LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que les 6 février 2003 et 27 septembre 2007, l'EURL I. Deschamps (l'EURL), ayant pour gérante Mme X..., a conclu avec la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société Yves Rocher) un contrat de location-gérance ; que l'EURL ayant été mise en liquidation judiciaire le 25 juin 2008, le liquidateur a assigné la société Yves Rocher en responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ;
Attendu que pour condamner la société Yves Rocher à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif, l'arrêt relève que les contrats successivement signés entre la société Yves Rocher et Mme X... enferment la gérante dans une structure contrainte découlant de son adhésion à la distribution exclusive des produits Yves Rocher, lui font obligation de travailler dans un ou plusieurs modules ou cabines de soins Yves Rocher en appliquant une procédure sur laquelle elle n'a aucune prise, la privent d'autonomie quant aux campagnes publicitaires, aux aménagements du local et à la politique des prix ainsi que de tout droit au titre de la clientèle et sur le fichier client, la soumettent à un contrôle de sa comptabilité et ne lui laissent un pouvoir direct que sur la direction de l'institut de beauté, l'embauche, le licenciement et la rémunération des salariés, et sur « la gestion du fonds avec la tenue de la comptabilité, avec une autonomie sur les bénéfices et les pertes » ; qu'il relève encore que de nombreux courriers et messages électroniques de la société Yves Rocher démontrent une omniprésence sur les produits, les prix, les promotions, les publicités et la détermination du stock ; qu'il relève enfin que la société Yves Rocher n'explique pas les motifs du soutien financier d'un montant de 95 000 euros, non prévu par le contrat, apporté à la gérante sous forme d'un avoir commercial, d'une aide financière et d'une remise annuelle sur la redevance ; qu'il en déduit que ces actes d'immixtion directe dans l'activité quotidienne de l'EURL caractérisent une gestion de fait de celle-ci par la société Yves Rocher ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que la société Yves Rocher a exercé en toute indépendance une activité positive de direction de l'EURL, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société MJ-Lex, en qualité de liquidateur de l'EURL I. Deschamps, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur l'immixtion prétendue dans la gestion)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à la SELAS MJ-LEX, ès-qualité de liquidateur de l'EURL I. Deschamps, la somme de 200. 000 ¿ au titre du comblement partiel de l'insuffisance d'actif cette EURL, assortie des intérêts au taux légal depuis le 3 septembre 2009 et d'une somme de 6. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 651-2 du Code de Commerce permet la saisine du Tribunal de Commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire pour, « en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion » ; que l'action lancée par le mandataire liquidateur contre la société YVES ROCHER suppose d'abord la caractérisation d'une gestion de fait, condition essentielle à une condamnation au titre de cette disposition ; que les contrats successivement signés entre la société YVES ROCHER et Isabelle X... intitulés « contrat de gérance libre » dont les caractéristiques enferment la gérante dans une structure contrainte par son adhésion à la distribution exclusive des produits « Yves ROCHER », seuls demeurant soumis au pouvoir direct de la gérante :- la direction de « l'institut de Beauté » Yves ROCHER », l'embauche, le licenciement et la rémunération des salariés,- la gestion du fonds avec la tenue de la comptabilité, avec une autonomie sur les bénéfices et pertes ;
Que l'article 5-4 constitue d'abord une restriction au pouvoir de direction de la gérante, car le caractère intuitu personae du contrat, malgré la création d'une personne morale pour bénéficier de la gérance du fonds de commerce, oblige sa dirigeante à travailler concrètement dans « un ou plusieurs modules ou cabines de soins YVES ROCHER » appliquant une procédure avec ses éventuels salariés sur laquelle elle n'a aucune prise ; que cette gérante n'a pas non plus d'autonomie propre concernant :- les campagnes publicitaires, pour lesquelles elle doit reverser à sa « maison mère » la moitié du prix de revient, et qui conditionnent ainsi en grande partie les prix pouvant être pratiqués par la gérante,- les aménagements de son local,- la politique des prix (« Par ailleurs la société LBV YVES ROCHER à sa seule initiative se réserve le droit de pratiquer des taux de remise promotionnelles plus élevés pour des produits et des périodes qu'elle fixera. » (article 7),- sa clientèle et son fichier client (article 4),- la bonne règle et la sincérité de sa comptabilité « La SOCIÉTÉ se réserve le droit de procéder ou faire procéder à un contrôle de la comptabilité de la GÉRANTE LIBRE » (article 8) à la suite de la communication obligatoire de la comptabilité ;
Que s'agissant de la fixation des prix, les pièces 58 à 60 de l'appelante confortent cette absence de liberté, avec notamment « le strict respect des plans commerciaux proposés, même quand nous sommes amenés à le modifier en dernière minute » ; que d'ailleurs, les juridictions prud'homales saisies ont consacré la fictivité de la structure sociale désignée comme gérante du fonds et l'existence d'un lien de subordination entre Isabelle X... et la société YVES ROCHER (arrêt du 9 novembre 2010 de la Cour d'appel de LYON (pièce n° 70 de la SELAS MJ-LEX) ; Que cette liberté de gestion plus que limitée, par une « maison mère » qui contrôle à la fois les prix, dans la majeure partie du temps, la distribution des produits, la clientèle et les murs dans lesquels le fonds est exploite, ouvre clairement la possibilité pour la société YVES ROCHER de s'immiscer directement dans la gestion concrète de son locataire-gérant ; que de nombreux courriers et messages électroniques émis par l'intimée constituent la démonstration de l'omniprésence de cette « maison-mère », sur les produits, les prix, les promotions et les publicités, mais aussi et surtout sur la détermination du stock (pièce N° 50 de la SELAS MJ-LEX qui évoque la détermination du « stock idéal » mais également « d'identifier les éventuelles dérives ») ; que la société YVES ROCHER ne donne pas d'explications particulières sur le soutien financier apporté directement à sa gérante tels qu'il est justifié par les pièces N° 71 à 73 de l'appelante, les sommes suivantes, d'un total de 95. 000 ¿, ayant été procurées : aide financière de 25. 000 ¿ sous forme d'avoir commercial de mars 2004 à février 2005, nouvelle aide financière de 30. 000 ¿ le 30 mai 2005, remise annuelle de 40. 000 ¿ le 30 août 2007 ; Que cette intervention financière est à rapprocher du contrôle effectif de la comptabilité prévu contractuellement, mais dont l'étendue a été dépassée, car la société YVES ROCHER est allée par exemple jusqu'à déterminer le compte d'exploitation prévisionnel pour l'année 2003 (cf. le courriel envoyé par elle le 6 décembre 2002 pièce 48 de l'appelante) ou des objectifs pour décembre 2006 (pièce N° 52) ; Qu'Isabelle X... était dès lors en présence d'un cocontractant qui s'immisçait directement dans son activité quotidienne et par suite sans qu'aucune raison concrète ne soit invoquée, lui fournissait des fonds, prestation nullement prévue dans le contrat de gérance ; Attendu que ces faits manifestes d'immixtion sont suffisants à caractériser cette gestion de fait, dont il faut rappeler qu'il n'est pas nécessaire qu'elle confine à une prise en main totale de la structure concernée ; Que, cela étant, l'existence d'un compte débiteur de la société YVES ROCHER pour plus de 46. 000 ¿ matérialisant une créance de sa gérante à son encontre, comme semblant résulter notamment du courrier du mandataire liquidateur en date du 24 juillet 2008 (sa pièce N° 6) corroborent cette immixtion et ce contrôle au moins partiel, en laissant subsister sa propre dette tout en constatant la pérennité d'un exercice déficitaire ; que s'agissant des fautes de gestion imputées à la société YVES ROCHER, il convient liminairement de rappeler qu'elle avait le contrôle total des pièces comptables qu'elle devait recevoir et sur lesquelles elle pouvait faire procéder à « un contrôle » ; que cette société connaissait dès lors, et ses aides financières le corroborent, la santé financière de sa gérante, et contrôlant en grande partie son activité commerciale, pouvait déterminer sa rentabilité prévisible ; que l'activité de I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS est déficitaire depuis le premier exercice, comme cela résulte d'un courrier émis par la société YVES ROCHER le 30 mai 2005, de « 77 K ¿ » la première année et de « 44 K ¿ » pour le second exercice (pièce N° 72 de la SELAS MJLEX) ; que les pièces produites par la société YVES ROCHER (N° 19 à 22) démontrent cette pleine connaissance de la santé financière