LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, ci-après annexé : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 janvier 2013), que M. X..., de nationalité française, a contracté mariage à Mexico, le 9 juillet 1999, avec Mme Y..., de nationalité mexicaine ; que leur divorce a été prononcé par décision d'une juridiction française du 22 avril 2008 et le mari condamné à payer à l'épouse une prestation compensatoire ; que M. X...a assigné Mme Y... en annulation de leur mariage pour bigamie, aux motifs, selon lui, qu'il avait été contracté alors qu'elle était encore dans les liens d'un premier ; Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ; Attendu qu'ayant constaté que la bigamie était prohibée par les lois personnelles des deux époux et relevé que le divorce de Mme Y... et de son premier mari, prononcé par un juge vénézuélien le 2 juin 1999, était définitif avant le mariage célébré le 9 juillet 1999, c'est par une interprétation souveraine de la loi mexicaine que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, estimé, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que les conditions de forme exigées par la loi mexicaine étaient satisfaites et que l'absence de transcription du jugement de divorce à l'état civil mexicain n'était pas de nature à priver de validité le mariage qu'elle avait contracté avec M. X..., et en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que celui-ci n'établissait pas que Mme Y... était, lors de son second mariage, encore dans les liens d'un précédent ; d'où il suit que le moyen, qui en sa dernière branche n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. X...Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu le 25 novembre 2011 par le tribunal de grande instance d'Amiens en ce qu'il a débouté M. X...de l'intégralité de ses demandes, AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des articles 3 et 171-1 du code civil, l'état des personnes, et donc le mariage, est régi par la loi personnelle des intéressés ; que les conditions de fond du mariage doivent être appréciées au regard de la loi nationale des époux, et celles de forme au regard de la loi du lieu de célébration du mariage ; que pour les conditions de fond du mariage, la loi française est applicable à M. X..., de nationalité française, et la loi mexicaine à Mme Y..., de nationalité mexicaine ; que leur mariage ayant été célébré le 9 juillet 1999 à Mexico, les conditions de forme de ce mariage sont régies par la loi mexicaine ; qu'aux termes de l'article 147 du code civil français « on ne peut contracter mariage en second mariage avant dissolution du premier » ; que M. X...fait valoir que Mme Y... s'était mariée avec M. Z..., de nationalité américaine, le 15 octobre 1988 à Mexico et qu'après séparation de corps et de biens prononcée par le tribunal de première instance des affaires familiales de Caracas (Vénézuela) le 24 mai 1995, le même tribunal a converti la séparation en divorce le 2 juin 1999, que, conformément aux dispositions de la loi mexicaine, loi personnelle de Mme Y... applicable en l'espèce, cette décision aurait dû être communiquée au juge du registre civil mexicain en vue d'être publiée, et ce pour déployer ses effets sur le territoire mexicain, ce sans quoi Mme Y... ne peut être considérée comme divorcée de M. Z..., qu'en effet, la décision de divorce des époux Y...-Z..., qui n'a été signée pour légalisation par le juge vénézuélien que le 12 juillet 1999, ne pouvait, en conséquence, être opposable le 9 juillet 1999, date de la célébration du mariage entre M. X...et Mme Y..., à l'État mexicain ; que seule la loi mexicaine étant applicable à Mme Y..., il convient en l'espèce de rechercher si le droit mexicain prévoit la nullité du mariage pour non transcription de la mention d'un 1er divorce sur le registre d'état civil de l'intéressée ; que le premier juge a rappelé que l'article 235 du code fédéral mexicain dispose que sont causes de nullité du mariage : l'erreur par rapport à la personne avec qui il est contracté (...), la célébration du mariage en présence des empêchements énumérés dans l'article 156, la célébration du mariage en infraction aux dispositions des articles 97, 98, 100, 102 et 103 ; que l'article 156 du code civil mexicain énonce que « les empêchements à la célébration du mariage sont (...) le mariage subsistant avec une personne différente de celle avec qui il est prétendu être contracté. » ; que l'article 97 du même code prévoit que « les personnes