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21/10/2014 | FRANCE | N°13-21341

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 octobre 2014, 13-21341


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 avril 1993, M. X... a acquis un ensemble immobilier moyennant un certain prix financé partiellement par un prêt de la Société générale ; que par acte du 15 janvier 1994, cet ensemble immobilier a fait l'objet d'un apport à la société civile immobilière du Mercou (la SCI du Mercou) ; que par actes du 29 juillet 1996, la SCI du Mercou a

repris le prêt souscrit par M. X..., lequel s'est porté caution solidaire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 avril 1993, M. X... a acquis un ensemble immobilier moyennant un certain prix financé partiellement par un prêt de la Société générale ; que par acte du 15 janvier 1994, cet ensemble immobilier a fait l'objet d'un apport à la société civile immobilière du Mercou (la SCI du Mercou) ; que par actes du 29 juillet 1996, la SCI du Mercou a repris le prêt souscrit par M. X..., lequel s'est porté caution solidaire des engagements de la SCI du Mercou au profit de la Société générale dans une certaine limite ; que la SCI du Mercou et M. X... ne s'étant pas acquittés des échéances du prêt, la Société générale les a fait assigner en paiement ; que la SCI du Mercou et M. X..., soutenant que la banque avait engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde, ont demandé que sa prétention soit rejetée ; que la Société générale a soulevé l'irrecevabilité de leur demande comme étant prescrite ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande de M. X... et de la SCI du Mercou à l'encontre de la Société générale au titre du manquement au devoir de mise en garde, l'arrêt retient que la prétention tendant au rejet de la demande de la Société générale équivaut à une demande de dommages-intérêts d'un montant égal à la créance de la banque ; qu'il en déduit qu'il s'agit, non d'un moyen de défense, mais d'une action en responsabilité formant une demande reconventionnelle, soumise à la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, laquelle était acquise lors de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les demandes reconventionnelles et les moyens de défense sont formés de la même manière à l'encontre des parties à l'instance, et qu'il en résultait que les prétentions tant de la SCI du Mercou, débiteur principal, que de M. X..., caution, lesquelles tendaient seulement au rejet des demandes formées à leur encontre, constituaient un simple moyen de défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action de la Société générale à l'encontre de la SCI du Mercou et de M. X..., l'arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCI du Mercou et à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société du Mercou.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrite la demande formée par M. Jean-Pierre X... et la SCI DU MERCOU contre la SA SOCIETE GENERALE au titre du manquement au devoir de mise en garde et d'avoir condamné solidairement M. Jean-Pierre X... et la SCI DU MERCOU à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 430.113,54¿ avec intérêts au taux contractuel de 9,95% l'an à compter du 23 janvier 2011, dans la limite de la somme de 124.576,98¿ assortie des intérêts au taux légal pour Monsieur X... ;
Aux motifs propres que « le dommage résultant du manquement du prêteur professionnel à son devoir de mise en garde s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter et se manifeste dès l'octroi du crédit pour l'emprunteur et dès l'engagement de la caution ; que la demande tendant au débouté de la Société Générale équivaut, ainsi que l'a exactement noté le premier juge, à une demande de dommages-intérêts d'un montant égal à la créance de la Banque ; qu'il s'agit donc d'une action en responsabilité, formant une demande reconventionnelle, et non un moyen de défense, soumise à la prescription décennale de l'article L. 1110-4 du code de commerce, acquise à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ; que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré cette action prescrite ; que l'article 11 du contrat de prêt prévoit, au paragraphe ¿A', l'exigibilité immédiate du prêt à la première échéance impayée ; qu'ainsi que l'a exactement vérifié le premier juge, les échéances dues par la SCI du Mercou ont été réglées jusqu'au mois de septembre 1996 inclus ; que cette stipulation autorise le prêteur à exiger le remboursement immédiat mais ne lui en fait pas l'obligation, et le même article règle la situation résultant de ce que le prêteur n'use pas de cette faculté ; qu'en effet, le même article 11 prévoit, au paragraphe ¿B', que dans le cas où le prêteur n'exige pas le remboursement immédiat, le taux d'intérêt est majoré de trois points jusqu'à ce que l'emprunteur ait repris le cours normal des échéances contractuelles ; que