées par contrat à durée indéterminée est supérieur ou en tous cas équivalent à celui des femmes engagées par contrat précaire, de sorte que la salariée n'établissait pas l'existence d'une pratique de La Poste ayant pour objet de privilégier l'embauche précaire pour les femmes et l'embauche stable pour les hommes, la cour d'appel qui a examiné l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Vu les articles 2224 du code civil et L. 3245-1 du code du travail ;
Attendu que pour condamner La Poste, après avoir accueilli la demande de requalification, à régulariser la situation de la salariée auprès des caisses de retraite vieillesse et complémentaire à compter du début de la relation contractuelle de droit privé, soit à compter du 2 janvier 1991, l'arrêt retient que l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite et de régler la totalité des cotisations qui en découlent, qui ne porte pas sur une créance salariale, était soumise, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, à la prescription trentenaire et que la salariée, par l'effet de la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à partir du 2 janvier 1991, est en droit d'obtenir, à compter de cette date, la reconstitution de sa carrière en matière de retraite ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de la salariée au paiement des salaires dus pour la période antérieure au 10 novembre 2005 étant éteint du fait de la prescription extinctive prévue par les articles 2224 du code civil et L. 3245-1 du code du travail, son action en paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires était nécessairement prescrite pour la même période, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné La Poste à régulariser la situation de Mme X... auprès des caisses de retraite vieillesse et complémentaire pour la période antérieure au 10 novembre 2005, l'arrêt rendu le 7 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° C 13-16.936 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société La Poste - Dotcmps - Toulouse et la société La Poste.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR "condamne La Poste à régulariser la situation de Madame Josiane X... auprès des caisses de retraite (caisse de retraite vieillesse et complémentaire IRCANTEC), et ce, à compter du début de la relation contractuelle de droit privé", soit à compter du 2 janvier 1991 ;
AUX MOTIFS "Sur la demande de régularisation des cotisations sociales et de retraite" QUE la demande de régularisation du versement des cotisations sociales, liées à la survenance d'un risque immédiat (maladie, accident du travail, allocations familiales), qui n'ont pas été perçues sur la base d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, est afférente aux salaires dus au titre du contrat de travail, et se heurte, comme l'action en paiement des salaires, à la prescription quinquennale instituée par les articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail alors applicable ; qu' elle se trouve donc prescrite ;
QU'en revanche, l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite et de régler la totalité des cotisations qui en découlent, qui ne porte pas sur une créance salariale, était soumise, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, à la prescription trentenaire ; qu'il suit de là que la salariée par l'effet de la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein à partir du 2 janvier 1991, est en droit d'obtenir, à compter de cette date, la reconstitution de sa carrière en matière de retraite ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de Mme X... en ce sens, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte (...) ; que la demande subsidiaire de dommages et intérêts formée par la salariée au titre de la perte de ses droits à la retraite devient dès lors sans objet (...)" (arrêt p.5) ;
ALORS QUE la demande tendant à la condamnation de l'employeur à "reconstituer la carrière" du salarié auprès des organismes de sécurité sociale et de retraite, formée par un salarié accessoirement à sa demande tendant à la requalification de la relation de travail en une relation globale à durée indéterminée et temps complet, s'analyse en une demande de versement aux organismes créanciers des cotisations sociales afférentes aux salaires que ce salarié aurait dû percevoir au titre de la relation de travail requalifiée et se prescrit avec lui ; que le droit de Madame X... au paiement des salaires dus pour la période antérieure au 13 novembre 2005 étant éteint du fait de la prescription extinctive prévue par les articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail alors applicables, son action en paiement de cotisations de retraite assises sur ces salaires était nécessairement prescrite ; qu'en ordonnant cependant la "reconstitution de sa carrière en matière de retraite" à compter du 2 janvier 1991, la Cour d'appel a violé ces textes par refus d'application.
