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10/07/2014 | FRANCE | N°13-19816

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juillet 2014, 13-19816


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 janvier 2013), que Nicolas X..., membre de la Fédération française de spéléologie (la Fédération) et de sa commission Spéléo-secours Français, est décédé lors des opérations de secours organisées pour retrouver un spéléologue dont la disparition avait été signalée ;
Attendu que Mme veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, fait grief à l'arrêt d

e rejeter sa demande tendant à obtenir la condamnation de la Fédération à réparer son pr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 janvier 2013), que Nicolas X..., membre de la Fédération française de spéléologie (la Fédération) et de sa commission Spéléo-secours Français, est décédé lors des opérations de secours organisées pour retrouver un spéléologue dont la disparition avait été signalée ;
Attendu que Mme veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir la condamnation de la Fédération à réparer son préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ que l'association sportive est tenue envers ses membres et adhérents d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence et doit réparation du dommage qui, sans sa faute, ne se serait pas réalisé ; que cette obligation de sécurité doit être appréciée avec d'autant plus de rigueur que le sport pratiqué est dangereux si bien qu'en écartant toute responsabilité de la Fédération sans rechercher, comme ses constatations devaient l'y conduire, si la mission visant à récupérer le corps du plongeur au-delà du point ¿ 60 mètres confiée, en dehors de toute situation d'urgence, à Nicolas X..., qui n'était pas expérimenté en plongée en zone profonde avec utilisation du mélange Trimix, n'était pas constitutive d'une faute d'imprudence en rapport de causalité avec l'accident mortel dont il a été victime au cours de l'opération de secours spéléologique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que l'association sportive est tenue envers ses membres et adhérents d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence et doit réparation du dommage qui, sans sa faute, ne se serait pas réalisé ; que l'inexécution de cette obligation de sécurité engage sa responsabilité, peu importe que cette inexécution résulte de son propre fait, ou de celui qui se serait substitué à elle pour l'exécution du contrat de sorte qu'en écartant toute responsabilité de la Fédération dans ses rapports avec l'un de ses membres, Nicolas X..., sans rechercher, comme ses constatations devaient l'y conduire, si la décision de poursuivre les opérations d'évacuation, malgré l'absence de caractère urgent et les conditions très difficiles liées à la température de l'eau et sa turbidité connues de l'ensemble des plongeurs, prise sans l'autorisation de M. G..., responsable des plongées, et sans que les plongeurs en aient été empêchés par un responsable des opérations de secours spéléologique, ne révélait pas un manque de prudence et de diligence dans l'organisation des plongées en rapport de causalité avec l'accident mortel dont Nicolas X... a été victime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé, d'une part, que Nicolas X..., très expérimenté en plongée, mais peu en zone profonde avec utilisation du gaz respiratoire Trimix, avait reçu du responsable des plongées mission d'équiper les lieux d'une corde après que ceux-ci eussent été repérés par des plongeurs chevronnés et, d'autre part, que l'opération de secours ne présentait plus aucun caractère d'urgence, le décès du spéléologue disparu étant avéré, retient que la poursuite des opérations, rendues très difficile par la température et la turbidité de l'eau, ne pouvait être reprochée à la Fédération, qui avait mis en place une organisation ayant mobilisé un nombre important de personnes, puisque cette décision résultait de ce que Nicolas X... et le plongeur qui l'accompagnait avaient décidé, pour remonter le corps localisé de la personne disparue, d'exécuter sans délai la plongée au cours de laquelle Nicolas X... a trouvé la mort, alors que le responsable des plongées avait pourtant fait savoir qu'il convenait d'attendre sa prochaine arrivée sur le site ; qu'il résulte de ces constatations que la Fédération n'avait pas confié à Nicolas X... des missions excédant ce qui pouvait lui être raisonnablement demandé au vu de ses aptitudes et de son expérience et que, en dépit de conditions défavorables et de l'absence d'urgence, la poursuite des opérations de secours n'avait été que la conséquence d'une initiative de la victime n'ayant pas attendu d'y être autorisée par le responsable de la Fédération ; que la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci, tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence, n'avait pas commis de faute pouvant engager sa responsabilité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme veuve X..., tant en son nom qu'ès qualités

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Sandra Y...veuve X... de l'ensemble de ses demandes, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, Tristan X... et Antoine X..., dirigées contre la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SPÉLÉOLOGIE,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Les reproches qui sont faits à la Fédération peuvent être résumés en quatre points : (¿).
- Les moyens humains insuffisants, le manque de plongeurs expérimentés et l'absence de tout organisateur sur les lieux.
L'expert n'a pas mis en lumière une telle insuffisance ou absence d'expérience des plongeurs. L'arrêt de la Chambre de l'instruction rappelle que l'organisation des opérations de spéléo secours sur le site du bief GOUDARD, arrêt auquel il est renvoyé.
Monsieur Z..., directeur adjoint à la direction départementale des services d'incendie et de secours assurait le commandement des opérations de secours. Monsieur F..., conseiller technique national du SSF assurait la direction des secours souterrains, à savoir la gestion globale des opérations, la coordination du poste de commandement, la gestion des moyens du SSF sur le site et la coordination avec l'ensemble des partenaires (sapeurs pompiers, gendarmes, administration préfectorale).
Monsieur G..., conseiller technique national plongée spéléo secours français était le responsable des plongées et chargé de la mise en oeuvre des plongées et de la collecte des renseignements auprès des plongeurs.
Monsieur H..., conseiller technique départemental adjoint spéléo secours du JURA était le responsable des moyens logistiques plongée, et s'est occupé pendant toute la durée de l'opération du soutien logistique des plongeurs. Il était chargé en relation avec le SDIS de l'approvisionnement en gaz et matériels divers. Monsieur NORE, conseiller technique départemental adjoint spéléo secours du JURA était responsable des moyens d'hébergement du PC et du ravitaillement.
Les conseillers techniques, les coordinateurs inter régionaux plongée du SSF et les plongeurs présents sur le site constituaient la cellule de réflexion. Certaines personnes se trouvaient au PC et d'autres sur place " à la vasque ", notamment Monsieur H...; il a déclaré qu'il était chargé, entre autre, de tenir la main courante, c'est-à-dire de noter toutes les opérations effectuées à la vasque, telles que arrivée du matériel, départ et retour des plongeurs etc ¿
En ce qui concerne les moyens humains, un nombre important de plongeurs avait été réquisitionné ; des plongeurs se trouvaient, pendant les plongées, en réserve au PC qui avait été installé dans le local des pompiers de LONGCHAUMOIS. Il a été précisément établi que si Monsieur X... était très expérimenté en plongée, il ne l'était pas en plongée en zone profonde avec utilisation du mélange TRIMIX, même s'il avait néanmoins une certaine expérience. Monsieur G...lui avait donné mission d'équiper les lieux préalablement repérés par des plongeurs chevronnés.
L'arrêt de la chambre de l'instruction a dit que la mission de Monsieur X... s'est trouvée modifiée par des circonstances indépendantes de la volonté de Monsieur G.... Monsieur H...a exposé : " A...est sorti de l'eau. Il nous a indiqué qu'il avait rencontré des difficultés et qu'il n'avait pas pu ramener le corps au point bas des moins 60 comme prévu. Ces informations modifiaient la mission de B... et X... qui devaient initialement récupérer le corps du plongeur belge à moins 60. J'ai donc avisé par radio Frédéric G...responsable des plongées, qui se trouvait au PC. Ce dernier m'a demandé de faire retarder le départ de B... et X... et d'attendre son arrivée à la vasque. J'ai informé les deux plongeurs de la décision de G.... Ces derniers ont continué à s'équiper sans précipitation. En raison de la forte chaleur, ils se sont mis à l'eau. Ayant eu la confirmation de l'arrivée de G...à la vasque, je leur ai à nouveau demandé de patienter. Tout au long de leur préparation, A...leur a détaillé précisément la configuration des lieux où se trouvait la victime. A l'issue, ne voyant pas arriver G..., ils se sont immergés pour accomplir leur mission. " ¿ quelques minutes après G...est arrivé à la vasque ; En apprenant le départ de B... et X..., il a fait des remontrances à Patrick A..., il n'était pas content ¿ " Monsieur B... a contesté avoir eu connaissance du désaccord de Monsieur G...; or, Monsieur A...a déclaré : " Nicolas était volontaire pour y aller. Il se sentait capable d'effectuer cette mission. Nous attendions que G...descende du PC. Voyant qu'il n'arrivait pas, B... et X... ont décidé de plonger ". Il est ainsi formellement établi que Monsieur G..., le responsable des plongées était présent au PC et que Monsieur A...avait donné les informations dont il disposait, qui avaient été communiquées au PC ; que Monsieur G...est bien arrivé dix minutes après l'immersion des deux plongeurs et a reproché à Monsieur A...et à Monsieur C...de les avoir laissés partir. La décision de poursuivre les opérations d'évacuation, malgré l'absence de caractère d'urgence et les conditions très difficiles liées à la température de l'eau et sa turbidité connues de l'ensemble des plongeurs, a été prise sans aval de Monsieur G....
Il ne peut en conséquence être reproché à la FFS, ni des moyens humains insuffisants, ni un manque de plongeurs expérimentés ou encore l'absence de tout organisateur sur les lieux.
Il convient en conséquence de constater que l'accident s'est produit, nonobstant l'organisation mise en place qui a mobilisé un nombre important de personnes : sur le site, notamment, la directeur des secours souterrains DSS, un responsable des moyens logistiques plongée, un responsable des plongées, des techniciens assurant la gestion du PC et une cellule de réflexion hors site, de la direction opérationnelle nationale du spéléo secours français, et des coordinateurs plongées interrégionaux du spéléo secours français, mais qu'une décision a été prise par les plongeurs, sans attendre le responsable et que cette plongée a été malheureusement funeste pour Monsieur X... qui a eu un accident mortel dont aucun expert n'a pu déterminer la cause exacte. Dans de telles circonstances de fait, il n'est pas démontré que la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SPÉLÉOLOGIE ait commis une faute, même d'imprudence ou d'inattention dans le cadre de son obligation contractuelle de sécurité »,