le décompte actualisé de la Société Générale fait l'exacte application de ces dispositions contractuelles en calculant la créance sur la base du taux majoré dont les effets, quant au montant actuel de la créance, sont ceux du temps que les appelants ont estimé devoir imprimer au contentieux né du défaut d'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'il doit être fait droit à l'appel incident de la Société Générale » (arrêt p. 3-4) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « sur le manquement de la SOCIETE GENERALE à son devoir de mise en garde : en application des dispositions de l'article 1147 du code civil, le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs et des cautions non avertis compte tenu de leurs capacités financières et des risques de l'endettement nés de l'octroi du prêt ; que l'action en responsabilité qui peut découler de l'inexécution de cette obligation est soumise en l'espèce à la prescription énoncée à l'article L. 110-4 du code de commerce modifié par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, tel que précédemment exposé ; que si les défendeurs soutiennent que la prescription ne peut leur être opposée s'agissant, non pas d'une action en responsabilité qu'ils ont engagée à l'encontre de la SOCIETE GENERALE, mais d'un moyen de défense qu'il supposent à la demande en paiement que celle-ci présente, ils ne contestent pas que le délai de prescription d'une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage, qui en matière de manquement d'une banque à son devoir de mise en garde consiste en la perte de chance de ne pas contracter l'emprunt litigieux ; que le point de départ du délai de prescription se situe donc à la date de la conclusion du contrat, soit en l'espèce au 29 juillet 1996 ; qu'en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, la SOCIETE GENERALE est parfaitement fondée à faire valoir la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande reconventionnelle formée par les défendeurs ; qu'en effet, leurs prétentions expressément fondées sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, suivant lesquelles la banque qui n'a pas satisfait à son devoir de mise en garde a commis une faute contractuelle, est bien une demande reconventionnelle puisqu'ils concluent au débouté de la demande en paiement du solde du prêt formée par la SOCIETE GENERALE, alors même que sur le plan juridique et en application des dispositions légales précitées, cette demande ne peut que s'analyser en une demande de dommages-intérêts d'un montant équivalent à celui du solde du prêt, objet de la demande principale en paiement. qu'ainsi, alors que Monsieur X... et la SCI DU MERCOU ont formé cette demande reconventionnelle aux termes de leurs conclusions signifiées le 3 septembre 2010, force est de constater que leur demande est atteinte par la prescription, laquelle s'est trouvée acquise le 29 juillet 2006 ; qu'il importe par ailleurs de relever que les défendeurs ne peuvent à la fois invoquer dans leurs intérêts la jurisprudence relative à la responsabilité contractuelle de la banque en matière de devoir de mise en garde, et à la fois, dénier au demandeur la possibilité de faire valoir la prescription de leurs prétentions à cet égard, au motif que cette jurisprudence n'existait pas à la date de la conclusion du contrat, étant constant que cette jurisprudence a vocation à s'appliquer à toutes les situations en cours ; que la demande de Monsieur X... et de la SCI DU MERCOU fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil sera donc déclarée irrecevable » (jugement p. 4-5) ;
1°/ Alors que, poursuivie en paiement par le créancier, la caution qui demande à être déchargée de son obligation en raison de la faute commise par celui-ci à l'encontre du débiteur principal, sans prétendre obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire, peut procéder par voie de défense au fond ; qu'elle peut aussi, par voie de demande reconventionnelle, demander à être déchargée indirectement en sollicitant des dommages-intérêts puis la compensation entre le montant de sa dette et celui des dommages-intérêts ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait choisi de mettre en jeu la responsabilité de la SOCIETE GENERALE uniquement pour obtenir le rejet de sa prétention ; que M. X... avait ainsi choisi de procéder par voie de défense au fond ; qu'en considérant que la mise en jeu de la responsabilité de la SOCIETE GENERALE par M. X... s'analysait nécessairement en une demande reconventionnelle, la cour d'appel, qui a nié la possibilité offerte à la caution de mettre en jeu la responsabilité du créancier par voie de défense au fond, a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile ;
