LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extrapatrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été victime d'une tentative d'assassinat dont l'auteur a été condamné par une cour d'assises ; qu'elle a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande en réparation de ses préjudices ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme l'indemnité devant être versée à la victime au titre du préjudice extrapatrimonial permanent, l'arrêt énonce que celle-ci réclame également une somme de 10 000 euros pour préjudice moral, faisant valoir qu'il existe un préjudice distinct de celui réparé par le déficit fonctionnel permanent (DFP) dans la mesure où compte tenu des liens qui l'unissaient à son agresseur ce préjudice dépasse la notion de douleur morale prise en compte dans le DFP ; que le rapport Y... a estimé qu'il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice et considéré qu'il était permis de prévoir un poste « préjudices permanents exceptionnels » qui permette d'indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extrapatrimonial ayant une résonance particulière, soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature des faits à l'origine du dommage ; qu'en l'espèce, Mme X... a été victime d'une tentative d'assassinat de la part de son ami, lequel lui aurait porté de nombreux coups de couteaux sur tout le corps ; que les circonstances de cette agression, par un proche, lui permettent d'obtenir une indemnisation au titre d'un préjudice permanent exceptionnel non indemnisé au titre du DFP ; qu'il lui sera alloué de ce chef la somme de 5 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent par ailleurs indemnisé, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le préjudice extrapatrimonial de Mme X... à la somme de 84 475 euros, l'arrêt rendu le 6 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Mlle X... les sommes de 11 983, 91 euros au titre des préjudices patrimoniaux et 84 475 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux ;
Aux motifs que s'agissant du préjudice moral ; que « Mademoiselle X... réclame 10 000 euros de ce chef, faisant valoir qu'il existe un préjudice distinct de celui réparé par le DFP dans la mesure où compte tenu des liens qui l'unissaient à son agresseur ce préjudice dépasse la notion de douleur morale prise en compte dans le DFP ; que le rapport Y... a estimé qu'il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice et considéré qu'il était permis de prévoir un poste " préjudices permanents exceptionnels " qui permette d'indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra patrimonial ayant une résonance particulière, soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature des faits à l'origine du dommage ; qu'en l'espèce, Mademoiselle X... a été victime d'une tentative d'assassinat de la part de son petit ami, lequel lui aurait porté de nombreux coups de couteaux sur tout le corps ; que les circonstances de cette agression, par un proche, permettent à Mademoiselle X... d'obtenir une indemnisation au titre d'un préjudice permanent exceptionnel non indemnisé au titre du DFP ; qu'il lui sera alloué de ce chef 5 000 euros » ;
Alors, d'une part, que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément ; qu'en allouant à Mlle X... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral tout en lui allouant les sommes de 30 000 euros au titre des souffrances endurées et de 32 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale ;
Alors, d'autre part, que le poste des préjudices permanents exceptionnels tend à indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais ; qu'ainsi, aucune somme ne peut être allouée à ce titre, en réparation d'un préjudice moral déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en allouant néanmoins à Mlle X... la somme de 5 000 euros en réparation d'un préjudice moral permanent exceptionnel cependant qu'elle avait déjà alloué la somme de 32 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale.