LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :Vu les articles L. 1231-1, L. 1233-3 et L.1222-6 du code du travail ;
Attendu que, selon ce dernier texte, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée; qu'il en résulte qu'en notifiant une telle proposition, l'employeur reconnaît qu'elle a pour objet de modifier le contrat de travail ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 8 avril 1998 par la société Cuvelier, en qualité de tourneur ; que par lettre du 15 janvier 2010 son employeur lui a proposé une modification, pour motif économique, de son contrat de travail consistant en une affectation sur un poste de travail à commande numérique en horaires 2X8 en raison de la suppression de son poste de tournage en conventionnel ; qu'après avoir fait l'objet le 27 janvier 2010 d'une mise à pied disciplinaire pour avoir refusé de travailler sur un tour à commande numérique, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, par lettre du 8 février 2010 en reprochant à son employeur de lui avoir imposé unilatéralement la modification de son contrat de travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Attendu que, pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt énonce que seul le changement des horaires de travail en 2X8 proposé le 15 janvier 2010 mais auquel l'employeur a finalement renoncé, constituait une modification du contrat mais non l'affectation sur un tour à commande numérique, de sorte que le salarié ne pouvait refuser de travailler ni de suivre la formation en interne qui lui était proposée et qu'il n'existait aucun manquement de l'employeur à ses obligations de nature à justifier la prise d'acte ;Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait, en l'état de la proposition faite par l'employeur conformément à l'article L.1222-6 du code du travail, dénier l'existence de la modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;Condamne la société Cuvelier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cuvelier à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. X...
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de l'exposant devait produire les effets d'une démission et d'avoir débouté ce dernier de ses demandes indemnitaires subséquentes ; AUX MOTIFS QUE, sur la qualification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur X... ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiait, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en l'espèce Monsieur X... reproche à son employeur d'avoir voulu, pour un motif économique allégué, modifier son contrat de travail en lui imposant, d'une part, de travailler sur un tour à commande numérique, sans lui dispenser au préalable une formation adéquate, alors qu'il avait toujours travaillé sur un tour conventionnel, et, d'autre part, en modifiant ses horaires de travail de jour en horaires en 2-8, ce, sans respecter le formalisme prévu par l'article L.1233-3 du Code du travail, mais en le sanctionnant par une mise à pied disciplinaire ; que la SAS CUVELIER prétend avoir renoncé à modifier les horaires de travail du salarié, en lui laissant le temps de s'organiser, et estime que le passage d'un tour conventionnel à un tour à commande numérique s'analyse en un simple changement des conditions de travail du salarié pouvant être imposé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, la SAS CUVELIER ayant au surplus proposé à Monsieur X... une formation en interne ; que l'examen des pièces produites démontre qu'initialement l'employeur entendait également modifier les horaires de travail du salarié ; que le 15 janvier 2010 il l'a donc convoqué à un entretien le 25 janvier 2010 afin de lui proposer de travailler sur un tour à commande numérique en 2-8, pour un motif économique, dans les conditions requises par l'article L.1233-3 du Code du travail ; que cependant il apparaît qu'à la suite de cet entretien la SAS CUVELIER a renoncé, dans l'immédiat, à cette modification du contrat de travail du salarié ; que ceci résulte non seulement de la lettre de notification de la sanction disciplinaire en date du 27 janvier 2010, qui ne fait état que du refus de Monsieur X... de travailler sur un tour à commande numérique, mais également de la lettre que la SAS CUVELIER lui a envoyée le 5 février 2010 aux termes de laquelle elle précisait expressément que, concernant le travail par équipe en 2-8, elle n'entendait pas le lui imposer dans l'immédiat ; que la teneur de l'attestation de Monsieur Z..., qui a assisté Monsieur X... lors de l'entretien du 25 janvier 2010, ne fait d'ailleurs nullement état de la volonté de l'employeur de modifier les horaires de travail du salarié, dans sa relation de cet entretien il ne mentionne que la discussion relative au changement de machine et à la formation proposée par l'employeur et demandée par le salarié ; que c'est donc à tort que le Conseil de Prud'hommes a considéré que Monsieur X... pouvait reprocher à l'employeur d'avoir voulu modifier son contrat de travail en modifiant ses horaires, pour un motif économique, sans respecter la procédure légale ; qu'en effet, le passage d'un poste de travail sur un tour conventionnel à un poste de travail sur un tour à commande numérique s'analyse en un simple changement dans les conditions de travail du salarié et ne relève pas de l'application des dispositions de l'article L.1233-3 du Code du travail ; que, cependant, l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi et notamment à celle des technologies utilisées ; que si la SAS CUVELIER pouvait imposer à Monsieur X... une