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18/09/2014 | FRANCE | N°13-20400

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 septembre 2014, 13-20400


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Renault Trucks du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Meritor Axles France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., né le 28 mars 1968, employé depuis le 2 octobre 1989 en qualité d'opérateur de production sur le site de l'usine ponts et essieux de Saint-Priest par la société Renault Trucks, puis, à compter de 2004, par la société Arvin Meritor, a déclaré le 25 janvier 2008 au titre de la législation professionn

elle un cancer broncho pulmonaire primitif diagnostiqué le 23 août 2007 que ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Renault Trucks du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Meritor Axles France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., né le 28 mars 1968, employé depuis le 2 octobre 1989 en qualité d'opérateur de production sur le site de l'usine ponts et essieux de Saint-Priest par la société Renault Trucks, puis, à compter de 2004, par la société Arvin Meritor, a déclaré le 25 janvier 2008 au titre de la législation professionnelle un cancer broncho pulmonaire primitif diagnostiqué le 23 août 2007 que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a pris en charge le 18 septembre 2008 sur le fondement du tableau n° 30 bis ; qu'il a saisi, le 15 juin 2010, une juridiction de sécurité sociale afin de faire reconnaître une faute inexcusable de la société Renault Trucks ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'après avoir retenu la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt, pour allouer au salarié victime une certaine somme en réparation d'un préjudice d'agrément, énonce que ce préjudice est établi puisqu'il ressort des attestations produites par son épouse et ses amis, que M. X... pratiquait des activités de sport et de loisir dont il est désormais privé ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser la spécificité des activités de loisirs sportifs invoquées et leur pratique régulière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que l'arrêt, pour allouer au salarié victime une certaine somme au titre du préjudice résultant de la perte de possibilités de promotion professionnelle, énonce que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. X..., qui avait progressé au cours des vingt années passées dans l'entreprise, avait encore à 40 ans des possibilités de promotion professionnelle et ajoute que ses fonctions ne se limitaient plus uniquement à la production, puisqu'en 2006, il était devenu animateur de la ligne Polymatic ;
Qu'en statuant par de tels motifs, insuffisants à caractériser la perte de possibilités de promotion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. X... l'indemnisation d'un préjudice d'agrément ainsi que celle d'une perte de chance de promotion professionnelle, l'arrêt rendu le 7 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Renault Trucks aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Renault Trucks et de M. X... ; condamne la société Renault Trucks à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère la somme de 2 400 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Renault Trucks.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la maladie déclarée par Monsieur X... était imputable à la faute inexcusable de la société RENAULT TRUCKS, fixé la majoration de rente à son taux maximum et fixé le montant total des réparations allouées à la somme de 250. 000 ¿ et d'avoir dit que la CPAM de l'ISERE ferait l'avance des sommes versées et pourrait les récupérer auprès de la société RENAULT TRUCKS ;
AUX MOTIFS QUE « l'usine de Ponts-Essieux de Saint-Priest fabrique des freins, essieux et ponts qui équipent les véhicules de la gamme RVI ; qu'elle a été exploitée par la société Renault Trucks jusqu'en 2004, puis par la société Arvin Meritor ; Qu'Armindo X... y a travaillé en qualité d'opérateur du 2 octobre 1989 au 5 décembre 2009, date de son licenciement pour inaptitude ; Qu'Armindo X... dirige son action en reconnaissance de la faute inexcusable à, l'encontre de la société Renault Trucks uniquement ; Que la société Renault Trucks ne conteste pas que la garniture des freins qui étaient produits sur le site de Saint-Priest contenait de l'amiante, mais se borne à rappeler qu'Armindo X... ne travaillait pas au secteur freins, ce qu'il n'a jamais soutenu ; Que les premiers juges ont très précisément décrit en pages 7 et 8 du jugement les travaux réalisés par Armindo X..., description que la société Renault Trucks ne remet pas en cause ; Qu'Armindo X... a toujours soutenu qu'il travaillait au secteur 3202 où il a effectué le montage des têtes, des ponts, des essieux, la remise à niveau technique des ponts et des têtes ; Que les interventions sur les ponts nécessitaient le nettoyage du système de freinage qui contenait des composants en amiante ; que lorsqu'il a adressé le descriptif de ses fonctions, Armindo X... a précisé qu'au cours des opérations de montage ou de remise à niveau des ponts et des essieux, il était en contact avec l'amiante présente dans les systèmes de freinage ; qu'il a également expliqué lors de l'enquête diligentée par la caisse, que lorsqu'il dérouillait les ponts, il était en contact avec l'amiante et que l'exposition s'est prolongée plusieurs années après 1997, puisqu'au service du retour clientèle, il recevait des ponts qui dataient de 2 à 5 ans ; Que selon le descriptif des travaux (pièce 12), Armindo X... traitait entre 1 et 4 ponts par jour, chaque pont ayant deux systèmes de freinage ; effectuait également du dépoussiérage à la soufflette, outil qui favorise la dispersion des poussières dans l'atmosphère ; Que la description que fait Armindo X... de ses activités est confirmée par les attestations qu'il produit (Y..., Z..., A..., B...) et dont les premiers juges ont précisément rappelé la teneur ; Qu'il n'est pas contesté que le poste RNT têtes sur lequel il a travaillé (les têtes ne contiennent pas d'amiante) est situé à 3 mètres du poste RNT ponts ; Qu'il résulte de ces éléments qu'Armindo X... a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante non seulement à l'occasion de ses interventions sur les ponts, mais aussi parce que l'atmosphère du site était en permanence chargée de poussières d'amiante, ainsi qu'il résulte du rapport établi au mois d'avril 2000 par le service médical (voir pages 7 et 8) ; Que cette exposition a duré au moins 10 ans, puisqu'Armindo X... a commencé à travailler sur le site eu 1989 et que l'exposition s'est prolongée plusieurs années après 1997 à l'occasion de la remise à niveau des ponts qui dataient de 2 à 5 ans ; Que l'absence de dispositif de protection et l'absence d'information sur les risques encourus sont établies par les témoignages produits, auxquels la société Renault Trucks n'apporte pas de contradiction ; Qu'en l'état de ces éléments, c'est air terme d'une exacte et pertinente analyse des éléments qui lui étaient soumis, que le tribunal des affaires de sécurité sociale a jugé que la société Renault Trucks qui aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qui n'a pas pris les mesures pour l'en préserver, a commis une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale ; (¿) Attendu qu'ainsi qu'il a été vu plus haut, Armindo X... a été exposé au risque pendant la durée minimale de 10 années, de sorte que la société Renault Trucks n'est pas fondée à soutenir que les conditions de fond de la prise en charge de l'affection ne sont pas remplies » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« ARVIN MERITOR a remis le 15 décembre 2009 à Monsieur Armindo X... un certificat de travail attestant l'avoir employé comme opérateur de production du 2 octobre 1989 au 5 décembre 2009. Monsieur Armindo X... avait été engagé par RVI, comme monteur d'organes pour l'usine de Saint Priest, à compter du 2 octobre 1989. Selon l'extrait de registre de commerce de la SAS RENAULT TRUCKS, RENAULT VI est un des noms commerciaux de cette Société, qui a apporté le 23 novembre 2004 à ARVIN MERITOR son fonds de commerce de Saint Priest. Monsieur Armindo X... était l'employé d'ARVIN MERITOR lorsqu'il est tombé malade, il a été en arrêt de travail pour maladie professionnelle du 17 juillet 2007 au 6 octobre 2009, date à laquelle le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de