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02/07/2014 | FRANCE | N°13-11365

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2014, 13-11365


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen : Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail, en leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon le second de ces textes, qu'en cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa déc

ision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlemen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen : Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail, en leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon le second de ces textes, qu'en cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction utiles ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Etablissement F. Duthoit à compter du 18 avril 1995, en qualité d'attachée commerciale ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 2 avril 2007 au 1er octobre 2007, puis du 14 décembre 2007 au 26 mars 2008 ; que le 27 mars 2008, à l'issue d'une unique visite médicale visant le danger immédiat de la reprise du travail, elle a été déclarée par le médecin du travail, inapte à son poste ; que licenciée le 23 avril 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement et s'estimant victime d'un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation du licenciement ; qu'une expertise médicale a été ordonnée avant dire droit sur ses demandes par arrêt du 26 janvier 2011 ; Attendu que pour débouter la salariée de sa demande, l'arrêt retient la nullité de l'expertise ordonnée avant dire droit sur le harcèlement moral, laquelle avait pour seul objet de départager les parties, en raison du caractère totalement contradictoire de leurs éléments de preuve qui ne permettaient pas de statuer sur le mérite des demandes respectives, et ceci sans qu'il y ait lieu d'examiner une seconde fois ces éléments de preuve ; Qu'en statuant ainsi, alors que le fait pour le juge d'avoir ordonné avant dire droit une mesure d'instruction alors estimée utile et d'annuler ultérieurement celle-ci ne dispense pas de vérifier si les éléments produits par la salariée à l'appui de sa demande établissaient des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement et si, le cas échéant, l'employeur prouvait que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement mais étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Condamne la société Etablissement F. Duthoit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissement F. Duthoit et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... n'est pas nul, de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes et de l'AVOIR condamnée à rembourser à la société ETABLISSEMENT F DUTHOIT la somme de 11. 366, 40 ¿ à titre d'indemnités de préavis et de 1. 136, 64 ¿ au titre des congés payés y afférents et à lui verser la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. AUX MOTIFS QUE « C'est à tort que Madame X... invoque cumulativement à l'appui de sa demande, les dispositions de la loi n° 2008-6496 du 27 mai 2008 réprimant les discriminations et celles de l'article L 1152-1 du code du travail relatives au harcèlement moral ; qu'en effet, le licenciement de la salariée notifié le 23 avril 2008 ne peut être soumis à des dispositions législatives entrées en vigueur postérieurement, dès lors que c'est à la date du licenciement qu'il convient de se placer pour en apprécier le caractère et non à la date à laquelle statuent les juridictions saisies du litige et étant relevé que cette loi n'a pas prévu d'effet rétroactif ; que s'agissant des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, eu égard à la nullité du rapport d'expertise et alors que cette mesure avait pour seul objet de départager les parties en raison du caractère totalement contradictoire de leurs éléments de preuve ne permettant pas de statuer sur le mérite de leurs demandes respectives ainsi que l'a indiqué la cour dans son arrêt du 26 janvier 2011, la cour, sans qu'il y ait lieu d'examiner une seconde fois ces éléments de preuve, infirmera le jugement en ce qu'il a déclaré nul, pour harcèlement moral, le licenciement de Madame X... » ; ALORS, d'une part, QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a débouté Madame X... de ses demandes au motif inopérant de la nullité du rapport d'expertise dont l'objet devait être de départager les parties en raison du caractère totalement contradictoire de leurs éléments de preuve quant elle aurait dû vérifier si la salariée apportait des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral avant d'apprécier les éléments de preuve produits par l'employeur, la Cour d'appel a violé, par fausse application l'article L. 1154-1 du Code du travail

ALORS, d'autre part, QUE méconnait son office, le juge qui refuse d'apprécier le mérite des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui, après avoir prononcé la nullité du rapport d'expertise, a conclu que les éléments de preuve produits par les parties aux débats demeuraient contradictoires et a refusé, de ce fait, d'apprécier une seconde fois ces éléments de preuve et de statuer sur le mérite des demandes de Madame X..., a violé les articles 4 et 12 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de Madame X... était justifié par une cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes et de l'AVOIR condamnée à rembourser à la société ETABLISSEMENT F DUTHOIT la somme de 11. 366, 40 ¿ à titre d'indemnité de préavis et de 1. 136, 64 ¿ au titre des congés payés y afférents et à lui verser la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. AUX MOTIFS QUE « bien que ne l'ayant pas mentionnée dans le dispositif de ses écritures, la société Etablissement F. Duthoit demande à la cour, dans le corps de ses conclusions, de déclarer le licenciement de Madame X... régulier et bien fondé, l'employeur ayant répondu à son obligation de reclassement ; que Madame X... n'a pas conclu sur ce point ; qu'il convient de rappeler, au vu des pièces produites, que Madame X... ayant été déclarée inapte le 27 mars 2008 à son poste d'attachée commerciale dans l'entreprise sans aménagement du poste, sans mutation interne et sans reclassement interne mais avec une possibilité de reclassement externe, l'employeur lui a proposé le 3 avril suivant un reclassement au sein de la société CEDI, filiale du groupe, au poste d'attachée commerciale, statut cadre, position 2, coefficient 350, secteur géographique en Ile de France, moyennant un salaire mensuel brut fixe de 2. 000 ¿ outre des commissions de 1 % du chiffre d'affaires avec attribution d'un véhicule de fonction et remboursement de frais ; que Madame X... a refusé cette proposition le 14 avril 2008 au motif que le salaire fixe ne correspondait pas au minimum garanti par la convention collective, motif fantaisiste dans la mesure où, en réalité, le salaire minimum de la convention collective s'élevant à 2 187, 37 ¿ incluait tous les éléments de la rémunération, notamment les commissions ; qu'il s'ensuit que face à ce refus, l'employeur n'avait pas d'autre possibilité que de licencier Madame X... ; que ce licenciement était donc bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ». ALORS QUE le refus par le salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation et qu'il lui appartient d'établir qu'il ne dispose d'aucun autre poste compatible avec l'inaptitude du salarié ainsi que de faire connaitre par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement avant de procéder au licenciement ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'employeur n'avait pas d'autre possibilité que de licencier Madame X... au motif qu'elle avait refusé le seul poste proposé à son reclassent au sein de la société CEDI, une société du groupe DUTHOIT, sans avoir vérifié si l'employeur établissait qu'il ne disposait d'aucun autre poste compatible avec l'inaptitude de la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Madame X... à rembourser à la société ETABLISSEMENT F DUTHOIT la somme de 11. 366, 40 ¿ à titre d'indemnités de préavis et de 1. 136, 64 ¿ au titre des congés payés y afférents et à lui verser la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. AUX MOTIFS QUE « c'est à bon droit qu'eu égard à son inaptitude physique non consécutive à un accident du travail ne lui permettant pas de travailler durant la période du préavis, que l'employeur a indiqué à Madame X... dans la lettre de licenciement qu'aucune indemnité compensatrice de préavis ne lui serait versée ; que le jugement sera en conséquence infirmé et Madame X... déboutée de ses réclamations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ; qu'en conséquence, elle sera condamnée à rembourser à la société Etablissement F. Duthoit les sommes de 11. 366 ¿ bruts et 1. 136, 64 ¿ perçues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents » ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le chef de dispositif par lequel la Cour d'appel a débouté Madame X... de sa demande visant à voir son licenciement pour inaptitude physique déclaré nul en raison du harcèlement moral qui en était à l'origine emportera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif la condamnant à restituer à son employeur les sommes de 11. 366 ¿ et 1. 136, 64 ¿ perçues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ainsi que du chef du dispositif le condamnant à payer la somme de 4. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-11365
Date de la décision : 02/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2014, pourvoi n°13-11365


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11365
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