évolution de son poste de travail consécutive à l'évolution technologique, il lui incombait de lui faire suivre la formation rendue nécessaire par l'introduction de cette nouvelle technologie ; qu'en effet, il n'est pas contesté que si Monsieur X..., dans le cadre de sa formation initiale en 1989/1990, a été initié au travail sur un tour à commande numérique, et s'il a, très ponctuellement, comme en attestent deux autres salariés, travaillé sur ce type de tour, il utilisait depuis plus de douze ans sur un tour conventionnel et son passage sur un nouveau type de tour justifiait son adaptation par le suivi d'une formation ; que, toutefois, il résulte des explications des parties, de l'attestation de Monsieur Z... et de sa lettre du 5 février 2010 que l'employeur a proposé à Monsieur X... une formation en interne ; qu'or Monsieur X... ne justifie par la production d'aucune pièce de l'inadéquation ou de l'insuffisance de ce type de formation ; qu'en l'état des pièces versées au dossier, rien ne permet de dire que l'adaptation du salarié à cette évolution technologique imposait une formation délivrée par un organisme extérieur ; que Monsieur X... ne pouvait, a priori, refuser de travailler sur un tour à commande numérique et de suivre la formation proposée en interne par la SAS CUVELIER à cette fin ; que, dès lors, les fautes alléguées par Monsieur X... à l'encontre de l'employeur pour justifier de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail n'étant pas établies, la Cour infirmera le jugement déféré et dira que cette prise d'acte doit être qualifiée de démission ; que le jugement déféré sera donc également infirmé en ce qu'il a condamné la SAS CUVELIER à payer à Monsieur X... une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rembourser à pôle emploi, dans la limite de six mois, le montant des indemnités chômage servies à Monsieur Jean-Christophe X... à la suite de la rupture de son contrat de travail ; ALORS D'UNE PART QUE, lorsque l'employeur prend l'initiative de soumettre à l'accord du salarié une proposition de modification notamment de ses fonctions ou de ses tâches, il reconnaît par là même que cette proposition a pour objet de modifier le contrat de travail du salarié et qu'elle nécessite son accord préalable; que le juge ne peut, alors, en l'état de la proposition ainsi faite par l'employeur dénier l'existence de la modification du contrat de travail ; qu'en l'état des termes de la lettre de l'employeur du 15 janvier 2010 portant convocation du salarié à un entretien préalable, selon lesquels « à la suite de notre entretien où nous vous avons proposé un poste sur commande numérique en 2-8, vous avez exprimé votre réticence et votre refus pour occuper ce dernier. La société accuse sévèrement la crise actuelle du marché et doit, par ce fait, prendre d'urgence certaines décisions avant de rencontrer de grosses difficultés. Cette situation a pour conséquence la suppression de votre poste de tournage en conventionnel par manque de charges », dont il ressortait que l'employeur avait soumis à l'accord préalable du salarié la proposition d'« un poste sur commande numérique en 2-8 » reconnaissant par là même nécessairement que cette proposition portait sur une modification de son contrat de travail, la Cour d'appel qui, pour requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission, retient qu'en l'espèce, le passage d'un poste de travail sur un tour conventionnel à un poste de travail sur un tour à commande numérique s'analysait en un simple changement dans les conditions de travail du salarié, que ce dernier ne pouvait, a priori, refuser, a violé les dispositions des articles 1134 du Code civil et L 1221-1 du code du travail, ensemble les articles L 1231-1, L 1235-1 et L 1237-1dudit Code ;ALORS D'AUTRE PART QUE selon l'article L 1222-6 du Code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L.1233-3 du Code du travail, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception en l'informant qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus ; que l'employeur qui n'a pas respecté ces formalités ne peut se prévaloir ni d'un refus ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié et ne peux par conséquent pas prononcer à son encontre une sanction disciplinaire à raison du refus de la modification du contrat qui lui avait été ainsi proposée ; qu'en retenant que le 15 janvier 2010 l'employeur avait convoqué l'exposant à un entretien pour le 25 janvier 2010 en visant le refus préalable du salarié de la proposition qui lui avait été faite d'« un poste sur commande numérique en 2-8 » et ce pour un motif économique dans les conditions requises par l'article L 1233-3 du Code du travail, et que dès le 27 janvier suivant, à la suite de cet entretien, l'employeur lui a infligé une mise à pied disciplinaire motif pris de la persistance du salarié à refuser de travailler sur un tour à commande numérique, la Cour d'appel qui n'a nullement recherché, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, d'où il ressortait que l'employeur avait préalablement satisfait aux exigences de l'article L 1222-6 du Code du travail, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ensemble les articles les articles L 1231-1, L 1235-1 et L 1237-1dudit Code ;