Moyen produit au pourvoi n° Z 13-17.209 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demandes de dommages et intérêts pour discrimination ;
AUX MOTIFS QUE « une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe donné par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. Une telle discrimination est caractérisée lorsque la mesure affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe. Conformément à l'article L. 122-45 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination. Mme X... verse aux débats diverses jurisprudences et articles de doctrine relatives à la discrimination, qui ne constituent pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Elle produit en outre les bilans sociaux publiés annuellement par La Poste, ainsi que les questions écrites posées le 8 avril et 3 juin 2010 par des parlementaires au ministre chargé de l'industrie, relatives à la discrimination faite aux postières essentiellement pendant la période allant de juillet 1990 à 2004, auxquelles le ministre a apporté une réponse négative, en soulignant les efforts faits par la Poste pour réaliser une progression de l'emploi en contrats à durée indéterminée à temps plein des femmes sur la période. Il résulte de l'examen des bilans sociaux publiés annuellement de La Poste que : - sur la totalité du personnel, contractuels et fonctionnaires, la part des femmes à varié entre 1997 et 2007 de 46,57% à 50,70%, - en 1993, sur l'ensemble du personne d'exécution contractuel, les femmes représentaient 82,2%, celles titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée étaient 74% de la totalité des salariés en contrat à durée déterminée, celles embauchées en contrat à durée indéterminée intermittent étaient 89,17% et celles bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée étaient 80,6% du personnel engagé à durée indéterminée ; en 2003, alors que 66,60% du personnel d'exécution contractuel étaient des femmes, le pourcentage des femmes engagées en contrat de travail à durée déterminée était de 58,96% par rapport à la totalité de ce type de contrat, il était de62,08% pour les femmes titulaires d'un contrat à durée indéterminée intermittent, et de 69,23% pour celles bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée. Il en résulte que le pourcentage de femmes employées par contrat à durée indéterminée est supérieur ou en tout cas équivalent à celui des femmes engagées par contrat précaire, de sorte que Mme X... n'établit pas l'existence d'une pratique de La Poste ayant pour objet de privilégier l'embauche précaire pour les femmes et l'embauche stable pour les hommes. De même, le fait que les femmes sont, au moins depuis 2003, employées dans des proportions variant de 30% à 17% à temps partiel et de 70 à 83% à temps complet ne suffit pas à laisser présumer l'existence d'une situation discriminatoire en ce qui concerne le temps de travail. Il résulte de l'ensemble des observations qui précèdent que les éléments de fait soumis à la Cour par Mme X... ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison du sexe. Elle ne peut donc prétendre à des dommages et intérêts de ce chef. » ;
ALORS d'une part QU'une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'un sexe donné par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires ; qu'une telle discrimination est caractérisée lorsque la mesure affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe ; que cette appréciation doit se faire en tenant compte de la totalité des salariés placés dans une situation comparable au regard de la pratique en cause ; qu'en l'espèce, afin d'apprécier l'existence d'une discrimination indirecte à raison du sexe en matière de recours aux contrats précaires, la Cour d'appel a comparé la proportion de femmes engagées en contrat à durée indéterminée et de femmes engagées en contrat à durée déterminée ou en contrat intermittent au sein du seul personnel d'exécution contractuel ; qu'en excluant de cette comparaison les autres catégories de personnel contractuel de l'entreprise comme les salariés employés sous le statut de fonctionnaire sans justifier en quoi ces salariés se seraient trouvés dans une situation différente au regard de la pratique en cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ensemble de l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre la discrimination ;
ALORS d'autre part QU'il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments de fait invoqués par le salarié afin de dire s'ils laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en l'espèce, afin de justifier de l'existence d'une discrimination, Madame X... faisait notamment valoir qu'au travers d'accords et notes internes relatives à l'égalité professionnelle, LA POSTE avait reconnu l'existence d'une situation de discrimination au détriment des femmes au sein de l'entreprise ; qu'en s'abstenant d'examiner cet élément de fait invoqué par la salariée afin de dire s'il laissait supposer l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail.