LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Atelier grenaillage de Provence (la société AGP) le 28 avril 2008, son dirigeant, M. X... a été assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen, que le ministère public, lorsqu'il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties soit oralement à l'audience ; que le ministère public, dont il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt qu'il ait été présent à l'audience du 14 novembre 2012, avait rendu un avis en date du 24 octobre 2012 ; qu'en statuant au visa de cet avis du ministère public, sans constater que M. X... en avait eu communication et qu'il avait été en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'avis écrit du ministère public, par lequel ce dernier déclare s'en rapporter, étant sans influence sur la solution du litige, ne peut être assimilé à des conclusions écrites au sens de l'article 431 du code de procédure civile et n'a pas à être communiqué aux parties ; qu'il résulte des pièces de procédure que le ministère public a pris un avis écrit dans lequel il a déclaré demander l'application de la loi et s'en rapporter à la décision de la cour ; que dès lors, cet avis n'avait pas à être communiqué aux parties ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif de la société AGP, l'arrêt retient que la société PEBI a facturé à la société AGP la mise à disposition de M. X... comme dirigeant alors que ce dernier était l'associé unique et le dirigeant de droit de la société AGP seule débitrice d'une rémunération éventuelle quelle que fût sa nature et que, M. X... mettant en avant l'absence de rémunération versée par la société AGP, le stratagème ainsi mis en évidence est fautif et constitutif également d'une faute de gestion qui a eu pour conséquence des dépenses indues, et contribué à la survenance de l'insuffisance d'actif ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le caractère indu de la dépense liée à la rémunération de M. X... et sa contribution à l'insuffisance d'actif de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une entraîne la cassation de l'arrêt ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Verrecchia, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à Maître Verrecchia, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AGP, à titre de contribution à l'insuffisance d'actif de cette société, une somme de 80.000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;
AUX ENONCIATIONS QUE « l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2012 en audience publique ; (¿) vu l'avis du ministère public du 24 octobre 2012 » ;
ALORS QUE le ministère public, lorsqu'il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties soit oralement à l'audience ; que le ministère public, dont il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt qu'il ait été présent à l'audience du 14 novembre 2012, avait rendu un avis en date du 24 octobre 2012 ; qu'en statuant au visa de cet avis du ministère public, sans constater que Monsieur X... en avait eu communication et qu'il avait été en mesure d'y répondre utilement, la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 431 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à Maître Verrecchia, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AGP, à titre de contribution à l'insuffisance d'actif de cette société, une somme de 80.000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Bernard X... était également dirigeant de la société PEBI spécialisée dans la peinture et immatriculée au registre du commerce le 2 avril 1995 ; que cette société, alors qu'elle ne disposait que d'un bail précaire expirant le 31 août 2007 sur les locaux ultérieurement occupés par la société AGP, a accordé à cette dernière le 29 mars 2003, sur ces locaux et le matériel qu'ils abritaient, un bail de même nature expirant à la même date ; que la société AGP a fixé son siège à cette adresse et s'est vu imposer tous les travaux de réparation, de mise en conformité et d'entretien, même ceux relevant de l'article 606 du Code civil ; qu'en 2005 et 2006 la société PEBI a facturé à la société AGP 81 197,63 ¿uros de travaux relatifs à l'aménagement de l'atelier, les factures révélant qu'à l'exception de la confection d'une dalle pour la pose d'un compresseur, il s'agissait de travaux d'amélioration et de confort, notamment de peinture, de carrelage, et de construction de magasins, bureaux, locaux et vestiaires ; que d'un arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2005, il ressort que la société PEBI avait acquis le 11 octobre 2000 de deux autres sociétés la propriété des bâtiments concernés édifiés en vertu d'un bail à construction, et la société AGP la propriété