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23/09/2014 | FRANCE | N°13-11595

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 septembre 2014, 13-11595


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Nacarat que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Shelter invest ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que MM. X... et Y... ont conclu en avril 2008 une promesse de vente, sous condition suspensive, portant sur un terrain à bâtir sur lequel le second prévoyait de développer un lotissement ; que, le 29 septembre 2008, M. Y... a confié à la société Shelter invest, agent immobilier, un mandat de commercialisat

ion, dont la rémunération a été majorée par avenant du 22 avril 2009 ; que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Nacarat que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Shelter invest ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que MM. X... et Y... ont conclu en avril 2008 une promesse de vente, sous condition suspensive, portant sur un terrain à bâtir sur lequel le second prévoyait de développer un lotissement ; que, le 29 septembre 2008, M. Y... a confié à la société Shelter invest, agent immobilier, un mandat de commercialisation, dont la rémunération a été majorée par avenant du 22 avril 2009 ; que, le 28 mai 2009, la société Nacarat a signé une « reconnaissance d'indication de fonciers » par laquelle elle a reconnu que la société Shelter invest lui avait présenté le bien en cause et s'est engagée à ne traiter l'achat de cette affaire que par son intermédiaire ; qu'ayant appris que MM. Y... et X... avaient signé un acte constatant la caducité de la promesse de vente et que M. X... avait ensuite signé avec la société Nacarat une promesse de vente portant sur le même terrain, la société Shelter invest, après avoir vainement réclamé à l'acquéreur le montant de sa commission, l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Shelter invest fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement entrepris concernant le fondement juridique de la responsabilité de la société Nacarat et de ne pas avoir retenu que cette société avait engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ne sont pas tenus par la qualification donnée à un acte par une partie ; qu'en l'espèce l'acte dit de « reconnaissance de fonciers » signé le 28 mai 2009 prévoyait expressément que la société Nacarat s'engageait « à ne traiter l'achat du (terrain de la commune de Beauvoir) que par le seul intermédiaire (de la société Shelter Invest), même après expiration du mandat qui (lui) avait été remis » ; qu'elle s'engageait également « à offrir (à la société Shelter invest) la possibilité de commercialiser partie ou totalité des opérations immobilières relatives au foncier apportées par la société Shelter invest » ; qu'en cas de violation des engagements prévus, il était encore stipulé que « la société Nacarat serait tenue à l'entière réparation du préjudice causé à la société Shelter invest du fait de son éviction, ce préjudice ne pouvant être inférieur à la commission qui aurait été perçue par la société Shelter invest en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières » ; qu'il s'évinçait de ces mentions que la société Nacarat avait bien pris des obligations positives vis-à-vis de la société Shelter invest, si bien que cet acte devait recevoir la qualification de contrat ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;
2°/ que les juges ne sont pas tenus par la qualification donnée à un acte par une partie ; qu'en l'espèce l'acte dit de « reconnaissance de fonciers » s'appuyait non sur un simple mandat de vente mais sur un mandat de commercialisation prévoyant des obligations spéciales et en particulier outre la présentation du foncier, à charge du mandataire, le devoir de « démarcher les promoteurs, les recevoir en ses locaux ou en tout autre lieu jugé convenable, définir et apprécier avec les promoteurs et gestionnaires ou clients l'intérêt commercial du projet tant dans sa situation que dans le régime fiscal applicable à l'acquisition envisagée et notamment son admission éventuelle au bénéfice d'un régime de fiscalité privilégié » ; que c'est dans ce cadre que, en tant que promoteur, la société Shelter invest a pris contact avec la société Nacarat, dans le but d'élaborer un projet de résidences de vacances conçu par la société Shelter invest et que la société Nacarat a repris ; qu'il s'en évinçait que les liens entre les sociétés Shelter invest et Nacarat devaient bien s'analyser en des liens contractuels ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que si l'acte de reconnaissance d'indication de fonciers dont se prévalait la société Shelter invest stipulait, d'une part, qu'en cas de violation par la société Nacarat de ses engagements de ne traiter la vente du bien que par l'intermédiaire de la société Shelter invest, la