LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Bogdan X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 15 juillet 2014, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement polonais, a émis un avis favorable ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DUVAL-ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général RAYSSÉGUIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 49, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 10 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, 8 de la Convention de Dublin du 27 septembre 1996, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 112-2 du code pénal, 7, 8, 591, 593, 696 et 696-15 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à l'extradition de M. X... vers la Pologne ;
"aux motifs que bien que les dispositions conventionnelles visées par l'Etat requérant aient été celles de la Convention européenne d'extradition de 1957, les conventions d'extradition sont des lois de procédure qui sauf stipulation contraire étaient applicables immédiatement aux faits survenus avant leur entrée en vigueur ; qu'ainsi, les stipulations de la Convention de Dublin du 27 septembre 1996 qui se sont substituées entre la France et la Pologne, à compter de leur entrée en vigueur, à la Convention européenne d'extradition du 13 septembre 1957 avaient vocation à régir la demande d'extradition de M. X... ; que dans ce cadre l'intéressé n'était pas fondé à se prévaloir des stipulations relatives à la prescription de l'article 10 de la convention de 1957 ;
" alors qu'est privé des conditions essentielles de son existence légale l'avis favorable de la chambre de l'instruction qui, par une erreur sur les textes fondant la demande d'extradition, méconnaît l'étendue de sa compétence et omet de se prononcer sur l'une des conditions de validité de la demande d'extradition ; que les lois de procédure relatives à la prescription sont d'application immédiate, sauf le cas où les faits étaient prescrits antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; que l'article 8 de la Convention de 1996, qui s'est substitué à l'article 10 de la Convention de 1957, a supprimé la condition relative à l'absence de prescription des faits dans l'Etat membre requis ; que s'agissant d'une loi de procédure relative à la prescription, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si, au moment de l'entrée en vigueur de la Convention de 1996 entre la France et la Pologne le 18 juillet 2006, les faits n'étaient pas prescrits au regard de la loi française, de sorte que la Convention de 1957 devait s'appliquer et faire obstacle à l'extradition, l'action publique étant éteinte en France ; qu'en se refusant à vérifier l'absence de prescription des faits au regard de la loi française, la chambre de l'instruction a privé sa décision des conditions essentielles de son existence légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles des articles 7, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 49, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 10 et 12 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, 8 de la Convention de Dublin du 27 septembre 1996, 591, 593 et 696-15 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à l'extradition de M. X... vers la Pologne ;
" aux motifs que la cour a ordonné un supplément d'information afin de solliciter des autorités polonaises qu'elles veuillent bien préciser si des actes interruptifs de prescription étaient intervenus entre la date de commission des faits, le 2 octobre 1991, le départ de M. X... de Pologne en mars 1992 et les premiers actes de poursuites évoqués soit le réquisitoire du procureur du district de Soliborz du 27 janvier 2012, l'ordonnance du 27 mars 2012 aux fins de détention provisoire et l'avis de recherche du 12 avril 2012 ; qu'à la suite de ce supplément d'information, il a été précisé par les autorités polonaises que divers actes de poursuite avaient été réalisés entre la date des faits et les actes évoqués à l'appui de la demande d'extradition, notamment une ordonnance qualifiant les faits sous l'empire du nouveau code pénal, le 5 décembre 1995, et plusieurs actes de recherche dont l'audition du père de l'intéressé ; que selon le code pénal polonais, l'action publique pour les faits reprochés à M. X... se prescrit par quinze ans, sauf si dans la même période une procédure a été engagée contre la personne, ou une ordonnance sur les faits reprochés a été rendue (article 101 et 102 du code pénal polonais) ; que les autorités polonaises ont attesté dans les pièces fournies lors du supplément d'information, de ce qu'une procédure avait bien été engagée à l'encontre de M. X..., notamment une ordonnance de recherche ; qu'il n'y a pas lieu en raison des principes de reconnaissance et de confiance mutuelle d'ordonner un nouveau supplément d'information afin de solliciter des autorités polonaises qu'elles produisent l'acte interruptif rendu par un magistrat le 5 décembre 1995 qu'elles évoquent ; que, dès lors, il y a lieu de constater qu'un délai supplémentaire de dix ans s'est rajouté à la période de prescription initiale de quinze ans, que la prescription n'est dès lors pas acquise avant le 3 octobre 2016, soit vingt-cinq ans après la date de commission des faits ; qu'en droit français, sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur les lois relatives à la prescription de l'action publique et à la prescription des peines, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises ; que les autorités polonaises précisent que la prescription n'était pas acquise à la date d'entrée en vigueur du code pénal polonais du 2 août 1997 ; que la demande de l'Etat requérant ne contrevient dès lors pas aux dispositions de l'article 7, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" alors que prive son arrêt des conditions essentielles de son existence légale la chambre de l'instruction qui statue sur une demande d'extradition sans s'assurer que l'ensemble des pièces requises au titre de l'article 12 de la Convention de 1957 ont été produites ; que l'Etat requérant doit notamment préciser les dispositions applicables et produire une copie des dispositions légales applicables ou, si cela n'est pas possible, une déclaration sur le droit applicable ; que, pour justifier qu'il soit fait application des dispositions relatives à la prescription du code pénal polonais de 1997, plus sévères que celles du code de 1969, l'autorité judiciaire polonaise se contente d'affirmer que, en vertu de l'ancienne loi, l'infraction poursuivie n'était pas prescrite au jour de l'entrée en vigueur du nouveau code pénal ; qu'elle ne produit toutefois à l'appui de son affirmation aucune copie des textes applicables avant 1997 et ne vise pas même les dispositions concernées ; qu'en statuant sur la prescription de l'infraction en droit polonais sans que la copie des textes applicables ait été produite ni que les références à ces textes aient été précisées, au motif de surcroît totalement inopérant d'un principe de confiance mutuelle inapplicable à la matière de l'extradition, la chambre de l'instruction a privé son arrêt des conditions essentielles de son existence légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la chambre de l'instruction qui s'est prononcée au vu des pièces exigées par l'article 12-2 de la Convention européenne d'extradition et à laquelle il incombait seulement de vérifier, au regard du droit étranger, si la prescription de l'action publique était acquise ou si elle avait été régulièrement interrompue, a, en l'état de ses énonciations, justifié sa décision, sans contrevenir aux dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;