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23/09/2014 | FRANCE | N°13-18399

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 septembre 2014, 13-18399


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé le 6 octobre 1997 par la société Aérospatiale devenue Airbus opérations, en qualité d'agent de production, a été licencié, après mise à pied conservatoire, par lettre du 10 novembre 2009 pour faute grave ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer des dommages-intérêts, indemnités de rupture et rappel de salair

e, la cour d'appel retient que si le salarié a été relaxé des fins de la poursuite d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé le 6 octobre 1997 par la société Aérospatiale devenue Airbus opérations, en qualité d'agent de production, a été licencié, après mise à pied conservatoire, par lettre du 10 novembre 2009 pour faute grave ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer des dommages-intérêts, indemnités de rupture et rappel de salaire, la cour d'appel retient que si le salarié a été relaxé des fins de la poursuite de menaces de mort sur son supérieur hiérarchique en brandissant un marteau et en disant « je vais te dépouiller, te casser la gueule, te tuer » il a néanmoins reconnu lors de l'audience pénale avoir des rapports difficiles avec son supérieur hiérarchique et l'avoir menacé de le dépouiller et de lui « casser la gueule » ; qu'il résulte des débats que l'altercation du 9 octobre 2009 a eu pour origine une réflexion du supérieur hiérarchique à propos du poste occupé par le salarié, laquelle a mis hors de lui le salarié qui s'est emporté et a proféré un certain nombre de menaces à l'égard de ce supérieur et s'est trouvé dans un état d'énervement tel que ni M. P ni Mme R n'ont pu le calmer, l'intéressé manifestant son intention de démissionner et d'aller voir la direction ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait l'existence d'une violente altercation entre le salarié et son supérieur hiérarchique sur la réflexion, fondée, de ce que le salarié n'était pas à son poste, avec menaces de violences physiques, en présence d'autres salariés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Airbus opérations.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Yann X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné son employeur, la société AIRBUS OPERATIONS, à lui verser 1.251,26 € de rappel de salaire, 6.548,38 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 654,83 € de congés payés afférents, 7.858,05 € d'indemnité de licenciement, 33.000,00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.200,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
Aux motifs que « M. X... a été licencié le 10 novembre 2009 pour faute grave pour avoir adopté à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. Y..., un comportement indiscipliné, violent et menaçant et pour ne pas avoir respecté les consignes et l'organisation du travail ;
Qu'il lui est plus particulièrement reproché d'avoir eu une altercation avec M. Y... le 9 octobre 2009, qui lui reprochait de ne pas se trouver sur la ligne de travail à laquelle il était affecté ce jour-là, et au cours de laquelle il a proféré des menaces et injures virulentes à son encontre, menaces qu'il a réitérées devant un autre responsable de ligne, M. Z..., et la responsable de fabrication, Mme A..., qui cherchaient à le calmer ;
¿ que parallèlement à la procédure de licenciement et à la suite de la plainte déposée par Monsieur Y..., M. X... a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel de Saint-Nazaire pour menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet, à savoir avoir menacé de mort M. Y... en brandissant un marteau et en disant : « je vais te dépouiller, je vais te casser la gueule, je vais te tuer » ;
Que par jugement en date du 19 février 2010, le Tribunal Correctionnel de Saint-Nazaire a relaxé M. X... des fins de la poursuite, le témoignage circonstancié de M. B..., seul témoin direct de l'altercation, permettant de retenir l'absence de menace de mort de la part du prévenu à l'encontre de Monsieur Y... ;
Que M. X... a néanmoins reconnu lors de l'audience pénale avoir des rapports difficiles avec M. Y... et l'avoir menacé de le dépouiller et de lui « casser la gueule » ;
Que toutefois il résulte des éléments versés aux débats :
- que l'altercation entre M. X... et M. Y... a eu pour origine une réflexion de ce dernier à propos du poste où le salarié se trouvait ;
- que cette réflexion a eu manifestement pour effet de mettre hors de lui M. X... qui s'est alors emporté, a proféré un certain nombre de menaces contre son supérieur et s'est trouvé dans un état d'énervement tel que ni M. Z..., ni Mme A... n'ont pu le calmer, l'intéressé manifestant par ailleurs son intention de démissionner et d'aller voir la Direction ;
