LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 28 mars 2013) que la société Shipping Agency Service (la société SAS), qui employait M. X..., a entretenu des relations commerciales avec la société Seatrade Group, armateur qui conclut par l'intermédiaire d'agents commerciaux des contrats de transport maritime et qui a pour "agent général", en vertu d'un acte intitulé "agency agreement", la société Seatrade Reefer Chartering (la société Seatrade RC) ; que M. X... ayant décidé de quitter la société SAS pour créer la société Sea Shipping Services, la société Seatrade RC a informé la société SAS de sa décision de ne plus poursuivre les relations avec elle pour en entretenir avec ceux-ci ; que la société SAS a notifié à la société Seatrade RC son intention de demander une indemnité de cessation de contrat d'agent commercial puis l'a fait assigner, ainsi que la société Seatrade Group, aux mêmes fins ; que M. X... et la société Sea Shipping Services sont intervenus volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Seatrade RC et Seatrade Group font grief à l'arrêt de déclarer recevable la société SAS en sa demande en paiement d'une indemnité de cessation de contrat formée contre la société Seatrade group, alors, selon le moyen :
1°/ que l'agent commercial perd son droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; que le droit légal à une indemnité compensatrice de fin de contrat, qui se justifie par le particularisme du statut spécial régissant les agents commerciaux, est dérogatoire au droit commun du mandat et, partant, d'application stricte ; qu'en conséquence, pour faire utilement échec au jeu de la déchéance annale, la notification émanant de l'agent commercial ne peut être faite qu'au seul mandant, et non à son éventuel représentant ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant énoncé qu'était efficace et interruptive du délai de déchéance d'un an la notification faite, non pas au mandant lui-même, mais à un représentant de celui-ci, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 134-12 du code de commerce, ensemble l'article 2004 du code civil ;
2°/ qu'à titre subsidiaire, à admettre que la notification par l'agent commercial d'une demande d'indemnité de fin de contrat puisse être efficacement faite à un représentant de son mandant, le particularisme du statut spécial régissant les agents commerciaux et son caractère dérogatoire au droit commun du mandat impliquent que ledit représentant soit investi d'un pouvoir de représentation spécifique pour recevoir une telle notification ; que, dès lors, en l'espèce, en se fondant sur les circonstances, inopérantes, tirées de ce que la société Seatrade RC avait qualité pour notifier, au nom de la société Seatrade group, la rupture de son contrat à la société SAS et en se contentant de l'expression d'un pouvoir de représentation stipulé en des termes généraux à l'acte d'« Agency Agreement » conclu entre les sociétés Seatrade RC et Seatrade group le 1er janvier 2007 pour en conclure que la première avait qualité pour recevoir utilement, au nom de la seconde, notification d'une demande d'indemnité de fin de contrat d'agent commercial sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle avait reçu un pouvoir de représentation spécifique en ce sens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du code de commerce, ensemble l'article 2004 du code civil ;
3°/ que toujours à titre subsidiaire, il est constant que l'acte d'«agency agreement » conclu entre les sociétés Seatrade RC et Seatrade group le 1er janvier 2007était expressément soumis au droit néerlandais ; que, dès lors, en s'étant fondée sur les considérations, inopérantes, tirées du droit français du mandat pour définir l'étendue des pouvoirs de représentation confiés à la première de ces deux entités par la seconde et, notamment, pour déterminer si elle était habilitée à recevoir, au nom de celle-ci, notification d'une demande d'indemnité de fin de contrat d'agent commercial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du code de commerce, ensemble l'article 2004 du code civil ;