des installations de grenaillage, sous la double condition suspensive de la cession du terrain par le Port Autonome de Marseille et l'obtention du financement nécessaire et que, ces deux conditions ayant été réunies, l'arrêt confirmé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 avril 2003 a constaté la réalisation des conditions suspensives et dit que l'acte de vente devait être régularisé dans les 15 jours faute de quoi l'arrêt en tiendrait lieu ; qu'il est à présent certain qu'en réalité, et contrairement à ce qu'a retenu l'arrêt d'appel, le Port Autonome de Marseille n'a pas cédé le terrain et refusé de renouveler le bail à construction à son terme du 31 août 2007, étant relevé que pour l'essentiel les explications fournies par Bernard X... quant aux causes de l'échec ne sont pas confortées par des preuves suffisances ; qu'encore que les pièces produites ne permettent pas de reconstituer l'évolution des pourparlers entre la société PEBI et le Port Autonome, l'arrêt de la Cour de cassation conférait à la perspective de la cession du terrain et à la réunion des droits d'assiette et de construction entre les mains de la société PEBI une apparence de certitude qui ne peut être écartée rétrospectivement en considération du seul échec de l'opération ; que si les travaux litigieux, dont les premiers ont été facturés le 30 mai 2005, peuvent être replacés dans ce contexte, il n'en demeure pas moins que la société AGP n'a à aucun moment reçu la moindre assurance de la part de la société PEBI ¿ qui pourtant avait le même dirigeant ¿ quant à la reconduction au-delà du 31 août 2007 de son bail dans lequel n'avait été insérée aucune clause afférente à la cession du terrain par le Port Autonome bien que le contentieux relatif à la cession fût déjà en cours ; que sachant que les travaux en cause seraient acquis au terme du bail qui était fort proche, soit à la société PEBI, soit au Port Autonome, Bernard X... a ainsi commis, pour le moins, une imprudence grave constitutive d'une faute de gestion ; (¿) qu'il sera (¿) relevé que la société PEBI a facturé à la société AGP la mise à disposition de Bernard X... comme dirigeant alors que ce dernier était l'associé unique et le dirigeant de droit de la société AGP seule débitrice d'une rémunération éventuelle quelle que fût sa nature ; que, Bernard X... mettant en avant l'absence de rémunération versée par la société AGP, le stratagème ainsi mis en place est fautif et constitutif également d'une faute de gestion qui a permis à la société PEBI, à tous le moins, d'encaisser 19 101 ¿ au cours de l'exercice 2004 ; que les fautes ainsi commises, qui ont eu pour conséquence des dépenses indues, ont contribué dans la mesure de leur montant à la détérioration des comptes et à la survenance de l'insuffisance d'actif ; que compte tenu de leur gravité la cour estime devoir mettre à la charge de Bernard X... une contribution à cette insuffisance de 80.000 ¿ » ;
1°/ ALORS QUE seule une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif d'une société en liquidation judiciaire peut justifier la condamnation du dirigeant de la société à supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une faute de gestion à l'encontre de Monsieur X..., que la société AGP avait fait réaliser des travaux sur un local mis à sa disposition par la société PEBI au terme d'un bail précaire alors qu'elle n'avait pas reçu la moindre assurance de la part de la société PEBI que son bail serait reconduit au-delà du 31 août 2007, sans préciser en quoi le fait de réaliser des travaux sur un local dont la société n'avait qu'un usage temporaire était constitutif d'une faute de gestion, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.651-2 du Code de commerce ;
2°/ ALORS QUE une faute de gestion ne peut justifier la condamnation d'un dirigeant à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif d'une société en liquidation judiciaire que si elle a contribué à cette insuffisance d'actif ; qu'en affirmant, pour condamner Monsieur X... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif de la société AGP, que le « stratagème » consistant à ce que la société PEBI facture à la société AGP la mise à disposition de Monsieur X... comme dirigeant aurait eu pour conséquence des « dépenses indues » et aurait contribué à l'insuffisance d'actif de la société AGP, sans s'expliquer sur cette affirmation, cependant que le seul fait que la rémunération de Monsieur X... au titre de ses fonctions au sein de la société AGP ait été versée par l'intermédiaire de la société PEBI était, en lui-même, insuffisant à caractériser une telle contribution, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L.651-2 du Code de commerce.