société Nacarat réparerait l'entier préjudice subi par cette dernière, ce préjudice ne pouvant être inférieur à la commission qu'elle aurait perçue en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières, d'autre part, que la société Nacarat s'engageait à offrir à la société Shelter Invest la commercialisation de tout ou partie des opérations immobilières relatives au bien apporté, et avoir constaté que le mandat fixant la rémunération de la société Shelter invest avait été confié par M. Y..., la cour d'appel, qui a fait ressortir que cet acte de reconnaissance d'indication de fonciers, qu'elle a justement analysé comme un bon de visite, ne définissait ni les éléments essentiels de l'engagement de commercialisation ni les conditions de détermination de la commission de la société Shelter invest et la personne qui devait en avoir la charge, a justement écarté la valeur contractuelle de ce document et déduit de ces constatations qu'il ne pouvait être considéré comme le mandat exigé par la loi du 2 janvier 1970 pour ce type d'entremise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 ;
Attendu que pour condamner la société Nacarat à payer à la société Shelter invest la somme de 100 000 euros, l'arrêt retient que la société Nacarat a eu un comportement déloyal, en profitant des informations communiquées par la société Shelter invest et en se portant acquéreur de l'ensemble directement auprès du vendeur alors qu'elle avait connaissance du mandat confié à l'agent immobilier, mentionné sur la reconnaissance d'indication de fonciers qu'elle avait signée ; qu'il ajoute que le préjudice subi par la société Shelter invest du fait de son éviction correspond à la commission qui devait accompagner l'acte définitif et la commercialisation espérée, la société Shelter invest ayant accepté de la réduire à la somme de 100 000 euros à partir du moment où la société Nacarat ferait appel au cabinet Image architecture, ce qui a été le cas ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'agent immobilier ne disposait d'aucun mandat écrit l'autorisant à réclamer une somme quelconque à titre de rémunération, de commission ou de réparation au titre de l'opération immobilière en cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa quatrième branche, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que la perte de chance réparable correspond à la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable et doit être mesurée à la chance perdue ;
Attendu que pour condamner la société Nacarat au paiement de 150 000 euros, l'arrêt relève qu'une offre de commercialisation de tout ou partie des opérations immobilières relatives au foncier apporté par la société Shelter invest était prévue dans l'acte du 28 mai 2009, qu'une proposition de participer à hauteur de 50 % a été faite par cette société à laquelle la société Nacarat n'a jamais apporté de réponse positive concernant le quantum, et que les négociations se sont arrêtées à ce stade ; qu'il en déduit que le comportement de la société Nacarat, au regard de la promesse faite, dont il relève le peu de valeur contractuelle, est à l'origine d'une perte de chance de commercialisation pour la société Shelter invest justifiant une indemnisation forfaitaire de 150 000 euros ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Shelter invest ne disposait d'aucun mandat écrit l'autorisant à réclamer une somme quelconque à titre de rémunération, de commission ou de réparation au titre de l'opération immobilière en cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Nacarat à payer à la société Shelter invest la somme de 100 000 euros, avec intérêts légaux depuis l'assignation et anatocisme, en réparation du préjudice subi et la somme de 150 000 euros au titre de la perte de chance de commercialisation, l'arrêt rendu le 24 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Shelter invest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Nacarat.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir consacré la responsabilité délictuelle de la société Nacarat, de l'avoir condamnée à payer la somme de 100.000 ¿ à la société Shelter Invest à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE la Shelter Invest réclame à la société Nacarat le paiement des commissions qui auraient dû lui être versées en exécution du mandat confié par le bénéficiaire de la promesse de vente, à savoir monsieur Y... ; la pièce sur laquelle elle se fonde est la reconnaissance de fonciers signée le 28 mai 2009, pendant la période du mandat, par la société Nacarat qui prévoyait expressément qu'en cas de violation des engagements pris par la société Nacarat de ne traiter la vente du foncier que par l'intermédiaire de la société Shelter Invest, elle réparerait l'entier préjudice subi par la société Shelter Invest, ce préjudice ne pouvant être inférieur à la commission qu'elle aurait perçue en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières. Ce document a été signé par la société Nacarat, prévoyant des obligations à sa charge puisqu'elle s'engageait en effet à ne traiter l'achat du terrain de Beauvoir que par le seul intermédiaire de la société Shelter Invest, même après expiration du mandat qui lui avait été remis. La société Shelter Invest lui a présenté un projet et il n'est pas douteux au vu des pièces produites que cette société avait bien accompli ce pour quoi elle avait été missionnée par son mandant monsieur Y... (¿) Ce mandat du 29 septembre 2009 stipulait que la rémunération serait due le jour de la passation de l'acte authentique, lequel n'a jamais été concrétisé. Sur ce point, il est exact que l'acte n'a pas été signé, l'acquéreur ayant changé au profit de la société Nacarat, et qu'il est devenu caduque. Or, il a été jugé que l'agent immobilier ne peut demander ou recevoir directement ou indirectement aucune somme à titre de rémunération, de commission ou de réparation que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat. La société Nacarat est un tiers par rapport à ce mandat, au demeurant frappé de caducité. Dans ce contrat, le mandant s'interdisait d'exploiter les contacts présentés par le mandataire, comme par exemple la vente à un acquéreur qui aurait eu connaissance du bien par l'intermédiaire du mandataire, ce qui correspond à la présente espèce, l'action en réparation de ce chef n'existant que contre le mandant (article 2-3 du mandat). Pour contourner cette difficulté, la société Shelter Invest fait valoir que la reconnaissance d'indication de fonciers est liée à ce mandat, régulièrement donné à une époque où monsieur Y... pouvait le signer et qu'il ne s'agit pas d'un acte autonome. Mais la cour de cassation a clairement précisé que le bon de visite ne pouvait être considéré comme le mandat exigé par la toi (Cass. 28 novembre 2000) ; il a été jugé que l'engagement ultérieur pris par le visiteur d'un bien et souscrit dans un bon de visite ne saurait engager le visiteur, et créer une obligation de paiement, la souscription d'engagements unilatéraux en la faveur exclusive de l'agent étant dépourvue de cause. Il s'ensuit que la responsabilité contractuelle n'a pas sa place ici. Subsidiairement. la société Shelter Invest invoque une responsabilité délictuelle (¿) Le principe de la responsabilité délictuelle du tiers a été consacré par la cour de cassation dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 9 mai 2008 qui consacre le fait que même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur, dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agence immobilière titulaire d'un mandat par l'entremise de laquelle il a été mis en rapport, doit à l'agent immobilier sur le fondement de la responsabilité délictuelle réparation de son préjudice. Or, au cas d'espèce, le comportement déloyal de la société Nacarat est patent ; elle a profité des informations dont elle disposait, grâce à la société Shelter Invest, sur le projet, pour se porter acquéreur de l'ensemble, sachant qu'en procédant de cette manière elle compromettrait les profits attendus par la société Shelter Invest. Elle avait connaissance du mandat dont disposait la société Shelter Invest, du fait que celle-ci devait toucher une commission en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières, comme cela figure sur le document du 28 mai 2009, commission qu'elle a totalement compromise en connaissance de cause en " doublant" son interlocutrice ; dans ce document, en cas de violation de ses engagements, la société Nacarat s'était engagée à indemniser la société Shelter Invest à hauteur de la commission qu'elle aurait perçue en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières ; la présence de Nacarat comme acquéreur entraîne nécessairement la caducité du premier compromis et le préjudice causé par l'éviction de l'agence Shelter Invest peut être considéré comme la perte de la commission qui devait accompagner l'acte définitif et la commercialisation espérée. Quant au montant de cette commission, il était en tous cas précisé le 9 juillet 2009 par mail, correspondant au dernier chiffre défini entre monsieur Y... et la société Shelter Invest. Le 28 juillet 2009, la société Shelter Invest acceptait de le réduire à 100.000 ¿ HT à partir du moment où la société Nacarat missionnait le cabinet Image Architecture, message réceptionné comme l'indique la pièce 52 par la société destinataire ; le montant conventionnel de la commission était connu de la société Nacarat, évidemment calculé au regard de l'ensemble de l'opération. Il convient d'octroyer à la société Shelter Invest des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 100.000 ¿ puisqu'il n'est pas contesté qu'il a été fait appel au cabinet Imagine Architecture, qui correspond à la commission qu'elle aurait dû toucher, donc à son préjudice.