4°/ qu'en tout état de cause, le juge ne saurait laisser sans réponse les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en ne répondant pas au moyen, péremptoire, des sociétés Seatrade RC et Seatrade group tiré de ce que ni la lettre de notification adressée par la société SAS à la société Seatrade RC et reçue par cette dernière le 4 février 2009, ni l'acte d'assignation qu'elle lui avait fait délivrer le 15 avril 2009 ne faisait référence à sa qualité de représentant de la société Seatrade group, de sorte qu'indépendamment même de la détermination de l'étendue de ses pouvoirs de représentation, la société Seatrade RC, prise en son nom personnel, avait été le seul destinataire des demandes de la société SAS et que, partant, la société Seatrade group y était encore totalement étrangère à ce stade initial et que le délai de déchéance d'un an était donc insusceptible d'avoir, alors, été interrompu à son détriment, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que les sociétés Seatrade RC et Seatrade Group n'ayant pas, devant la cour d'appel, revendiqué l'application du droit néerlandais, le moyen, en sa troisième branche est nouveau et mélangé de fait ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir rappelé que la notification prévue à l'article L. 134-12, alinéa 2, du code de commerce n'est soumise à aucun formalisme particulier, l'arrêt constate que la société SAS, a, dans le délai légal ,notifié à la société Seatrade RC son intention de faire valoir ses droits à réparation ; qu'il relève que les relations contractuelles n'ont existé qu'entre la société Seatrade Group et la société SAS et que la société Seatrade RC avait informé la société SAS de la rupture du contrat d'agent commercial en se présentant comme l'agent général de la société Seatrade Group ; qu'il en déduit que la société Seatrade RC est intervenue en qualité de mandataire de la société Seatrade group, ce que corroborent les termes généraux de "l'agency agreement" conclu entre les deux sociétés qui lui confèrent de larges pouvoirs de représentation, et qu'elle était, comme telle habilitée à recevoir la réponse de l'agent commercial à cette notification de la société Seatrade Group ; qu'en l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de procéder à la recherche visée à la deuxième branche, ni de répondre au moyen visé à la quatrième branche, que ses constatations rendaient inopérants, a pu retenir que la notification avait été régulièrement effectuée ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Seatrade Group fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société SAS une certaine somme au titre de l'indemnité de cessation du contrat, assortie d'intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :
1°/ que si est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant au droit de l'agent commercial de percevoir une indemnité de cessation de contrat, il n'en va ainsi que si cette dérogation a été stipulée à son détriment ; que tel ne saurait être le cas d'une clause que l'agent commercial, en sa qualité d'employeur, partie réputée forte, a lui-même insérée dans un contrat de travail où il s'est engagé, envers son salarié, à ne pas solliciter de ses propres mandants d'indemnité de fin de contrat dans l'hypothèse où, suite à la rupture du contrat de travail, ces mêmes mandants décideraient de confier audit salarié la représentation de leurs activités commerciales ; qu'en l'espèce, en ayant, cependant, estimé qu'un tel engagement et la stipulation pour autrui qu'il pouvait faire naître au profit des mandants entraient dans le champ de la prohibition prévue par l'article L. 134-16 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte par fausse interprétation, ensemble l'article L. 134-12 du même code par fausse application ;
2°/ que l'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial n'est pas due dans le cas où, selon un accord avec le mandant, l'agent cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence ; qu'il en va ainsi dans les hypothèses où les mandants d'un agent commercial employeur ont rejoint son ancien salarié dans une nouvelle structure en application d'une clause contenue dans le contrat de travail par laquelle l'agent commercial s'était engagé à ne pas s'opposer à ce que ces mêmes mandants rejoignent son salarié dans une nouvelle agence commerciale suite à la rupture de la relation de travail, cet engagement de l'agent employeur s'analysant en une promesse de cession d'agence stipulée au profit de son salarié et dont la concrétisation est soumise à l'accord des mandants concernés ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant posé en principe que l'exception au droit à indemnité prévue en cas de cession du contrat d'agent était insusceptible de porter sur une promesse de cession, mais qu'elle ne pouvait porter que sur la