LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2012) que M. X..., engagé en juillet 2002 comme agent qualifié par la société Cosmolys, exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent de maîtrise, responsable sécurité atelier ; qu'il a été licencié le 21 novembre 2006 ; qu'il a contesté le bien fondé de son licenciement devant la juridiction prud'homale et soutenu avoir été victime d'un harcèlement moral ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces deux branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen, que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se bornant à procéder à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par M. X..., quand il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté qu'aucun des faits invoqués par le salarié comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, qu'elle a examinés dans leur ensemble, n'était établi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la Société COSMOLYS ;
AUX MOTIFS QUE, sur le licenciement, le fait que l'audit de la Société COSMOLYS ait été effectué par la Société SANTELYS, dirigée, selon les parties, par l'actionnaire unique de la Société COSMOLYS n'est pas suffisant pour écarter les constatations relevées, l'audit au vu du rapport, appuyé sur des entretiens avec le personnel étant précis et objectif ; que l'existence d'importants dysfonctionnements dans l'atelier n'est pas contestée et ne l'a pas été à la suite de la restitution générale de l'audit, Monsieur X... ayant formulé par courrier des propositions de réorganisation ; qu'il est relevé dans cet audit (p. 112 et 113) un problème d'encadrement, le rapport faisant état d'une altercation de Monsieur X... très forte avec un technicien d'atelier sans sanction prise par la direction malgré la demande de Monsieur Y..., son responsable direct et de l'importance du problème, observation étant faite dans ce rapport que « Monsieur X... est le meilleur ami du fils de Monsieur Z..., (le directeur) » avec pour conséquence la mention « incompréhension des cadres, stupéfaction du personnel », avec la précision que Monsieur Z... a été interpelé par le délégué du personnel et l'indication « il a dit qu'il l'avait sanctionné (faux) » ; qu'il est également indiqué que lorsqu'un problème est abordé par Monsieur Y..., Monsieur X... « s'en moque et dit traiter directement avec Monsieur Z... » d'où globalement « un problème de crédibilité par rapport à COSMOLYS, les cadres et les techniciens qu'il encadre » ; que, page 115, il est précisé au titre des autres points abordés au cours de l'audit : «- Pas de suivi des problèmes relevés par les techniciens atelier ; fuite T 1000 ;- Manque de méthode organisationnelle : (suivi des interventions ECODAS ?) ;- Manque de présence physique dans l'atelier (d'après les remarques des techniciens) ou peu d'esprit d'équipe ;- Des tâches sont effectuées sans en connaître les raisons ni les aboutissements (bordereaux chimiques...) ;- Manque de suivi concernant les dysfonctionnements ;- Pas d'organisation au niveau de l'atelier et pas de suivi (stockage propre, déchets chimiques...) ; Point forts :- Réelle envie de bien faire ;- Connaissance des pannes et de leurs résolutions » ; que, page 117 (ce qui apparaît correspondre aux entretiens avec l'équipe de l'atelier) il est indiqué : « Equipe encadrée par H. X... :- Gros problème : ne trouve pas de solution ;- lien avec M. Z... : considéré comme intouchable : source de colère et de frustration ;- Ne prend rien au sérieux ;- Pas de rôle de manager (n'intervient pas par exemple quand des personnes travaillent peu ou mal par rapport à d'autres qui travaillent beaucoup, ne donne pas de consignes et reproche de ne pas faire le travail, appel d'un technicien à 6 h pour signaler l'absence d'un technicien suivant : H. X... lui dit de trouver un autre technicien) ; Gros problème conflictuel entre H. X... et certaines personnes de l'atelier : paroles très violentes, relations tendues : depuis retour arrêt : situation moins tendue ;- Quand remplacement par T. H... : nette amélioration du fonctionnement » ; que, le 16 octobre 2006, Monsieur A..., directeur adjoint de STRATELYS, a adressé un courrier au président de SANTELYS ASSOCIATION (professeur B...) l'ayant missionné pour l'audit organisationnel de la Société COSMOLYS, afin d'attirer son attention spécifiquement sur l'atelier aux motifs que : « l'audit a mis à jour de sérieux dysfonctionnements relatifs à l'encadrement de l'atelier. La tension ressentie au sein de l'équipe et la constatation