LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Gilbert X... est décédé le 23 décembre 2005, en laissant pour lui succéder ses dix enfants, Bertrand, Anne-Marie, Bernard, Christine, épouse Y..., Michèle, Daniel, Cathy, épouse Y..., Marie-Noëlle, Edith et Jean-Philippe ; qu'il dépendait notamment de la succession un terrain situé ...à Audencourt, sur lequel Mme Christine Y...avait fait édifier une maison d'habitation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que Mme Cathy Y..., Mme Anne-Marie X..., M. Jean-Philippe X... et Mme Michèle X... font grief à l'arrêt, statuant sur les difficultés nées du règlement de la succession, de dire que la maison d'habitation construite par Mme Christine Y...sur le terrain situé à Audencourt ne dépend pas de l'indivision successorale, d'attribuer de manière préférentielle à celle-ci le terrain pour une valeur de 17 500 euros, à charge de soulte envers des autres héritiers, et de rejeter la demande tendant à voir ordonner la licitation de la maison d'habitation et du terrain ;
Attendu que, la demande d'attribution préférentielle de l'immeuble, formée par M. Bernard X..., Mme Christine Y..., M. Daniel X..., Mme Marie-Noëlle X... et Mme Edith X..., étant subsidiaire, non pas à la demande principale tendant à voir inscrire à l'actif successoral la valeur du terrain, mais à la demande principale en paiement, à titre de dommages-intérêts, d'une somme correspondant à la valeur de la maison d'habitation, le moyen manque en fait, de sorte qu'il ne peut être accueilli ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu les articles 551 et 555 du code civil ;
Attendu que, pour juger que la maison d'habitation construite par Mme Christine Y...ne dépend pas de l'indivision successorale, attribuer à celle-ci le terrain pour une valeur de 17 500 euros, à charge de soulte en faveur des autres héritiers, et rejeter la demande tendant à voir ordonner la licitation de la maison d'habitation et du terrain, l'arrêt retient que, la maison ayant été édifiée sur le terrain appartenant à Gilbert X..., dix ans avant son décès, ce dernier, qui habitait dans une maison voisine, avait nécessairement consenti à la construction, même si la vente du terrain n'a finalement pas été réalisée de son vivant, de sorte que Mme Christine Y...ne saurait être considérée comme un tiers ayant construit en l'absence de toute convention, au sens de l'article 555 du code civil, le terrain étant incorporé à l'immeuble bâti appartenant à celle-ci ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que le terrain, qui avait appartenu à Gilbert X..., et la maison d'habitation, qui avait été édifiée sur le terrain par Mme Christine Y..., dépendaient de l'indivision successorale, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par fausse application ; PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la maison d'habitation construite par Mme Christine Y...sur le terrain situé ...à Audencourt ne dépend pas de l'indivision post-successorale, attribué le terrain à Mme Christine Y...pour une valeur de 17 500 euros, à charge de soulte en faveur des autres héritiers, et rejeté la demande tendant à voir ordonner la licitation de la maison d'habitation et du terrain situés ...à Audencourt, l'arrêt rendu le 12 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne Mme Christine Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mmes Cathy, Anne et Michèle X... et M. Jean-Philippe X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la maison d'habitation construite par Mme Christine X... épouse Y...sur le terrain situé ...à Audencourt ne dépend pas de l'indivision post-successorale, attribué de manière préférentielle le terrain à Mme Christine X... épouse Y...pour une valeur de 17 500 ¿, à charge de soulte envers des autres héritiers et rejeté la demande tendant à voir ordonner la licitation de la maison d'habitation et du terrain situés ...à Audencourt,
AUX MOTIFS QU'
« il dépend de la succession de M. Gilbert X... :
- une parcelle de terrain située ...à Audencourt, cadastrée section A n° 400 et n° 696 pour une superficie totale de 5 ares 54 centiares ;
- un immeuble à usage d'habitation situé ...à Audencourt, cadastré section A n° 404 ;
que sur la parcelle de terrain située ..., Mme Christine X...épouse Y...a fait construire un immeuble à usage d'habitation qu'elle occupe avec son mari, M. Lionel Y...depuis le 22juillet 1995 ;
que l'expert a décrit une maison de construction récente (1995) de type plain-pied en brique façon composite, avec une couverture de tuiles en terre cuite en bon état, d'une surface pondérée de 160 mètres carrés ;
qu'il a évalué la maison à la somme de 160 000 euros, sur la base de 1 000 euros le mètre carré, et le terrain occupé à la somme de 17 500 euros ;
qu'il a ajouté que M. et Mme Y...avaient assuré la viabilisation du terrain pour la somme de 1 450, 72 euros ;
que Mme Cathy X... épouse Y..., Mme Anne-Marie X...et M. Jean-Philippe X... demandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 555 alinéa 1 du code civil selon lesquelles lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever ;
que par lettre du 25janvier 1995 adressée à Mme Edith X..., le notaire, Maître Bernard A..., l'avait informée de ce que M. Gilbert X... souhaitait vendre à M. et Mme Y...