travail de reprise proposé. ARVIN MERITOR n'ayant pas de poste de reclassement à lui proposer l'a licencié pour Inaptitude par lettre du 3 décembre 2009. Le cancer broncho pulmonaire dont il est affecté a été constaté pour la première fois le 23 août 2007, a été reconnu par la caisse, après enquête menée en présence d'ARVIN MERITOR, comme maladie professionnelle le 18 septembre 2008. Monsieur Armindo X... demande qu'il soit jugé que sa maladie est due à la faute inexcusable de RENAULT TRUCKS, où il a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante depuis son entrée à l'usine le 2 octobre 1989 jusqu'à la cession à ARVIN MERITOR le 23 novembre 2004 soit pendant 15 ans. Les conditions de travail de Monsieur Armindo X... chez RENAULT TRUCKS. L'usine PONTS ESSIEUX où il a travaillé est constituée (selon le plan versé aux débats) d'un vaste bâtiment, à l'intérieur duquel les chaînes d'installation de matériels (ponts, têtes, essieux...) sont différenciées, sans cloisonnement ni isolation entre les unes et les autres. RENAULT TRUCKS affirme que seul le secteur freins, identifié sur le plan au quart gauche en haut (sous un n° rendu illisible par le surlignage, peut être 3014) présentait des matériaux amiantés et exposant au risque. Elle expose que Monsieur Armindo X... a travaillé occasionnellement au montage des ponts, sur la ligne SATRI 2. Elle ne donne aucun élément qui permette de comprendre ce qui était fait dans la ligne SATRI 2, ni de la situer sur le plan, cette dénomination ne s'y retrouve pas. Monsieur Armindo X... n'a jamais prétendu avoir travaillé au secteur freins. Dans son questionnaire en réponse à la caisse, il exposait avoir travaillé sur le poste RNT, qu'il traduit comme Remise Niveau Technique, en précisant qu'il travaillait dans le lieu référencé 3202 au montage des têtes (quart droit en bas du plan). Il a travaillé non seulement au secteur RNT Têtes 3202 mais aussi au secteur RNT ponts, qui est situé dans la même quart du plan de l'usine, dans le secteur ponts, référencé 3124. Il a précisé qu'au secteur RNT Ponts il fallait mettre en place le pont sur le poste de travail, nettoyer les surfaces du corps et de la tête de pont, nettoyer le système de freinage comprenant tambour et garniture, et après avoir réhabilité toutes les pièces, remonter le pont. Il précisait qu'il faisait 1 à 4 ponts par jour, et que chacun avait deux systèmes de freinage. Il a expliqué que SATRI 2 est une ligne tractée d'assemblage de ponts, dans un atelier ouvert aux autres secteurs, où il montait sur les chariots les corps de ponts, les systèmes de freinage, la tête, les tambours, les réducteurs. Lors de l'enquête de la caisse, Monsieur Armindo X... a indiqué avoir travaillé le plus souvent au secteur RNT où on dérouillait les ponts. Il ajoutait qu'après 1997 il recevait encore des ponts qui avaient de 2 à 5 ans, où le freinage était toujours amiante. Au secteur RNT Têtes, il fallait de même, après avoir mis en place la tête sur le poste de travail, nettoyer les surfaces usinées, les pièces de la tête elle-même, puis la remonter après avoir réhabilité les pièces, et remettre la tête en service. Il a indiqué que le poste RNT têtes est à trois mètres du secteur RNT Ponts, ce qui se vérifie sur le plan. Monsieur Y..., collègue de travail de Monsieur Armindo X... a attesté avoir travaillé avec lui de 1989 à 2002, et s'il fait état de la section 3202 (RNT montage des têtes) il expose qu'il fallait remettre à niveau les ponts, et que le nettoyage concernait les têtes, les ponts, et les freins. Monsieur Z..., autre collègue de travail, atteste que Monsieur Armindo X... était au secteur RNT où il reprenait les ponts et essieux avec freins à tambour, dont les mâchoires de type FERRODO contenaient de l'amiante. Ces ponts et essieux séjournaient dehors longtemps, étaient rouillés, et il fallait les dérouiller, démonter, nettoyer les garnitures amiantées à la brosse métallique et chasser les poussières à la soufflette à air comprimé. Après l'interdiction en 1997, les ponts à déverrouiller avec mâchoires de freins amiantées fabriqués antérieurement continuaient à arriver. Monsieur A... entré comme intérimaire en décembre 1987 atteste de même