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« il est vrai que la demanderesse fait état des déclarations de certains protagonistes-notamment MM. D...et E...-qui pointent quelques problèmes d'organisation : manque de rigueur dans la tenue des fiches de plongée et dans les intervalles entre deux plongées, plongées non urgentes, insuffisance de plongeur de soutien, matériel défaillant ¿ Outre que l'expert n'a pas confirmé de tels manquements, le caractère exceptionnel voir " pionnier " de l'opération en cause peut difficilement faire passer ces problèmes pour des fautes délictuelles ;
quoi qu'il en soit, rien ne permet d'en conclure que ces problèmes présentent un lien de causalité avec le décès de N. X... ; et cela restera sans doute à jamais, du moins tant que la cause exacte de ce décès ne sera pas élucidée ;
il convient donc de constater qu'il n'est pas apporté par la demanderesse la preuve qui lui incombe d'une faute de la Fédération Française de Spéléologie en lien de causalité avec le décès de N. X... »,
ALORS D'UNE PART QUE l'association sportive est tenue envers ses membres et adhérents d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence et doit réparation du dommage qui, sans sa faute, ne se serait pas réalisé ; que cette obligation de sécurité doit être appréciée avec d'autant plus de rigueur que le sport pratiqué est dangereux si bien qu'en écartant toute responsabilité de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SPÉOLOGIE sans rechercher, comme ses constatations devaient l'y conduire, si la mission visant à récupérer le corps du plongeur au-delà du point ¿ 60 mètres confiée, en dehors de toute situation d'urgence, à Monsieur Nicolas X... qui n'était pas expérimenté en plongée en zone profonde avec utilisation du mélange TRIMIX, n'était pas constitutive d'une faute d'imprudence en rapport de causalité avec l'accident mortel dont il a été victime au cours de l'opération de secours spéléologique, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil,
ALORS D'AUTRE PART QUE l'association sportive est tenue envers ses membres et adhérents d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence et doit réparation du dommage qui, sans sa faute, ne se serait pas réalisé ; que l'inexécution de cette obligation de sécurité engage sa responsabilité, peu importe que cette inexécution résulte de son propre fait, ou de celui qui se serait substitué à elle pour l'exécution du contrat de sorte qu'en écartant toute responsabilité de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SPÉOLOGIE dans ses rapports avec l'un de ses membres, Monsieur Nicolas X..., sans rechercher, comme ses constatations devaient l'y conduire, si la décision de poursuivre les opérations d'évacuation, malgré l'absence de caractère urgent et les conditions très difficiles liées à la température de l'eau et sa turbidité connues de l'ensemble des plongeurs, prise sans l'autorisation de Monsieur G..., responsable des plongées, et sans que les plongeurs en aient été empêchés par un responsable des opérations de secours spéléologique, ne révélait pas un manque de prudence et de diligence dans l'organisation des plongées en rapport de causalité avec l'accident mortel dont Monsieur Nicolas X... a été victime, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-19816
Date de la décision : 10/07/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 31 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 2014, pourvoi n°13-19816


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19816
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