LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 août 2002 en qualité de responsable montage par la société R2CI dont l'activité relève de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec ; que licencié pour motif économique le 1er octobre 2009 par M. Y..., en qualité de mandataire liquidateur de la société, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment en paiement d'heures supplémentaires ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3121-38 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon cet article, que la durée de travail des cadres ne relevant pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2, devenus L. 3111-2 et L. 3121-39, peut être fixée par des conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle ; qu'il en résulte que ces conventions doivent nécessairement être passées par écrit ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'un rappel à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié ne discute pas le degré d'autonomie visé par l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999, que les pièces qu'il produit attestent d'ailleurs de l'importance de ses fonctions et qu'il n'est pas davantage discutable que son salaire était très supérieur à celui affecté normalement à sa position 2-3 et même au-delà du minimum conventionnel des positions supérieures ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la convention individuelle de forfait en jours dont se prévalait l'employeur avait fait l'objet d'un écrit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 18 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y..., ès qualités, et l'AGS-CGEA de Marseille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Claude X... de ses demandes tendant à voir fixer au passif de la société en liquidation les sommes de 49. 858, 78 euros à titre de rappels de salaires, de 4. 985, 88 euros à titre de congés payés y afférents, de 10. 436, 95 euros à titre de réparation du préjudice correspondant au montant d'une indemnité calculée sur la base du repos dont il aurait dû bénéficier, et des congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour défaut d'information sur les droits à repos compensateur et de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si la preuve des horaires de travail effectuées n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, Monsieur X... expose que bien que rémunérée sur la base de 35 heures hebdomadaires, il était conduit de manière continue à effectuer des horaires bien plus conséquents dont il n'a pas été rémunérés ; que pour étayer ses dires, Monsieur X... produit notamment : des tableaux récapitulatifs de ses heures supplémentaires, des fiches de pointage et diverses attestations ; qu'il s'ensuit que Monsieur X... produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ; que Maître Y..., dont les conclusions sont reprises par l'AGS, expose que, en premier lieu, Monsieur X... bénéficiait d'un statut de cadre jouissant, aux termes de la convention collective, d'une autonomie complète, partant, selon ces mêmes dispositions, d'une rémunération mensuelle non affectée par les variations de son temps de travail, inclut en conséquence dans un salaire bien supérieur à celui prévu pour les cadres position 2-3 ; qu'en outre les attestations produites ne démontrent nullement la réalité des dépassements allégués ; que Monsieur X... oppose qu'en l'absence de toute convention de forfait conclue avec l'employeur ces moyens sont inopérants ; que cependant, les dispositions de l'article 4 de la convention collective sont précises : « les personnels exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales - ou accomplissant des tâches de conception - de conduite et de supervision des travaux, disposant d'une grande autonomie, libres et indépendants dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail - sont autorisés à dépasser ou à réduire l'horaire habituel, dans le cadre du respect de la législation en vigueur ; La rémunération mensuelle du salarié n'est pas affectée par ces variations. Le personnel ainsi concerné doit bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du personnel de sa catégorie » ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ne discute pas de ce degré d'autonomie ; que les pièces qu'il produit attestent d'ailleurs de l'importance de ses fonctions ; qu'il n'est pas plus discutable que le salaire de Monsieur X... (5. 790 euros selon ses écritures) était très supérieur à celui affecté normalement à sa position ¿ soit 2. 856 euros au 12 septembre 2008 ¿ et même au-delà du minimum conventionnel des positions supérieures, (5. 140, 80 pour le 3. 3) soit au-delà des 120 % fixés par la convention collective ; qu'il en résulte que la demande n'est pas fondée et que, partant, les demandes y afférentes sont rejetées.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le contrat de travail prévoyait en son article 4 la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du temps de travail fixé à 35 heures hebdomadaires (en son article 3) ; que Monsieur X... apporte des tableaux de relevés d'heures supplémentaires effectuées par ce dernier pour un total de 1168 heures ; que cette demande n'a jamais été faite à la société R2CI ; qu'une seule demande d'heures supplémentaires a été formalisée par Monsieur X... à la société R2CI ; que cette demande a été faite à l'approche de la saisine du Conseil de prud'hommes.
ALORS QUE même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié ; que Monsieur Claude X..., qui n'appartenait pas à la catégorie des cadres dirigeants et qui ne bénéficiait pas d'une convention individuelle de forfait, ne pouvait se voir opposer une rémunération forfaitaire, peu important les dispositions de la convention collective ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 3171-4, L. 3111-2, L. 3121-38 et L. 3121-39 du Code du travail.
ALORS subsidiairement QU'à supposer que la Cour d'appel ait entendu retenir la qualité de cadre dirigeant de Monsieur Claude X..., quand aucune des parties ne soutenait qu'il aurait eu cette qualité, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige en méconnaissance des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
ET ALORS QUE si les cadres dirigeants ne sont pas légalement soumis aux dispositions des titres II et III du Livre Ier de la 3ème partie du Code du travail, les parties au contrat de travail peuvent convenir de l'application de ces dispositions ; qu'il résulte des énonciations du jugement confirmé que les parties au contrat de travail avaient convenu d'un horaire hebdomadaire de 35 heures ; que la Cour d'appel ne pouvait dès lors dire le salarié exclu du bénéfice de la législation sur la durée du travail et les heures supplémentaires sans violer l'article 134 du Code civil.
QUE dès lors, en statuant comme elle l'a fait sans caractériser l'existence d'une convention individuelle de forfait conforme aux exigences légales, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes.
ET QU'en retenant éventuellement, par motifs adoptés des premiers juges, que le contrat de travail de Monsieur Claude X... aurait prévu la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires quand une telle stipulation ne peut caractériser l'existence d'une convention de forfait, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS de plus QUE l'article 4 de l'accord collectif national du 22 juin 1999 attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 prévoit la possibilité pour certains salariés de dépasser ou réduire l'horaire habituel de travail, dans le cadre du respect de la législation en vigueur, sans que leur rémunération mensuelle ne soit affectée par ces variations ; que ces dispositions conventionnelles sont applicables aux seuls salariés bénéficiant de la position 3 de la convention collective ou ayant une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou qui sont mandataires sociaux ; qu'il était acquis aux débats que le salarié ne bénéficiait pas de la position 3 ; que la Cour d'appel ne pouvait dès lors dire les dispositions conventionnelles précitées applicables sans constater que Monsieur Claude X... avait une rémunération annuelle supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité social ou était mandataire social, ce que nul n'alléguait ; qu'en faisant application des dispositions conventionnelles sans procéder à cette recherche déterminante, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 4 de l'accord national du 22 juin 1999 attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
ALORS enfin QUE les salariés concernés par les dispositions de l'article 4 de l'accord collectif national du 22 juin 1999 voient comptabiliser leur temps de travail en jours ; qu'en jugeant ces dispositions applicables à Monsieur Claude X... après avoir constaté que son temps de travail était comptabilisé en heures, la Cour d'appel a de nouveau violé l'article 4 de l'accord collectif national du 22 juin 1999 attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Claude X... de sa demande tendant à voir fixer au passif de la société la somme de 144. 032, 42 euros à titre de dommages-intérêts au titre du temps de trajet effectué.
AUX MOTIFS QU'il s'agit des temps de déplacement dont Monsieur X... allègue, au vu d'un tableau récapitulatif reprenant mois par mois ses heures de trajet, qu'il n'a pas été indemnisé ; que toutefois, si Monsieur X... soutient avec raison que cette demande est indépendante de celle afférentes aux heures supplémentaires, il convient de rappel, au visa des dispositions de l'article L. 3121-4 du Code du travail que si les temps de trajet anormalement longs ne sont pas décomptés comme temps de travail effectif et sont l'objet d'une contrepartie financière, la part de ce temps qui coïncide avec l'horaire de travail n'est pas pris en compte ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ne justifie aucunement que ses trajets n'étaient pas effectués lors de ses journées de travail, ce qui, en l'absence de preuve contraire, est a priori le cas, notamment pour des distances de centaines de kilomètres qui apparaissent fréquemment sur sa liste ; que la demande est en conséquence rejetée.
ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en exigeant du salarié qu'il fasse la preuve que les temps de trajet dont il demandait le paiement ne coïncidaient pas avec son horaire de travail, la Cour d'appel qui a exigé du salarié qu'il fasse la preuve de son temps de travail effectif a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.
ALORS en outre QU'à l'appui de sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires, le salarié produisait divers documents établissant les heures de travail effectuées ; qu'en lui reprochant de ne pas faire la preuve que les temps de trajet dont il demandait le paiement ne coïncidaient pas avec son horaire de travail quand cette preuve résultait du rapprochement des tableaux récapitulatifs produits à l'appui de la demande d'heures supplémentaires et de ceux produits à l'appui de la demande de l'indemnisation des temps de trajet, la Cour d'appel qui n'a pas examiné ces éléments déterminants a méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS enfin QU'il résulte des énonciations du jugement confirmé que le temps de travail de Monsieur Claude X... était décompté en heures et non en jours ; qu'en reprochant au salarié de ne pas justifier que les temps de trajet dont il poursuivait l'indemnisation étaient effectués en dehors de ses journées de travail, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.