conclusion effective d'un contrat de cession, de sorte que ce type d'engagement ne pouvait pas entrer dans les provisions de l'article L. 134-13 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte par fausse interprétation, ensemble l'article L. 134-12 du même code par fausse application ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que la société SAS avait souscrit dans le contrat de travail qu'elle avait conclu avec M. X... l'engagement de ne pas demander d'indemnité à la société Seatrade Group si celle-ci souhaitait poursuivre les relations avec son salarié après la rupture de ce contrat, la cour d'appel en a exactement déduit que cette clause, qui constituait une renonciation par avance de l'agent commercial à son droit à une indemnité de cessation de contrat, fût-elle incluse dans un contrat de travail ou susceptible de constituer une stipulation pour autrui au profit du mandant, était contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 134-16 du code de commerce et devait être réputée non écrite ;
Et attendu, d'autre part, que la décision se trouvant justifiée par les motifs vainement critiqués par la première branche, les motifs critiqués par la seconde branche sont surabondants ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Seatrade Reefer Chartering et Seatrade Group aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Shipping Agency service la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les sociétés Seatrade Reefer Chartering NV et Seatrade Group NV
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable la société SHIPPING AGENCY SERVICE (SAS) en sa demande en paiement d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial formée contre la société SEATRADE GROUP ;
Aux motifs que « la société Seatrade group conclut à l'irrecevabilité de la demande en paiement d'indemnité formée contre elle ; qu'invoquant sa qualité de mandant, elle fait valoir que la société SAS ne lui a pas notifié dans le délai d'un an imparti par l'article L. 134-12 sa décision de demander le paiement d'une indemnité compensatrice ;
Qu'elle expose qu'elle n'était pas le destinataire du courrier reçu le 4 février 2009 par la société Seatrade RC, et par lequel la société SAS a fait connaître qu'elle entendait faire valoir un droit à indemnité compensatrice ; qu'elle soutient que ce courrier, adressé sans précision quant à la qualité du destinataire, ne peut produire d'effet à son égard ; qu'elle considère en effet qu'il n'est établi :
- ni que la société Seatrade RC ait été habilitée à recevoir des actes judiciaires ou extra-judiciaires au nom du mandant,- ni que celle-ci ait reçu l'acte en qualité de mandataire de la société Seatrade group ;
- que la société SAS soutient au visa de l'article 1198-1 du Code civil que le courrier du 4 février 2009 a été adressé à la société Seatrade RC, mandataire de la société Seatrade group, armateur mandant ;
- qu'il convient de statuer sur les prétentions respectives susvisées ;
- que selon les dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce :
« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits » ;
Que ces dispositions ne sont assorties d'aucun formalisme particulier ; que l'agent commercial a satisfait aux exigences légales dès lors qu'il a notifié par courrier au mandant son intention de faire valoir ses droits ; que de même cette notification peut être faite au mandataire du cocontractant de l'agent commercial ;
Que selon les dispositions de l'article 1998-1 du Code civil, en effet, « le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné » ;
Que par application de ce texte, la signification adressée au mandataire produit effet à l'égard du mandant (Cass. civ 1ère 29 septembre 2004) ;
- en l'espèce qu'il n'est pas contesté que la désignation « SRC / eatrade » contenue dans le contrat de travail (article II), conclu avec la société SAS, signifie que la société Seatrade RC est l'agent général, représentant la société Seatrade group, armateur dénommé au contrat « Seatrade » ;
Que par ailleurs le courrier du 15 décembre 2008 par lequel la société Seatrade RC a fait connaître à la société SAS la cessation du contrat d'agence commerciale mentionne comme entête : « Seatrade reefer chartering, Agent Général de Seatrade group », la société Seatrade RC intervenant ainsi en qualité de représentant de la société Seatrade group ;
Que ce courrier comprend en particulier les passages suivants :
