LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (l'AFPA) de ce qu'elle se désiste partiellement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat national de la formation professionnelle des adultes CGT ;
Attendu selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Cass. Soc. 9 novembre 2010, pourvoi n° 08-45.283), que M. X... a été engagé par l'AFPA, le 2 mai 2004 en qualité d'enseignant titulaire, affecté au centre de Limoges Métaux ; que le 18 juillet 2003, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre des heures supplémentaires générées par ses déplacements dans les différents centres de formation depuis 1998, et en paiement de dommages-intérêts ; que le syndicat national de la formation professionnelle des adultes CGT est intervenu à l'instance ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Attendu que l'AFPA fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateur et de congés payés afférents, pour la période allant du 18 août 1998 au 31 décembre 2005, alors, selon le moyen :
1°/ qu'avant la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le temps de trajet des salariés itinérants, qui n'ont pas de lieu de travail habituel, ne devait être rémunéré comme un temps de travail effectif que lorsqu'il excédait « le temps normal de trajet d'un salarié » entre son domicile et son lieu de travail habituel, apprécié « in abstracto » et sous déduction de ce dernier ; qu'en refusant de déduire des temps de trajet effectués par M. X... entre son domicile et ses lieux de mission, un temps de trajet normal de 30 minutes aller, 30 minutes retour par jour, cinq jours par semaine, pour ne déduire qu'un temps de trajet de 30 minutes aller, 30 minutes retour par mission effectuée par le salarié, la cour d'appel qui n'a pas pris en compte le temps normal de trajet d'un salarié moyen travaillant à temps complet, composé d'un aller et retour par jour, cinq jours par semaine, a violé l'article L. 3121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;
2°/ que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; que l'AFPA faisait valoir que les bordereaux d'ordres de mission sont remplis par le salarié, ce dont elle déduisait qu'ils ne pouvaient être pris en compte au soutien de ses calculs ; qu'en retenant néanmoins ces temps de trajet unilatéralement mentionnés par le salarié sur ses ordres de mission, pour déterminer le nombre d'heures devant lui être réglées comme du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ que ne constituent des heures supplémentaires que celles effectuées au-delà de l'horaire de travail hebdomadaire applicable dans l'entreprise ; que l'AFPA faisait valoir que pour la période antérieure au 31 mars 2000 au cours de laquelle la durée du travail était de 39 heures, le salarié était rémunéré pour travailler jusqu'à 17 heures le vendredi, ce dont elle déduisait qu'il ne pouvait, comme il l'avait fait dans son décompte, comptabiliser en heures supplémentaires les temps de trajet qu'il avait effectués le vendredi après-midi avant 17 heures sur son horaire de travail ; qu'en jugeant que les temps de trajet ne pouvaient être imputés sur le temps consacré à l'enseignement ainsi que sur l'horaire de travail contractuellement convenu, pour retenir le décompte établi par M. X..., la cour d'appel a violé l'article L. 121-22 du code du travail ;
4°/ que la soumission d'un salarié à des « horaires individualisés » prévue par l'article L. 3122-23 du code du travail qui oblige l'employeur à mettre en place un décompte journalier et hebdomadaire de son temps de travail, est subordonnée à une demande de l'intéressé, une information préalable de l'inspection du travail et une absence d'opposition des représentants du personnel ; qu'en retenant que M. X... était soumis à un horaire individualisé pour en déduire que pesait sur l'AFPA une obligation d'établir un décompte journalier et hebdomadaire de son temps de travail, sans cependant caractériser ni que M. X... en avait fait la demande, ni que l'inspection du travail avait été informée, ni que les représentants du personnel ne s'y étaient pas opposés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3122-23 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que le trajet entre le domicile du salarié et les différents lieux où il dispensait ses formations dérogeait au temps normal du trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel, a décidé à bon droit que devaient être pris en compte les trajets effectivement accomplis entre le domicile du salarié et le lieu de travail ; que le moyen, qui manque en fait dans sa deuxième branche ,et critique en sa quatrième un motif surabondant, est mal fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;
Attendu que pour condamner l' AFPA à payer au salarié, au titre de ses temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail pour la période comprise entre le 20 janvier et le 31 décembre 2005, un rappel de salaire pour heures supplémentaires et repos compensateur calculé selon les mêmes principes que pour la période 1998-2005, à savoir sur la base d'un temps de travail effectif, la cour d'appel retient que l'accord collectif conclu le 10 février 2006 n'a aucun effet rétroactif ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le temps de trajet litigieux ne constituait pas un temps de travail effectif et ne pouvait donner lieu qu'à contrepartie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'AFPA à payer au salarié un rappel de salaires au titre de ses temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail pour la période comprise entre le 20 janvier 2005 et le 31 décembre 2005, l'arrêt rendu le 2 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Ballouhey, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'AFPA à verser à Monsieur X... les sommes de 17 482, 98 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période allant du 18 août 1998 au 31 décembre 2005,1558, 61 euros à titre de repos compensateur afférent au rappel sur heures supplémentaires,1904, 16 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L 212-4 devenu L 3121-4 et suivants dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 janvier 2005, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis au premier alinéa sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail, ils peuvent faire l'objet d'une rémunération par voie conventionnelle ou contractuelle.
Lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, devant être déterminées par convention ou accord collectif ou à défaut par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.
Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs.
Le contrat de travail conclu le 2 mai 2004 stipule que Monsieur X... est engagé en qualité d'enseignant titulaire, affecté au centre AFPA de LIMOGES METAUX sis à LIMOGES. Ce contrat comporte une clause de mobilité ainsi rédigée: j'attire votre attention sur le fait que les Enseignants de l'AFPA doivent accepter le principe de la mobilité sur l'ensemble du territoire. En effet au cours de leur carrière, leur affectation est susceptible de modification, par suite de nécessité du service. Des mutations pour convenances personnelles peuvent être demandées dans le cadre des règles en vigueur à l'association. Déplacements liés à la position d'enseignant itinérant: si vous êtes engagé en qualité de moniteur itinérant, vous déclarez accepter le principe de déplacements temporaires dans tous les centres AFPA situés sur le territoire national. Ces déplacements peuvent être de durée et de fréquence très variables.
Par avenant en date du 28 avril 1985, le contrat de travail de Monsieur X... est modifié dans les termes suivants: position itinérant; CFPA d'affectation: BEGLES.
Jusqu'à la conclusion de l'accord collectif du 10 février 2006, les relations entre le salarié et l'AFPA sont régies par "le recueil des dispositions de gestion des formateurs itinérants" dont un exemplaire non daté est produit aux débats. Ce document ne constitue pas un accord collectif, il s'agit d'un engagement unilatéral de l'employeur.
Ce document précise que le "dispositif itinérants" a été créé le 1 er janvier 1996, il est donc applicable à la période 1998-2005 qui nous intéresse. Il ressort de ce document que la direction du dispositif itinérants assure le suivi et l'analyse de l'activité des formateurs itinérants et le règlement des frais de mission en Métropole. Sur le centre de rattachement administratif, il précise que le formateur itinérant est présent dans son centre de rattachement en dehors de ses périodes de mission. Ce document règle le régime des heures supplémentaires réclamées par l'établissement bénéficiaire et les frais de déplacements demandés par ces établissements.
Il précise le mode de gestion des frais de mission: ordre de mission émis par le responsable d'agence et remis à l'enseignant, cet ordre de mission est complété et signé par la direction du centre bénéficiaire avec un état de présence et les pièces justificatives pour remboursement (tickets de transports collectifs, tickets d'autoroute ... ) Pour tenir compte des contraintes des itinérants, sont instaurées les règles suivantes:
- trajet AR inférieur ou égal à 100 km : retour quotidien.
- trajet AR inférieur ou égal à 400 km : retour hebdomadaire.
