LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., propriétaires d'une maison assurée auprès de la société ACM IARD (l'assureur), ont adressé le 15 août 2003 une déclaration de sinistre à leur assureur, à la suite de l'apparition de fissures sur les murs extérieurs et intérieurs de cette maison ; que l'état de catastrophe naturelle lié aux mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse provoquée par la canicule de l'été 2003 a été reconnu, par un arrêté interministériel du 25 août 2004, pour la commune de leur immeuble ; qu'aucun accord d'indemnisation n'étant intervenu avec l'assureur, M. et Mme X... ont obtenu le 20 juin 2006, en référé, la désignation d'un expert judiciaire, puis ont assigné au fond l'assureur en paiement de diverses sommes, le 1er février 2010 ;
Attendu que la première branche du moyen unique n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 114-1 du code des assurances, ensemble l'article 2251 du code civil ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme tardive, l'action de M. et Mme X..., l'arrêt énonce qu'il y a lieu de constater que la prescription biennale de l'action en paiement était acquise à compter du 21 juin 2008 ; que si l'assureur a continué, après cette dernière date, à assister aux opérations d'expertises et a adressé le 27 août 2009 un dire à l'expert concernant la nécessité ou non de mettre en place des micro pieux, une estimation des dommages et les devis produits par M. et Mme X..., cette attitude ne peut s'analyser comme la volonté non équivoque de renoncer à la prescription acquise, invoquée ensuite par lui dès le début de la procédure devant la juridiction du fond ; qu'en effet, le fait pour une partie de préserver ses droits dans le cadre de sa défense ne peut pas constituer l'expression non équivoque de la volonté de ne pas invoquer la prescription et aucun des actes accomplis par l'assureur ne révèle au cas présent un comportement incompatible avec une volonté de se prévaloir de la prescription acquise ;
Qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, aux termes du dire du 27 août 2009 qu'il avait adressé à l'expert judiciaire, dans lequel il concluait que « les désordres relevés sont effectivement la conséquence d'un effet de déshydratation et de réhydratation des sols dû à la sécheresse de 2003 » et proposait un chiffrage « des travaux nécessaires pour remédier aux désordres », l'assureur n'avait pas limité ses contestations à l'étendue des dommages et de la garantie sans émettre aucune réserve sur le principe même de la couverture du sinistre, manifestant ainsi sans équivoque sa volonté de renoncer à la prescription acquise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société ACM IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ACM IARD, la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré leur action irrecevable comme tardive ;
AUX MOTIFS QUE l'action en paiement de l'indemnité exercée par les époux X... contre la compagnie d'assurances ACM IARD, dérivant du contrat d'assurances, est soumise aux dispositions d'ordre public de l'article L. 114-2 du code des assurances ; que le législateur de 2008 n'a pas modifié ce texte qui prévoit que la désignation d'un expert interrompt la prescription biennale mais ne la suspend pas ; qu'il en résulte que l'article 2239 nouveau du code civil, qui dispose que le délai de prescription est suspendu pendant toute la durée de la mesure d'instruction ordonnée avant tout procès, par le juge des référés, et recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du jour où la mesure a été exécutée, n'est pas applicable à la cause ; que les époux X... sont mal fondés à soutenir, au visa de ce dernier article, que leur demande en date du 1er février 2010 ne serait pas prescrite au motif que l'expert judiciaire, commis par ordonnance de référé du 20 juin 2006, a déposé son rapport le 24 novembre 2009 ; qu'il y a lieu de constater que la prescription biennale de l'action en paiement était acquise à compter du 21 juin 2008 ; que si la compagnie d'assurances ACM IARD a continué, après cette dernière date, à assister aux opérations d'expertises et a adressé le 27 août 2009 un dire à l'expert sur la nécessité ou non de mettre en place des micro pieux, l'estimation des dommages et les devis produits par les époux X..., cette attitude ne peut s'analyser comme la volonté non équivoque de renoncer à la prescription acquise, invoquée, ensuite par elle, dès le début de la procédure devant la juridiction du fond ; qu'en effet, le fait pour une partie de préserver ses droits dans le cadre de sa défense ne peut pas constituer l'expression non équivoque de la volonté de ne pas invoquer la prescription et aucun des actes accomplis par la compagnie d'assurances ACM IARD ne révèle au cas présent un comportement incompatible avec une volonté de se prévaloir de la prescription acquise ; que l'acte interruptif du cours de la prescription résultant d'une reconnaissance par le débiteur du droit du créancier fait courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription de deux ans et n'a pas pour effet de frapper le débiteur d'une déchéance du droit d'invoquer la nouvelle prescription ; qu'ainsi, les offres d'indemnisation proposées par la compagnie d'assurances ACM IARD en février 2005 et avril 2006 avant la procédure de référé et l'absence de toute contestation de la créance d'indemnité devant le juge des référés ne font pas obstacle à ce que la compagnie d'assurances ACM IARD invoque l'écoulement d'un nouveau délai de deux ans ayant couru à compter de cet acte interruptif ; que la compagnie d'assurances ACM IARD, si elle n'a pas contesté au cours des opérations d'expertise le droit à garantie des époux X..., a toujours soutenu que la maison d'habitation des intéressés était stabilisée et qu'une reprise en sous-oeuvre n'était pas justifiée, manifestement ainsi de manière non équivoque son désaccord avec l'indemnité réclamée ; que les époux X... ne peuvent utilement invoquer l'effet interruptif résultant de la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier ; que les époux X... avaient la possibilité d'interrompre la prescription, notamment par l'envoi à l'assureur d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ce qu'ils n'ont pas fait, alors même qu'ils avaient pleine et entière connaissance, au regard des exigences légales et des conditions contractuelles, de la prescription biennale et qu'ils ne démontrent aucune impossibilité d'agir ; qu'ils ne peuvent imputer leur carence ou leur inertie à la compagnie d'assurances ACM IARD qui n'était pas tenue de leur rappeler les modes d'interruption de la prescription mentionnés dans la police d'assurances ; que rien ne démontre une attitude de la compagnie d'assurances ACM IARD pouvant être analysée comme une réticence dolosive ou une manoeuvre visant à retarder le règlement du sinistre et à laisser écouler le délai biennal dans l'intention délibérée d'invoquer, le moment venu, la prescription ; que la circonstance à cet égard que la compagnie d'assurances ACM IARD n'a pas versé l'indemnité due au titre de la garantie dans le délai de trois mois à compter de la date de publication de l'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle est indifférente dès lors qu'elle est antérieure à la désignation de l'expert qui a fait courir un nouveau délai de deux ans ; qu'il convient de relever par ailleurs que les époux X... ont refusé l'offre d'indemnisation proposée par la compagnie d'assurances ACM IARD et que cette dernière a soulevé, avant même toute défense au fond, la fin de non recevoir tirée de la prescription, par conclusions déposées le 1er juin 2010 ; que la demande des époux X... tendant à voir constater le manquement de l'assureur à son obligation de loyauté dans la mise en oeuvre du contrat engageant sa responsabilité contractuelle est mal fondée et au demeurant irrecevable, comme nouvelle en appel ; qu'il convient dès lors d'informer le jugement entrepris et de déclarer l'action des époux X... irrecevable, comme tardive ;
1°) ALORS QUE les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance de sorte que l'assureur est tenu de rappeler de manière exhaustive dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 de ce code, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; qu'en se bornant, pour déclarer l'action des époux X... irrecevable comme tardive, à énoncer que ces derniers avaient pleine et entière connaissance, au regard des exigences légales et des conditions contractuelles, de la prescription biennale et qu'ils ne pouvaient imputer leur carence ou leur inertie à la compagnie d'assurances ACM IARD qui n'était pas tenue de leur rappeler les modes d'interruption de la prescription mentionnées dans la police d'assurance, sans rechercher si ladite police mentionnait que la prescription était interrompue par la reconnaissance par l'assureur du droit de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-1, L. 114-2 et R. 112-1 du code des assurances ;
2°) ALORS QUE la renonciation de l'assureur à la prescription acquise peut résulter d'un comportement sans équivoque incompatible avec la volonté de se prévaloir de la prescription ; qu'en se bornant, pour déclarer l'action des époux X... irrecevable comme tardive, à affirmer, après avoir rappelé que le fait pour une partie de préserver ses droits dans le cadre de sa défense ne pouvait caractériser une renonciation à la prescription, que le dire adressé par la société ACM à l'expert en date du 27 août 2009 ne révélait pas un comportement incompatible avec une volonté de se prévaloir de la prescription acquise et ne pouvait s'analyser comme manifestant la volonté non équivoque de renoncer à la prescription acquise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, aux termes de ce dire, la société ACM n'avait pas, d'une part, limité ses contestations à l'étendue des dommages et de la garantie sans émettre aucune réserve sur le principe même de la couverture du sinistre et, d'autre part, formulé une proposition d'indemnisation chiffrée, adoptant par là-même un comportement incompatible avec la volonté de se prévaloir ultérieurement de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-1 du code des assurances et 2250 et 2251 du code civil ;
3°) ALORS QUE la renonciation de l'assureur à la prescription acquise peut résulter d'un comportement sans équivoque incompatible avec la volonté de se prévaloir de la prescription ; qu'en se bornant, pour déclarer l'action des époux X... irrecevable comme tardive, à affirmer que le dire adressé par la société ACM à l'expert en date du 27 août 2009 ne pouvait s'analyser comme manifestant la volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir de la prescription et qu'aucun des actes accomplis par la société ACM ne révélait un comportement incompatible avec une volonté de se prévaloir de la prescription acquise, sans examiner le dire adressé par l'assureur à l'expert en date du 29 mai 2009 et sans rechercher si, aux termes de ce dire, l'assureur n'avait pas, d'une part, limité ses contestations à l'étendue des dommages et de la garantie sans émettre aucune réserve sur le principe même de la couverture du sinistre et, d'autre part, confirmé la proposition d'évaluation des dégâts intérieurs à hauteur de 15. 411 euros déjà formulée lors de l'état préparatoire du 3 avril 2006, adoptant par là-même un comportement incompatible avec la volonté de se prévaloir ultérieurement de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-1 du code des assurances et 2250 et 2251 du code civil.