La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2014 | FRANCE | N°13-22346

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 septembre 2014, 13-22346


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X...et Y..., médecins, s'estimant contraints, par la cessation de certaines activités décidée par la direction de la clinique du Mail où ils exerçaient, de quitter cet établissement, ont conclu avec la société Intégrande, le 16 mars 2007, une transaction aux termes de laquelle ils consentaient, d'une part, la signature d'un compromis portant sur la vente d'un l

ocal appartenant à une SCI dont ils étaient les gérants, d'autre part, à être in...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X...et Y..., médecins, s'estimant contraints, par la cessation de certaines activités décidée par la direction de la clinique du Mail où ils exerçaient, de quitter cet établissement, ont conclu avec la société Intégrande, le 16 mars 2007, une transaction aux termes de laquelle ils consentaient, d'une part, la signature d'un compromis portant sur la vente d'un local appartenant à une SCI dont ils étaient les gérants, d'autre part, à être indemnisés de leur préjudice en percevant une indemnité d'éviction de 428 000 euros ; que la vente n'ayant pas été réitérée par acte authentique, ils ont signifié, le 16 février 2012, à la société Intégrande, un commandement aux fins de saisie vente de la somme correspondant à l'indemnité, mesure que cette dernière a contesté ;

Attendu que, pour dire que M. X...et M. Y... disposaient d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de 428 000 euros, et rejeter les demandes de la société en nullité du commandement et en paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a considéré que, s'il ressortait clairement de l'exposé des faits, figurant en préambule de la convention litigieuse, que le différend qui opposait les parties portait sur les conditions d'exercice des praticiens au sein de la clinique du Mail, et que ceux-ci, estimant que leur activité étant compromise, envisageaient de céder les parts de la SCI propriétaire des murs et de réclamer l'indemnisation de leur préjudice, l'accord reprenait, dans le fond, cette distinction, sans soumettre la réalisation d'un événement à l'autre, que les deux circonstances étant indépendantes, le versement de l'indemnité d'éviction n'étant pas conditionné à la réitération de la vente, et qu'en la forme, l'emploi du futur, et non du conditionnel sur le versement de l'indemnité, « l'indemnité sera payée », dans un paragraphe distinct rendait le paiement certain, la période du premier trimestre 2009 n'étant mentionnée qu'à titre de prévision de la date de réitération par acte authentique de la vente ; qu'elle en a déduit que le protocole ne prévoyait aucune date de versement de cette indemnité, les termes employés ne permettant pas de le fixer au cours du premier trimestre 2009 ou à l'occasion de la réitération et que, dès lors, le paiement n'était soumis ni à une condition ni à un terme et était certain ;

Qu'en statuant ainsi, quand la convention stipulait, de façon claire et précise, que le versement de l'indemnité conventionnelle n'aurait lieu qu'à la date de la réitération de la vente par acte authentique, la cour d'appel en a dénaturé les termes, violant ainsi le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne MM. X...et Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. X...et Y... ; les condamne à payer à la société Intégrande la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Integrande