X... une parcelle de terrain à bâtir, cadastrée section A n° 400 pour 5 ares 39 centiares et n° 696 pour 15 centiares, ainsi que la servitude de passage pour accéder à la voirie, que cette vente devait se faire moyennant le prix de 33 240 francs soit 60 francs le mètre carré en considération de la situation géographique du terrain ;
que par lettre en date du 28 novembre 2005, Maître François-Xavier B...a rappelé à Mine Christine X... épouse Y...qu'elle devait, il y a quelques années, racheter le terrain sur lequel elle avait édifié sa maison, le terrain dépendant de la communauté ayant existé entre M. et Mme X...
Z...et que la vente, qui avait été prévue pour le prix de 33 240 francs (5 067, 40 euros) n'avait jamais été régularisée ;
que cet immeuble ayant été édifié sur le terrain appartenant à M. Gilbert X... en 1995, dix ans avant son décès, ce dernier, qui habitait dans une maison voisine (au 13 de la même rue), avait nécessairement consenti à la construction, même si la vente du terrain n'a finalement pas été réalisée de son vivant, de sorte que Mme Christine X... ne saurait être considérée comme un tiers ayant construit en l'absence de toute convention, au sens de l'article 555 du code civil ;
que les dispositions de l'article 555 ne sont donc pas applicables et l'immeuble ne dépend pas de la succession de M. Gilbert X... ;
que Mme Christine X... épouse Y..., Bemard, Daniel, Marie- Noël1e et Edith X... demandent que le terrain sur lequel a été construit l'immeuble soit réintégré à la succession pour une valeur de 5 067 euros, soit le prix auquel il aurait dû être acheté en 1995 ;
que cependant, les biens dépendant de la succession devant être évalués à la date la plus proche du partage, il y a lieu de fixer la valeur de ce terrain à la somme de 17 500 euros proposée par l'expert ;
que le terrain étant incorporé à l'immeuble bâti appartenant à Mme Christine X... épouse Y...doit par voie de conséquence lui être attribué, à charge de soulte envers les co-indivisaires ;
que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit qu'il convenait de constater l'acquisition de la propriété de la construction de l'immeuble à usage d'habitation évalué par l'expert à la somme de 160 000 euros et ordonné la licitation de l'ensemble bâti sur terrain, conformément aux dispositions des articles 815 et 555 du code civil »,
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne peut excéder sa saisine et faire droit à la demande subsidiaire d'une partie tendant à l'attribution préférentielle d'un bien après avoir fait droit à sa demande principale afin de réintégration de ce même bien en valeur dans la succession pour une certaine somme ; qu'en accueillant la demande subsidiaire de Mme Christine X... afin d'attribution préférentielle du terrain cadastré A 400 situé ... à Audencourt (59540), cependant qu'elle avait fait droit à sa demande principale en confirmant le jugement qui avait ordonné la réintégration à la succession de M. Gilbert X... de la somme de 17 500 ¿ au titre de la parcelle située ... à Audencourt (59540), la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque des constructions ont été faites par un tiers avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire a le droit d'en conserver la propriété, sauf à indemniser le tiers évincé ; qu'en affirmant, pour attribuer à Mme Christine X... la propriété du terrain cadastré A n° 400 situé ... à Audencourt, que ce dernier étant incorporé à l'immeuble bâti appartenant à Mme Christine X... épouse Y...il doit, par voie de conséquence, lui être attribué à charge de soulte envers les co-indivisaires, la cour d'appel a méconnu le principe de l'accession de l'accessoire au principal et violé les articles 551 et 555 du code civil,
ALORS ENFIN QU'à défaut d'entente entre les héritiers pour se consentir des attributions, les juges ne peuvent, en dehors des cas limitativement énumérés par la loi, procéder au moyen d'attributions, même pour des motifs d'équité ou d'opportunité ; qu'en décidant que le terrain cadastré A 400 situé ... à Audencourt (59540) étant incorporé à l'immeuble bâti appartenant à Mme Christine X... épouse Y...devait, par voie de conséquence, lui être attribué, à charge de soulte envers les co-indivisaires, cependant que les exposants demandaient la confirmation du jugement qui avait ordonné la licitation de l'ensemble bâti sur le terrain situé ... à Audencourt (59540) pour un montant de 160. 000 ¿ et sans constater que les conditions légales pour l'attribution préférentielle du terrain étaient remplies, la cour d'appel a violé les articles 826 du code civil, 1363 et 1375 alinéa 3 du code de procédure civile par refus d'application.