« nous avons été informés par M X... qui nous a représentés en France pendant des années et connaît très bien nos affaires ¿ supervisant notre société / nos affaires au sein de SAS/BPA ¿ qu'il a décidé de quitter SAS/BPA pour créer sa propre structure indépendante ;
- par conséquent nous confirmons que nous cesserons d'utiliser vos services à compter du départ effectif de M X... » ;
Que des termes employés et de l'objet du courrier, s'agissant d'une décision de rupture impliquant directement l'armateur, il résulte que la société Seatrade RC, qui savait que la société SAS avait pour seul cocontractant la société Seatrade group, a agi en qualité de mandataire de celle-ci, et que comme telle elle était habilitée à recevoir directement le courrier de réponse que le cas échéant cette notification susciterait de la part de l'agent commercial ;
Qu'il n'est à cet égard, ni soutenu ni allégué qu'en sa qualité de mandant, la société Seatrade group ait souhaité poursuivre les relations contractuelles avec la société SAS et que la décision de rupture notifiée n'ait pas été prise par elle ;
- en outre que les pièces produites établissent que la société Seatrade RC était habilitée par la société Seatrade group pour notifier la cessation du contrat d'agence commerciale et pour recevoir la réponse que l'agent commercial apporterait à cette notification ;
- en effet qu'aux termes des dispositions du contrat en date du 1er janvier 2007 intitulé « Agency Agreement » mentionné ci-dessus : « la société Seatrade group a nommé la société Seatrade RC comme agent général à toutes fins dans l'exécution de ses obligations en vertu de l'accord de Pool¿ La société Seatrade RC s'est engagée en particulier en qualité d'agent pour le compte de Seatrade à protéger et promouvoir les intérêts de la société Seatrade group dans toute matière en rapport avec le fonctionnement du pool Seatrade¿ La société Seatrade RC aura pouvoir au nom de Seatrade de prendre toutes les mesures en relation avec le bon fonctionnement et l'efficacité du pool Seatrade¿ La société Seatrade group notifie par la présente, confirme et s'engage à ratifier à tout moment et à confirmer tout ce qui pourrait être fait ou provoqué par la société Seatrade RC dans l'exercice de ses fonctions¿ » ;
Que conçues en termes généraux, ces dispositions confient à la société Seatrade RC de larges pouvoirs de représentation de la société Seatrade group, « dans toute matière » en rapport avec le fonctionnement du pool ;
qu'il convient d'en conclure que par ce mandat la société Seatrade RC, habilitée à notifier une décision aussi importante que la rupture du contrat d'agent commercial, l'était également pour recevoir, le cas échéant, la réponse de l'agent commercial ;
- que l'ensemble des développements qui précèdent fait apparaître que, dans le délai légal, la société SAS a notifié à la société Seatrade group par le mandataire de celle-ci, la société Seatrade RC, son intention de demander une indemnité compensatrice ;
Que l'exception d'irrecevabilité de la demande en paiement de cette indemnité n'est donc pas fondée » ;
1. Alors que, d'une part et à titre principal, l'agent commercial perd son droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; que le droit légal à une indemnité compensatrice de fin de contrat, qui se justifie par le particularisme du statut spécial régissant les agents commerciaux, est dérogatoire au droit commun du mandat et, partant, d'application stricte ; qu'en conséquence, pour faire utilement échec au jeu de la déchéance annale, la notification émanant de l'agent commercial ne peut être faite qu'au seul mandant, et non à son éventuel représentant ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant énoncé qu'était efficace et interruptive du délai de déchéance d'un an la notification faite, non pas au mandant lui-même, mais à un représentant de celui-ci, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 134-12 du Code de Commerce, ensemble l'article 2004 du Code civil ;