2°/ Alors que, poursuivi en paiement par le banquier prêteur, l'emprunteur qui s'oppose à l'action en paiement en invoquant la faute commise par le banquier à son encontre sans prétendre obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire, peut procéder par voie de défense au fond ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la SCI DU MERCOU invoquait le manquement de la SOCIETE GENERALE à son obligation de mise en garde uniquement pour obtenir le rejet de sa prétention ; qu'en considérant que la mise en jeu de la responsabilité de la SOCIETE GENERALE par la SCI DU MERCOU s'analysait nécessairement en une demande reconventionnelle, la cour d'appel, qui a nié la possibilité dont dispose l'emprunteur d'invoquer la responsabilité du banquier par voie de défense au fond, a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile ;
3°/ Alors subsidiairement que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu préalablement connaissance ; que la prescription de l'action en responsabilité de l'emprunteur contre le banquier dispensateur de crédit pour manquement à son obligation de mise en garde ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connaissance du caractère excessif du crédit consenti ; que cette connaissance ne peut être située au jour de l'octroi du prêt ; qu'en considérant au contraire que la prescription de l'action en responsabilité de la SCI DU MERCOU avait commencé à courir dès l'octroi du prêt litigieux, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et 2270-1 du code civil dans leurs rédactions antérieures à la loi du 17 juin 2008 ;
4°/ Alors également subsidiairement que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu préalablement connaissance ; que la prescription de l'action en responsabilité de la caution contre le créancier pour manquement à son obligation de mise en garde ne court qu'à compter du jour où la caution a connaissance du caractère excessif du crédit ; que cette connaissance ne peut être située au jour de la conclusion du cautionnement ; qu'en considérant au contraire que la prescription de l'action en responsabilité de M. X... à l'encontre de la SOCIETE GENERALE avait commencé à courir dès la conclusion du cautionnement, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et 2270-1 du code civil dans leurs rédactions antérieures à la loi du 17 juin 2008.
SECOND MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement M. Jean-Pierre X... et la SCI DU MERCOU à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 430.113,54¿ avec intérêts au taux contractuel de 9,95% l'an à compter du 23 janvier 2011, dans la limite de la somme de 124.576,98¿ assortie des intérêts au taux légal pour Monsieur X... ;
Aux motifs que « l'article 11 du contrat de prêt prévoit, au paragraphe ¿A', l'exigibilité immédiate du prêt à la première échéance impayée ; qu'ainsi que l'a exactement vérifié le premier juge, les échéances dues par la SCI du Mercou ont été réglées jusqu'au mois de septembre 1996 inclus ; que cette stipulation autorise le prêteur à exiger le remboursement immédiat mais ne lui en fait pas l'obligation, et le même article règle la situation résultant de ce que le prêteur n'use pas de cette faculté ; qu'en effet, le même article 11 prévoit, au paragraphe ¿B', que dans le cas où le prêteur n'exige pas le remboursement immédiat, le taux d'intérêt est majoré de trois points jusqu'à ce que l'emprunteur ait repris le cours normal des échéances contractuelles ; que le décompte actualisé de la Société Générale fait l'exacte application de ces dispositions contractuelles en calculant la créance sur la base du taux majoré dont les effets, quant au montant actuel de la créance, sont ceux du temps que les appelants ont estimé devoir imprimer au contentieux né du défaut d'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'il doit être fait droit à l'appel incident de la Société Générale » (arrêt p. 3-4) ;
Alors que selon l'article 11 du contrat de prêt, le non paiement d'une échéance rendait immédiatement exigibles toutes les sommes dues au titre du prêt et le taux d'intérêt était majoré de trois points dans le seul cas où la SOCIETE GENERALE renonçait expressément, par une décision écrite, à exiger le remboursement anticipé du prêt ; que la cour d'appel a considéré que la majoration du taux d'intérêt de trois points était applicable pour déterminer le quantum de la créance de la SOCIETE GENERALE au motif que la SOCIETE GENERALE n'avait pas exigé le remboursement anticipé du prêt lors de la première échéance impayée ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que la seule abstention de la banque ne permettait pas l'application de cette majoration, laquelle supposait que la banque renonce expressément à exiger le remboursement anticipé du prêt, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-21341
Date de la décision : 21/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 16 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 oct. 2014, pourvoi n°13-21341


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.21341
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