ALORS DE TROISIEME PART QU' en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail motivée par une cause économique, l'employeur doit soit renoncer à cette modification, soit engager la procédure de licenciement du salarié ; que pour retenir que les fautes alléguées par Monsieur X... à l'encontre de l'employeur pour justifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail n'étaient pas établies et, partant, que cette prise d'acte devait produire les effets d'une démission, la Cour d'appel qui retient qu'après avoir initialement entendu également modifier les horaires de travail du salarié en le convoquant à un entretien le 25 janvier 2010 afin de lui proposer de travailler sur un tour à commande numérique en 2-8, pour un motif économique, l'employeur aurait renoncé, dans l'immédiat, à cette modification du contrat de travail du salarié, ce qui « résulte non seulement de la lettre de notification de la sanction disciplinaire en date du 27 janvier 2010 qui ne fait état que du refus de Monsieur X... de travailler sur un tour à commande numérique, mais également de la lettre que la SAS CUVELIER lui a envoyée le 5 février 2010 aux termes de laquelle elle précise expressément que concernant le travail par équipe en 2-8, elle n'entendait pas le lui imposer dans l'immédiat », n'a nullement caractérisé la renonciation par l'employeur à la modification du contrat de travail du salarié mais au contraire constaté que celle-ci était simplement reportée et que l'employeur entendait la lui imposer par la suite, ce qui justifiait notamment le maintien du refus du salarié et rendait par là même totalement injustifiées notamment les sanctions disciplinaires successives prononcées à raison de ce refus, et a violé les articles 1134 du Code civil et L 1221-1 du code du travail, ensemble les articles L 1231-1, L 1235-1 et L 1237-1 dudit Code ; ALORS DE QUATRIEME PART et à titre subsidiaire QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; qu'en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail motivée par une cause économique, l'employeur doit soit renoncer à cette modification, soit engager la procédure de licenciement du salarié ; qu'une telle renonciation doit être exprimée en termes non équivoques ni ambigus ; qu'ayant retenu que si initialement l'employeur entendait également modifier les horaires de travail du salarié et l'avait convoqué, le 15 janvier 2010, à un entretien le 25 janvier 2010 afin de lui proposer de travailler sur un tour à commande numérique en 2-8 pour un motif économique, il apparaît qu'à la suite de cet entretien, l'employeur a « renoncé, dans l'immédiat, à cette modification du contrat de travail du salarié » ce qui ressortait non seulement de la lettre de notification de la sanction disciplinaire en date du 27 janvier 2010 ne faisant état que du refus de Monsieur X... de travailler sur un tour à commande numérique, mais également de la lettre du 5 février 2010 aux termes de laquelle il précise expressément que « concernant le travail par équipe en 2-8, (il) n'entendait pas le lui imposer dans l'immédiat », la Cour d'appel qui n'a pas recherché si les termes à tout le moins particulièrement ambigus et équivoques de la prétendue renonciation de l'employeur à modifier de manière substantielle les horaires de travail du salarié, ne caractérisaient pas une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et la mise en oeuvre déloyale du pouvoir de direction de l'employeur, justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié à la suite de deux sanctions disciplinaires qui lui avaient été successivement infligées à raison de son refus persistant d'accepter la modification du contrat proposé, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et L 1221-1 du code du travail, ensemble les articles L 1231-1, L 1235-1 et L 1237-1dudit Code ; ALORS ENFIN et à titre infiniment subsidiaire QU'au soutien de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, le salarié avait fait valoir qu'en tout état de cause l'employeur avait entendu lui imposer une modification de sa fonction en le faisant travailler sur un tour à commande numérique après une « formation rapide » en interne, sans le faire bénéficier d'une véritable formation dispensée par un organisme extérieur de formation professionnelle ; qu'adoptant les motifs des premiers juges, il avait fait valoir que, titulaire d'un CAP de tourneur, il n'avait bénéficié entre le 30 juin 1990 et le 26 novembre 1993 que d'une simple initiation à l'utilisation d'un tour numérique et que le bénéfice d'une formation par un organisme extérieur de formation professionnelle s'imposait désormais au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et ce d'autant que, comme tout salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, l'exposant était bénéficiaire d'un droit individuel à la formation ainsi qu'il résulte des dispositions d'ordre public des articles L.6323-1 et L.6323-5 et suivants du Code du travail ; qu'après avoir relevé que l'employeur devait assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi et notamment à celle des technologies utilisées et que l'employeur, dans le cadre de l'évolution de son poste de travail consécutive à l'évolution technologique qu'il entendait lui imposer devait lui faire suivre la formation rendue nécessaire par l'introduction de cette nouvelle technologie et que, dès lors que l'exposant travaillait depuis plus de douze ans sur un tour conventionnel, son passage sur un nouveau type de tour justifiait son adaptation par le suivi d'une formation, la Cour d'appel qui se borne à relever que le salarié ne justifiait, par la production d'aucune pièce, de l'inadéquation ou de l'insuffisance de la simple formation en interne que l'employeur s'était proposé de lui dispenser, a violé les dispositions des articles L.6321-1 et L.6323-1 et suivants du Code du travail ;