ALORS QUE l'acquéreur qui traite avec le vendeur ne fait perdre une commission à l'agent immobilier par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur que si l'agent détient un mandat du vendeur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que l'agent immobilier avait été mandaté non par le vendeur mais par le bénéficiaire d'une promesse d'achat du terrain, au terme d'un acte dont la caducité a été par la suite constatée ; qu'en estimant que l'acquéreur en profitant des informations dont il a disposé grâce à l'agent, pour se porter acquéreur, et sachant qu'en procédant ainsi il compromettrait les profits attendus par l'agent, a eu un comportement déloyal, quand d'une part, l'agent ne pouvait espérer le moindre profit faute d'avoir été mandaté par le vendeur, mais par un tiers qui a renoncé à acquérir, et d'autre part, l'acheteur n'avait aucune obligation de faire concourir à l'opération l'agent qui lui a présenté une affaire sans aucun mandat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1382 du code civil et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ;
ALORS QUE ne constitue pas un comportement déloyal le fait de traiter l'acquisition d'un terrain directement avec son propriétaire, dès lors que ce dernier n'a mandaté aucun intermédiaire ; qu'en l'espèce, l'agent immobilier n'ayant pas été mandaté par le propriétaire, ne pouvait attendre aucune commission de la vente du terrain, peu important que l'acquéreur ait eu connaissance du mandat dont l'agent était titulaire et que dans une reconnaissance de fonciers, que la cour d'appel qualifie elle-même de souscription d'engagements unilatéraux en la faveur exclusive de l'agent dépourvue de cause, l'acquéreur se soit engagé à ne traiter la vente que par l'intermédiaire de l'agent et à l'indemniser à hauteur de la commission qu'il aurait perçue en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières ; qu'en estimant déloyal le fait, pour l'acquéreur de traiter directement avec le vendeur, une fois le mandat caduc, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE seule une collusion entre le vendeur et l'acquéreur ayant pour effet d'évincer l'agent immobilier peut justifier que la responsabilité de l'acquéreur soit retenue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a nullement constaté une telle collusion ; qu'en estimant déloyal le seul fait, pour l'acquéreur de traiter directement avec le vendeur, une fois le mandat caduc, la cour d'appel a privé de base légale sa décision en violation des articles 1382 du code civil et 6 de la loi du 2 janvier 1970.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que du fait de la faute délictuelle, il y avait eu une perte de chance de commercialisation pour la société Shelter Invest et d'avoir condamné de ce fait la société Nacarat à lui verser le somme de 150.000 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE la société Shelter Invest invoque une responsabilité délictuelle (¿) Le principe de la responsabilité délictuelle du tiers a été consacré par la cour de cassation dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 9 mai 2008 qui consacre le fait que même s'il n'est pas débiteur de la commission, l'acquéreur, dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l'agence immobilière titulaire d'un mandat par l'entremise de laquelle il a été mis en rapport, doit à l'agent immobilier sur le fondement de la responsabilité délictuelle réparation de son préjudice. Or, au cas d'espèce, le comportement déloyal de la société Nacarat est patent ; elle a profité des informations dont elle disposait, grâce à la société Shelter Invest, sur le projet, pour se porter acquéreur de l'ensemble, sachant qu'en procédant de cette manière elle compromettrait les profits attendus par la société Shelter Invest. Elle avait connaissance du mandat dont disposait la société Shelter Invest, du fait que celle-ci devait toucher une commission en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières, comme cela figure sur le document du 28 mai 2009, commission qu'elle a totalement compromise en connaissance de cause en " doublant" son interlocutrice ;¿En ce qui concerne l'indemnité réclamée par la société Shelter Invest pour sa non-participation à la commercialisation, la société Shelter Invest se fonde sur l'acte du 28 mai 2009 qui consacrait l'offre de la société Nacarat de commercialiser partie ou totalité des opérations immobilières relatives au foncier apporté par la société Shelter Invest et sur sa proposition de participer à hauteur de 50 % mais la société Nacarat n'a jamais apporté de réponse positive quant au quantum de cette participation et les négociations se sont arrêtées là ; le calcul que fait la société Shelter Invest sur la base de 50 % ne peut donc être retenu et cet acte a peu de valeur contractuelle, comme il a été démontré ; cela dit, la promesse avait été faite et le préjudice existe aussi de ce deuxième chef mais l'indemnisation de ce poste correspond davantage à une perte de chance de participer à la commercialisation, qui a une réalité puisque la proposition avait été formulée, que le tribunal ne pouvait écarter d'emblée ; mais l'indemnisation envisageable ne peut être qu'une indemnisation forfaitaire que la cour trouve juste d'évaluer à 150.000¿ qui sera accompagnée des intérêts légaux depuis l'assignation ;
