LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 mai 2013), que le comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Bourgoin-Jallieu a fait assigner M. X..., en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée
X...
(la société), afin qu'il soit déclaré responsable, solidairement avec elle, du paiement d'une certaine somme au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dus par la société ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant accueilli cette demande alors, selon le moyen, que la condamnation solidaire des dirigeants sociaux suppose que soit constatée l'impossibilité définitive de recouvrer les impositions et pénalités dues par la société ; que, pour condamner M. X... à payer solidairement avec la société X... la somme de 1 295 383 euros au comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Bourgoin-Jallieu, les juges du fond ont retenu que le prononcé de la liquidation judiciaire de la société X... établissait que l'administration fiscale se trouvait dans l'impossibilité de recouvrer sa créance auprès de cette société ; qu'en déduisant ainsi l'impossibilité de recouvrer l'impôt du seul fait qu'il n'avait pu être perçu avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société débitrice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt constate que l'administration fiscale a opéré un contrôle de l'exercice 2003/2004 le 4 décembre 2007, découvrant alors l'absence de facture correspondant à la sous-traitance alléguée, l'existence de fausses factures et d'achats majorés ainsi qu'une facturation de la TVA créant à tort une situation de crédit en faveur de l'entreprise ; qu'il constate encore que l'administration fiscale a aussi découvert, pour la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2007, des fausses factures, des encaissements non déclarés, des discordances entre les factures émises par la société et celles fournies par ses clients ou fournisseurs, des doubles factures dont l'une avec une TVA au taux de 19,6 % à destination du client et l'autre entrée en comptabilité avec une TVA au taux de 5,5 %, en soulignant que ces irrégularités induisaient d'importants rappels de TVA ; que l'arrêt mentionne que deux mises en demeure ont été adressées à la société avant l'ouverture de sa procédure collective le 16 juin 2008, que, le 8 avril 2008, M. X... a contesté auprès du directeur des services fiscaux de l'Isère l'intégralité des rectifications proposées et qu'en cause d'appel, il a sollicité une expertise sans apporter le moindre élément de nature à contredire ces rectifications ; que l'arrêt retient, par motifs propres, que l'examen approfondi, par l'administration fiscale, de la comptabilité de la société a mis en évidence de nombreuses anomalies rendant cette comptabilité ni probante ni sincère, et révélé que M. X... s'était ainsi affranchi de toutes les règles qui s'imposaient à lui ; qu'il retient encore que le prononcé, le 16 juin 2008, de la liquidation judiciaire de la société, dont le passif a été considérablement alourdi par les dettes fiscales ainsi générées, et la clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif, le 14 mai 2009, établissent que l'administration fiscale s'est trouvée dans l'impossibilité de recouvrer sa créance par suite des agissements fautifs, graves et répétés de M. X... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que l'entreprise n'a qu'en apparence satisfait à son obligation déclarative et que seules des investigations complémentaires ont permis à l'administration fiscale de connaître les minorations des déclarations effectuées par son dirigeant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 19 avril 2011 ayant condamné M. Abdullah X... à payer, solidairement avec la société X..., la somme de 1.295.383 ¿ au comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Bourgoin-Jallieu ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, lorsqu'un dirigeant d'une société est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, ce dirigeant peut être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance ; qu'en sa qualité de gérant d'une société soumise à la législation et la réglementation en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés M. X... avait pour obligation :1) en application des articles 287-1 et 2 du code général des impôts de : - remettre mensuellement au service des impôts une déclaration indiquant le montant global des affaires réalisées et le détail des opérations taxables - acquitter les taxes exigibles mensuellement,
2) en application de l'article 223 du code général des impôts de déposer mensuellement une déclaration de bénéfice ou déficit, accompagnée de ses annexes mentionnant les éléments devant être retenus au titre du bénéfice industriel et commercial réalisé ; que l'examen approfondi par l'administration fiscale de la comptabilité, de la Sarl X... et notamment des factures émises par la société, celles émises par ses fournisseurs, celles remises par ses clients, ont mis en évidence de nombreuses anomalies exactement relevées par le jugement déféré, rendant la comptabilité de la société X... ni probante ni sincère et révélé que M. X... s'était au détriment du fisc, ainsi affranchi de toutes les règles qui s'imposaient à lui ; que si M. X... a effectivement écrit le 8 avril 2008 au directeur des services fiscaux de l'Isère qu'il « conteste l'intégralité des rectifications proposées », il n'a jamais présenté une quelconque critique de ces rectifications, ni exercé aucune des voies de recours qui lui était ouverte ; que devant la cour il se limite à nouveau à solliciter une expertise sans apporter à l'appui de sa demande, le moindre élément de nature à contredire les rectifications dont s'agit ; qu'enfin, le prononcé de la liquidation judiciaire de la Sarl X... le 16 juin 2008 dont le passif a été considérablement alourdi par les dettes fiscales ainsi générées et le prononcé consécutif de la clôture pour insuffisance d'actif le 14 mai 2009, établissent incontestablement que l'administration fiscale se trouve dans l'impossibilité de recouvrer sa créance par les faits fautifs, graves et répétés de M. X... ; que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a retenu la responsabilité solidaire de M. X... avec la Sarl X... qu'il dirigeait, des dettes fiscales de cette dernière et l'a condamné en conséquence au paiement au comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Bourgoin-Jallieu, de la somme de 1.295.383 ¿ solidairement avec la Sarl X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société familiale
X...
