LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique reçu le 14 août 2001 par M. X..., notaire, M. et Mme Y... ont acquis de M. et Mme Z... un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation, des dépendances et des bâtiments et terrains agricoles ; qu'ayant découvert que ces terres avaient été données à bail rural le 23 mai 2000 pour une durée de vingt-cinq ans, alors qu'ils souhaitaient les exploiter personnellem
ent, les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente...
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique reçu le 14 août 2001 par M. X..., notaire, M. et Mme Y... ont acquis de M. et Mme Z... un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation, des dépendances et des bâtiments et terrains agricoles ; qu'ayant découvert que ces terres avaient été données à bail rural le 23 mai 2000 pour une durée de vingt-cinq ans, alors qu'ils souhaitaient les exploiter personnellement, les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente et le notaire en responsabilité professionnelle, lui reprochant de ne pas les avoir informés de l'existence du bail litigieux ; que par arrêt du 21 octobre 2010, devenu irrévocable, une cour d'appel a prononcé l'annulation de la vente, ordonné la restitution du prix de vente, retenu la responsabilité professionnelle du notaire et a ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise judiciaire afin de « vérifier la réalité et l'étendue des différents postes de préjudice invoqués par les époux Y... et ayant pour origine la conclusion de l'acte de vente du 14 août 2001 » ;
Attendu que l'arrêt, statuant après dépôt du rapport d'expertise, a alloué aux époux Y... une somme totale de 730 746,26 euros au titre de la perte d'exploitation (651 313 euros), « du potentiel de plus-value sur le prix d'acquisition de la propriété et de la valeur estimée des vergers » (377 106,26 euros), « de la perte des points de retraite » (61 446 euros), dont à déduire la somme de 359 119 euros au titre des charges inhérentes ;
Attendu, cependant, que la fonction de la responsabilité civile est de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que la faute du notaire consistant seulement en un manquement à son devoir de conseil, les époux Y... n'étaient pas fondés à solliciter la réparation d'un manque à gagner et d'une plus-value potentielle au titre d'une opération à laquelle, mieux informés, ils n'auraient pas donné suite, si ce n'est à leurs risques, ce dont il se déduisait que le préjudice allégué était ainsi dépourvu de lien de causalité avec la faute du notaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X..., in solidum avec M. et Mme Z..., dans la limite de 85 % pour le premier, à payer à M. et Mme Y... la somme de 730 746,26 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et financier subi, l'arrêt rendu le 7 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ;Déboute M. et Mme Y... de leur demande en paiement d'une somme de 730 746,26 euros en tant que dirigée contre M. X... ; Condamne M. et Mme Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer aux époux Y..., au titre du manque à gagner résultant de l'absence d'exploitation, la somme de 730.746,26 € comprise dans la condamnation à hauteur de 765.169,66 € prononcée à son encontre, in solidum avec Monsieur Joseph Z... et Madame A... mais dans la limite de 85 % pour ce qui le concerne, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et financier subi ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « les préjudices résultant de la résolution de la vente sont de deux ordres, les dépenses effectivement engagées par M. Everardus Y... et Mme Adriana B... née Y... et le manque à gagner résultant de l'absence d'exploitation ; que contrairement à ce que soutient M. Guy X..., les appelants ne peuvent pas uniquement prétendre à l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas consentir à la vente puisqu'ils avaient effectivement acquis la ferme, vente dont la résolution est imputable au dol par réticence dont ils ont été victimes » ; ET QUE « sur le manque à gagner, l'expert a évalué le manque à gagner subi par M. Everardus Y... et Mme Adriana B... née Y... découlant de l'impossibilité d'avoir pu réaliser leur projet d'exploitation des terres acquises ; que comme l'a justement fait remarquer l'expert, les appelants n'avaient jamais évoqué avant le 6 octobre 2009 leur intention de produire des sapins de Noël ; qu'en effet, les dernières conclusions, notifiées avant que la cour d'appel ne rende son arrêt du 21 octobre 2010, n'évoquaient que la culture des cerises, du maïs et l'existence de 43 hectares de prairie permanente ; que, par conséquent, la production de sapin ne sera pas retenue pour l'évaluation de ce préjudice ; que les appelants ont émis des critiques à l'encontre des conclusions de l'expert qui avait comptabilisé des frais de main d'oeuvre et de commercialisation ; que leurs remarques ne seront pas prises en considération au regard de l'ampleur des tâches à accomplir nécessitant inévitablement de recourir à des salariés et de la méconnaissance par les appelants de la langue française et des réseaux de commercialisation et de distribution sur le territoire français auxquels ils auraient dû, à l'évidence, recourir, pour écouler leur production ; que même si M. Everardus Y... et Mme Adriana B... née Y... ont contesté les calculs de l'expert fondés sur des moyennes annuelles de production, il convient de rappeler que ces évaluations prennent en considération les inévitables aléas que M. Everardus Y... et Mme Adriana B... née Y... n'auraient pas manqué de rencontrer s'ils avaient effectivement exploité les terres acquises, comme le gel, la sécheresse pour n'évoquer que ceux liés aux effets climatiques, et même les variations du prix du marché ; que l'expert a fixé la valeur de la production de maïs à 85.330 € sur neuf ans, de 2002 à 2010, déduction faite des charges de production et de l'achat des intrants, le résultat brut des prairies à 198.016 € et des cerises à 294.932 €. Il a évalué à 73.035 € le montant des primes touchées au titre de la politique agricole commune, soit au total une somme de 651.313 € ; qu'il a ensuite évalué les charges inhérentes à l'exploitation à la somme de 359.119 € (fuel, primes d'assurance, charges sociales et fiscales, taxes d'habitation et impôts sur le revenu) ; que le potentiel de plus-value sur le prix d'acquisition de la propriété, au titre de la valeur estimée des vergers repose sur des estimations effectuées à partir de transactions effectuées par les notaires pour la première donnée et de la durée de vie des serres et des cerisiers et il a été évalué à la somme de 377.106,26 €. Enfin, l'expert a fixé à 61.446 € la perte des points de retraite imputable à l'absence d'exploitation ; que le total s'établit donc comme suit : 651.313 € au titre des productions déduction faite des charges de production, 377.106, 26 € au titre du potentiel de plus-value sur le prix d'acquisition de la propriété et de la valeur estimée des vergers, au titre de la perte des points de retraite, à déduire 359.119 € au titre des charges inhérentes, soit 730.746, 26 € ; 1°) ALORS QU'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en condamnant néanmoins Monsieur X... à indemniser les époux Y... de la perte des gains qu'ils auraient réalisés s'ils avaient acquis les terres litigieuses libres de tout occupation et avaient pu les exploiter, bien que la faute reprochée au notaire ait consisté à ne pas les avoir dissuadés d'acquérir ces biens en attirant leur attention sur le bail dont ils faisaient l'objet, de sorte que sans ce manquement les demandeurs à l'action n'auraient pas acheté et n'auraient pu réaliser les gains dont s'agit, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) ALORS QU'une faute ne peut être retenue comme cause d'un préjudice que s'il est démontré que, sans elle, il ne se serait pas produit ; qu'en condamnant en l'espèce Monsieur X... à réparer le préjudice constitué par le manque à gagner résultant de l'impossibilité, pour les époux Y..., d'exploiter le fonds acquis, tout en lui imputant à faute de n'avoir pas attiré l'attention des acquéreurs sur l'institution d'un contrôle des structures et l'existence d'un bail rural de longue durée au profit d'une société civile d'exploitation agricole dont les vendeurs étaient associés, tous éléments s'opposant à la réalisation de leur projet d'exploiter personnellement, la Cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du Code civil.