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09/09/2014 | FRANCE | N°13-16786

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 septembre 2014, 13-16786


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 694 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 28 février 2013) que M. Y... et la société Les Joger (la société) sont propriétaires de parcelles issues de la division d'un fonds unique par acte du 14 septembre 1965 ; que M. Y..., se prétendant bénéficiaire d'une servitude de passage par destination du père de famille sur le fonds appartenant à la société, a assigné celle-ci en enlèvement des obstacles entravant le passage ;
Attendu que po

ur dire que le fonds de M. Y... ne bénéficie pas d'une servitude par destinati...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 694 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 28 février 2013) que M. Y... et la société Les Joger (la société) sont propriétaires de parcelles issues de la division d'un fonds unique par acte du 14 septembre 1965 ; que M. Y..., se prétendant bénéficiaire d'une servitude de passage par destination du père de famille sur le fonds appartenant à la société, a assigné celle-ci en enlèvement des obstacles entravant le passage ;
Attendu que pour dire que le fonds de M. Y... ne bénéficie pas d'une servitude par destination du père de famille sur celui de la société, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'existence de signes apparents d'un chemin de servitude n'est pas établie en l'état des constatations contradictoires des procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 25 mars 2008 et 18 février 2009 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il existait des signes apparents de servitude lors de la division du fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;
Condamne la société Les Joger aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Joger à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE (...) M. Y..., propriétaire de la parcelle cadastrée section BD n° 349 en vertu d'un acte de vente notarié du 30 juin 2005, se prétend bénéficiaire d'une servitude de passage sur la parcelle contiguë cadastrée section BD. N° 126 appartenant à la SCI des Joger ; que les parcelles en cause faisaient à l'origine partie, avec d'autres parcelles, de la succession X... et qu'elles ont fait l'objet d'un partage divis dans les termes d'un acte notarié du 14 septembre 1965, Mademoiselle Anne X... devenant propriétaire des parcelles vendues à M. Y... le 30 juin 2005 et son frère, M. Jean-Baptiste X..., devenant propriétaire des parcelles vendues à la SCI des Joger le 24 août 1976 ; que pour revendiquer l'existence à son profit d'une servitude conventionnelle de passage, M. Y... se fonde à la fois sur les mentions de l'acte notarié précité du 14 septembre 1965 et sur celles d'un acte notarié du 28 juillet 1971 portant vente par Mademoiselle Anne X... de trois parcelles cadastrées section N n° 941p, 942p et 943p à MM. Jean José et Jean Alphonse Z... ; qu'après avoir rappelé des dispositions de l'article 691 4 du code civil, c'est (cependant) par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte que les premiers juges ont exactement décidé que les termes de l'acte notarié du 14 septembre 1965 ne faisaient pas la preuve de la stipulation de la servitude de passage invoquée par M. Y... ; que le passage mentionné dans l'acte notarié du 8 mai 1971 n'est pas opposable à la SCI des Joger qui n'est pas partie à cet acte, cette SCI ayant acquis les parcelles cadastrées section B. D. n° 29 et 348 devenues la parcelle cadastrée section BD n° 526 de M. Jean-Baptiste X... suivant acte notarié du 1er octobre 1976 ne contenant aucune stipulation relative à une servitude de passage ;
QUE répondant au moyen de M. Y... tiré de l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille, le tribunal de grande instance a exactement déduit que l'existence de signes apparents d'un chemin de servitude n'était pas établie en l'état des constatations contradictoires sur ce point figurant dans les procès-verbaux de constat d'huissier versés aux débats et qu'il n'était pas démontré que Jeanne X... propriétaire de l'ensemble des parcelles litigieuses ait entendu instituer un droit de passage ; qu'il convient de confirmer le jugement déboutant M. Y... de son action ;
ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QU'il est constant d'une part que la SCI est propriétaire des parcelles 526 et 29 de la section BD (la parcelle 526 correspondant à l'ancienne parcelle 348) et d'autre part que monsieur Hervé Y... est propriétaire des parcelles numéro 349 et 30 de la section BD ; que le litige porte sur l'existence d'un chemin de servitude qui traverserait selon le demandeur les parcelles 526 et 274 et qui relirait le chemin départemental numéro neuf au chemin départemental numéro 148 ; qu'il est également établi que les parcelles litigieuses faisaient à l'origine partie de la succession X... et qu'elles ont fait l'objet d'un partage divis suivant acte notarié du 14 septembre 1965, Mademoiselle Anne X... devenant propriétaire des parcelles vendues à monsieur Hervé Y... le 30 juin 2005 et son frère, Monsieur Jean-Baptiste X... devenant propriétaire des parcelles vendues à la SCI les Joger le 