a été créée le 24 mars 2000 avec pour activité le ravalement de façades, son gérant étant le défendeur, M. Abdullah X..., associé avec 40% des parts ; qu'elle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 16 juin 2008, qui s'est terminée le 14 mai 2009 par une clôture pour insuffisance d'actif ; que le recouvrement des impositions et pénalités s'avère donc impossible ; que la première condition fixée par la loi est ainsi remplie ; que l'administration fiscale, qui tient de la loi le pouvoir d'effectuer des contrôles et des vérifications, ainsi que celui d'émettre des titres exécutoires, peut se fonder sur les opérations effectuées par ses services ainsi que sur les avis de mise en recouvrement pour démontrer l'existence d'une inobservation grave et répétée des obligations fiscales par le dirigeant, la procédure fiscale étant organisée de telle sorte que le contribuable a, tout au long de la procédure de vérification, la possibilité de faire valoir ses observations, et qu'il a la possibilité d'exercer des recours ; que ces éléments constituent en conséquence des preuves admissibles ; que les pièces versées aux débats par l'administration fiscale permettent d'établir les manquements suivants dans la tenue de la comptabilité : 1) l'exercice social 2003/2004 : alors que la société X... a eu recours à la sous-traitance, aucune facture correspondante n'a pu être présentée lors du contrôle du 04 décembre 2007 ; que, par ailleurs, la TVA a été facturée au taux réduit de 5,5% de façon à créer une situation de crédit de TVA en faveur de l'entreprise ; que des factures ont été émises au nom de clients inexistants ; que des achats de marchandises ont été majorés ; 2) la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2007 : là encore, un taux réduit de TVA a été appliqué à tort, des fausses factures au taux réduit de TVA ont été émises, la TVA déclarée présente un montant insuffisant, des encaissements n'ont pas été déclarés, induisant des rappels de TVA d'un montant important : - 2005 : 45.177 ¿, - 2006 : 79.831 ¿, - 2007 : 55.375 ¿, - 2ème et 3ème trimestres 2007 : 48.343 ¿ ; que l'administration a en effet comparé les factures émises par la société X... et celles fournies par les différents clients ou fournisseurs, ce qui a fait apparaître d'importantes discordances ; que, par ailleurs, des factures ont été émises par des sous-traitants qui se sont avérés être inexistants, les lieux de chantiers n'étant pas précisés, et les factures de trois sous-traitants (Bakal, BTPF et Keles) étant similaires avec la même écriture ; qu'en outre, des travaux ont fait l'objet d'un double jeu de facturation, (TVA au taux de 19,6% factures émises à destination du véritable client professionnel, et factures rentrées en comptabilité libellées aux noms de particuliers, avec une TVA au taux réduit de 5,5%) ; que la comptabilité ne peut en conséquence être considérée comme probante ; que les inexactitudes relevées par l'administration fiscale ne résultent pas de simples erreurs, mais bien d'une volonté du dirigeant de fraude et de dissimulation ; que parce que ces manoeuvres et manquements ont perduré durant plusieurs années, et qu'elles portent sur des sommes importantes, la preuve d'une inobservation grave et répétée de M. X... de ses obligations fiscales est ainsi rapportée ; que les investigations de l'administration ont été très poussées et détaillées, rendant inutile l'instauration d'une expertise, d'autant que le contribuable, la société X..., n'a pas exercé les voies de recours qui lui étaient ouvertes ; que M. X... sera en conséquence déclaré responsable solidairement avec la société X... des dettes fiscales dont le détail est justifié par les pièces versées aux débats, et sera condamné au paiement des sommes réclamées ;
ALORS QUE la condamnation solidaire des dirigeants sociaux suppose que soit constatée l'impossibilité définitive de recouvrer les impositions et pénalités dues par la société ; que, pour condamner M. X... à payer solidairement avec la société X... la somme de 1.295.383 ¿ au comptable des impôts du service des impôts des entreprises de Bourgoin-Jallieu, les juges du fond ont retenu que le prononcé de la liquidation judiciaire de la société X... établissait que l'administration fiscale se trouvait dans l'impossibilité de recouvrer sa créance auprès de cette société ; qu'en déduisant ainsi l'impossibilité de recouvrer l'impôt du seul fait qu'il n'avait pu être perçu avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société débitrice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.267 du livre des procédures fiscales.