cette EURL, avec par exemple une situation nette négative de «-99, 6K ¿ » au 28 février 2007, avec l'utilisation dans ce courrier du 23 avril 2007 du terme « nous sommes inquiets » ; qu'à cette époque, il n'est pas contestable que le contrat de gérance libre connaissait une forme à durée indéterminée, permettant à chacune des parties d'y mettre fin à l'issue d'un préavis de 3 mois (pièce 17 de la société YVES ROCHER) ; que la société YVES ROCHER a alors pris l'initiative de faire conclure le 1er juillet 2007 un second contrat de gérance libre mais aussi au-delà d'un renouvellement du cautionnement personnel d'isabelle X..., une reconnaissance de dette de sa locataire-gérante le 1er septembre 2007 pour un montant de 65. 000 ¿, alors que la dette reconnue est alors de 242. 684, 30 ¿ au 22 août 2007 ; que I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS a déclaré son état de cessation des paiements le 18 juin 2008, alors que le stock présent dans l'institut était valorisé à environ 45. 000 ¿, la déclaration de créance de la société YVES ROCHER portant sur un total de 213. 283, 69 ¿ ; qu'en procédant ainsi, la société YVES ROCHER a soutenu abusivement, avec comme objectif de maintenir un point de vente, l'activité de I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS qu'elle savait manifestement déficitaire depuis longtemps, et dont elle connaissait par nature les raisons, qu'elle avait dénoncées dans plusieurs de ses courriers ; que la société YVES ROCHER a contribué dès lors en grande partie à l'insuffisance d'actif et doit être tenue à en couvrir une quotité importante arrêtée à 200. 000 ¿ la débitrice ayant également pris sa propre part à ce maintien d'un exercice chroniquement déficitaire ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer en ce sens le jugement entrepris et de condamner la S. A. LABORATOIRE DE BIOLOGIE VÉGÉTALE YVES ROCHER à verser à la SELAS MJLEX, ès-qualité, la somme de 200. 000 ¿ outre intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2009, date de l'assignation devant les premiers juges ; que ces intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code Civil » ;
1. ALORS, DE PREMIERE PART, QU'IL était stipulé à l'article 7. 3 du contrat de gérance libre conclu le 6 février 2003 que « la SOCIETE LBV YVES ROCHER s'engage à vendre directement ou indirectement à la GERANTE LIBRE les produits Yves Rocher pour satisfaire la demande de la clientèle de l'Institut de beauté Yves Rocher, avec une remise de 31 % sur les prix de vente unitaires hors taxes tels qu'ils ressortent des " Livres Verts de la Beauté " et des tarifs de mise à jour édités par la SOCIETE LBV YVES ROCHER, outre l'escompte de 8 % l'an pour paiement comptant. Toutefois, grâce aux performances atteintes par la technicité du système informatique appelé Terminal Centre de Beauté, en abrégé TCB, une remise supplémentaire de 1 % sera accordée par la SOCIETE LBV YVES ROCHER à la GERANTE LIBRE utilisant ce matériel dans les conditions définies contractuellement. Par ailleurs, la SOCIETE LBV YVES ROCHER à sa seule initiative se réserve le droit de pratiquer des taux de remises promotionnelles plus élevés pour des produits et des périodes qu'elle fixera » ; qu'en déduisant de la dernière phrase de cette clause que la locataire-gérante ne jouissait d'aucune autonomie propre quant à la fixation de ses propres prix de revente et qu'ainsi, la société Yves Rocher contrôlait les prix pratiqués par sa locataire-gérante, cependant qu'il ressortait des termes clairs et précis de cette stipulation que son seul objet était de déterminer les conditions de vente applicables dans les rapports la société Yves Rocher et sa locataire-gérante et non d'imposer les prix de revente que la locataire-gérante pratiquerait à l'égard de la clientèle du fonds, la Cour d'appel l'a dénaturée, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2. ALORS, EN OUTRE, QUE la société Yves Rocher rappelait dans ses conclusions que le Conseil de la concurrence avait examiné les pratiques mises en oeuvre dans son propre réseau de distribution et constaté dans une décision n° 99- D-49 du 6 juillet 1999 que cette société n'imposait pas de prix minimum de revente à ses franchisés et locataires-gérants, mais se bornait à leur communiquer des prix conseillés, en conformité avec le droit de la concurrence ; que la société Yves Rocher invitait également la Cour d'appel à constater, pièces à l'appui, que l'EURL Deschamps avait pleinement exercé sa liberté tarifaire en