24 août 1976 ; que monsieur Hervé Y... estime être titulaire d'une servitude de passage sur le fonds appartenant à la SCI les Joger en vertu d'un acte du 14 septembre 1965 et qualifie cette servitude de conventionnelle ; qu'il invoque ensuite la servitude par destination du père de famille ; que la SCI rétorque qu'aucune servitude conventionnelle n'est établie ; qu'elle ajoute qu'une servitude de passage étant discontinue ne peut être établie par destination du père de famille et ne peut être établie que par le titre du propriétaire du fonds servant en vertu de l'article 691 du code civil ; que l'article 691 du Code civil dispose que les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes ne peuvent s'établir que par titre ; qu'en l'espèce il ressort de l'acte du 14 septembre 1965 reçu par Maître Henri E..., notaire à Allassac que Mme Jeanne X... épouse A... a vendu une propriété immobilière constituée de trois lots d'une part à Mademoiselle Anne X... lot numéro deux et d'autre part à Monsieur Jean-Baptiste X... dit B... lot numéro un et trois, ses frères et soeurs ; que Mademoiselle Anne X... Monsieur Jean-Baptiste X... dit B... ont convenu dans la suite de l'acte les dispositions suivantes « il est formellement convenu entre les deux cédants que les servitudes d'eau, de puits et de la source et la jouissance et usage de tous les passages et dégagements actuels resteront communs entre les deux attributaires. Toutefois, il est également convenu plus les chemins existants pourront être déplacés pour quelque raison que ce soit par l'un ou l'autre des attributaires sans qu'il puisse y être fait opposition par l'autre partie » ; qu'à la copie de cet acte était annexée la copie de la convention entre les intéressés ainsi qu'un plan des lieux faisant apparaître un chemin passant sur le lot attribué à Jean-Baptiste X... et sur le lot attribué à Anne X... reliant la route d'Allassac à Garavet à la route d'Allassac à Saint Viance ; que la clause telle qu'elle est rédigée et reprise cidessus ne permet pas de caractériser le chemin allégué par Monsieur Hervé Y... ; qu'en effet aucune description de la localisation d'un tel chemin n'est mentionnée, la clause se bornant à faire état de généralités ; que par ailleurs le défendeur établit que le plan des lieux n'est pas annexé à l'acte authentique enregistré à la conservation des hypothèques ; qu'enfin il n'existe aucune clause relative à une servitude de passage dans les actes postérieurs passés entre Monsieur Jean-Baptiste X... et la SCI les Joger le 1er octobre 1976 portant sur la cession des parcelles numéro 29 et 348 de la section B. D., devenue la parcelle numéro 526, et le 30 juin 2005 portant sur les parcelles numéro 349 et 30 de la section B. D. et numéro 41 de la section BR ; qu'en conséquence la preuve de l'existence d'une servitude conventionnelle n'est pas rapportée :
QUE l'article 692 du code civil dispose que la destination du père de famille vaut titre à l'égard de servitudes continues et apparentes ; que l'article 693 du même code précise qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude ; qu'enfin l'article 694 dispose que si le propriétaire des deux héritages entre lesquels il existe un signe de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné » ; qu'il résulte de ces dispositions que les fonds divisés doivent avoir appartenu à l'origine au propriétaire ; que l'aménagement constitutif de la servitude doit avoir été le fait du propriétaire d'origine ou tout au moins le dernier propriétaire commun doit avoir entendu maintenir l'aménagement constitutif de la servitude au moment de la séparation des fonds s'il ne l'a pas établi lui-même ; que l'intention du propriétaire d'établir implicitement une servitude entre une partie de son fonds d'une autre partie doit être établie de façon certaine ; que dans l'hypothèse d'une servitude discontinue, celui qui invoque l'article 694 du Code civil que l'acte de séparation des fonds ne contient aucune disposition contraire de maintien de la servitude ; que seules les servitudes apparentes qui se révèlent par un aménagement extérieur visible sont susceptibles d'être établies par destination du père de famille ; qu'en l'espèce les parties versent aux débats des constats d'huissier en contradiction totale sur le fait que le chemin allégué est ou non apparent ; qu'ainsi le constat du 25 mars 2008 dressé par Maître Didier D..., à la requête de Messieurs Michel C... et Hervé Y... précise que l'assiette du chemin de servitude est parfaitement visible sur toute sa longueur, qu'un terrassement vient d'être réalisé à l'aide d'une pelle mécanique, qu'un tas de terres et de gravats a été déposé juste sur l'assiette du chemin de servitude et qu'à ce jour l'assiette du chemin de servitude située sur la parcelle numéro 526 est entièrement obstrué » ; que cependant le constat du 18 février 2009 de Maître Isabelle F..., huissier de justice à Meyssac, requise par la SCI dans le cadre d'une instance en référé l'opposant pour le même litige à Monsieur Michel C..., voisin de Monsieur Hervé Y..., établit que « sur la parcelle numéro 526 propriété de la requérante, il n'y a aucun chemin et qu'elle est en terre avec des ronciers des joncs et de la terre pour remblais » ; que ces éléments soumis au tribunal ne lui permettent pas de retenir l'existence d'un chemin de servitude qu'il n'est pas établi que Madame Jeanne X... épouse A... propriétaire originaire de l'ensemble des parcelles litigieuses ait souhaiter établir un droit de passage entre les parcelles, aucune disposition en ce sens n'étant stipulée dans la copie de l'acte de cession produite aux débats ; qu'en conséquence il y aura lieu de débouter Monsieur Hervé Y... de l'intégralité de ses demandes ;