2. Alors que, d'autre part et à titre subsidiaire, à admettre que la notification par l'agent commercial d'une demande d'indemnité de fin de contrat puisse être efficacement faite à un représentant de son mandant, le particularisme du statut spécial régissant les agents commerciaux et son caractère dérogatoire au droit commun du mandat impliquent que ledit représentant soit investi d'un pouvoir de représentation spécifique pour recevoir une telle notification ; que, dès lors, en l'espèce, en se fondant sur les circonstances, inopérantes, tirées de ce que la société SEATRADE RC avait qualité pour notifier, au nom de la société SEATRADE GROUP, la rupture de son contrat à la société SAS et en se contentant de l'expression d'un pouvoir de représentation stipulé en des termes généraux à l'acte d'« Agency Agreement » conclu entre les sociétés SEATRADE RC et SEATRADE GROUP le 1er janvier 2007 pour en conclure que la première avait qualité pour recevoir utilement, au nom de la seconde, notification d'une demande d'indemnité de fin de contrat d'agent commercial sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle avait reçu un pouvoir de représentation spécifique en ce sens, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du Code de Commerce, ensemble l'article 2004 du Code civil ;
3. Alors que, de plus et toujours à titre subsidiaire, il est constant que l'acte d'« Agency Agreement » conclu entre les sociétés SEATRADE RC et SEATRADE GROUP le 1er janvier 2007 était expressément soumis au droit néerlandais ; que, dès lors, en s'étant fondée sur les considérations, inopérantes, tirées du droit français du mandat pour définir l'étendue des pouvoirs de représentation confiés à la première de ces deux entités par la seconde et, notamment, pour déterminer si elle était habilitée à recevoir, au nom de celle-ci, notification d'une demande d'indemnité de fin de contrat d'agent commercial, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du Code de Commerce, ensemble l'article 2004 du Code civil ;
4. Alors qu'enfin et en tout état de cause, le juge ne saurait laisser sans réponse les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en ne répondant pas au moyen, péremptoire, des sociétés SEATRADE RC et SEATRADE GROUP tiré de ce que ni la lettre de notification adressée par la société SAS à la société SEATRADE RC et reçue par cette dernière le 4 février 2009, ni l'acte d'assignation qu'elle lui avait fait délivrer le 15 avril 2009 ne faisait référence à sa qualité de représentant de la société SEATRADE GROUP, de sorte qu'indépendamment même de la détermination de l'étendue de ses pouvoirs de représentation, la société SEATRADE RC, prise en son nom personnel, avait été le seul destinataire des demandes de la société SAS et que, partant, la société SEATRADE GROUP y était encore totalement étrangère à ce stade initial et que le délai de déchéance d'un an était donc insusceptible d'avoir, alors, été interrompu à son détriment (conclusions, p. 17 et 18), la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de Procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SEATRADE GROUP à payer à la société SAS, au titre de l'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial, la somme de 1.741.348,00 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa décision ;
Aux motifs que « la société SAS demande, sur le fondement de l'article L.
134-12 du code de commerce, la condamnation solidaire de la société Seatrade group et de la société Seatrade RC à lui payer une indemnité compensatrice de la rupture des relations commerciales ;
Qu'elle soutient que par application de l'article L. 134-16 du code de commerce la clause insérée dans le contrat de travail et par laquelle elle avait renoncé à l'avance à demander le paiement de cette indemnité doit être réputée non écrite ;
- que, pour s'opposer à cette demande, les sociétés Seatrade group et Seatrade RC soutiennent principalement ce qui suit :
- la clause contractuelle susvisée fait la loi des parties au sens de l'article 1134 du code civil,- ayant pour seul objet d'assurer la protection de l'agent commercial, l'interdiction prévue par l'article L. 134-16 du code de commerce (issu, comme l'ensemble des dispositions du statut des agents commerciaux, de la directive européenne du 18 décembre 1986) ne concerne que les clauses contenues dans un contrat d'agent commercial ; elle ne s'applique pas lorsque les parties à la convention dans laquelle la clause est insérée ne sont pas directement l'agent commercial et son mandant,- figurant dans un contrat de travail cette stipulation contractuelle n'a pas été imposée à la société SAS qui en est le seul rédacteur,- parce qu'elle s'analyse en une stipulation pour autrui, la clause concernée doit être considérée comme ayant reçu l'accord de la société Seatrade group,- par cette clause en effet la société SAS, promettant, s'est engagée envers M X..., stipulant, à ne pas demander à l'armateur, bénéficiaire, d'indemnité en cas de rupture du contrat de travail,- en raison de l'originalité de la situation cette stipulation pour autrui doit recevoir application ;
- qu'il convient de statuer sur les prétentions respectives ci-dessus exposées ;
- que selon les dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce :
« en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi » ;
Que l'article L. 134-16 du code de commerce répute « non écrite toute clause ou convention contraire aux dispositions des articles L. 134-12 du code de commerce » ;
- qu'en application de ce texte les clauses ou conventions écartant le droit à indemnité de rupture prévu par l'article L. 134-12 du code de commerce doivent être réputées non écrites ;
- en l'espèce que la clause du contrat de travail invoquée par les sociétés Seatrade group et Seatrade RC est ainsi rédigée :
« - article II - rapport d'activité le contractant, fort de son expérience professionnelle, apporte à l'employeur la représentation d'armateurs dont :
- SRC SEATRADE en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, si les armateurs ci-dessus mentionnés souhaitaient rejoindre le contractant dans une structure juridique différente, l'employeur ne s'y opposerait pas¿ et s'abstiendrait de demander toute indemnité pour une telle rupture tant au point de vue du contractant que des armateurs précités. » ;
- que cette disposition, qui contient une renonciation de l'agent commercial au droit de demander, en fin de contrat d'agent commercial, le paiement d'une indemnité de rupture, est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 134-16 précité ; Qu'elle doit être réputée non écrite ;
Que les moyens susvisés, tirés respectivement de ce que la clause aurait été rédigée par l'employeur, quelle ferait la loi des parties, qu'elle ne figure pas dans un contrat d'agent commercial et qu'elle constituerait une stipulation pour autrui, ne peuvent être retenus ;
Que l'article L. 134-16 du code de commerce, seul texte applicable au litige relativement à la portée de la clause considérée, répute en effet non écrite toute clause mais également de façon générale toute « convention » contraire aux dispositions légales ; que prévue par les articles 1121 et suivants du code civil (qui, dans celui-ci, figurent au titre III intitulé « des conventions et des obligations conventionnelles en général ») la stipulation pour autrui constitue, à cet égard, une convention au sens de l'article L. 134-16 du code de commerce ; qu'elle entre en conséquence dans le champ de l'interdiction prévue par ce texte ;
- que les sociétés Seatrade group et Seatrade RC soutiennent également au visa de l'article L. 134-13 du code de commerce, que l'indemnité de cessation de contrat n'est pas due parce que la société SAS avait promis de céder à M X... ses droits résultant du contrat d'agent commercial ;
Qu'elles considèrent à cet égard que la clause de renonciation à indemnité contenue à l'article II du contrat de travail s'analyse en une promesse de cession de contrat d'agent commercial, faite par la société SAS, en faveur de M X... ;
Qu'elles exposent que cette cession a été acceptée par M X... et par la société Seatrade group et qu'elle a été exécutée ; qu'elles précisent sur ce point que lorsqu'en fin de contrat de travail, M X... a créé sa nouvelle structure, la cession de contrat d'agence s'est concrétisée par la reprise du personnel de la société SAS dédiée à l'activité de la société Seatrade group ;
Qu'elles considèrent que la cession invoquée a pour contrepartie les commissions perçues par la société SAS pendant la durée du contrat d'agent commercial ;
- que la société SAS soutient que les conditions d'application de l'article L. 134-13 du code de commerce ne sont pas réunies ;
- qu'il convient de statuer sur l'exception au droit à indemnité invoquée par les intimées ;
- que l'article L. 134-13 du code de commerce dispose que : « la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
3° selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence » ;
- que de cette rédaction et en particulier de l'emploi du « présent de l'indicatif », il résulte que l'exception prévue par ce texte ne porte pas sur une promesse de cession mais sur la conclusion effective d'un contrat de cession ; qu'elle concerne la situation dans laquelle la cession du contrat d'agent commercial met fin à la relation contractuelle entre celui-ci et le mandant ; qu'en ce cas le versement d'un prix de cession représentant la valeur patrimoniale du contrat d'agence commerciale exclut le paiement d'une indemnité de rupture ;