de certains faits m'amènent à vous alerter immédiatement » ; que ce courrier met en cause spécifiquement l'encadrement de l'atelier par Monsieur X... et met en exergue les différents dysfonctionnements, dont l'absence totale du rôle de manager par Monsieur X..., les importants problèmes conflictuels entre ce dernier et des personnes de l'atelier, en alertant le destinataire du courrier sur le risque d'une situation de blocage en raison du climat de tension extrême, de colère et de frustration de la part de l'équipe de l'atelier, mêlé, selon l'auteur de ce courrier, à un sentiment de crainte instauré, a priori, par Monsieur X... ; que les courriers adressés par différents salariés de l'atelier à la suite de l'audit à la direction, Messieurs C... Mickaël, C... David, D... Tony, E..., début novembre 2006, détaillant, et ce de façon précise avec des exemples, les problèmes rencontrés par ces salariés avec le chef d'atelier (mauvaise organisation, absence de réponse réelle à leurs demandes en cas de panne, d'absence d'un technicien, de désir de formations, difficultés de relations, défaut de consignes et d'encadrement) confirment les constatations de l'audit ; qu'il en est de même des courriers particulièrement précis de Monsieur Y..., responsable d'exploitation et supérieur direct de Monsieur X..., datés des 26 octobre 2006 et 3 novembre 2006, qui sont corroborés par les contenus des courriels échangés entre le 13 octobre et le 2 novembre 2006 qui démontrent une attitude hostile et une agressivité de Monsieur X... envers son supérieur hiérarchique (notamment le 23 octobre : « je vous propose donc de me consulter directement pour connaître les raisons pour lesquelles je n'ai pu finir le pointage des collectes, ce qui m'évitera de passer mon temps à vous répondre à vos différents mails » ; que les attestations produites par Monsieur X... d'anciens salariés d'autres services sur les qualités et aptitudes de Monsieur X... ne sont pas de nature à contredire les éléments produits par l'employeur, étant précisé que Monsieur E... a, en qualité de délégué du personnel, à deux reprises, le 19 décembre 2005 et le 16 novembre 2006, saisi la direction de difficultés concernant le fonctionnement de Monsieur X... en tant que chef d'atelier et son comportement avec ses subordonnés ; que le fait que, dans une attestation postérieure du 11 mars 2009, Monsieur E... ait précisé que la seconde saisine de la direction visait un incident survenu entre Monsieur X... et Monsieur C... pour lequel il était déjà intervenu en décembre 2005, ne modifie pas la situation exposée même si l'auteur de ces courriers estime aujourd'hui, avec « le recul », que « les fautes que l'on rejette sur Monsieur X... étant le responsable de l'atelier ne lui sont pas entièrement imputables » ; que cette lettre du 16 novembre 2006, à caractère officiel, dans le cadre des prérogatives du délégué du personnel, n'est pas, contrairement à ce qu'il est soutenu par Monsieur X..., un montage, ce que ne prétend pas Monsieur E..., la lettre étant produite en original et comportant sa signature ; que, relayant les réclamations des salariés à la date de sa rédaction, elle établit suffisamment, même si les faits de décembre 2005 (insultes et faits visés dans le premier courrier) sont prescrits, les difficultés relationnelles de Monsieur X... avec ses subordonnés et l'insatisfaction de ceux-ci au regard de leurs attentes et de sa fonction de chef d'atelier ; qu'il résulte de ces éléments que le licenciement de Monsieur X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera infirmé de ce chef et les demandes de Monsieur X... rejetées (arrêt, p. 5 à 7) ;
1°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses écritures d'appel, Monsieur X... faisait valoir qu'il émettait les plus vives réserves quant à la teneur de l'audit de la Société COSMOLYS dont seuls des extraits étaient cités par cette dernière, sommation ayant été faite de produire l'intégralité de ce document ; qu'en ne répondant aucunement à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'au demeurant en déduisant l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement de faits relatés dans le rapport d'audit de la Société COSMOLYS qui n'étaient pas repris dans la lettre de licenciement, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail ;