qu'au secteur RNT Ponts arrivaient des ponts très rouillés pour être restés dehors longtemps. Il fallait les démonter, les nettoyer, en enlevant la rouille des tambours et des garnitures de freins avec une brosse métallique puis du papier de verre, et nettoyer à la soufflette. La poussière importante ainsi dégagée était balayée au balai et à la pelle. Monsieur B... atteste avoir travaillé avec Monsieur Armindo X... de 1989 à 1999 et qu'au poste de travail Ponts et Essieux de la zone RNT il y avait exposition d'amiante importante. Les pièces amiantées étaient manipulées sans aucune protection ni information. Monsieur Armindo X... a exposé, et cela est confirmé par ses collègues de travail, qu'il a travaillé la plupart du temps au secteur RNT de montage des ponts, où la remise à niveau comprenait le démontage total des ponts, spécialement des tambours et mâchoires de freins contenues dans le pont, pièces qui contenaient une forte proportion d'amiante (freins FERRODO). Ces pièces étaient nettoyées à la brosse métallique, polies à la main, pour être ensuite remontées, la poussière dégagée n'était pas aspirée à la source mais se répandait dans l'atelier qui était balayé en fin de journée. Les ponts, entreposés à l'extérieur avant remise en état, arrivaient rouillés, et si l'amiante a été interdite en 1997, les ponts fabriqués antérieurement, qui comprenaient des freins amiantes, ont continué à arriver pour remise à niveau à l'usine de Saint Priest. Le secteur RNT de montage des têtes jouxte le secteur de montage des ponts, les poussières de fibres d'amiante dégagées par le nettoyage des tambours et garniture de freins des ponts se répandaient jusqu'au lieu de montage des têtes. Monsieur Armindo X... a travaillé essentiellement, pendant les quinze ans qu'il a passés à l'usine de RENAULT TRUCKS, à la remise à niveau des ponts anciens, qui étaient remis en état après un long séjour à l'extérieur sans protection. Chaque pont comprenait deux systèmes de freinage avec tambours et mâchoires de frein, à base d'amiante-l'utilisation des freins FERRODO a donné lieu à une jurisprudence abondante, qu'il fallait remettre en état en les brossant et les lissant, ce qui dégageait une poussière de fibres d'amiante qui n'était pas absorbée à la source mais se répandait dans l'atelier. Si l'utilisation de l'amiante a été interdite à compter de 1997, les ponts fabriqués antérieurement avec des freins amiantés ont continué à être réparés, après cette date, à l'usine de RENAULT TRUCKS. Monsieur Armindo X... a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante par son exercice professionnel chez RENAULT TRUCKS, pendant plus de dlx ans. La faute inexcusable de l'employeur : RVI, né de la fusion de BERLIET et SAVIEM, est un des premiers constructeurs mondiaux de poids lourds. Avec l'intégration de l'américain MACK en 1990 le groupe RVI a pris une dimension internationale (rapport Service médical RVI avril 2000). RVI n'est ni un producteur ni un transformateur d'amiante, mais un grand groupe industriel qui e toujours été en mesure de recueillir les informations disponibles sur les risques dans ses ateliers et les dispositions protectrices à prendre. Cet employeur devait informer ses salariés, à compter du décret de 1977, sur les risques et précautions à prendre pour utiliser l'amiante et ses dérivés. RVI ne fait pas état d'une quelconque mise en garde à ses employés sur le risque encouru du fait de la présence de fibres d'amiante dans l'air de l'atelier. L'employeur n'a pas pour seule obligation de respecter la réglementation préventive de sécurité, il a une obligation de sécurité de résultat envers ses employés, qui lui impose de prendre les mesures de précaution qu'impose la manipulation ou l'utilisation des substances ou matériaux. Le caractère hautement cancérigène de l'amiante est connu depuis le rapport AURIBAULT publié en 1906, l'accroissement des maladies professionnelles et des décès Nés à l'exposition à l'amiante a été constant depuis la décennie 1950/ 1960. A compter de l'inscription de l'asbestose au tableau des maladies professionnelles-en 1950, les entreprises qui utilisaient des produits amiantés ou à base d'amiante devaient avoir conscience du danger de ce matériau (C. Cass Ch Soc. 22 novembre 1990). Même si RVI a respecté le degré d'empoussièrement fixé par décret après 1977, et si la responsabilité de l'Etat pour n'avoir pas pris les mesures de prévention nécessaires a été retenue par les arrêts du conseil d'Etat du 3 mars 2004, cela n'atténue ni n'exclut la responsabilité de RVI. L'employeur, qui aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, par la présence de fibres d'amiante dans l'air des ateliers, risque contre lequel ce salarié n'était pas protégé et dont ii n'était pas informé, a commis une faute inexcusable au sens de l'article 452-1 du Code de la Sécurité Sociale » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le caractère professionnel d'un cancer bronchopulmonaire ne peut être établi sur le fondement du Tableau n° 30 bis qu'à la condition que le salarié ait été exposé habituellement au risque pendant plus de dix ans dans le cadre de travaux figurant dans la liste limitative de travaux susceptibles de provoquer la maladie fixée par ce tableau ; qu'au cas présent, la société RENAULT TRUCKS exposait que Monsieur X... avait été essentiellement affecté au secteur 3202, soit à ligne de montage des têtes qui ne contenaient pas d'amiante et qu'il n'avait que très occasionnellement été affecté à la ligne de montage des ponts, de sorte que la condition d'accomplissement pendant dix ans de travaux susceptibles de provoquer une maladie du tableau n° 30 bis n'était pas remplie ; que la société RENAULT TRUCKS produisait, d'une part, le plan de l'usine montrant que le secteur 3202 était le secteur de montage de têtes et l'ensemble des fiches d'évaluation de Monsieur X... montrant qu'il exerçait ses fonctions au sein de ce secteur ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, si Monsieur X... avait accompli pendant plus de dix ans des travaux mentionnés par le Tableau n° 30 bis, seuls susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire au regard des dispositions de ce tableau, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et du Tableau de maladies professionnelles n° 30 bis ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'un cancer broncho-pulmonaire ne peut être reconnu comme maladie professionnelle au regard du tableau n° 30 bis que si le salarié a accompli des travaux limitativement énumérés susceptibles de provoquer la maladie pendant au moins dix ans ; qu'en énonçant que cette condition de durée était remplie au motif que Monsieur X..., embauché en octobre 1989, avait été exposé postérieurement à 1997, la cour d'appel, qui n'a pas déterminé jusqu'à quelle date cette exposition avait perduré, n'a pas caractérisé une durée d'exposition de dix ans et a donc privé sa décision de base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et du Tableau de maladies professionnelles n° 30 bis ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE seul l'accomplissement des travaux limitativement énumérés comme susceptibles de provoquer la maladie peut être pris en compte pour permettre la prise en charge d'un cancer broncho-pulmonaire sur le fondement du tableau de maladies professionnelles n° 30 bis ; qu'en prétendant se fonder sur la proximité du secteur montage de tête sur lequel a travaillé Monsieur X... par rapport au secteur de montage de ponts et sur la présence de poussières d'amiante dans l'atmosphère au sein de l'usine de Saint-Priest pour considérer que les conditions d'exposition permettant la prise en charge du cancer broncho-pulmonaire de Monsieur X... étaient remplies, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et le Tableau de maladies professionnelles n° 30 bis ;
ALORS, ENFIN, QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des documents produits aux débats ; qu'au cas présent, le rapport du médecin du travail établi en avril 2000 faisait état d'une contamination majeure du fait de la présence permanente de poussières d'amiante au sol « jusque 1985 » et indiquait que la mise en place d'un sas « créé en 1985 » avait « permis ¿ de limiter la pollution atmosphérique » (rapport p. 7) ; qu'en prétendant se fonder sur cet extrait du rapport pour considérer que l'exposition de Monsieur X..., embauché en 1989, aurait résulté de « l'atmosphère du site en permanence chargée d'amiante », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, en méconnaissance du principe susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnisation de Monsieur X... à la somme de 30. 000 ¿ au titre de son préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE « le préjudice d'agrément est établi puisqu'il ressort des attestations produites par Monsieur X... produites par son épouse et ses amis, qu'Armindo X... pratiquait des activités de sport et de loisir dont il est désormais privé ; qu'il sera réparé à hauteur de 30. 000 ¿ » ;