- que les collègues de travail de M. X... témoignent du professionnalisme de celui-ci, de sa disponibilité qui l'amenait à effectuer des heures supplémentaires le samedi, des bonnes relations qu'ils entretenaient avec lui, mais soulignent les difficultés qu'ils rencontraient eux-mêmes avec la hiérarchie directe et les pressions auxquelles ils étaient soumis ;
- que M. X... a bénéficié de façon constante et régulière d'augmentations de salaire, la dernière ayant été accordée en juin 2008 avec effet rétroactif au 1er mars 2008 « en reconnaissance de sa performance individuelle » ;
- par ailleurs que la société Airbus ne produit aux débats aucun courrier d'observation ou de rappel à l'ordre ni les entretiens annuels d'évaluation dont elle fait état dans la lettre de licenciement ;
Qu'elle ne communique pas davantage d'attestations susceptibles de mettre en exergue le caractère impulsif du salarié ni une quelconque propension de sa part à se montrer agressif, insultant et injurieux ;
- enfin qu'en ce qui concerne le non-respect des consignes données le seul fait caractérisé et établi se situe le 9 octobre 2009, soit le jour de l'incident, M. X... ayant expliqué qu'à la lecture du planning il avait constaté que pour la tâche impartie il y avait 2 heures de travail pour deux opérateurs et que par professionnalisme il avait rejoint l'autre poste ;
- que s'il est incontestable que M. X... a eu une réaction excessive, une attitude inadmissible à l'égard de son supérieur hiérarchique et a tenu des propos totalement déplacés, ces faits isolés, qui doivent être replacés dans leur contexte et qui ont été commis par un salarié qui avait une forte ancienneté et qui s'était toujours bien comporté, n'étaient pas de nature à eux seuls à justifier une mesure de licenciement, sanction qui en l'espèce était disproportionnée ;
Que le licenciement se trouve en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement sera infirmé » ;
1. Alors que, d'une part, constitue une faute qui rend impossible son maintien dans l'entreprise le fait, pour un salarié, de tenir des propos menaçants et violents à l'égard d'un supérieur hiérarchique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que, sur son lieu de travail et en présence d'autres salariés, le salarié avait eu une altercation violente avec son supérieur hiérarchique qu'il avait « menacé de le dépouiller et de lui « casser la gueule » », proférant ainsi des « menaces contre son supérieur et s'étant trouvé dans un état d'énervement tel que (ses collègues) n'ont pu le calmer » ; qu'elle en déduisait que le salarié avait eu « des propos totalement déplacés » qui caractérisaient « une réaction excessive, une attitude inadmissible à l'égard de son supérieur hiérarchique » ; qu'en se fondant néanmoins sur des circonstances, inopérantes, tirées de l'ancienneté de M. X..., ainsi que du professionnalisme dont, par ailleurs, il avait pu avoir fait preuve, pour infirmer le jugement entrepris et juger infondé son licenciement pour faute grave, la Cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constations et a violé l'article L. 1234-1 du Code du Travail ;
2. Alors que, d'autre part, lorsque plusieurs faits fautifs sont invoqués dans la lettre de licenciement, le juge doit rechercher, non seulement si chacun d'eux, pris séparément, pouvait justifier une telle mesure, mais encore si la conjonction de ces fautes, combinées les unes aux autres, ne constituait pas, prises ensemble, une faute de nature à justifier le licenciement litigieux ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant examiné, séparément, les griefs tirés des menaces et des injures proférées contre M. Y... et ceux tirés de l'insubordination, certes ponctuelle mais avérée, dont M. X... avait fait preuve le 9 octobre 2009, sans rechercher si la conjonction de ces deux séries de fautes, prises ensemble, ne s'analysait pas en une faute grave, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du Travail, ensemble son article L. 1232-6.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(à titre subsidiaire)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Yann X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné son employeur, la société AIRBUS OPERATIONS, à lui verser 33.000,00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.200,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
Aux motifs que « M. X... a été licencié le 10 novembre 2009 pour faute grave pour avoir adopté à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. Y..., un comportement indiscipliné, violent et menaçant et pour ne pas avoir respecté les consignes et l'organisation du travail ;