ALORS QUE l'acquéreur qui traite avec le vendeur ne fait perdre une commission à l'agent immobilier par l'entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur que si l'agent détient un mandat du vendeur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que l'agent immobilier avait été mandaté non par le vendeur mais par le bénéficiaire d'une promesse d'achat du terrain, au terme d'un acte dont la caducité a été par la suite constatée ; qu'en estimant que l'acquéreur en profitant des informations dont il a disposé grâce à l'agent, pour se porter acquéreur, et sachant qu'en procédant ainsi il compromettrait les profits attendus par l'agent, a eu un comportement déloyal, quand d'une part, l'agent ne pouvait espérer le moindre profit faute d'avoir été mandaté par le vendeur, mais par un tiers qui a renoncé à acquérir, et d'autre part, l'acheteur n'avait aucune obligation de faire concourir à l'opération l'agent qui lui a présenté une affaire sans aucun mandat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1382 du code civil et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ;
ALORS QUE ne constitue pas un comportement déloyal le fait de traiter l'acquisition d'un terrain directement avec son propriétaire, dès lors que ce dernier n'a mandaté aucun intermédiaire ; qu'en l'espèce, l'agent immobilier n'ayant pas été mandaté par le propriétaire, ne pouvait attendre aucune rémunération de la commercialisation du terrain, peu important que l'acquéreur ait eu connaissance du mandat dont l'agent était titulaire et que dans une reconnaissance de fonciers, que la cour d'appel qualifie elle-même de souscription d'engagements unilatéraux en la faveur exclusive de l'agent dépourvue de cause, l'acquéreur se soit engagé à ne traiter la vente que par l'intermédiaire de l'agent et à l'indemniser à hauteur de la commission qu'il aurait perçue en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières ; qu'en estimant déloyal le fait, pour l'acquéreur de traiter directement avec le vendeur, une fois le mandat caduc, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE seule une collusion entre le vendeur et l'acquéreur ayant pour effet d'évincer l'agent immobilier peut justifier que la responsabilité de l'acquéreur soit retenue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a nullement constaté une telle collusion ; qu'en estimant déloyal le seul fait, pour l'acquéreur de traiter directement avec le vendeur, une fois le mandat caduc, la cour d'appel a privé de base légale sa décision en violation des articles 1382 du code civil et 6 de la loi du 2 janvier 1970.
ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en cas de perte de chance, l'indemnisation doit correspondre à une fraction du préjudice effectivement subi, en fonction de la chance perdue ; qu'en indemnisant la société SHELTER INVEST de façon forfaitaire pour la chance perdue de commercialiser le programme immobilier, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Shelter invest.
En cas de cassation sur le pourvoi principal, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris sur le fondement de la responsabilité de la société Nacarat et de ne pas avoir retenu que la responsabilité contractuelle de cette société était engagée vis-à-vis de la société Shelter Invest ;
AUX MOTIFS QUE « la société Shelter Invest réclame à la société Nacarat le paiement des commissions qui auraient dû lui être versées en exécution du mandat confié par le bénéficiaire de la promesse de vente, à savoir monsieur Y... ; que la pièce sur laquelle elle se fonde est la reconnaissance de fonciers signée le 28 mai 2009, pendant la période du mandat, par la société Nacarat qui prévoyait expressément qu'en cas de violation des engagements pris par la société Nacarat de ne traiter la vente du foncier que par l'intermédiaire de la société Shelter Invest, elle réparerait l'entier préjudice subi par la société Shelter Invest, ce préjudice ne pouvant être inférieur à la commission qu'elle aurait perçue en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières ; que ce document a été signé par la société Nacarat, prévoyant des obligations à sa charge puisqu'elle s'engageait en effet à ne traiter l'achat du terrain de Beauvoir que par le seul intermédiaire de la société Shelter Invest, même après expiration du mandat qui lui avait été remis ; que la société Shelter Invest lui a présenté un projet et il n'est pas douteux au vu des pièces produites que cette société avait bien accompli ce pour quoi elle avait été missionnée par son mandant monsieur Y... (¿) que ce mandat du 29 septembre 2009 stipulait que la rémunération serait due le jour de la passation de l'acte authentique, lequel n'a jamais été concrétisé ; que sur ce point, il est exact que l'acte n'a pas été signé, l'acquéreur ayant changé au profit de la société Nacarat, et qu'il est devenu caduque ; qu'or, il a été jugé que l'agent immobilier ne peut demander ou recevoir directement ou indirectement aucune somme à titre de rémunération, de commission ou de réparation que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat ; que la société Nacarat est un tiers par rapport à ce mandat, au demeurant frappé de caducité ; que dans ce contrat, le mandant s'interdisait d'exploiter les contacts présentés par le mandataire, comme par exemple la vente à un acquéreur qui aurait eu connaissance du bien par l'intermédiaire du mandataire, ce qui correspond à la présente espèce, l'action en réparation de ce chef n'existant que contre le mandant (article 2-3 du mandat) ; que pour contourner cette difficulté, la société Shelter Invest fait valoir que la reconnaissance d'indication de fonciers est liée à ce mandat, régulièrement donné à une époque où monsieur Y... pouvait le signer et qu'il ne s'agit pas d'un acte autonome ; mais que la cour de cassation a clairement précisé que le bon de visite ne pouvait être considéré comme le mandat exigé par la loi (Cass. 28 novembre 2000) ; qu'il a été jugé que l'engagement ultérieur pris par le visiteur d'un bien et souscrit dans un bon de visite ne saurait engager le visiteur, créer une obligation de paiement, la souscription d'engagements unilatéraux en la faveur exclusive de l'agent étant dépourvue de cause ; qu'il s'ensuit que la responsabilité contractuelle n'a pas sa place ici. »
ALORS QUE 1°) les juges ne sont pas tenus par la qualification donnée à un acte par une partie ; qu'en l'espèce l'acte dit de « reconnaissance de fonciers » signé le 28 mai 2009 prévoyait expressément que la société Nacarat s'engageait « à ne traiter l'achat du (terrain de la commune de Beauvoir) que par le seul intermédiaire (de la société Shelter Invest), même après expiration du mandat qui (lui) avait été remis » ; qu'elle s'engageait également « à offrir (à la société Shelter Invest) la possibilité de commercialiser partie ou totalité des opérations immobilières relatives au foncier apportées par la société Shelter Invest » ; qu'en cas de violation des engagements prévus, il était encore stipulé que « la société Nacarat serait tenue à l'entière réparation du préjudice causé à la société Shelter Invest du fait de son éviction, ce préjudice ne pouvant être inférieur à la commission qui aurait été perçue par la société Shelter Invest en concourant à l'acte définitif et à la commercialisation des opérations immobilières » ; qu'il s'évinçait de ces mentions que la société Nacarat avait bien pris des obligations positives vis-à-vis de la société Shelter Invest, si bien que cet acte devait recevoir la qualification de contrat ; qu'en disant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1150 du Code civil ;
ALORS QUE 2°) les juges ne sont pas tenus par la qualification donnée à un acte par une partie ; qu'en l'espèce l'acte dit de « reconnaissance de fonciers » s'appuyait non sur un simple mandat de vente mais sur un mandat de commercialisation prévoyant des obligations spéciales et en particulier outre la présentation du foncier, à charge du mandataire, le devoir de « démarcher les promoteurs, les recevoir en ses locaux ou en tout autre lieu jugé convenable ; définir et apprécier avec les promoteurs et gestionnaires ou clients l'intérêt commercial du projet tant dans sa situation que dans le régime fiscal applicable à l'acquisition envisagée et notamment son admission éventuelle au bénéfice d'un régime de fiscalité privilégié » ; que c'est dans ce cadre que, en tant que promoteur, la société Shelter Invest a pris contact avec la société Nacarat, dans le but d'élaborer un projet de résidences de vacances conçu par la société Shelter Invest et que la société Nacarat a repris ; qu'il s'en évinçait que les liens entre les sociétés Shelter Invest et Nacarat devaient bien s'analyser en des liens contractuels ; qu'en disant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1150 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-11595
Date de la décision : 23/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 sep. 2014, pourvoi n°13-11595


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11595
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