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X...et M. Y... disposaient d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de 428. 000 ¿ et d'avoir, en conséquence, débouté la société Intégrande de ses demandes de nullité du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 16 février 2012 et en paiement de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'ainsi que l'a rappelé le premier juge, les articles L. 111-2 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution n'autorisent un créancier à faire procéder à la saisie et à la vente des biens de son débiteur qu'à condition de détenir un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Le caractère exécutoire du protocole transactionnel conclu entre MM. X...et Y..., d'une part et la société Intégrande, d'autre part, n'est pas contesté et résulte de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Grenoble le 25 novembre 2011. La conclusion du protocole, énoncée en tête du présent, distingue deux éléments, la signature d'un compromis portant sur la vente du local des appelants et le versement d'une indemnité d'éviction de 428. 000 ¿, objet du litige. Elle prévoit que cette somme sera payée par la société Intégrande ou une personne morale qu'elle se substituera lors de la réitération de l'acte authentique qui est prévue au cours du 1er trimestre 2009. L'exposé des faits qui précédent cette conclusion éclaire les intentions des parties et les conditions dans lesquelles le protocole est intervenu : « Les docteurs Aguilianu et Y... exercent depuis 1989 leur activité de pneumologue et de cardiologue dans un tènement immobilier actuellement dénommé « clinique du Mail ». Ce tènement est composé de deux bâtiments. La clinique du Mail développait essentiellement deux activités principales : la cancérologie et la radiologie. Les dirigeants de la clinique décidaient de requalifier leur activité en transférant notamment et immédiatement la cancérologie d'hospitalisation et toutes les activités d'endoscopie, notamment bronchiques, et à la fin du deuxième trimestre 2008, c'est-à-dire à très court terme, toute l'activité de cancérologie. Ne subsistera plus qu'une activité de radiologie. Les docteurs Aguilianu et Y... n'ont jamais été consultés sur ce changement d'orientation qui les concerne pourtant directement au plan professionnel. La mise en application de ces mesures met un terme définitif à l'activité « hospitalière de quartier » de la clinique du Mail. Il n'y aura notamment plus d'activité chirurgicale. Les docteurs X...et Y... ont donc été contraints d'envisager : 1. la vente des murs au travers de la SCI Effort dont ils sont les gérants, moyennant le prix de 272. 651, 20 ¿ entre les mains de maître Dugueyt notaire à Saint-Martin-d'Hères ; 2. l'indemnisation du préjudice qu'ils subissent en raison d'une situation qui leur est imposée et qui les oblige à un déménagement et une réinstallation. Ils ont fait connaître aux représentants de la clinique du Mail leur désapprobation et leur intention d'engager une procédure devant la juridiction compétente pour obtenir une juste réparation du préjudice qu'ils subissent. La clinique du Mail a fait savoir par son mandataire, M. Renaud Z..., qu'elle ne contraignait absolument pas les docteurs X...et Y... de quitter les lieux, qu'ils pouvaient donc parfaitement continuer à exercer leur activité au sein de la clinique. Les docteurs X...et Y... ont rétorqué qu'il leur était bien évidemment impossible, ce que n'ignorait pas la clinique du Mail, de poursuivre leur activité au sein d'un environnement complètement modifié qui de fait les excluait C'est dans ces conditions qu'une divergence sérieuse, fondamentale et durable s'est installée entre les parties. Bien que maintenant leurs points de vue respectifs, les parties, après discussions sur le différend qui les oppose et concessions réciproques tant sur la nature que sur le quantum, afin de clore définitivement le présent litige au mieux des intérêts de chacun et d'éviter toutes difficultés futures qui pourraient naître de cette situation, se sont rapprochées et ont finalement convenu en toute connaissance de cause et de manière irrévocable ainsi que chacun le déclare en ce qui le concerne de mettre un terme à leur différend et d'apporter une solution amiable à titre transactionnel ». II ressort clairement de cet exposé que le différend qui oppose les parties porte sur les conditions d'exercice des appelants au sein de la clinique du Mail et que ceux-ci ont estimé que, leur activité étant compromise, ils envisageaient de céder les parts de la SCI propriétaire des murs et de réclamer l'indemnisation de leur préjudice. L'accord conclu entre les parties, sur la cession des parts et l'indemnité d'éviction reprend, dans le fond, cette distinction sans soumettre la réalisation d'un événement à l'autre. Les deux circonstances étant indépendantes, le versement de l'indemnité d'éviction n'est pas conditionné à la réitération de la vente. Il en est de même dans la forme ; en effet l'emploi du futur, et non du conditionnel, sur le versement de l'indemnité (« l'indemnité sera payée ») dans un paragraphe distinct rend le paiement certain, la période du 1er trimestre 2009 n'étant mentionnée qu'à titre de prévision de la date de réitération par acte authentique de la vente. Par contre le protocole ne prévoit aucune date de versement de cette indemnité ; les termes employés ne permettant pas de le fixer au cours du 1er trimestre 2009 ou à l'occasion de la réitération ; tout au plus, il est possible de considérer qu'il interviendra lors de la libération des lieux par MM. X...et Y... en ce que celle-ci constitue la contrepartie de l'indemnité. Le paiement de la somme de 428. 000 ¿ n'étant soumis ni à une condition ni à un terme et étant certain, la créance des appelants est liquide et exigible. Le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grenoble sera donc infirmé et la société Intégrande déboutée de ses demandes ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE le protocole d'accord transactionnel conclu entre les parties le 16 mars 2007 stipulait que : « Les docteurs X...et Y... ont consenti :- la signature d'un compromis portant sur la vente de leur local d'une superficie de 261, 48 m ² et les 478/ 110000èmes des choses communes générales et du sol, moyennant le prix de 272 651, 20 ¿,- d'être indemnisés du préjudice qu'ils subissent en percevant une indemnité d'éviction de 428 000 ¿. Cette indemnité leur sera payée par la société Intégrande ou par toute personne morale ou physique qu'elle se substituera lors de la réitération de l'acte authentique, soit prévisionnellement au cours du premier trimestre 2009 » ; qu'il prévoyait ainsi que le paiement de l'indemnité d'éviction interviendrait au moment de la réalisation de l'événement constitué par la réitération de l'acte authentique de vente du local appartenant aux docteurs X...et Y... ; que dès lors, en déclarant que « le protocole ne prévoit aucune date de versement de cette indemnité, les termes employés ne permettant pas de le fixer au cours du 1er trimestre 2009 ou à l'occasion de la réitération » et que « le paiement de la somme de 428. 000 ¿ n'étant soumis ni à une condition ni à un terme et étant certain, la créance des appelants est liquide et exigible », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du protocole transactionnel et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