1°) ALORS QUE le défaut de mention expresse d'une servitude dans le corps d'un acte notarié ne fait pas obstacle à sa reconnaissance lorsque celle-ci résulte d'un plan annexé audit acte ; qu'en retenant, par adoption de motifs, que la clause insérée dans l'acte du 14 septembre 1965 se borne à faire état de généralités sans procéder à la description et à la localisation du chemin de servitude, après avoir constaté « qu'à la copie de cet acte était annexée la copie de la convention entre les parties ainsi qu'un plan des lieux faisant apparaître un chemin passant par le lot attribué à Jean-Baptiste X... et sur le lot attribué à Anne X... reliant la route d'Allassac à Garavet à la route d'Allassac à Saint Viance », ce dont il résultait que la servitude était ainsi matérialisée par un plan annexé à l'acte et auquel ce dernier faisait, de surcroît, expressément référence, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 691 du code civil ;
2°) ALORS QU'en relevant, pour dire que la clause insérée dans l'acte du 14 septembre 1965 se borne à faire état de généralités sans procéder à la description et à la localisation du chemin de servitude, que les parties ont convenu « que les servitudes d'eau, de puits et de la source et la jouissance et usage de tous les passages et dégagements actuels resteront communs entre les deux attributaires. Toutefois, il est également convenu plus les chemins existants pourront être déplacés pour quelque raison que ce soit par l'un ou l'autre des attributaires sans qu'il puisse y être fait opposition par l'autre partie », quand l'acte stipulait ensuite que les parties ont convenu « d'annexer au présent acte un croquis relatant la division qui sera certifié véritable par les deux cessionnaires », ce dont il résulte que le chemin de servitude était précisément matérialisé dans l'acte, la cour d'appel a dénaturé l'acte authentique du 14 septembre 1965, et partant violé l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU'une servitude est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé non seulement si elle a été publiée, ou si son acte d'acquisition en fait mention, mais encore s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition ; qu'en se bornant à affirmer, par adoption de motifs, que la servitude de passage matérialisée sur le plan annexé à l'acte de vente et de partage du 14 septembre 1965 n'était pas opposable à la SCI des Joger, à défaut de publication dudit plan à la conservation des hypothèques, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si la SCI des Joger n'avait pas eu connaissance de cette servitude lors de son acquisition en 1976 puisque la société l'a parfaitement respectée de 1976 à 2008, date à laquelle les parts de la SCI ont été cédées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 691 du code civil ;
4°) ALORS QUE lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à voir reconnaître une servitude par destination du père de famille, le juge doit rechercher s'il existait à la date où le fonds a été divisé, un signe apparent de servitude ; qu'en affirmant, par des motifs propres et adoptés, pour conclure à l'absence de servitude par destination du père de famille, que l'existence de signes apparents d'un chemin de servitude n'était pas établie en l'état des constatations contradictoires sur ce point figurant dans les procès-verbaux de constat d'huissier versés aux débats en date des 25 mars 2008 et 18 février 2009, tout en constatant que les parcelles en cause faisaient à l'origine partie, avec d'autres parcelles, d'une même propriété ayant été divisée par un acte notarié du 14 septembre 1965, ce dont il résultait que des signes apparents de servitude devait être recherchés à la date de la division de la propriété en 1965, et non à partir de 2008 postérieurement à l'obstruction du chemin par le propriétaire du fonds servant, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 688, 691 et 694 du code civil ;
5°) ALORS QU'une servitude de passage par destination du père de famille existe sauf si l'acte notarié emportant division du fonds comporte une stipulation expresse contraire faisant obstacle à l'établissement ou au maintien de la servitude ; qu'en affirmant qu'il n'était pas démontré que Jeanne X... propriétaire de l'ensemble des parcelles litigieuses ait entendu instituer un droit de passage, la cour d'appel a violé l'article 694 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-16786
Date de la décision : 09/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Cour d'appel de Limoges, 28 février 2013, 12/00049

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 28 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 sep. 2014, pourvoi n°13-16786


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.16786
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