LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant exactement retenu qu'il incombait au demandeur de présenter dès l'instance relative à sa première demande l'ensemble des moyens qu'il estimait de nature à fonder celle-ci, relevé que la demande examinée par le jugement du 12 janvier 1993 tendait au rétablissement de l'assiette originaire de la servitude et constaté que, selon l'expert, le chemin actuellement utilisé avait été réalisé en 1978-1979 et n'avait jamais été modifié depuis lors, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturation, qu'aucune circonstance nouvelle relative à la configuration de la servitude n'étant rapportée depuis le précédent jugement, la demande de M. X... se heurtait à l'autorité de la chose jugée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de M. Amine X... de respecter son droit de propriété, de la remettre en état et d'ordonner aux consorts Y...et à la SA Y...d'emprunter l'assiette de passage telle que mentionnée dans l'acte notarié d'origine du 16 juillet 1971,
aux motifs propres que l'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est défini par l'article 4 du code de procédure civile : il est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense, et éventuellement modifié par des demandes incidentes ; qu'aux termes de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, et que la demande soit entre les mêmes parties ; qu'en vertu du principe de la concentration des moyens au cours d'une même instance, il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que des moyens nouveaux au soutien d'une même demande dans une seconde instance ne constituent pas une cause différente ; qu'en revanche, il n'y a pas autorité de la chose jugée s'il existe des circonstances nouvelles ; que le tribunal de grande instance de Belfort a tranché, par jugement du 12 janvier 1993, un litige opposant la SCI le Byblos d'une part, Albert Y...et la SA Y...d ! autre part ; qu'Aminé X... invoque l'absence d'identité de parties ; que cependant, l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une partie est opposable à l'ayant-cause universel de celle-ci ; qu'elle est également opposable aux ayants-cause à titre particulier, qui sont représentés par leur auteur pour les actes accomplis sur le bien avant la naissance de leur droit ; que l'appelant est l'ayant-cause de la SCI le Byblos, qui lui a vendu les parcelles litigieuses en 1998, tandis que Jeannine Z...et Jean-Pierre Y...sont les ayants-cause d'Albert Y..., décédé le 25 mars 2001 ; que la SA Y...était elle-même partie à l'instance de 1993 ; qu'ainsi, il existe bien une identité de parties ; que la demande d'Amine X..., telle qu'elle est exprimée dans ses dernières conclusions, concerne l'emplacement de la servitude ; que selon l'appelant, les intimés passent au milieu de sa propriété et ne respectent pas l'assiette définie par l'acte notarié de 1971 créant la servitude ; que le déplacement de l'assiette de la servitude aurait ainsi pour conséquence la violation de son droit de propriété ; que lors de l'instance introduite en septembre 1991 par la SCI le Byblos, les prétentions de la demanderesse, telles qu'elles sont exposées par le jugement du 12 janvier 1993, visaient notamment à faire constater que la SA Y...faisait un usage de la servitude non conforme aux termes de l'acte de vente, à lui enjoindre ainsi qu'à Albert Y...de rétablir l'assiette originaire de la servitude sous astreinte, et à obtenir des dommages et intérêts ; que cette précédente instance concernait donc déjà la question de l'emplacement de la servitude ; qu'il ressort des pièces versées aux débats, et notamment des éléments recueillis par Daniel A...lors de ses opérations d'expertise de 2009, que le chemin desservant le dépôt de combustible Y...a été réalisé en 1978-1979 et n'a jamais changé d'assiette depuis cette date ; que l'appelant invoque des faits nouveaux de 2008 et 2009 ; que l'expert n'a toutefois pas constaté de modification significative du chemin empierré après l'ouverture de ses opérations, alors qu'Amine X... faisait état d'un élargissement ; qu'un nouvel empierrement serait intervenu en 2009 ; que le procès-verbal de constat dressé à la demande d'Amine X... par Maître B..., huissier de justice, le 2 avril 2008, indique que le chemin était déjà en tout-venant, comme il l'était lors des opérations d'expertise entre mai et décembre 2009 ; qu'il n'est donc justifié d'aucune circonstance nouvelle relative à la configuration de la servitude, un simple entretien ne constituant pas une telle circonstance ; qu'ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 12 janvier 1993, et déclaré en conséquence irrecevables les demandes d'Amine X... ;
et aux motifs adoptés que selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée ; qu'aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ; que l'article 4 du même code prévoit que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que l'autorité de la chose jugée est attachée à ce que le jugement a tranché dans son dispositif. Néanmoins, si elle ne s'attache en principe qu'aux dispositions expresses des jugements, elle peut aussi résulter des dispositions implicites et certaines qu'ils renferment ; qu'en l'espèce, lors d'un précédent litige, la SCI le Byblos avait assigné M. Y...Albert et la société Y...aux fins de faire constater qu'ils faisaient un usage de la servitude non conforme aux termes de l'acte constitutif et leur enjoindre de rétablir l'assiette originaire de la servitude. Par un jugement du 12 janvier 1993, la SCI le Byblos a été débouté de l'ensemble de ses demandes au motif que l'usage industriel de la servitude constituait un changement de sa destination qui n'avait pas entraîné une modification de sa structure, notamment « par l'élargissement de son assiette » ; qu'il ressort de cette décision qu'en déboutant la SCI le Byblos de l'ensemble de ses prétentions, le tribunal de grande instance de Belfort a statué sur toutes ses demandes. Or, la SCI le Byblos avait saisi la juridiction d'une demande relative à la destination de la servitude, mais aussi à son assiette ; que dès lors, le tribunal de grande instance de Belfort s'est déjà prononcé sur l'assiette de la servitude ; que la demande présentée par M. X...Amine, venant aux droits de la SCI le Byblos, se heurte en conséquence à l'autorité de la chose jugée et elle sera déclarée irrecevable ;
1°) alors que, d'une part, il résulte de l'article 1351 du code civil que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que dans la présente procédure, M. X... avait saisi les juges du fond aux fins de voir constater que les consorts Y...et la SA Y...ont édifié un chemin de passage au milieu de sa propriété, soit en dehors du tracé de la servitude de passage instituée par l'acte notarié du 16 juillet 1971 qu'ils n'utilisent pas et de les condamner à remettre en état sa propriété et d'utiliser le seul passage prévu par l'acte notarié du 16 juillet 1971 ; que cette demande n'avait pas été tranchée par le jugement du 12 janvier 1993 qui a débouté la SCI le Byblos, précédent propriétaire de la parcelle, d'une demande tendant à rétablir l'utilisation de la servitude à un seul usage agricole ainsi qu'à rétablir sa largeur, celle-ci ayant été élargie sans aucun titre à 10 mètres de large contrairement à ce qui était indiqué dans l'acte notarié ; qu'ainsi, en décidant que le jugement du 12 janvier 1993 concernait « déjà la question de l'emplacement de la servitude », la cour d'appel a dénaturé ledit jugement en violation de l'article 1134 du code civil ensemble l'article 1351 du code civil ;
2°) alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 1351 du code civil que s'il incombe au demandeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu'au cas présent, si la demande de Monsieur X... visait la même servitude que la demande antérieure de la SCA Le Byblos, cette dernière demande visait une dénaturation de l'utilisation de la servitude et non le changement complet de son emplacement, objet de la demande de Monsieur X... ; qu'ainsi en retenant le principe de la concentration des moyens pour débouter Monsieur X..., la cour d'appel a derechef violé l'article susvisé.