pratiquant d'autres prix que ceux conseillés ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la qualité de gérant de fait suppose l'accomplissement d'une activité positive de gestion et de direction de l'entreprise ; que cette qualité ne saurait se déduire du seul exercice, par le propriétaire du fonds de commerce et des marques exploitées par le locataire-gérant, des prérogatives inhérentes au bon fonctionnement d'un réseau de distribution sélective qualitative, telles que la standardisation des processus et des locaux de distribution ou la mise en oeuvre de campagnes publicitaires communes destinées à valoriser l'image de marque du réseau ; qu'elle ne saurait davantage se déduire de la simple assistance matérielle ou financière apportée par le propriétaire du fonds à son locataire-gérant, ni du contrôle qu'il se réserve d'exercer sur sa comptabilité dès lors que l'assiette de la redevance due par le locataire-gérant est conventionnellement fixée d'après les résultats de l'exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, il résultait des constatations même de l'arrêt attaqué qu'en vertu du contrat de location-gérance conclu avec la société Yves Rocher, la gérante de droit de l'EURL Deschamps avait conservé une pleine autonomie de décision dans la direction de « l'institut de beauté Yves Rocher », l'embauche, le licenciement et la fixation de la rémunération de son personnel ainsi que dans la gestion du fonds loué et la tenue de la comptabilité ; que pour décider néanmoins d'attribuer à la société Yves Rocher la qualité de gérant de fait de cette EURL et la condamner à combler son insuffisance d'actif, la Cour d'appel a relevé que les contrats de gérance libre successivement signés entre la société Yves Rocher et cette EURL enfermaient la gérante dans « une structure contrainte par son adhésion à la distribution exclusive des produits Yves Rocher », que la gérante du fonds s'était obligée à travailler concrètement dans « un ou plusieurs modules ou cabines de soins Yves Rocher » en appliquant des procédures prédéterminées par la société Yves Rocher et qu'elle n'avait pas d'autonomie propre concernant la clientèle du fonds loué, les aménagements de son local et les campagnes publicitaires ; qu'elle a également énoncé que « cette liberté de gestion plus que limitée (¿) ouvrait clairement la possibilité pour la société Yves Rocher de s'immiscer directement dans la gestion concrète de son locatairegérant » et que l'omniprésence de cette « maison-mère » (sic) se déduisait des recommandations données à propos de la constitution d'un stock idéal, du contrôle qu'elle s'était réservé d'exercer sur sa comptabilité, du compte d'exploitation prévisionnel pour l'années 2003 qu'elle lui avait fourni le 6 décembre 2002 (soit préalablement à conclusion du contrat de location-gérance) ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l'accomplissement par la société Yves Rocher d'actes positifs de direction ou de gestion de L'EURL Deschamps, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce ;
4. ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE l'immixtion par le propriétaire du fonds de commerce et des marques exploitées par le locataire-gérant dans la gestion de ce dernier ne saurait davantage se déduire de simples subventions ou de simples remises de dettes octroyées sans contrepartie à ce dernier ; qu'en l'espèce, il ressortait des pièces régulièrement versées aux débats que le « soutien financier » reproché à la société Yves Rocher ne résultait que de l'octroi inconditionnel d'une subvention sous la forme d'un avoir commercial de 25. 000 euros, puis d'une remise de dette de 30. 000 euros, ultérieurement portée à 40. 000 euros, venant en déduction de la redevance annuelle due par son locataire gérant ; que pour attribuer à la société Yves Rocher la qualité de gérant de fait de l'EURL Deschamps et la condamner à combler son insuffisance d'actif, la Cour d'appel a énoncé que la société Yves Rocher avait apporté un soutien financier à cette EURL à hauteur de 95. 000 euros, prestation qui n'était nullement prévue dans le contrat de location-gérance ; qu'en se déterminant par ce seul motif, impropre à caractériser un acte d'immixtion de la société Yves Rocher dans la gestion de son locataire-gérant en l'absence de contreparties exigées pour l'octroi de ces avoirs commerciaux et remises de dettes, la Cour d'appel a privé de plus fort sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce ;