et AUX MOTIFS QUE, sur la demande au titre du harcèlement moral, aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1154-1 du même Code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, Monsieur X... soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de Monsieur Y..., qui se serait livré à des manoeuvres répétées dans le temps qui ont porté atteinte à sa dignité, altéré sa santé et ruiné son avenir professionnel ; que pour étayer ses dires, Monsieur X... invoque :- des courriers adressés par lui à Monsieur Z... (23 novembre 2003, 16 décembre 2003, 6 janvier 2004, 8 février 2004 et 22 avril 2004) ;- un certificat médical du 25 mars 2009 du Docteur F... du service addictologie du centre hospitalier LA CATEAU-CAMBRELIS certifiant que « Monsieur X... présentait des troubles anxieux ayant participé à la nécessité de son hospitalisation le 14 février 2006 dans notre service » ;- un extrait de l'audit (p. 117) précisant sous atelier encadrement : «- personne ambitieuse mais brisée par COSMOLYS, mise au placard : promesses non tenues : responsable antenne parisienne,- problèmes personnels avec Monsieur Y... » ;- les attestations de Madame G... et de Monsieur E... en ce qu'ils témoignent avoir entendu Monsieur Y... s'adresser à Monsieur X... sur un ton comminatoire et dépourvu d'humanité ; que, toutefois, l'examen de ces pièces permet de relever que :- la lettre du 23 novembre 2003 correspond à une réponse formalisant un entretien informel du 22 novembre 2003 avec Monsieur Z..., en réponse à des problèmes évoqués par la direction sur ses horaires et ses relations avec Monsieur Y..., dont il résulte, d'une part, qu'un aménagement temporaire de ses horaires afin de faire face à ceux de la scolarisation de son fils du fait de la grossesse de la mère de l'enfant lui avait été accordé et, d'autre part, s'agissant des relations avec son supérieur hiérarchique, après avoir indiqué qu'il a, à sa prise de fonctions, spontanément proposé à celui-ci « de ne plus connaître les relations déplorables qui existaient avec mon prédécesseur », proposition dont il s'étonne qu'elle n'ait pas eu l'accueil escompté, Monsieur X... s'étant engagé à harmoniser leurs relations ;- la lettre du 16 décembre 2003 est une réponse d'explication à la surprise du directeur en apprenant son absence due à sa prise de congé le lundi 15 du fait de la naissance de son fils le 14 dont il impute la responsabilité aux informations incomplètes données par Monsieur Y... et en mettant en cause la direction pour avoir manqué d'impartialité en prenant en compte sans entendre les dires de ce dernier ;- la lettre du 6 janvier 2004 demande que les dépassements d'horaires intervenus soient payés en heures supplémentaires ;- la lettre du 8 février 2004 demande à nouveau le paiement des heures supplémentaires et la prise en compte des interventions en dehors du temps de présence dans l'entreprise, Monsieur X... se plaignant également d'avoir été tenu à l'écart de la création de l'agence parisienne alors qu'il lui avait été demandé précédemment lorsque celle-ci avait été envisagée « d'être partant sur ce projet » ce qu'il avait accepté ;- dans la lettre du 24 avril 2004, Monsieur X... indique vivre une situation très difficile dans le cadre de sa présence et l'exercice de ses fonctions, que l'incompréhension règne et entraîne des attitudes qui nuisent au bon fonctionnement et que pour sa part, il avait pris l'engagement de faire ce qui était en son pouvoir pour qu'avec Monsieur Y..., en particulier, les relations s'harmonisent et qu'il souhaitait qu'il en fût de même au niveau de l'encadrement ; que ces lettres, si elles révèlent des difficultés relationnelles avec Monsieur Y..., ne permettent pas d'en déduire des faits et agissements précis et répétés imputables à ce dernier laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, étant précisé qu'il ne peut être déduit du certificat médical produit, en raison de sa rédaction, de la spécialité du service et de la date d'hospitalisation un lien avec des agissements de Monsieur Y..., que Monsieur X... ne caractérise d'ailleurs pas ; qu'enfin, il résulte au contraire de l'ensemble des pièces produites par l'employeur que c'est l'attitude de Monsieur X..., notamment envers ses subordonnés, et ses carences dans le management et l'organisation, qui ont été source de difficultés, Monsieur X... apparaissant en outre, pour certains salariés, sur des faits de nature disciplinaire comme protégé ; que la demande au titre du harcèlement moral sera rejetée (arrêt, p. 7 et 8) ;
3°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se bornant à procéder à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par Monsieur X..., quand il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.