LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée ; Vu l'avis émis le 24 mai 2012 par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui a écarté la responsabilité professionnelle de la SCP A..., aux droits de laquelle vient la SCP B...(la SCP), avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu la requête présentée par Mme X...le 28 novembre 2013 ; Attendu que la SCP, désignée pour former, au nom de Mme X..., un pourvoi contre un jugement du 13 mars 2008 rendu par le tribunal de grande instance de Basse-Terre rejetant son recours contre une décision du juge des tutelles du 15 octobre 2007 ayant désigné, en qualité de tuteur de sa mère Emilia Jeanne, alors domiciliée en Guadeloupe, une association locale en remplacement d'une association métropolitaine, a déposé un mémoire ampliatif dont le premier moyen reprochait au jugement attaqué de statuer malgré une demande de report de l'audience en vue d'obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle et a produit deux lettres des 26 et 28 février 2008 adressées à cette fin par la requérante au tribunal ; que par arrêt du 23 septembre 2010, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Mme X...au motif qu'il ne résultait ni du jugement ni des productions que celle-ci, qui ne prétendait pas avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle, avait adressé au tribunal de grande instance la lettre du 28 février 2008 ; que reprochant à la SCP d'avoir commis une faute de négligence en s'abstenant de produire les pièces justificatives de sa demande de report de l'audience, Mme X...sollicite le paiement de la somme de 85 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'une chance sérieuse d'obtenir la cassation du jugement attaqué, puis l'annulation, sur recours, de la décision du juge des tutelles ; Attendu qu'en omettant de produire la preuve de l'envoi par télécopie, au tribunal, de la lettre du 28 février 2008 que Mme X...affirmait lui avoir transmis, sans susciter de contestation, et de faire état de la demande d'aide juridictionnelle déposée le 29 février 2008 et d'en justifier par la production de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 avril 2008, dont elle avait copie, la SCP a commis une faute qu'elle ne conteste d'ailleurs pas ; Attendu, sur le préjudice, que les chances, pour Mme X..., d'obtenir une cassation du jugement du 23 mars 2008 étaient particulièrement sérieuses, dès lors que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, en statuant sur l'appel dont elle est saisie, alors qu'une partie a sollicité, avant la date de l'audience, l'attribution de l'aide juridictionnelle, la juridiction viole les articles 2 et 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il s'ensuit que si la SCP avait justifié, d'une part, de l'envoi au tribunal de grande instance d'une demande de report d'audience motivée, d'autre part, de la saisine du bureau d'aide juridictionnelle avant l'ouverture des débats ainsi que de sa réponse favorable, le jugement attaqué aurait été certainement cassé, le décès d'Emilia Jeanne en cours d'instance ne privant pas Mme X...d'un intérêt à remettre en cause la désignation du tuteur et la validité des actes conclus par celui-ci ; Attendu, en revanche, qu'il n'apparaît pas que Mme X...avait des chances sérieuses d'obtenir, devant la juridiction de renvoi, l'infirmation de l'ordonnance du 15 octobre 2007, dès lors que la majeure protégée vivait en Guadeloupe, sans que soit établi que cette situation lui était préjudiciable, ce qui conduisait à la désignation d'un tuteur résidant dans ce département, condition indispensable à l'exercice de sa mission ; qu'elle ne pouvait donc raisonnablement espérer que l'instance en nullité de la vente immobilière consentie par sa mère serait entachée d'une irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de l'association tutélaire guadeloupéenne ; Attendu, en conséquence, que la faute commise par la SCP, qui a seulement fait perdre à Mme X...une chance d'obtenir la cassation du jugement attaqué et un nouvel examen de sa demande par les juges du fond, lui a causé un dommage dont la réparation appelle l'allocation d'une indemnité de 3 000 euros ;
PAR CES MOTIFS : DIT que la SCP B...a engagé sa responsabilité professionnelle envers Mme X...; CONDAMNE la SCP B...à payer à Mme X...la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Condamne la SCP B...aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille quatorze.