5. ALORS, ENFIN, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement rendu entre les mêmes parties sur des demandes ayant le même objet fondées sur la même cause ; qu'ayant statué sur des demandes formées à titre personnel par Madame X..., épouse Deschamps, tendant à voir constater l'existence d'un contrat de travail entre elle et la société Yves Rocher et à obtenir diverses indemnités sur ce fondement, l'arrêt de la Cour de Lyon du 9 novembre 2010 se trouvait ainsi dépourvu d'autorité de chose jugée dans l'instance engagée par le liquidateur judiciaire de L'EURL Deschamps tendant à voir condamner la société Yves Rocher à combler l'insuffisance d'actif de cette société unipersonnelle ; qu'en se fondant néanmoins sur cet arrêt pour attribuer à la société Yves Rocher la qualité de gérant de fait de cette EURL et la condamner à combler son insuffisance d'actif, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur le prétendu soutien fautif)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à la SELAS MJ-LEX, ès-qualité de liquidateur de l'EURL I. Deschamps, la somme de 200. 000 ¿ au titre du comblement partiel de l'insuffisance d'actif cette EURL, assortie des intérêts au taux légal depuis le 3 septembre 2009 et d'une somme de 6. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 651-2 du Code de Commerce permet la saisine du Tribunal de Commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire pour, « en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion » ; (¿) que la société YVES ROCHER ne donne pas d'explications particulières sur le soutien financier apporté directement à sa gérante tels qu'il est justifié par les pièces N° 71 à 73 de l'appelante, les sommes suivantes, d'un total de 95. 000 ¿, ayant été procurées : aide financière de 25. 000 ¿ sous forme d'avoir commercial de mars 2004 à février 2005, nouvelle aide financière de 30. 000 ¿ le 30 mai 2005, remise annuelle de 40. 000 ¿ le 30 août 2007 ; (¿) que s'agissant des fautes de gestion imputées à la société YVES ROCHER, il convient liminairement de rappeler qu'elle avait le contrôle total des pièces comptables qu'elle devait recevoir et sur lesquelles elle pouvait faire procéder à « un contrôle » ; que cette société connaissait dès lors, et ses aides financières le corroborent, la santé financière de sa gérante, et contrôlant en grande partie son activité commerciale, pouvait déterminer sa rentabilité prévisible ; que l'activité de I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS est déficitaire depuis le premier exercice, comme cela résulte d'un courrier émis par la société YVES ROCHER le 30 mai 2005, de « 77 K ¿ » la première année et de « 44 K ¿ » pour le second exercice (pièce N° 72 de la SELAS MJ-LEX) ; que les pièces produites par la société YVES ROCHER (N° 19 à 22) démontrent cett e pleine connaissance de la santé financière cette EURL, avec par exemple une situation nette négative de «-99, 6K ¿ » au 28 février 2007, avec l'utilisation dans ce courrier du 23 avril 2007 du terme « nous sommes inquiets » ; qu'à cette époque, il n'est pas contestable que le contrat de gérance libre connaissait une forme à durée indéterminée, permettant à chacune des parties d'y mettre fin à l'issue d'un préavis de 3 mois (pièce 17 de la société YVES ROCHER) ; que la société YVES ROCHER a alors pris l'initiative de faire conclure le 1er juillet 2007 un second contrat de gérance libre mais aussi au-delà d'un renouvellement du cautionnement personnel d'isabelle X..., une reconnaissance de dette de sa locataire-gérante le 1er septembre 2007 pour un montant de 65. 000 ¿, alors que la dette reconnue est alors de 242. 684, 30 ¿ au 22 août 2007 ; que I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS a déclaré son état de cessation des paiements le 18 juin 2008, alors que le stock présent dans l'institut était valorisé à environ 45. 000 ¿, la déclaration de créance de la société YVES ROCHER portant sur un total de 213. 283, 69 ¿ ; qu'en procédant ainsi, la société YVES ROCHER a soutenu abusivement, avec comme objectif de maintenir un point de vente, l'activité de I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS qu'elle savait manifestement déficitaire depuis longtemps, et dont elle connaissait par nature les raisons, qu'elle avait dénoncées dans plusieurs de ses courriers ; que la société YVES ROCHER a contribué dès lors en grande partie à l'insuffisance d'actif et doit être tenue à en couvrir une quotité importante arrêtée à 200. 000 ¿ la débitrice ayant également pris sa propre part à ce maintien d'un exercice chroniquement déficitaire ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer en ce sens le jugement entrepris et de condamner la S. A. LABORATOIRE DE BIOLOGIE VÉGÉTALE YVES ROCHER à verser à la SELAS MJ-LEX, ès-qualité, la somme de 200. 000 ¿ outre intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2009, date de l'assignation devant les premiers juges ; que ces intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code Civil » ;
