LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Gratianne X..., décédée en 1999, avait fait diverses donations à ses trois filles, Mme Madeleine X..., Mme Y... et Mme Marthe Z..., cette dernière étant donataire de l'usufruit d'un bien immobilier, ainsi qu'aux filles de celle-ci, Mmes Joëlle et Lydia Z..., laquelle a reçu la nue-propriété d'un bien immobilier moyennant le paiement d'une rente viagère ; qu'un litige étant apparu lors des opérations de compte, liquidation et partage, un notaire a dressé un procès-verbal de difficulté ; que par un jugement du 12 octobre 2009, un tribunal de grande instance a renvoyé les parties devant le notaire, a dit que la valeur de l'usufruit de Mme Marthe Z... était de 20 % et a condamné Mme Lydia Z... à payer à l'indivision successorale une certaine somme ; que Mme Marthe Z... ayant sollicité une diminution de la valeur d'usufruit retenu et Mme Lydia Z... s'étant opposée au paiement de la somme à laquelle elle avait été condamnée au motif qu'elle justifiait désormais du paiement des arrérages de la rente viagère, Mmes X... et Y... ont opposé à ces demandes l'autorité de la chose jugée du jugement du 12 octobre 2009 ; que le notaire a dressé un nouveau procès-verbal de difficulté ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il incombe aux parties de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à en justifier le rejet total ou partiel ;
Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir opposée à la demande de Mme Marthe Z... tendant à la diminution de la valeur de l'usufruit et pour réduire à 10 % la valeur de cet usufruit, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que dans le cadre de l'instance ayant abouti au précédent jugement du 12 octobre 2009, les parties n'avaient pas pris en compte le droit d'usage et d'habitation dont Gratianne X... avait fait réserve à son bénéfice dans l'acte de donation, ce qui justifiait de réduire la valeur de l'usufruit, et que ce point n'ayant pas été débattu, aucune autorité de la chose jugée n'y était attachée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Z... s'étant abstenue d'invoquer lors de l'instance ayant conduit au jugement du 12 octobre 2009 le droit d'usage et d'habitation que s'était réservé le donateur, une demande fondée sur ce nouveau moyen n'était pas de nature à permettre une diminution de la valeur fixée de l'usufruit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 480 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire qu'il serait tenu compte de la justification faite devant le notaire des paiements des arrérages de la rente viagère et des dépenses et charges payées réciproquement par les parties, l'arrêt retient que les pièces justificatives du paiement des arrérages n'avaient pas été produites devant le tribunal lors des débats préalables au jugement du 12 octobre 2009, ce qu'indiquaient les motifs de ce jugement, qu'il n'y a donc pas d'autorité de la chose jugée sur ce point, que l'autorité de la chose jugée n'a d'effet que, d'une part, sur le principe de la créance, d'autre part sur son montant dès lors que son débiteur ne démontre pas s'en être libéré, que Mme Lydia Z... était parvenue à établir devant le notaire qu'elle s'était effectivement acquittée de la rente litigieuse et que c'était donc à juste titre que le notaire dans son second projet, avait pris en considération les arrérages dont il avait été justifié devant lui ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du 12 octobre 2009, fût-il rendu en l'état des justifications produites, avait dès son prononcé l'autorité de la chose jugée, de sorte que la nouvelle demande de Mme Lydia Z... tendant à être déchargée de sa condamnation en paiement était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mmes Joëlle, Lydia et Marthe Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mmes Madeleine et Marie X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'il sera tenu compte du droit d'usage et d'habitation réservé au profit de la donatrice quant au bien donné à Marthe Z... la valeur résiduelle de l'usufruit grevant le bien donné étant pour cette raison fixée à 10 % ;
AUX MOTIFS QUE sur le calcul de la valeur de l'usufruit : dans le dispositif du jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Bayonne le 12/ 10/ 09, il est retenu que la valeur de l'usufruit de Marthe Z... est de 20 % ; pour autant, dans les motifs de cette décision, il n'est nullement question du droit d'usage et d'habitation dont Gratianne A..., veuve X... avait fait réserve à son bénéfice dans l'acte de donation dressé le 17/ 09/ 88 ; il est donc constant que ce point n'a pas été débattu dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au prononcé du jugement du 12/ 10/ 09, de sorte qu'en vertu des dispositions de l'article 480 du C. P. C., il n'y a aucune autorité de la chose jugée sur ce point, cette autorité ne s'attachant qu'aux seules contestations tranchées ; que la valeur de l'usufruit dont il est dû rapport par Marthe Z... est nécessairement influencée par le droit d'usage et d'habitation au profit de la donatrice, comme il