qui veulent contracter mariage présenteront un écrit au juge chargé de l'enregistrement de l'État Civil du domicile de n'importe laquelle en précisant les prénoms, noms, âge, profession et adresse, aussi bien des prétendants que de leurs parents, au cas où ceux-ci seraient connus et au cas où l'un des prétendants aurait été marié, la cause de sa dissolution et la date de celle-ci » ; que c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a considéré M. X...ne rapportait pas la preuve que Mme Y... était encore engagée dans les liens de son précédent mariage lorsqu'elle a contracté mariage avec M. X...le 9 juillet 1999 à Mexico ; que l'obligation de transcription invoquée, qui n'est pas visée par l'article 235 du code fédéral mexicain, n'est pas sanctionnée de par la nullité du mariage et, en tout état de cause n'était pas exigée en 1999, la loi mexicaine ayant été modifiée en 2010 ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE l'article 156- X du code fédéral mexicain dispose qu'une personne est empêchée de se marier si elle déjà engagée dans une union matrimoniale avec une autre ; qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet de constater que le précédent mariage de Mme Y... subsistait lorsqu'elle a épousé M. Lionel X...; que ce dernier déduit du court laps de temps qui sépare le jugement de divorce vénézuélien de la célébration de son union, la preuve de l'application de l'article précité ; que cette présomption avancée par M. X...n'est confirmée par aucun autre élément de la procédure et sera écartée ; que l'article 131 du code fédéral mexicain dispose que les situations juridiques valablement créées dans un État étranger conformes au droit mexicain devront être reconnues ; que M. X...produit le premier certificat de mariage de Mme Y... et constate que la mention du divorce au Vénézuela de cette dernière n'y figure pas au 27 janvier 2010 ; qu'il infère de cette absence de publicité l'inopposabilité du jugement vénézuélien sans indiquer dans quelle mesure cette formalité serait exigée par les autorités mexicaines ; que selon l'article 291 du code fédéral mexicain, le juge de première instance remettra une copie de la décision de divorce au juge du registre civil pour publication notamment pendant quinze jours d'un extrait du jugement ; que ce texte concerne l'issue d'une procédure de divorce prononcée au Mexique ; que le divorce de Mme Y... a été jugé au Vénézuela et ne saurait ainsi être régi par cette disposition ; 1° ALORS QU'en vertu des dispositions de l'article 147 du code civil, qui correspondent à la conception française de l'ordre public international, on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ; qu'en vertu des articles 235 et 156- X du code civil fédéral mexicain, loi applicable à Mme Y..., de nationalité mexicaine, est cause de nullité d'un mariage « le mariage subsistant avec une personne différente de celle avec laquelle on prétend contracter » ; que la bigamie est ainsi prohibée dans ces deux ordres juridiques ; que pour justifier que le mariage litigieux était intervenu le 9 juillet 1999 à Mexico en violation de ces règles, M. X...avait fait valoir, par des dates admises par Mme Y..., que le jugement de divorce du mariage précédent de cette dernière et de M. Z... n'avait été signé pour légalisation par le juge vénézuélien lui-même que le 12 juillet 1999, et apostillé seulement le 14 juillet 1999 ; qu'il résultait de cette seule chronologie, admise par les parties, que le mariage litigieux avait été contracté par Mme Y... alors qu'elle était toujours liée par son précédent mariage ; qu'il s'ensuivait qu'elle était alors en état de bigamie, ce qui imposait l'annulation du mariage litigieux ; qu'en jugeant le contraire, la cour a violé les articles 3 et 147 du code civil ; 2° ALORS QUE si l'argumentation démonstrative requiert la preuve du bien-fondé de ses conclusions, il n'en est pas ainsi de l'évidence, laquelle, n'ayant pas à être démontrée, résulte du seul rapprochement de ses termes ; que la chronologie admise par les parties établissait, comme le soutenait M. X..., l'évidence que le mariage litigieux, célébré le 9 juillet 1999, était intervenu alors que le jugement de divorce de Mme Y..., signé pour légalisation seulement le 12 juillet et apostillé le 14 juillet 1999, n'était pas encore devenu définitif au Vénézuela ; que cette évidence imposait par sa propre force le constat de ce que Mme Y... s'était mariée avec M. X...alors qu'elle était toujours