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02/07/2014 | FRANCE | N°13-20219

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 juillet 2014, 13-20219


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 28 mai 2010, le journal L'Abeille, hebdomadaire régional satirique, a publié un article visant à dénoncer les pratiques de M. X... qui avait exploité jusqu'au 31 décembre 2009 le casino de la commune de Vittel ; « Si ça ce n'est pas une volonté du groupe de tourner la page de l'ère X... et certaines de ses pratiques ¿ Pour en revenir à notre J.- J. X..., et comme l'avait déjà évoqué C..., celui-ci a tout de même eu dans cette histoire le beurre (une taxe

municipale sur les jeux réduite par rapport aux autres communes possédant ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 28 mai 2010, le journal L'Abeille, hebdomadaire régional satirique, a publié un article visant à dénoncer les pratiques de M. X... qui avait exploité jusqu'au 31 décembre 2009 le casino de la commune de Vittel ; « Si ça ce n'est pas une volonté du groupe de tourner la page de l'ère X... et certaines de ses pratiques ¿ Pour en revenir à notre J.- J. X..., et comme l'avait déjà évoqué C..., celui-ci a tout de même eu dans cette histoire le beurre (une taxe municipale sur les jeux réduite par rapport aux autres communes possédant un casino : Merci M. Y...), l'argent du beurre (le renouvellement de sa DSP : Merci M. Y...), et même la crémière (peu après le renouvellement, les bénéfices tirés de la vente de son affaire au fameux groupe Viking : Merci M. Y...). Là franchement, il peut le dire haut et fort : Merci M. Y...! Ahhh, qu'il fait bon d'être ami avec notre maire. Je voudrais bien l'être, moi ¿ Force est de reconnaître l'une des principales qualités de ce dernier : un vrai sens de l'amitié. Le Président de la République, François Z..., avait ce même sens de l'amitié dont a bénéficié, très longtemps, René A..., le faisant ainsi échapper à la justice jusqu'à son assassinat (par un vosgien un peu « illuminé »). Alors, que voulez-vous, l'exemple venant d'en haut, pourquoi voulez-vous que ceux d'en dessous s'en privent ? Cher Vittelois n'ayez pas peur de méditer ces propos. » ; que M. X... a fait assigner la société L'Abeille et son directeur de publication, M. B..., du chef de diffamation ; Sur le premier moyen : Attendu que la société L'Abeille et M. B...font grief à l'arrêt de les déclarer coupables de diffamation envers M. X..., alors, selon le moyen : 1°/ que la diffamation publique envers un particulier suppose l'allégation d'un fait précis portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ce fait est imputé ; qu'en l'espèce, l'article de presse incriminé s'est borné à relever que le maire de Vittel avait accordé par amitié des avantages à M. X... ; qu'en décidant que ces faits imputables au maire de la commune portaient atteinte à l'honneur ou à la considération de M. X..., les juges du fond ont violé les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; 2°/ que ni le fait de tirer avantage d'une taxe municipale moins élevée que celle pouvant exister dans d'autres communes, ni celui de bénéficier d'un renouvellement de son droit d'exploitation, ni encore celui de percevoir le produit de la cession de sa société ne constituent des faits portant atteinte à l'honneur ou à la réputation de celui qui en a tiré profit ; qu'en décidant en l'espèce que ces faits présentaient un caractère diffamant pour cette raison qu'ils ne correspondaient pas aux pratiques habituelles, les juges du fond ont statué par des motifs inopérants, en violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; 3°/ que le caractère diffamatoire des faits reprochés à la personne visée par un article de presse s'apprécie objectivement, abstraction faite de l'intention de son auteur de souligner leur aspect prétendument condamnable ; qu'en décidant en l'espèce que les faits mis en avant par l'article du journal L'Abeille présentaient un caractère diffamatoire pour cette seule raison qu'ils ne répondaient pas, aux yeux de l'auteur de l'article, à une pratique habituelle ou normale, les juges du fond ont encore violé les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever que le maire de Vittel avait accordé, par amitié, des avantages à M. X..., mais qui a retenu que ce dernier avait tiré excessivement et inhabituellement profit du fait de sa qualité de propriétaire de casino et ce, grâce à l'amitié du maire, en bénéficiant d'une taxe municipale sur les jeux réduite par rapport aux autres communes possédant un casino, d'un renouvellement de la délégation de service public, des bénéfices tirés de la vente de son affaire au groupe Viking a pu en déduire qu'imputer à M. X... le bénéfice de telles faveurs présentées comme discriminatoires était attentatoire à son honneur et à sa considération ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le second moyen : Vu les articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que pour déclarer la société L'Abeille et M. B...pris en sa qualité de directeur de la publication coupables de diffamation envers M. X... et écarter le fait justificatif de la bonne foi, la cour d'appel énonce que le ton employé, familier, véhément, sarcastique, dénué de considération, atteste d'une animosité personnelle à l'égard de M. X..., que l'indication que M. X... a eu grâce à l'amitié du maire le beurre, l'argent du beurre et la crémière, et la comparaison qui a suivie de l'amitié entretenue par un ancien Président de la République avec René A..., inculpé de crimes contre l'humanité, révèlent compte tenu des faits attribués à ce dernier une absence de prudence et de mesure dans l'expression, et que l'absence de mise en parallèle de la situation avantageuse reprochée à M. X... avec celles d'autres propriétaires de casino, notamment dans la région, permettant au lecteur d'apprécier le crédit à accorder aux affirmations de l'article en fonction d'éléments précis et concrets atteste du caractère non sérieux de l'enquête, les pièces fournies émanant d'associations et d'un groupe d'opposants à la municipalité n'étant pas de nature à justifier du sérieux de l'enquête alors qu'elles critiquent la gestion de la municipalité essentiellement en ce qui concerne l'acquisition des thermes et la chute des recettes d'une manière générale ; que le but poursuivi a été de présenter M. X... comme un personnage influent qui a obtenu des avantages financiers indus grâce à l'amitié du maire, comparable à René A...qui grâce à cette amitié a pu échapper à la justice, et que ce but n'est pas légitime ; Qu'en statuant par de tels motifs impropres à exclure le fait justificatif de la bonne foi dès lors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que la légitimité du but poursuivi n'était pas sérieusement contestable et que l'enquête réalisée s'appuyait sur des documents publics, notamment des délibérations du conseil municipal de Vittel, d'autre part, que le ton utilisé, comme la prudence et la mesure de l'expression, devaient être appréciés au regard du caractère satirique de la publication litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. B...et la société L'Abeille
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société L'ABEILLE et M. Alain B..., en qualité de directeur de la publication, coupables de diffamation envers M. Jean-Jacques X... et les a condamnés in solidum à lui verser une somme de 30. 000 euros en réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. X... dispose d'une libre appréciation de l'étendue de son action ; que le fait qu'il n'a pas inclus dans celle-ci d'autres propos de l'article litigieux qui selon M. B...et la société L'Abeille contiennent les mêmes " accusations " que celles qui sont contenues dans les passages qu'il invoque ne peut conduire à considérer qu'il n'est pas fondé à soutenir que les imputations sur lesquelles il fonde sa demande ne sont pas diffamatoires ; qu'il apparaît utile de rappeler préliminairement que l'article dont partie est contestée, du 28 mai 2010, mentionne en tête que les choses changent à Vittel, que M. X...,'l'ancien propriétaire du casino, n'a depuis le 1er janvier plus rien à voir avec ce dernier, que ses relations devenues très difficiles avec l'actuel propriétaire l'ont obligé à démissionner de sa fonction de responsable du site, et que sa fidèle adjointe, restée dans la place, a été rétrogradée de sa fonction de directrice ; que sur le passage : « Si ça ce n'est pas une volonté du groupe de tourner la page de l'ère X... et certaines de ses pratiques ¿ Pour en revenir à notre J.- J. X..., et comme l'avait déjà évoqué C..., celui-ci a tout de même eu dans cette histoire le beurre (une taxe municipale sur les jeux réduite par rapport aux autres communes possédant un casino : Merci M. Y...), l'argent du beurre (le renouvellement de sa DSP : Merci M. Y...), et même la crémière (peu après le renouvellement, les bénéfices tirés de la vente de son affaire au fameux groupe Viking : Merci M. Y...). Là franchement, il peut le dire haut et fort : Merci M. Y...! Ahhh, qu'il fait bon d'être ami avec notre maire. Je voudrais bien l'être, moi ¿ » ; ce passage contient une imputation précise qui porte atteinte à l'honneur et à la considération de M. X..., dès lors qu'est mis en avant le fait que les pratiques appliquées alors que celui-ci était propriétaire du casino n'étaient pas conformes à ce qu'elles devaient être et étaient donc condamnables comme l'ont apprécié les premiers juges, que l'intéressé a tiré excessivement et inhabituellement profit du fait de sa qualité de propriétaire du casino, et ce grâce à l'amitié du maire de Vittel ; qu'est ainsi précisé qu'il a bénéficié d'une taxe municipale sur les jeux réduite par rapport aux autres communes possédant un casino, qu'il a bénéficié d'un renouvellement de la délégation de service public, et pour finir des bénéfices tirés de la vente de son affaire au groupe Viking, ce qui est présenté comme tout à fait anormal parce qu'il a eu " le beurre, l'argent du beurre, et même la crémière ", et ce uniquement parce qu'il était l'ami du maire » (arrêt, p. 9) ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'action en diffamation par voie de presse exercée par M. X... repose sur les dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881 qu'il estime devoir s'appliquer à certains passages d'un article écrit sous le pseudonyme « C... » paru dans l'édition du journal « L'Abeille » du 28 mai 2010 ; que l'article 29 alinéa 1 de ladite loi, qui fixe un régime applicable à l'action publique ou civile devant une juridiction répressive, mais aussi à l'action civile devant une juridiction civile, dispose que toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne (...) auquel le fait est imputé est une diffamation ; qu'au terme de ces dispositions l'écrit incriminé peut être qualifié ainsi s'il contient une allégation ou assertion constituant un reproche sur un ou des faits précis qui portent atteinte à l'honneur ou la réputation d'une personne parfaitement identifiable ; qu'en pareille circonstance, l'auteur de l'article ou la personne poursuivie, présumé de mauvaise foi, ne peut échapper à la condamnation que s'il se justifie en établissant la réalité des faits allégués au moyen de la procédure spécifique dite de l'exceptio veritatis ou s'il s'en exonère en démontrant sa bonne foi ; qu'en l'espèce, M. X... exerce son action contre les termes visés dans son assignation, rappelés plus avant dans l'exposé du litige, qui s'articulent autour de deux idées qu'il convient de reprendre ; que la lecture des faits incriminés doit s'inscrire dans le contexte de l'ensemble de l'article intitulé « En quelques « thermes »... » qui commence par exposer les changements intervenus dans la direction du casino de Vittel depuis le 1er janvier ; que la première partie des assertions incriminées vise manifestement M. X... lui-même dans ses relations avec M. Y..., maire de Vittel ; qu'il s'agit des propos suivants : « si ça ce n'est pas une volonté du groupe de tourner la page de l'ère THOUVEN1N et certaines de ses pratiques (...) Pour en revenir à notre X... Jean-Jacques et comme l'avait déjà évoqué C..., celui-ci a tout de même eu dans cette histoire, le beurre (une taxe municipale sur les jeux réduite par rapport aux autres communes possédant un casino : Merci M. Y...), l'argent du beurre (le renouvellementlie sa DSP : Merci M. Y...) et, même la crémière (peu après le renouvellement, les bénéfices tirés de la vente de son affaire au fameux groupe viking : Merci M. Y...). Là, franchement peut le dire haut et fort : Merci M. Y...!... Ahhh, qu'il fait bon d'être ami avec notre maire. Je voudrai bien l'être, moi... » ; qu'il convient de souligner que dès le début de l'article, l'auteur affuble M. X... du qualificatif pour le moins sarcastique d'« inénarrable », donnant d'entrée un ton polémique à son écrit ; que le premier passage visé par l'assignation, qui se conclut par une épiphore comme le souligne le conseil des défendeurs, c'est à dire une formule de style qui, par la répétition d'un mot ou d'une expression permet de souligner une idée, comporte l'affirmation que le changement dans la gestion du casino, décrit par l'expression « tourner la page de l'ère X... et certaines de ses pratiques », a permis de rompre avec des comportements peu usuels, clairement sous-entendu, répréhensibles ou condamnables ; que cette idée est ensuite développée et confortée par la formule de style indiquée ; que l'auteur reprend ainsi trois faits, taxe municipale sur les jeux réduite, renouvellement de la délégation de service public et bénéfices tirés de la vente du casino, pour en conclure sans doute possible que M. X... a abusé de sa relation avec le maire pour obtenir des avantages indus ; que l'usage de l'expression familière « avoir le beurre, l'argent du beurre et la crémière » au passé composé sans formule conditionnelle a bien pour objet d'indiquer au lecteur que M. X... a profité de cette situation et qu'il peut d'ailleurs en remercier son ami le maire, phrase conclue par un point d'exclamation ; que ces imputations constituent bien un reproche de faits précis appliqués, notamment, à la personne de M. X... ; qu'elles comportent dès lors tous les caractères de la diffamation à son encontre » (jugement, p. 4-5) ; ALORS QUE, premièrement, la diffamation publique envers un particulier suppose l'allégation d'un fait précis portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ce fait est imputé ; qu'en l'espèce, l'article de presse incriminé s'est borné à relever que le maire de Vittel avait accordé par amitié des avantages à M. Jean-Jacques X... ; qu'en décidant que ces faits imputables au maire de la commune portaient atteinte à l'honneur ou à la considération de M. Jean-Jacques X..., les juges du fond ont violé les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, ni le fait de tirer avantage d'une taxe municipale moins élevée que celle pouvant exister dans d'autres communes, ni celui de bénéficier d'un renouvellement de son droit d'exploitation, ni encore celui de percevoir le produit de la cession de sa société ne constituent des faits portant atteinte à l'honneur ou à la réputation de celui qui en a tiré profit ; qu'en décidant en l'espèce que ces faits présentaient un caractère diffamant pour cette raison qu'ils ne correspondaient pas aux pratiques habituelles (arrêt, p. 9, dern. al.), les juges du fond ont statué par des motifs inopérants, en violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; ET ALORS QUE, troisièmement, le caractère diffamatoire des faits reprochés à la personne visée par un article de presse s'apprécie objectivement, abstraction faite de l'intention de son auteur de souligner leur aspect prétendument condamnable ; qu'en décidant en l'espèce que les faits mis en avant par l'article du journal L'ABEILLE présentaient un caractère diffamatoire pour cette seule raison qu'ils ne répondaient pas, aux yeux de l'auteur de l'article, à une pratique habituelle ou normale (arrêt, p. 9, in fine), les juges du fond ont encore violé les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, à titre subsidiaire Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société L'ABEILLE et M. Alain B..., en qualité de directeur de la publication, coupables de diffamation envers M. Jean-Jacques X... et les a condamnés in solidum à lui verser une somme de 30. 000 euros en réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « pour se prévaloir de la bonne foi, M. B...et la société L'Abeille doivent démontrer la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression, et la qualité de l'enquête ; que toutefois le ton employé, familier, véhément, sarcastique, dénué de considération, atteste d'une animosité personnelle à l'égard de M. X..., que l'indication que M. X... a eu grâce à l'amitié du maire le beurre, l'argent du beurre et la crémière, et la comparaison qui a suivi de l'amitié entretenue par un ancien Président de la République avec M. A..., inculpé de crimes contre l'humanité, révèlent compte tenu des faits attribués à ce dernier une absence de prudence et de mesure dans l'expression, et que l'absence de mise en parallèle de la situation avantageuse reprochée à M. X... avec celles d'autres propriétaire de casino, notamment dans la région, permettant au lecteur d'apprécier le crédit à accorder aux affirmations de l'article en fonction d'éléments précis et concrets atteste du caractère non sérieux de l'enquête, les pièces fournies émanant d'associations et d'un groupe d'opposants à la municipalité n'étant pas de nature à justifier du sérieux de l'enquête alors qu'elles critiquent la gestion de la municipalité essentiellement en ce qui concerne l'acquisition des thermes et la chute des recettes d'une manière générale ; que le but poursuivi a été de présenter M. X... comme un personnage influent qui a obtenu des avantages financiers indus grâce à l'amitié du maire, comparable à René A...qui grâce à cette amitié a pu échapper à la justice, et que ce but n'est pas légitime » (arrêt, p. 10) ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « M. B..., directeur de la publication et la Sarl « L'Abeille » entendent contester la diffamation en évoquant la réalité des faits dénoncés, d'une part, et en invoquant, d'autre part, l'existence d'un débat d'idées et d'un questionnement sur les points soulevés ; qu'ils se placent ainsi sur le terrain de l'exceptio veritatis et celui de la bonne foi ; qu'il faut toutefois observer sur le premier point que les défendeurs n'ont jamais manifesté la volonté d'user de la procédure visée par les articles 55 et 56 de la loi de 1881 qui, seule, permet la mise en oeuvre de la procédure de l'exceptio veritatis ; qu'ils ne sont dès lors pas recevables à rapporter la preuve de la vérité des faits allégués, ni à se dispenser de cette procédure pour prétendre, comme ils le font dans leurs conclusions, que les faits relatés sont exacts ; que la présomption ne peut donc être renversée sur ce point ; qu'en second lieu, il faut souligner que le défendeur qui prétend faire reconnaître sa bonne foi doit démontrer que l'auteur a écrit dans le respect des règles déontologiques journalistiques en particulier sans animosité personnelle, dans un but légitime, avec prudence et mesure dans l'expression et après vérification des informations ; qu'en l'espèce, il a été indiqué plus avant que les premières lignes de l'article présentent M. X... sous un qualificatif peu amène traduisant d'emblée une certaine animosité ; que celle-ci est confirmée par le ton utilisé tout au long de l'article, très éloigné de la nécessaire prudence attachée à la simple volonté d'informer ou de contribuer à des débats pouvant avoir lieu dans certaines instances ; qu'ainsi, l'usage intensif, voire abusif, de formules affirmatives ponctuées de points d'interrogation ou d'exclamation multiples, de points de suspension et enfin l'épiphore rappelée s'inscrit dans cette expression volontairement amplifiée, dépourvue de prudence et de mesure ; qu'ainsi, M. B...et la Sarl « L'Abeille » ne peuvent-ils non plus arguer de leur bonne foi » (jugement, p. 6) ; ALORS QUE, premièrement, l'exception de bonne foi exclusive de la diffamation est constituée dès lors que l'auteur des propos critiqués a poursuivi un but légitime, qu'il n'était mû par aucune animosité personnelle, qu'il s'est exprimé avec prudence et mesure, et qu'il s'est appuyé sur une enquête préalable d'une fiabilité suffisante ; que le but poursuivi par l'auteur d'un article de presse est légitime dès lors qu'il se donne notamment pour objet d'informer le public sur les pratiques politiques du maire de la ville ; qu'en estimant en l'espèce que le but de l'article était de présenter Monsieur X... sous un jour défavorable, comme ayant perçu des avantages indus de la part du maire, quand cet article visait en premier lieu à dénoncer la politique de favoritisme pratiqué par le maire de la ville, les juges du fond ont violé les articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE, deuxièmement, le propre d'un journal satirique est d'employer un ton ironique, sarcastique, familier et à l'occasion véhément ; qu'en estimant en l'espèce que le ton de l'article incriminé attestait d'une animosité personnelle de son auteur dès lors qu'il employait un ton familier, véhément et sarcastique, quand la société L'ABEILLE et son directeur de publication faisaient valoir que ce ton était celui utilisé d'ordinaire par les auteurs du journal dès lors qu'il s'agissait d'un hebdomadaire satirique (conclusions du 12 novembre 2012, p. 4 et 9), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE, troisièmement, la prudence et la mesure de l'expression s'apprécient au regard des seuls faits reprochés à la personne qui se prétend diffamée ; qu'en estimant en l'espèce que l'expression employé par l'article incriminé manquait de prudence et de mesure pour cette raison qu'il soulignait que le sens de l'amitié du maire de la ville rappelait celui d'un ancien président de la République pour une personne inculpé de crimes contre l'humanité, tout en constatant que ce trait ne concernait que le maire de la commune à l'exclusion de Monsieur X... (arrêt, p. 10, antépénult. al.), les juges du fond ont violé les articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE, quatrièmement, et en tout cas, la prudence et la mesure de l'expression s'apprécient au regard de la ligne éditoriale du journal, des éléments ressortant de l'enquête préalable et de l'intérêt général du sujet abordé par l'article ; qu'en décidant en l'espèce que l'expression employée par l'article critiqué manquait de prudence et de mesure sans rechercher si la comparaison faite avec le sens de l'amitié de l'ancien président de la République ne se justifiait pas par le caractère satirique du journal ou par l'intérêt général du sujet abordé par l'article pour la commune de Vittel et pour sa région, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881 ; ALORS QUE, cinquièmement, le caractère sérieux et fiable de l'enquête s'apprécie au regard des éléments rassemblés par l'auteur préalablement à la rédaction de son article, et non au regard de la teneur de l'article lui-même, l'auteur étant libre de ne pas citer l'ensemble des éléments qui lui ont permis de forger sa conviction autant qu'il est libre de sélectionner les arguments à avancer au soutien de sa démonstration ; qu'en estimant que l'enquête menée par l'auteur de l'article n'était pas sérieuse pour cette raison que celui-ci ne faisait aucun parallèle avec la situation d'autres propriétaires de casino de la région, les juges du fond ont statué par des motifs inopérants, privant derechef leur décision de base légale au regard des articles 29 et 35 de la loi du 29 juillet 1881 ;

ET ALORS QUE, sixièmement, l'enquête réalisée en l'espèce s'appuyait pour l'essentiel sur des documents publics consistant en des délibérations du conseil municipal (conclusions du 12 novembre 2012, p. 7 et s., et bordereau de pièces d'appel) ; qu'en estimant que l'enquête menée par l'auteur de l'article n'était pas sérieuse pour cette raison que les pièces produites émanaient d'associations et d'un groupe d'opposants à la municipalité, les juges du fond ont au surplus méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-20219
Date de la décision : 02/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 15 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 jui. 2014, pourvoi n°13-20219


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20219
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