l'est, en l'état d'une clause particulière dérogeant à l'article 605 du code civil, par l'obligation pour l'usufruitière de supporter les charges incombant normalement au nu-propriétaire ; que c'est dont à juste raison qu'en considération de ces éléments de moins-value, le notaire instrumentaire, dans son deuxième projet d'acte de partage, en page 10, a réduit la valeur résiduelle de l'usufruit en question en l'arrêtant à 10 % ; nul ne critique sérieusement et par des arguments opérants ce pourcentage qu'il y a lieu d'entériner en confirmant sur ce point la décision déférée ; que le dispositif du jugement appelé doit cependant être modifié en ce qu'il indique s'agissant de droit d'usage et d'habitation, qu'il porte sur les biens donnés à Lydia Z... alors qu'il s'agit de biens donnés-il ne peut ici être question que de l'usufruit, car lui seul est grevé du droit précité-à Marthe Z... ;
ALORS QU'une seconde demande tendant aux mêmes fins que la première se heurte à l'autorité de la chose jugée même lorsqu'elle est appuyée par un fondement juridique différent ; que dans le dispositif de son jugement du 12 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne a décidé que la valeur de l'usufruit de Marthe Z... était de 20 % ; qu'en décidant que ce jugement n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée en l'absence de débat sur l'incidence du droit d'usage et d'habitation dont Gratianne A...veuve X... avait fait réserve à son bénéfice dans la donation du 17 septembre 1988 quand il appartenait aux consorts Z... de faire valoir ce moyen nécessairement antérieur à la demande initiale, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'il sera tenu compte de la justification faite devant le notaire des paiements des arrérages de rente viagère et des dépenses et charges payées réciproquement par les parties ;
AUX MOTIFS QUE sur le paiement de la rente par Lydia Z... dans le dispositif du jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Bayonne le 12/ 10/ 09, Lydia Z... est condamnée à payer à l'indivision successorale un capital de 26. 472, 15 euros, somme qui correspond dans les motifs de la décision au règlement de la rente viagère due à la donatrice en vertu de l'acte notarié du 09/ 08/ 91 ; qu'il convient de reproduire ici lesdits motifs :
" cette rente est bien due par Melle Lydia Z... en vertu de cet acte " mais cette dernière " ne justifie pas du paiement de la rente " si bien que " la somme réclamée à ce titre n'est pas contestée (¿) " ; qu'il doit être considérée que l'autorité de la chose jugée s'attache à ces dispositions conformément aux règles précités de l'art. 480 du C. P. C ; que cependant l'autorité de la chose jugée n'a d'effet que, d'une part, sur le principe de la créance, d'autre part sur son montant dès lors que son débiteur ne démontre pas s'en être libéré ; que cela étant, Lydia Z... est parvenue à établir, devant le notaire-qui a annexé les quittances correspondantes à son projet de procès-verbal liquidatif sur lesquelles figure la signature du de cujus, signature dont nul ne conteste l'authenticité-qu'elles s'était effectivement acquittée de la rente litigieuse ; qu'il convient en conséquence, ajoutant aux motifs du premier juge, de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle adit qu'il serait tenu compte de la justification faite devant le notaire des paiements et arrérages de rente viagère ; que le projet du notaire liquidateur, annexé au procès-verbal de difficulté établi le 09/ 08/ 10, doit, sur ce point (au premier paragraphe de la page 11) être entériné ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en ce qui concerne les arrérages de la rente viagère mise à la charge de Mlle Lydia Z... par l'acte de vente du 9 août 1991, les pièces justificatives du paiement des arrérages n'avaient pas davantage été produites devant le tribunal lors des débats préalables au jugement du 12 octobre 2009, et il n'y a donc pas plus d'autorité de la chose jugée sur ce point ; que c'est donc à juste titre que le notaire dans son second projet, a pris en considération les arrérages dont il a été justifié devant lui ;
1) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que dans le dispositif de son jugement du 12 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne a « condamné Mlle Lydia Z... à payer à l'indivision successorale un capital de 26. 472, 15 euros » ; qu'en se fondant sur les motifs de ce jugement pour lui dénier toute autorité de la chose jugée en ce qui concerne le montant de la créance de l'indivision successorale à l'égard de Lydia Z... et dire qu'il sera tenu compte de la justification faite devant le notaire des paiements des arrérages de rente viagère et des dépenses et charges payées réciproquement par les parties, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la production d'un nouveau moyen de preuve, même de nature à établir la libération du débiteur condamné au payement par une précédente décision définitive, ne permet pas d'écarter l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a derechef violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil.