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16/09/2014 | FRANCE | N°13-20083

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 septembre 2014, 13-20083


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 1844-7, 5° du code civil ;
Attendu que tout associé a qualité pour demander en justice la dissolution anticipée de la société pour justes motifs ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les parts représentant le capital de la société civile immobilière IWH, qui a pour gérant M. X..., sont détenues pour moitié par la société Brooks participation (la société Brooks), ayant également M. X... pour gérant, l'autre

moitié étant détenue en nue-propriété par Mme Y... et en usufruit par la société ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 1844-7, 5° du code civil ;
Attendu que tout associé a qualité pour demander en justice la dissolution anticipée de la société pour justes motifs ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les parts représentant le capital de la société civile immobilière IWH, qui a pour gérant M. X..., sont détenues pour moitié par la société Brooks participation (la société Brooks), ayant également M. X... pour gérant, l'autre moitié étant détenue en nue-propriété par Mme Y... et en usufruit par la société CW Finances, ayant Mme Y... pour gérante ; que, faisant valoir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société IWH, la société Brooks a fait assigner Mme Y..., la société CW Finances et la société IWH afin de voir prononcer la dissolution anticipée de cette dernière ;
Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt, après avoir retenu, par motifs adoptés, que si le droit d'agir en dissolution judiciaire appartient à tout associé qui se prévaut d'un intérêt légitime, son action n'est recevable qu'à la condition qu'il ne soit pas lui-même l'auteur du trouble social, relève qu'il ressort des conclusions et des pièces versées au dossier que le trouble social dont se prévaut la société Brooks résulte du comportement inadéquat de M. X..., gérant des sociétés Brooks et IWH ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si la circonstance, à la supposer établie, que l'associé qui exerce l'action est à l'origine de la mésentente qu'il invoque est de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution de la société, elle est sans incidence sur la recevabilité de sa demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de Mme Y... et de la société CW Finances, l'arrêt rendu le 9 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et la société CW Finances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Brooks participation.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de la SARL Broocks Participation tendant à voir prononcer la dissolution de la société civile immobilière IWH ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel, la SARL Brooks Participation expose que le premier juge a fait une application erronée de l'article 1844-7 5° du Code civil, en déclarant irrecevable sa demande de dissolution anticipée de la SCI IWH finances ; qu'elle ajoute que les conditions de l'article précité sont en l'espèce réunies compte tenu de la mésentente existant entre les associés, provoquant l'absence de possibilité de prise de décisions au sein des assemblées ; que certes les dispositions de l'article précité permettent au juge de prononcer la dissolution anticipée d'une société à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; mais que le premier juge doit être approuvé en ce qu'après avoir constaté le caractère avéré de la mésentente existant entre M. Philippe X... et Mme Claire Y..., détenant chacun directement ou indirectement la moitié du capital social de la SCI IWH, il a estimé que la SARL Brooks participation ne justifie pas de justes motifs pour solliciter la dissolution anticipée de la SCI IWH finances ; qu'en effet, il ressort des débats, conclusions et pièces versées au dossier que le trouble social dont se prévaut la SARL Brooks participation résulte du comportement inadéquat de M. Philippe X..., gérant à la fois de la SARL Brooks participation et de la SCI IWH ; qu'ainsi, la paralysie du fonctionnement de la société est en premier lieu la conséquence de l'absence de convocation des associés par le gérant aux assemblées générales ordinaires, et ce depuis la date de sa création, la cour observant à cet égard que si les associés ont effectivement été convoqués pour la première fois pour l'assemblée générale du 13 novembre 2009, soit à une date à laquelle la mésentente était largement cristallisée entre les parties, M. Philippe X... n'a pas cru devoir répondre à cette occasion aux légitimes demandes formulées par Mme Claire Y... et la SCI CW finances par courrier préalable du 1er juillet 2009, de sorte qu'il ne peut sérieusement arguer de l'impossibilité d'adopter une quelconque résolution, pour fonder sa demande ; qu'au surplus, par acte reçu le 1er octobre 2009 par maître Jean B..., notaire associé, la SCI IWH représentée par M. Philippe X..., a vendu à la SCI Icorp Reims, représentée par son gérant M. Z..., le seul bien immobilier lui appartenant, constitué d'un local commercial sis 26-28 rue du Cadran Saint-Pierre à Reims et comportant une surface de vente au rez-de-chaussée d'une superficie de 250 m2 et un sous-sol d'une superficie identique ; que la vente, consentie au prix de 663 000 euros, concerne des locaux occupés par la SAS Burton, exploitante en ces lieux d'un commerce de vêtements et destinataire d'un congé délivré le 17 avril 2008 par le bailleur pour le 31 octobre 2008, avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction ; que saisi par assignation délivrée le 07 et 10 décembre 2007 à la requête de Mme Y... et de la société civile CW finances d'une demande tendant à l'annulation de la vente susvisée, le tribunal de grande instance de Reims a notamment :- jugé que la SCI IWH et la SCI Icorp Reims ont entendu limiter le prix de vente de l'immeuble situé 26-28 rue du Cadran Saint-Pierre et 38 rue de Talleyrand à Reims à la somme de 663 000 euros dans l'acte de vente authentique du 1er octobre 2009,- qualifié l'accord de M. Philippe X..., de M. Stéphane A... et de la société Icorp Reims tendant à transférer à cette dernière la charge du paiement de l'indemnité d'éviction due à la société Burton de contre-lettre portant dissimulation du prix porté dans l'acte authentique apparent du 1er octobre 2009 ;- prononcé la nullité de cette contre-lettre et jugé que le paiement de l'indemnité d'éviction due à la société Burton incombe à la société IWH seule ;- débouté Mme Claire Y... et la société civile CW finances de leur demande de nullité de la vente conclue le 1er octobre 2009 sur le fondement de l'article 1321-1 du code civil ;- débouté débouté Mme Claire Y... et la société civile CW finances et Me Contant, ès qualités d'administrateur provisoire de cette dernière, de leur demande de nullité de la vente conclue le 1er octobre 2009, pour vil prix ;- ordonné une expertise confiée à trois experts inscrits sur la liste de la cour d'appel de Reims avec pour mission d'évaluer les droits et biens immobiliers dont il s'agit ;- sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, sur la demande de rescisions de la vente pour lésion de plus des 7/ 12èmes et sur la demande de responsabilité in solidum formée par maître contant, ès qualités, à l'encontre de M. Philippe X..., de M. Stéphane Z... et de la SCI Icorp Reims ; que s'il n'appartient pas à la cour de se prononcer dans le cadre de la présente instance, sur le caractère lésionnaire de la vente en litige, il n'en demeure pas moins que l'orientation donnée au dossier par le tribunal de grande instance de Reims corrobore les moyens de fait soutenus par les intimés, s'agissant de l'absence de justes motifs développés par la SARL Brooks participation au soutien de sa demande de dissolution anticipée de la SCI IWH ; qu'à titre surabondant, la cour observe pour la simple moralité des débats que la désignation, par arrêt du 31 mai 2010, de Me Philippe Contant en qualité d'administrateur judiciaire de la SCI IWH rend à tout le moins prématuré le prononcé de la dissolution judiciaire anticipée de cette dernière, l'administrateur étant tout à fait en mesure d'accomplir avec les diligences nécessaires sa mission jusqu'au terme des procédures actuellement en cours, opposant d'une part la SCI IWH à Mme Claire Y... et à la SCI CW finances, d'autre part la SCI IWH à la société Burton ; qu'en effet, en l'état de la société IWH, privée désormais d'élément d'actif à gérer, il n'existe ni gestion ni administration courant à réaliser, de sorte qu'aucun risque de paralysie de son activité n'est à redouter, durant la période d'administration de Me Contant ; qu'en définitive, il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré dans ses dispositions querellées, y compris celles relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE l'article 1844-7 5° du Code civil prévoit que la société civile prend fin notamment par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour juste motif, notamment en cas d'inexécution de ses obligations, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; que cependant, alors que le droit d'agir en dissolution judiciaire appartient à tout associé qui se prévaut d'un intérêt légitime, son action n'est recevable qu'à la condition qu'il ne soit pas lui-même l'auteur du trouble social ; qu'il apparaît certes clairement qu'il existe d'une part une mésentente profonde entre Monsieur Philippe X... et Madame Claire Y... - qui détiennent chacun directement ou indirectement la moitié du capital social de la SCI IWH - révélée par les très nombreuses actions en justice qui les opposent par ailleurs, d'autre part un blocage total du fonctionnement statutaire de la société litigieuse ayant rendu nécessaire la désignation d'un administrateur provisoire ; qu'il n'en reste pas moins que les dissensions entre les associés de la SCI IWH sont exclusivement dues à l'absence de convocation d'assemblées générales ordinaire depuis sa création, à la vente sans concertation du seul bien immobilier constituant l'actif social à un prix dont les premiers éléments produits par les défenderesses laissent présumer - à ce stade et sans anticiper la décision à intervenir sur ce point - un prix sensiblement inférieur à sa valeur réelle et au risque de faire supporter à la société le paiement d'une indemnité d'éviction substantielle ; qu'or force est de constater que ces difficultés sont toutes imputables à la gérance de Monsieur Philippe X... ; que Monsieur Philippe X... ne peut d'ailleurs pas reprocher à Madame Claire Y... et à la SIC CW Finances l'impossibilité d'adopter une quelconque décision collective, dès lors d'une part qu'il a refusé - à l'occasion de la seule assemblée générale annuelle qu'il a convoquée - toute explication sur les points expressément soulevés par les défenderesses dans un courrier du 1er juillet 2009 concernant la facturation des prestations de la SA Etablissements Lallement ou le prix de cession de l'immeuble, d'autre part qu'il s'est lui-même opposé aux résolutions soumises lors de l'assemblée générale ordinaire du même jour ; que nonobstant l'existence d'autres litiges entre les mêmes parties, susceptibles de confirmer au fond l'existence d'une mésentente sérieuse, force est de constater que le trouble social affectant la SCI IWH est manifestement et exclusivement imputable à Monsieur Philippe X..., agissant personnellement ou par l'intermédiaire de la SARL Brooks participation ;
ALORS QUE, D'UNE PART, il ressort des dispositions de l'article 1844-7 du Code civil que la dissolution anticipée d'une société peut être prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs notamment en cas de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; que l'imputabilité de la mésentente au demandeur s'oppose au succès de sa demande et non à la recevabilité de son action ; qu'en jugeant au contraire que la société Brooks Participation n'est pas recevable à demander la dissolution de la SCI IWH dès lors que la mésentente a pour origine le comportement du demandeur, la Cour viole l'article précité ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, subsidiairement, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action de la société Brooks Participation en dissolution de la société IWH dont elle détient des parts sociales, la Cour retient que le trouble social affectant la SCI IWH est exclusivement imputable à son gérant, Monsieur Philippe X... ; qu'en statuant ainsi, cependant que le comportement du gérant de la SARL Brooks Participation ne peut priver la société Brooks Participation, personne juridique distincte, de son action en dissolution de la société IWH, la Cour viole l'article 31 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-20083
Date de la décision : 16/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Dissolution - Causes - Demande d'un associé - Justes motifs - Mésentente des associés - Mésentente imputable au demandeur (non)

SOCIETE (règles générales) - Dissolution - Causes - Demande d'un associé - Justes motifs - Mésentente des associés - Mésentente imputable au demandeur - Recevabilité de la demande - Aucune incidence

Tout associé a qualité pour demander en justice la dissolution anticipée de la société pour justes motifs. Si la circonstance que l'associé qui exerce l'action est à l'origine de la mésentente qu'il invoque est de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution de la société, elle est sans incidence sur la recevabilité de sa demande


Références :

article 1844-7, 5°, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 09 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 sep. 2014, pourvoi n°13-20083, Bull. civ. 2014, IV, n° 129
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 129

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Debacq
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Laugier et Caston, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20083
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