LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
Attendu que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., ressortissante marocaine, employée depuis le mois de septembre 2004 au domicile privé de M. Y..., vice-consul au consulat général du Maroc à Montpellier, a été licenciée par lettre non datée à la suite d'un incident survenu le 19 octobre 2008 ; qu'elle a saisi le 12 août 2009 le conseil de prud'hommes de Béziers de diverses demandes ; que M. Y... a opposé l'immunité de juridiction ; Attendu que, pour accueillir cette exception, l'arrêt retient que M. Y... a employé à son service Mme X... alors qu'elle était ressortissante marocaine domiciliée au Maroc, exclusivement en sa qualité d'agent consulaire et en dernier lieu de vice-consul au consulat général du royaume du Maroc à Montpellier, pour travailler à son domicile privé et qu'elle ne peut donc prétendre bénéficier d'un contrat de travail qui n'aurait pas été conclu expressément ou implicitement en tant que mandataire de l'Etat d'envoi au sens de l'article 43 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme X... avait été engagée au service privé de M. Y... pour occuper un emploi de femme de ménage et de garde d'enfants, ce dont il résultait que les fonctions de Mme X... ne lui conféraient aucune responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire, de sorte que son licenciement constituait un acte de gestion privée excluant l'application du principe d'immunité de juridiction, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer à la SCP Thouin-Palat et Boucard la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR : fait droit à l'exception d'incompétence tirée de l'immunité de juridiction dont bénéficieraient Monsieur Y... et Madame Hafida A... son épouse en raison de la qualité de vice-consul au consulat général du royaume du Maroc à Montpellier de Monsieur Y... à la date des faits litigieux, et d'AVOIR renvoyé Mademoiselle Fettouma X... à mieux se pourvoir ; AUX MOTIFS QUE : « sur l'immunité de juridiction, la « convention de Vienne sur les relations diplomatiques » règle les rapports diplomatiques entre Etats ; qu'adoptée le 18/04/1961, elle est entrée en vigueur le 24/04/1964 et a été complétée en 1963 par la « convention de Vienne sur les relations consulaires » dont l'entrée en vigueur en France résulte du décret 71-288 du 29 mars 1971 ; en application des dispositions suivantes de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques : - Article 30 : « La demeure privée de l'agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux de la mission », - article 31 : « L'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction (¿) civile et administrative » (de l'Etat accréditaire) sauf s'il s'agit d'une action réelle concernant un immeuble privé, d'une action concernant une succession, « d'une action concernant une activité professionnelle ou commerciale quelle qu'elle soit, exercée par l'agent diplomatique dans l'Etat accréditaire en dehors de ses fonctions officielles », - Article 37.1 : « Les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36, pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'Etat accréditaire », - Article 37.4 : Les domestiques privés des membres de la mission qui ne sont pas ressortissants de l'Etat accréditaire ou n'y ont pas leur résidence permanente sont exemptés des impôts et taxes sur les salaires qu'ils reçoivent du fait de leur service. A tous autres égards, ils ne bénéficient des privilèges et immunités que dans la mesure admise par l'Etat accréditaire » ; quant à la convention sur les relations consulaires elle précise dans son article 43 que « les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'Etat de résidence pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires » cette immunité ne s'appliquant toutefois pas en cas d'action civile résultant de la conclusion d'un contrat que le fonctionnaire consulaire ou l'employé consulaire « n'a pas conclu expressément ou implicitement en tant que mandataire de l'Etat d'envoi » ainsi qu'en cas de mise en jeu de sa responsabilité civile à la suite « d'un accident causé dans l'Etat de résidence par un véhicule, un navire ou un aéronef » ; que l'article 53 de la même convention dispose que « tout membre du poste consulaire bénéficie des privilèges et immunités prévus par la présente convention dès son entrée sur le territoire de l'Etat de résidence ou dès son entrée en fonction » et que « les membres de sa famille vivant à son foyer, ainsi que les membres de son personnel privé » bénéficient également des privilèges et immunités prévus à la présente convention dans les mêmes conditions ; que tous les documents et éléments de fait du litige convergent pour établir que M. Y... a employé à son service Mlle Fettouma X... alors qu'elle était ressortissante marocaine domiciliée au Maroc, exclusivement en sa qualité d'agent consulaire et en dernier lieu de vice-consul au consulat général du royaume du Maroc à Montpellier, pour travailler à son domicile privé ; qu'elle ne peut donc prétendre bénéficier d'un contrat de travail qui n'aurait pas été conclu « expressément ou implicitement en tant que mandataire de l'Etat d'envoi » ; que c'est du reste parce que son employeur exerçait des fonctions consulaires que Mlle Fettouma X... a pu entrer sur le territoire français en bénéficiant à la fois d'un « passeport spécial » du royaume du Maroc et d'un « titre de séjour spécial » de la République française comme le rappellent les correspondances échangées entre les différents services compétents de ces deux pays ; que la réponse apportée le 17 décembre 2008 par le ministère français des affaires étrangères à la demande d'information présentée par le conseil de l'intimée le 8 décembre 2008, outre qu'elle ne lie pas les juridictions sociales, a été rendue, sur la base d'éléments manifestement tronqués insusceptibles de rendre compte de la situation juridique des parties au regard des conventions internationales ; que par ailleurs l'organisation par l'agent consulaire de son domicile privé et de sa vie familiale ne peuvent être considérées comme une « activité professionnelle ou commerciale exercée en dehors de ses fonctions officielles » au sens de l'article 31.3 de la convention sur les relations diplomatiques ; que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a retenu sa compétence et la décision déférée doit être infirmée en toutes ses dispositions » (arrêt p. 4 in fine, p. 5 et 6 § 1 à 5) ; ALORS 1°) QUE : il résultait des propres énonciations de l'arrêt que Mademoiselle X... avait été embauchée au service privé de Monsieur Y... pour occuper un emploi de femme de ménage et de garde d'enfants, et qu'elle n'avait aucune mission ou délégation du royaume du Maroc qui lui soit propre ; qu'il s'en déduisait, peu important la nationalité marocaine de ladite salariée et les titres administratifs en vertu desquels elle était en France et y avait séjourné, qu'en la recrutant, Monsieur Y... n'avait pas expressément ou implicitement passé un contrat en tant que mandataire de l'Etat d'envoi, de sorte que la cour d'appel était compétente pour juger les demandes dont elle était saisie ; qu'en décidant le contraire, la cour a violé l'article 43 de la convention de Vienne sur les relations consulaires en date du 24 avril 1963 ; ALORS 2°) QUE : en statuant sur le fondement de l'article 31-3 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, quand cette convention est inapplicable aux relations consulaires, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.