Qu'il lui est plus particulièrement reproché d'avoir eu une altercation avec M. Y... le 9 octobre 2009, qui lui reprochait de ne pas se trouver sur la ligne de travail à laquelle il était affecté ce jour-là, et au cours de laquelle il a proféré des menaces et injures virulentes à son encontre, menaces qu'il a réitérées devant un autre responsable de ligne, M. Z..., et la responsable de fabrication, Mme A..., qui cherchaient à le calmer ;
¿ que parallèlement à la procédure de licenciement et à la suite de la plainte déposée par Monsieur Y..., M. X... a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel de Saint-Nazaire pour menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet, à savoir avoir menacé de mort M. Y... en brandissant un marteau et en disant : « je vais te dépouiller, je vais te casser la gueule, je vais te tuer » ;
Que par jugement en date du 19 février 2010, le Tribunal Correctionnel de Saint-Nazaire a relaxé M. X... des fins de la poursuite, le témoignage circonstancié de M. B..., seul témoin direct de l'altercation, permettant de retenir l'absence de menace de mort de la part du prévenu à l'encontre de Monsieur Y... ;
Que M. X... a néanmoins reconnu lors de l'audience pénale avoir des rapports difficiles avec M. Y... et l'avoir menacé de le dépouiller et de lui « casser la gueule » ;
Que toutefois il résulte des éléments versés aux débats :
- que l'altercation entre M. X... et M. Y... a eu pour origine une réflexion de ce dernier à propos du poste où le salarié se trouvait ;
- que cette réflexion a eu manifestement pour effet de mettre hors de lui M. X... qui s'est alors emporté, a proféré un certain nombre de menaces contre son supérieur et s'est trouvé dans un état d'énervement tel que ni M. Z..., ni Mme A... n'ont pu le calmer, l'intéressé manifestant par ailleurs son intention de démissionner et d'aller voir la Direction ;
- que les collègues de travail de M. X... témoignent du professionnalisme de celui-ci, de sa disponibilité qui l'amenait à effectuer des heures supplémentaires le samedi, des bonnes relations qu'ils entretenaient avec lui, mais soulignent les difficultés qu'ils rencontraient eux-mêmes avec la hiérarchie directe et les pressions auxquelles ils étaient soumis ;
- que M. X... a bénéficié de façon constante et régulière d'augmentations de salaire, la dernière ayant été accordée en juin 2008 avec effet rétroactif au 1er mars 2008 « en reconnaissance de sa performance individuelle » ;
- par ailleurs que la société Airbus ne produit aux débats aucun courrier d'observation ou de rappel à l'ordre ni les entretiens annuels d'évaluation dont elle fait état dans la lettre de licenciement ;
Qu'elle ne communique pas davantage d'attestations susceptibles de mettre en exergue le caractère impulsif du salarié ni une quelconque propension de sa part à se montrer agressif, insultant et injurieux ;
- enfin qu'en ce qui concerne le non-respect des consignes données le seul fait caractérisé et établi se situe le 9 octobre 2009, soit le jour de l'incident, M. X... ayant expliqué qu'à la lecture du planning il avait constaté que pour la tâche impartie il y avait 2 heures de travail pour deux opérateurs et que par professionnalisme il avait rejoint l'autre poste ;
- que s'il est incontestable que M. X... a eu une réaction excessive, une attitude inadmissible à l'égard de son supérieur hiérarchique et a tenu des propos totalement déplacés, ces faits isolés, qui doivent être replacés dans leur contexte et qui ont été commis par un salarié qui avait une forte ancienneté et qui s'était toujours bien comporté, n'étaient pas de nature à eux seuls à justifier une mesure de licenciement, sanction qui en l'espèce était disproportionnée ;
Que le licenciement se trouve en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement sera infirmé » ;
Alors que si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, ne constituent pas, néanmoins, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'espèce, en n'ayant opéré aucune distinction claire dans ses motifs entre ceux relatifs à l'absence de faute grave et ceux relatifs à l'absence de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel n'a pas recherché si, à défaut de constituer une faute grave, le comportement de M. X... ne constituait pas, à tout le moins, une cause réelle et sérieuse et a, de ce fait, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du Code du Travail, ensemble son article L. 1234-1.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18399
Date de la décision : 23/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 29 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 sep. 2014, pourvoi n°13-18399


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18399
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