ALORS QUE le simple renouvellement d'un contrat de location-gérance, même assorti d'une remise de dettes ou d'une subvention consentie au locataire-gérant, ne constitue ni une faute de gestion, au sens de l'article L. 651-2 du Code de commerce, ni même un concours fautif, au sens de l'article L. 650-1 du même code, le grief de « soutien abusif » impliquant l'octroi d'un crédit au débiteur générateur d'un supplément de passif à la charge de celui-ci ; qu'en l'espèce, il ressortait des pièces expressément visées par la Cour d'appel, que les aides financières accordées par la société Yves Rocher à l'EURL Deschamps à hauteur de 95. 000 euros résultaient d'une subvention de 25. 000 euros octroyée sous la forme d'un avoir commercial pour la période de mars 2004 à février 2005, puis de deux remises de dette de 30. 000 et de 40. 000 euros accordées les 30 mai 2005 et 30 août 2007 ayant eu pour effet de minorer le montant de la redevance annuelle dont le locataire-gérant était débiteur à son égard ; qu'en qualifiant de « soutien abusif » le fait pour la société Yves Rocher d'avoir accepté le renouvellement du contrat de location-gérance et d'avoir consenti de telles aides à son locataire-gérant, cependant que de tels actes ne caractérisaient ni une faute de gestion, ni un soutien abusif, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiairement sur le montant de la condamnation)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher à verser à la SELAS MJ-LEX, ès-qualité de liquidateur de l'EURL I. Deschamps, la somme de 200. 000 ¿ au titre du comblement partiel de l'insuffisance d'actif cette EURL, assortie des intérêts au taux légal depuis le 3 septembre 2009 et d'une somme de 6. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 651-2 du Code de Commerce permet la saisine du Tribunal de Commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire pour, « en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion » ; que I'E. U. R. L. I. DESCHAMPS a déclaré son état de cessation des paiements le 18 juin 2008, alors que le stock présent dans l'institut était valorisé à environ 45. 000 ¿, la déclaration de créance de la société YVES ROCHER portant sur un total de 213. 283, 69 ¿ ; (¿) que la société YVES ROCHER a contribué en grande partie à l'insuffisance d'actif et doit être tenue à en couvrir une quotité importante arrêtée à 200. 000 ¿ la débitrice ayant également pris sa propre part à ce maintien d'un exercice chroniquement déficitaire ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer en ce sens le jugement entrepris et de condamner la S. A. LABORATOIRE DE BIOLOGIE VÉGÉTALE YVES ROCHER à verser à la SELAS MJLEX, ès-qualité, la somme de 200. 000 ¿ outre intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2009, date de l'assignation devant les premiers juges » ;
ALORS QUE le juge qui, sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de commerce, prononce une condamnation pécuniaire à l'encontre d'un dirigeant de fait doit s'assurer de ce que l'insuffisance d'actif du débiteur est certaine à concurrence du montant de la condamnation prononcée (Com., 19 décembre 2006, pourvoi n° 05-11. 848) ; qu'en l'espèce, il ré sultait des termes mêmes de l'assignation délivrée le 3 septembre 2009 que le liquidateur judiciaire de l'EURL Deschamps avait demandé « la condamnation de la société Yves Rocher à supporter le passif, soit la somme de 220. 392, 50 ¿ (pièce n° 21) », la pièce n° 21 annexée n'étant qu'une simple « liste provisoire de créances » ; que la Cour d'appel a elle-même constaté qu'à l'actif de l'EURL, figurait un stock de marchandises valorisé au jour de l'ouverture de la procédure collective à hauteur de 45. 000 ¿ (arrêt, p. 5, antépénultième alinéa) ; qu'en décidant néanmoins de condamner la société Yves Rocher à payer la somme de 200. 000 euros « au titre du comblement partiel de l'insuffisance d'actif », sans s'être assurée de ce l'insuffisance d'actifs de l'EURL était certaine à concurrence de ce montant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.