- trajet AR supérieur à 400 km : retour une semaine sur deux
- utilisation du même mode de transport à l'aller et au retour
- lieu de départ: domicile familial s'il se situe à une distance de la résidence administrative qui suppose la possibilité de déplacements normaux quotidiens entre ces deux lieux. Les itinérants qui continuent à déclarer un seul domicile éloigné ou très éloigné de la résidence administrative, ne sont pas concernés par cette disposition (ils sont supposés avoir un domicile de travail proche de la résidence administrative qui reste donc le lieu de départ et de retour de la mission).
- horaire d'arrivée au lieu de mission : respect de l'horaire de la formation sur laquelle intervient le formateur itinérant. Aménagements possibles avec mention sur l'ordre de mission. Le temps consacré à l'enseignement ainsi que l'horaire de travail contractuellement convenu ne peuvent être réduits du fait de cet aménagement.
- en cas de contestation des distances kilométriques entre domicile ou centre de rattachement et centre de mission, recours au MINITEL code 3615 Michelin comme référence unique pour la détermination des distances entre les différentes communes ("trajet le plus rapide"). Une tolérance de 5 km par trajet de mission (aller) soit 10 km AR sera ajoutée au kilométrage déterminé, à l'exception des retours quotidiens et/ou hebdomadaires.
- une prime de formateur itinérant est prévue en fonction des distances lesquelles sont définies comme ci-dessus.
- des congés supplémentaires sont alloués aux formateurs itinérants en fonction de l'éloignement de la mission, les distances retenues étant calculées comme ci-dessus.
Est produit un modèle d'attestation de présence à remplir par le centre bénéficiaire mentionnant les dates et heures de présence.
Ces dispositions sont reprises dans une circulaire de la DRH du 5 juillet 2002. Elle précise que les frais sont remboursés au salarié par le comptable sur présentation d'états certifiés par l'ordonnateur (ordre de mission et état de frais) et appuyés le cas échéant des pièces justificatives nécessaires. Pour le comptable, la justification de la durée réelle du déplacement et de l'effectivité de la dépense découlent de l'ordre de mission et de l'état de frais sur lequel figurent la date du déplacement, l'heure de départ et de retour ainsi que les conditions du déplacement. Le comptable exerce son contrôle sur les calculs effectués et réalise le paiement sur la base des pièces certifiées par l'ordonnateur.
Sont produits les ordres de missions qui précisent:
* les jours et heures du début de la mission avec pour point de départ le domicile de Monsieur X..., et l'heure d'arrivée sur le site le premier jour de la mission, *
* le jour de départ du lieu de mission et l'heure de départ
* la durée de la mission
* le moyen de locomotion
* la périodicité des retours à domicile
Il ressort de ces éléments que:
- Monsieur X..., formateur itinérant de l'AFPA, était affecté au centre de BEGLES. Il n'est d'ailleurs pas contesté qu'au jour de l'audience, alors qu'il n'est plus formateur itinérant mais toujours enseignant au sein de l'AFPA, il dispense son enseignement au centre de BEGLES.
- le temps de trajet domicile lieu de travail d'un travailleur en province est de 30 minutes environ selon les données de l'INSEE. Il s'avère que cette durée correspond en l'espèce au temps de trajet effectif entre SAINT GERVAIS - domicile de Monsieur X... - et BEGLES, communes distantes de 33 km. Cette durée sera donc retenue pour déterminer en l'espèce le temps de trajet dépassant le temps normal du trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel.
- ce temps de trajet domicile lieu de travail habituel ne doit être déduit qu'à concurrence d'un aller et d'un retour par mission, lorsque la mission dure plusieurs jours, mission hebdomadaire ou bihebdomadaire, et non un aller-retour par jour pour des missions de plusieurs jours.
- l'ordre de mission impératif précise les horaires du formateur pour chacune des formations, il convient donc de constater que le formateur est soumis à un horaire individualisé qui impose à l'employeur de mettre en place un contrôle journalier et hebdomadaire du temps de travail.
- l'ordre de mission n'impose aucun itinéraire et ne détermine pas les temps de pause et de repas.
- le salarié remet à l'employeur l'ensemble des pièces justificatives relatives à son déplacement, ordre de mission complété par le centre bénéficiaire, tickets de transport et d'autoroute, etc ... rassemblés dans un état de frais certifié par l'ordonnateur, l'employeur dispose donc de l'ensemble des éléments permettant de calculer le temps effectif de trajet.
-le dispositif de gestion des itinérants ne prévoit aucun mode de règlement des contestations relatives aux temps réels de trajet, mais seulement aux distances pour lesquelles il est fait mention du "trajet le plus rapide".
- le temps de trajet ne peut être imputé sur le temps consacré à l'enseignement ainsi que sur l'horaire de travail contractuellement convenu qui ne peuvent être réduits du fait d'un aménagement du temps de trajet vers des centres éloignés. En conséquence, la réduction du temps de travail à compter de 2000, ramenant de 39 heures à 37 heures le temps d'enseignement n'a eu aucun impact sur les temps de trajet.
-les relevés des sites VIA MICHELIN et MAPPY ne mentionnent aucun temps de pause. En outre ceux produits aux débats ont été relevés en 2012 et ne tiennent pas compte de l'équipement routier existant sur la période considérée 1998 à 2005 et des aménagements créés depuis et ayant un impact sur la durée du trajet: créations d'autoroute, doublement des roules nationales, déviations autour des agglomérations
- l'employeur ne peut prétendre à déduction des primes qui ne peuvent se compenser avec une rémunération des heures supplémentaires ainsi dues n'ayant ni la même cause ni le même objet.
Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments;
Monsieur X... produit:
- l'intégralité des ordres de mission
- ses fiches individuelles annuelles mentionnant ses heures de travail, les heures supplémentaires, les repos compensateurs
- ses états de frais tels qu'établis par son employeur.
- ses bulletins de salaires.
Au vu de ces éléments, le salarié étaye sa demande
Pour sa part, l'AFPA produit pour la période 1998 à 2005 :
- des tableaux relatifs aux primes et aux congés supplémentaires de formateur itinérant pour Monsieur X... qui confirment la réalité des missions effectuées.
- les lettres de réclamation de Monsieur X....
- les ordres de mission de Monsieur X... pour le centre de BEGLES
- les ordres de mission et les relevés VIA MICHELIN pour les trajets contestés.
- les calendriers, salaire horaire moyen annuel et soldes éventuellement dus au salarié pour les années considérées.
- un tableau des anomalies qu'il a relevées dans le décompte de Monsieur X....
Il en ressort que l'employeur fait défaut dans l'administration preuve d'éléments critiquant efficacement le décompte fourni par le salarié.
En effet, alors qu'il a l'obligation de mettre en place un contrôle journalier hebdomadaire du temps de travail d'un salarié soumis à un horaire individualisé et qu'il dispose de tous les originaux des ordres de mission, états de frais, et justificatifs divers dont tickets d'autoroute mentionnant des horaires d'entrée et de sortie, il limite sa production utile aux seuls relevés VIA MICHELIN 2012 qui sont contredits par les relevés MAPPY 2012 - qui indiquent des durées supérieures - et dont on a vu plus haut:
- qu'ils sont inopérants pour les années 1998 à 2005,
- qu'ils ne prennent pas en considération les temps de pause nécessaires au bout de deux heures de conduite consécutive, ni les temps de repas,
- qui ne prennent pas en considération l'état de la circulation, un des calculs critiqués par l'employeur portant sur un trajet au cours du chassé-croisé de juillet.
Le décompte produit par le salarié est régulier et non contesté en ce qui concerne les modalités de calcul des heures supplémentaires, du repos compensateur selon les modalités applicables aux différentes périodes considérées. Il prend en compte la déduction d'une demi-heure par trajet correspondant au temps normal de trajet d'un travailleur entre son domicile et son lieu de travail. Le recours à une mesure d'expertise s'avère inutile, l'employeur disposant de l'intégralité des pièces permettant l'établissement du montant des sommes dues et les retenant par-devers lui.
Il convient donc de le valider et de faire droit à la demande à concurrence des sommes de :
*17.482,98¿ à titre de rappel sur heures supplémentaires pour la période allant du 18 août 1998 au 31 décembre 2005,
* 1.558,61 ¿ à titre de repos compensateur afférent au rappel sur heures supplémentaires,
* 1.904,16 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Ces trois sommes seront assorties des intérêts de droit à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du Conseil des Prud'hommes de Bordeaux soit le 24 juillet 2003.
Sur les demandes accessoires, l'employeur succombe, il supportera la charge des dépens augmentée d'une somme de 2.000,00 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile »
1. ALORS QU'avant la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le temps de trajet des salariés itinérants, qui n'ont pas de lieu de travail habituel, ne devait être rémunéré comme un temps de travail effectif que lorsqu'il excédait « le temps normal de trajet d'un salarié » entre son domicile et son lieu de travail habituel, apprécié « in abstracto » et sous déduction de ce dernier ; qu'en refusant de déduire des temps de trajet effectués par Monsieur X... entre son domicile et ses lieux de mission, un temps de trajet normal de 30 minutes aller, 30 minutes retour par jour, cinq jours par semaine, pour ne déduire qu'un temps de trajet de 30 minutes aller, 30 minutes retour par mission effectuée par le salarié, la Cour d'appel qui n'a pas pris en compte le temps normal de trajet d'un salarié moyen travaillant à temps complet, composé d'un aller et retour par jour, cinq jours par semaine, a violé l'article L3121-1 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;
2. ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; que l'AFPA faisait valoir que les bordereaux d'ordres de mission sont remplis par le salarié, ce dont elle déduisait qu'ils ne pouvaient être pris en compte au soutien de ses calculs (conclusions d'appel de l'exposante p 17); qu'en retenant néanmoins ces temps de trajet unilatéralement mentionnés par le salarié sur ses ordres de mission, pour déterminer le nombre d'heures devant lui être réglées comme du temps de travail effectif, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
3. ALORS QUE ne constituent des heures supplémentaires que celles effectuées au-delà de l'horaire de travail hebdomadaire applicable dans l'entreprise ; que l'AFPA faisait valoir que pour la période antérieure au 31 mars 2000 au cours de laquelle la durée du travail était de 39 heures, le salarié était rémunéré pour travailler jusqu'à 17 heures le vendredi, ce dont elle déduisait qu'il ne pouvait, comme il l'avait fait dans son décompte, comptabiliser en heures supplémentaires les temps de trajet qu'il avait effectués le vendredi après-midi avant 17 heures sur son horaire de travail (conclusions d'appel de l'exposante p 24) ; qu'en jugeant que les temps de trajet ne pouvaient être imputés sur le temps consacré à l'enseignement ainsi que sur l'horaire de travail contractuellement convenu, pour retenir le décompte établi par Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article L3121-22 du code du travail ;
4. ALORS QUE la soumission d'un salarié à des « horaires individualisés » prévue par l'article L 3122-23 du Code du travail qui oblige l'employeur à mettre en place un décompte journalier et hebdomadaire de son temps de travail, est subordonnée à une demande de l'intéressé, une information préalable de l'inspection du travail et une absence d'opposition des représentants du personnel ; qu'en retenant que Monsieur X... était soumis à un horaire individualisé pour en déduire que pesait sur l'AFPA une obligation d'établir un décompte journalier et hebdomadaire de son temps de travail, sans cependant caractériser ni que Monsieur X... en avait fait la demande, ni que l'inspection du travail avait été informée, ni que les représentants du personnel ne s'y étaient pas opposés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3122-23 du Code du travail ;
5.ALORS QUE dans sa rédaction issue de la loi 2005-32 du 18 janvier 2005, l'article L 3121-4 du Code du travail prévoit que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, et que lorsqu'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe ; qu'en accordant au salarié au titre de ses temps de déplacement professionnel pour la période comprise entre le 20 janvier 2005 et le 31 décembre 2005, un rappel de salaire pour heures supplémentaires, lorsqu'elle ne devait lui accorder que de simples « contreparties », la Cour d'appel a violé l'article L 3121-4 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi 2005-32 du 18 janvier 2005.