2) ALORS, D'AUTRE PART QUE les juges du fond sont liés par les prétentions respectives des parties telles que fixées dans leurs conclusions et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, MM. X...et Y... soutenaient que, comme l'avait retenu le juge de l'exécution, le paiement de l'indemnité d'éviction prévue par la transaction était affecté d'un terme constitué par la réitération de la vente de l'immeuble par acte authentique ; que l'exposante soutenait, pour sa part, dans ses conclusions d'appel que le versement de l'indemnité d'éviction était subordonné à la réitération de l'acte authentique, évènement futur et incertain constituant une condition ; qu'ainsi, nulle partie ne prétendait que cette obligation contractuelle n'était affectée d'aucune modalité temporelle ; que dès lors, en affirmant, pour dire liquide et exigible la créance de MM. X...et Y..., que le paiement de l'indemnité d'éviction de 428. 000 ¿ n'était soumis ni à une condition ni à un terme et était certain, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3) ALORS, EN OUTRE, QU'il résulte de l'article 1185 du code civil, que le terme diffère de la condition, en ce qu'il ne suspend point l'engagement, dont il retarde seulement l'exécution ; que l'événement futur et incertain, non seulement dans sa date mais aussi dans sa réalisation, constitue une condition ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord transactionnel du 16 mars 2007 stipulait que l'indemnité d'éviction de 428. 000 ¿ « sera payée par la société Intégrande ou par toute personne morale ou physique qu'elle se substituera lors de la réitération de l'acte authentique » ; qu'il subordonnait ainsi le paiement de l'indemnité d'éviction à l'événement incertain quant à sa date et quant à sa réalisation constitué par la réitération de l'acte authentique de vente, de sorte que cette obligation était affectée d'une condition ; que dès lors, en décidant, pour dire liquide et exigible la créance des docteurs X...et Y..., que le paiement de la somme de 428. 000 ¿ n'était pas soumis à une condition et était certain, la cour d'appel a violé l'article 1185 du code civil.

4) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE dans ses conclusions d'appel, la société Intégrande soutenait que les docteurs X...et Y... ne pouvaient valablement saisir une somme correspondant à l'indemnité d'éviction, dès lors qu'ils n'avaient pas été évincés de leur local mais l'avaient quitté de leur plein gré, bien après la période indiquée dans le protocole transactionnel, l'un pour prendre sa retraite et l'autre pour créer une nouvelle équipe ; que dès lors, en ne répondant pas à ce moyen tiré de l'absence d'éviction des vendeurs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-22346
Date de la décision : 10/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 21 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 sep. 2014, pourvoi n°13-22346


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22346
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award