liée par son précédent mariage, sans qu'aucune autre démonstration ou preuve pût être exigée ; qu'en rejetant dès lors la demande de M. X...au motif qu'il ne rapportait pas la preuve que Mme Y... était toujours liée par son précédent mariage, la cour, qui a ainsi imposé à M. X...la charge d'une preuve dont l'évidence imposée par la chronologie des faits le dispensait, a violé les articles 3 et 147 du code civil, ensemble l'article 1315 du code civil ; 3° ALORS, en toute hypothèse, QU'il appartenait à la cour, saisie de la chronologie présentée, admise par les deux parties, de rechercher si elle ne rendait pas évidente ¿ un événement postérieur ne pouvant précéder un événement antérieur ¿ que le mariage litigieux était intervenu au Mexique alors que le jugement de divorce de Mme Y... n'avait pas encore été signé pour légalisation au Vénézuela ni apostillé ; qu'en se soustrayant à cet examen nécessaire, dont il serait résulté que Mme Y... était bien toujours liée par son précédent mariage au moment de celui qu'elle a contracté avec M. X...à Mexico le 9 juillet 1999, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 147 du code civil ; 4° ALORS QUE l'article 235 du code civil fédéral mexicain dispose qu'est nul, en particulier, le mariage célébré en infraction aux dispositions de l'article 97 ; que ce texte impose notamment, avant la célébration de tout mariage, la présentation d'un écrit signé, remis au juge du registre civil, dans lequel la personne qui a été liée par un précédent mariage doit indiquer « le nom de la personne avec qui a été célébré le mariage précédent, la cause de sa dissolution et la date de celle-ci » ; que M. X..., pour demander l'annulation du mariage, avait soutenu que Mme Y..., dont le jugement de divorce au Vénézuela n'avait été signé pour légalisation que le 12 juillet 1999, avant d'être apostillé le 14 juillet 1999, n'avait certainement pas pu accomplir cette formalité substantielle avant le mariage litigieux, célébré le 9 juillet 1999 ; qu'en rejetant la demande d'annulation présentée par M. X..., sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si, au regard de la chronologie admise par les parties, Mme Y... avait seulement pu satisfaire à cette formalité substantielle, exigée par le droit mexicain à peine de nullité du mariage, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 147 du code civil ; 5° ALORS QU'ayant retenu que seule la loi mexicaine étant applicable à Mme Y..., la cour a indiqué qu'il convenait de rechercher si le droit mexicain « prévoyait la nullité du mariage pour non transcription de la mention d'un premier divorce sur le registre d'état civil de l'intéressée » ; que cette transcription est prévue par l'article 291 du code civil fédéral mexicain ; que pour écarter la demande d'annulation du mariage litigieux, la cour a retenu que « l'obligation de transcription invoquée, qui n'est pas visée par l'article 235 du code fédéral mexicain, n'est pas sanctionnée par la nullité du mariage et, en tout état de cause, n'était pas exigée en 1999 » ; qu'en se déterminant ainsi, par ces motifs inopérants, quand il était par ailleurs certain que Mme Y... n'avait pu satisfaire à ses obligations légales au regard des articles 97 et 235 du code civil fédéral mexicain, conditionnant la validité du mariage litigieux, la cour, qui a ainsi privé sa décision de motif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6° ALORS, en toute hypothèse, QUE pour écarter la demande d'annulation du mariage litigieux présentée par M. X..., la cour a jugé que, « par de justes motifs » qu'elle adoptait, « le premier juge a considéré (que) M. X...ne rapportait pas la preuve que Madame Y... était encore engagée dans les liens de son précédent mariage lorsqu'elle a contracté » avec lui le 9 juillet 1999 à Mexico ; que pour se déterminer ainsi, les premiers juges avaient retenu que l'écrit exigé par les autorités mexicaines à peine de nullité, sur le fondement de l'article 97 du code civil mexicain, n'était pas versé aux débats, en sorte qu'il n'était pas permis de relever une quelconque irrégularité (p. 4, in fine) ; qu'en mettant ainsi à la charge du seul M. X...la production de cet écrit que la loi mexicaine imposait à Mme Y... de remettre au juge, et en déchargeant corrélativement cette dernière de toute obligation de prouver qu'elle avait satisfait, comme elle le prétendait, aux exigences de la loi mexicaine à laquelle elle était soumise, la cour a violé l'article 1315 du code civil.