- qu'il en résulte que c'est au moment de la cessation du contrat d'agence commerciale qu'il faut se placer pour apprécier si les conditions posées par l'article L. 134-13 du code de commerce sont réunies ;
Qu'il n'est pas établi ni allégué en l'espèce qu'au moment de la rupture du contrat d'agent commercial, un accord soit intervenu entre la société Seatrade group et la société SAS pour que celle-ci cède à M X... ses droits sur le contrat d'agent commercial ; que l'introduction de la présente instance montre au contraire le refus de la société SAS de céder, sans contrepartie financière, les droits qu'elle tient du contrat d'agence commerciale ;
Qu'il n'est pas davantage démontré qu'au moment de la conclusion du contrat de travail, l'agent commercial ait cédé en accord avec le mandant ses droits à M X... ;
Que les dispositions de l'article II du contrat de travail invoquées sont en effet ainsi rédigées : « en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, si les armateurs souhaitaient rejoindre le contractant dans une structure juridique différente, l'employeur ne s'y opposerait pas et s'abstiendrait de demander toute indemnité¿ » ;
Que ces énonciations n'évoquent qu'à titre d'éventualité la poursuite du contrat d'agent commercial avec M X... après la cessation du contrat de travail, l'armateur ayant au contraire réservé sa décision de rejoindre ou non ce salarié dans une autre structure ;
Que la clause invoquée n'exprime donc pas un accord de la société Seatrade group, de la société SAS et de M X... sur une cession, en fin de mandat, qui aurait d'ores et déjà été convenue entre eux au moment de la rédaction de la clause contractuelle invoquée ;
- que compte tenu de ces éléments, le moyen tiré de l'application de l'article L. 134-13 du code de commerce n'est pas fondé ;
- que de l'ensemble des développements qui précèdent il résulte que la société SAS est fondée à demander à la société Seatrade group le paiement d'une indemnité de rupture » ;
1. Alors que, d'une part, si est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant au droit de l'agent commercial de percevoir une indemnité de cessation de contrat, il n'en va ainsi que si cette dérogation a été stipulée à son détriment ; que tel ne saurait être le cas d'une clause que l'agent commercial, en sa qualité d'employeur, partie réputée forte, a lui-même insérée dans un contrat de travail où il s'est engagé, envers son salarié, à ne pas solliciter de ses propres mandants d'indemnité de fin de contrat dans l'hypothèse où, suite à la rupture du contrat de travail, ces mêmes mandants décideraient de confier audit salarié la représentation de leurs activités commerciales ; qu'en l'espèce, en ayant, cependant, estimé qu'un tel engagement et la stipulation pour autrui qu'il pouvait faire naître au profit des mandants entraient dans le champ de la prohibition prévue par l'article L. 134-16 du Code de Commerce, la Cour d'appel a violé ce texte par fausse interprétation, ensemble l'article L. 134-12 du même Code par fausse application ;
2. Alors que, d'autre part, l'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial n'est pas due dans le cas où, selon un accord avec le mandant, l'agent cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence ; qu'il en va ainsi dans les hypothèses où les mandants d'un agent commercial employeur ont rejoint son ancien salarié dans une nouvelle structure en application d'une clause contenue dans le contrat de travail par laquelle l'agent commercial s'était engagé à ne pas s'opposer à ce que ces mêmes mandants rejoignent son salarié dans une nouvelle agence commerciale suite à la rupture de la relation de travail, cet engagement de l'agent employeur s'analysant en une promesse de cession d'agence stipulée au profit de son salarié et dont la concrétisation est soumise à l'accord des mandants concernés ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant posé en principe que l'exception au droit à indemnité prévue en cas de cession du contrat d'agent était insusceptible de porter sur une promesse de cession, mais qu'elle ne pouvait porter que sur la conclusion effective d'un contrat de cession, de sorte que ce type d'engagement ne pouvait pas entrer dans les provisions de l'article L. 134-13 du Code de Commerce, la Cour d'appel a violé ce texte par fausse interprétation, ensemble l'article L. 134-12 du même Code par fausse application.