ALORS QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprend la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation ; que le préjudice d'agrément est celui lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu'il en résulte que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut obtenir, en plus de la rente majorée, de dommages-intérêts au titre d'un préjudice d'agrément qu'à condition d'établir judiciairement la pratique régulière d'une activité spécifique dont l'interruption consécutive au sinistre lui cause un préjudice distinct du déficit fonctionnel consécutif aux séquelles de la maladie ; qu'en se contentant de faire état de la pratique d'« activités de sport et de loisir » par Monsieur X... pour allouer une indemnité au titre du préjudice d'agrément, la cour d'appel n'a caractérisé aucune pratique effective et régulière d'une activité spécifique par la victime antérieurement à la survenance de la maladie et a privé sa décision de base légale au regard des articles 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé les réparations allouées à Monsieur X... à la somme de 10. 000 ¿ au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'Armindo X... qui avait progressé au cours des 20 années passées dans l'entreprise, avait encore à 40 ans des possibilités de promotion professionnelle ; Que ses fonctions ne se limitaient plus uniquement à la production, puisqu'en 2006, il était devenu animateur de la ligne Polymatic ; Que le préjudice sera indemnisé à hauteur de 10. 000 ¿ » ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur Armindo X... est resté pendant toute sa carrière ouvrier professionnel, et a bénéficié d'augmentation de son coefficient, passé en 20 ans de 185 à 215. S'il n'envisageait pas de changer de qualification, il n'en reste pas moins que sa rémunération conventionnelle avait la plus grande chance de poursuivre sa progression jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la retraite. L'indemnisation de cette perte de change de promotion professionnelle est fixée à 5. 000 euros » ;
ALORS QUE la perte de chance ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle prévue par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale a pour objet d'indemniser un préjudice d'évolution de carrière résultant de l'accident distinct de celui résultant d'un déclassement professionnel réparé par la rente d'incapacité permanente partielle ; que l'existence d'un tel préjudice suppose donc que le salarié démontre qu'il avait ¿ au regard de son âge et surtout de son savoirfaire, de ses diplômes et de sa formation professionnelle-au moment de l'accident, des chances sérieuses de promotion professionnelle que l'accident lui a fait perdre ; qu'en se fondant sur le seul fait que le salarié avait évolué dans l'entreprise antérieurement à la survenance de la maladie pour allouer à Monsieur X... une somme de 10. 000 ¿ au titre du préjudice de la perte de chance de promotion professionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence de chances sérieuses de promotion professionnelle au moment de la survenance de la maladie, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 07 mai 2013


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 18 sep. 2014, pourvoi n°13-20400

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Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 18/09/2014
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-20400
Numéro NOR : JURITEXT000029483103 ?
Numéro d'affaire : 13-20400
Numéro de décision : 21401431
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-09-18;13.20400 ?
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