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19/06/2014 | FRANCE | N°13-18467

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 juin 2014, 13-18467


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 434-10 et R. 434-15 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les enfants dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie, ont droit, en cas de décès de la victime d'un accident du travail résultant de celui-ci, à une rente jusqu'à un âge limite, qui peut être relevé pour les enfants qui so

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 434-10 et R. 434-15 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que les enfants dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie, ont droit, en cas de décès de la victime d'un accident du travail résultant de celui-ci, à une rente jusqu'à un âge limite, qui peut être relevé pour les enfants qui sont placés en apprentissage, qui poursuivent leurs études, qui sont à la recherche d'une première activité professionnelle et inscrits comme demandeurs d'emploi à Pôle emploi ou qui, par suite d'infirmités ou de maladies chroniques, sont dans l'impossibilité permanente de se livrer à un travail salarié ; qu'il résulte du second, pris pour l'application du premier, que cet âge est désormais fixé à vingt ans sans distinction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., ayant droit de son père décédé d'un accident du travail, a perçu une rente jusqu'à son vingtième anniversaire, le 30 mai 2011 ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (la caisse) ayant refusé de maintenir le service de la rente au-delà de cette date, l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ; Attendu que pour condamner la caisse à verser la rente d'ayant droit tant que Mme X... justifie de la poursuite de ses études, l'arrêt retient que, dans sa rédaction actuelle, l'article R. 434-16 devenu R. 434-15 fixe à vingt ans la limite d'âge applicable à tous les bénéficiaires de la rente et que, par application de l'article L. 434-10 du code de la sécurité sociale, cette limite d'âge peut être relevée pour les enfants qui poursuivent leurs études ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

. Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence.Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes de Haute Provence à prendre toutes dispositions pour que la rente d'ayant droit soit versée à Mademoiselle X... tant que cette dernière justifie de la poursuite de ses études et condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes de Haute Provence à payer à Mademoiselle Gabrielle X... la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la Caisse, appelante, considère que la date limite de versement de la rente est fixée à vingt ans dans tous les cas, car le décret du 24 décembre 2002 créant l'article R 434-15, a rendu sans incidence la rédaction de l'article L 434-10 du code de la sécurité sociale. Mademoiselle X... qui a eu vingt ans le 31 mai 2011 et poursuivait des études (dont elle avait justifié), fait valoir qu'elle avait droit à la rente d'ayant droit au-delà de ses vingt ans, car, en vertu des articles R 434-15 et L 434-10 du code de la sécurité sociale, la limite d'âge fixée à vingt ans est relevée pour les enfants qui poursuivent leurs études. Elle considère que l'argument de la Caisse est contraire au principe de la hiérarchie des normes, un décret ne pouvant pas « rendre sans incidence» un texte législatif. L'article L 434-10 prévoit, en son premier alinéa, que « Les enfants¿ ont droit à une rente jusqu'à un âge limite. Cette limite d'âge peut être relevée pour les enfants qui ... poursuivent leurs études.... ». Cette partie du texte est inchangée depuis le 1er janvier 1986, et la loi du 16 janvier 2009 relative à la filiation ne l'a modifiée qu'en ce qui concerne les enfants concernés par le bénéfice de la rente. Ce texte, qui a valeur législative, instaure une règle de principe applicable à tous les enfants d'un parent décédé par suite d'un accident du travail, et quatre exceptions à ce principe selon la catégorie à laquelle appartiennent certains enfants (apprentissage, études, etc..), constituant ainsi quatre statuts dérogatoires du droit commun. L'article R 434-16, issu du décret 86 383 du 14 mars 1986 était ainsi rédigé : «La limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article L. 434-10 est fixée à seize ans. Cette limite d'âge est portée selon le cas à : 1°) dix-sept ans si l'orphelin est à la recherche d'une première activité professionnelle et inscrit comme demandeur d'emploi à l'agence nationale pour l'emploi ;2°) dix-huit ans si l'orphelin est placé en apprentissage dans les conditions déterminées par le titre 1er du livre 1er du code du travail et si le salaire mensuel qu'il perçoit n'est pas supérieur au plafond de ressources retenu pour l'application de l'article L. 512-3 du présent code ; les avantages en nature et les pourboires sont, le cas échéant, évalués suivant les règles prévues au cinquième alinéa de l'article R. 242-1 ; 3°) vingt ans si l'orphelin poursuit ses études ;4°) vingt ans si, par suite d'infirmités ou de maladies chroniques, l'orphelin est dans l'impossibilité permanente de se livrer à un travail salarié.Etc .... » Ce décret du 14 mars 1986 est donc le décret d'application de l'article L 434 10, texte à valeur législative. Un décret du 24 décembre 2002 a modifié l'article R 434-16 de la manière suivante :«La limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article L 434-10 est fixée à 20 ans.La fraction du salaire annuel de la victime ..., etc. ». Un décret du 2 février 2006 a remanié une partie du Titre III du Livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale et l'article R 434-16 est devenu l'article R 434-15, sans modification de son 1er alinéa.I - D'une part, la Cour rappelle que, lorsque les textes législatifs et réglementaires sont rédigés de manière claire et précise, il n'y a pas lieu d'opposer au justiciable une interprétation différente de leur sens direct et évident.L'alinéa 1er de l'article R 434-15 actuel prévoit que : « La limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article L 434-10 est fixée à 20 ans... ". Par une rédaction rigoureusement identique du premier alinéa, le décret de 2002 a donc modifié la limite d'âge antérieure en la fixant à vingt ans. Faisant crédit à son rédacteur du soin minutieux apporté au choix de ces mots, la Cour considère que la limite d'âge antérieurement «fixée à 16 ans» était désormais « fixée à 20 ans ».En outre, le syntagme «limite d'âge» figure dans la loi et dans son décret d'application. La rédaction des articles L 434-10 et R 434-15 est donc parfaitement symétrique. En l'absence de référence aux enfants entrant dans l'un des quatre cas dérogatoires, toujours prévus par l'article L 434-10, il convient de considérer que ces enfants pouvaient et peuvent toujours se prévaloir de leur statut dérogatoire pour prétendre au «relèvement de la limite d'âge» et au versement de la rente au-delà de l'âge limite de vingt ans, sous réserve de justifier de l'existence ou de la pérennité de leur statut d'apprentis, d'étudiants, etc ...Au surplus, le raisonnement que tient la Caisse, s'il était fondé, viendrait contredire l'alinéa 3 du même article L 434-10 qui précise que lorsque le défunt avait plusieurs enfants, «Les rentes allouées sont collectives et réduites au fur et à mesure que les orphelins atteignent la limite d'âge qui leur est applicable», ce qui signifie que les enfants d'une même fratrie peuvent avoir des statuts différents, avec application de limites d'âge différentes. La limite d'âge à vingt ans n'est donc pas identique pour tous les enfants.II - D'autre part, considérer que le décret du 26 décembre 2002 aurait rendu sans incidence l'article L 434-10 revient à dire que ce décret a unifié la limite d'âge «maximale» du droit au bénéfice de la rente pour tous les orphelins et a donc supprimé les quatre cas dérogatoires créés par la loi. Sous couvert d'une interprétation que rien ne justifie, la Caisse d'une part ajoute à l'article R 434-16 des éléments qui n'y sont pas écrits, déformant ainsi le sens d'un texte clair et précis, et, d'autre part, confère à un décret le pouvoir de modifier une règle antérieure de niveau supérieur. Or, une règle nouvelle doit respecter les règles antérieures de niveau supérieur, ne peut modifier que les règles antérieures de même niveau et ne peut abroger que des règles inférieures contraires. Dès lors que l'argumentaire de la Caisse méconnait le principe de la hiérarchie des normes, il ne saurait servir de fondement juridique à la demande de réformation du jugement déféré à la Cour. La constitutionnalité du décret du 24 décembre 2002 n'étant pas discutée, l'interprétation que la Caisse voudrait donner de l'article R 434-16 n'est pas fondée. En conséquence, la Cour considère que dans sa rédaction actuelle, l'article R 43416 fixe à vingt ans la limite d'âge applicable à tous les bénéficiaires de la rente, et que « cette limite d'âge peut être relevée pour les enfants qui comme Gabrielle X..., poursuivent leurs études » ; AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L 434-10 du code de la sécurité sociale dispose que les enfants dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie ont droit à une rente jusqu'à un âge limite. Cette limite d'âge peut être relevée pour les enfants qui sont placés en apprentissage, qui poursuivent leurs études, qui sont à la recherche d'une première activité professionnelle et inscrits comme demandeurs d'emploi (...) ; que l'article R 434-15 du code de la sécurité sociale dispose que la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article L 434-10 est fixée à vingt ans ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux articles que la limite d'âge est effectivement de vingt ans mais que cette limite d'âge peut être relevée pour les enfants justifiant de la poursuite de leurs études ; que Mademoiselle X... justifie être en deuxième et dernière année de BTS optique à l'Institut Supérieur d'Optique à Marseille ; qu'elle remplit les conditions de relèvement de la limite d'âge pour percevoir la rente d'ayant droit ; qu'il y a lieu de condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes de Haute Provence à prendre toutes dispositions pour que la rente d'ayant droit soit versée à Mademoiselle X... tant que cette dernière justifie de la poursuite de ses études ; que cette rente permet à Mademoiselle X... de payer sa dernière année d'études, l'exécution provisoire parait devoir s'imposer ; ALORS D'UNE PART QUE la possibilité, prévue par l'article L. 434-10 du code de la sécurité sociale, de relèvement de l'âge limite jusqu'auquel la rente d'ayant droit est due pour certaines catégories d'orphelins est devenue sans objet à la suite du décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002 qui a modifié l'ancien article R. 434-16 du même code et porté cette limite de seize à vingt ans ; qu'aussi en décidant que la limite d'âge applicable aux bénéficiaires de la rente ayants droit pouvait être relevée pour les enfants des victimes poursuivant leurs études au-delà de l'âge de vingt ans, la cour d'appel a violé ensemble les articles L 434-10 et R 434-15 du code de la sécurité sociale ;ALORS D'AUTRE PART QU'en l'absence de texte en fixant les conditions et limites, l'article L. 434-10 du code de la sécurité sociale qui dispose que la limite de l'âge de versement de la rente d'orphelin peut être relevée pour des enfants se trouvant dans des situations particulières, la cour d'appel n'a pu condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence à verser à Mademoiselle X... une rente d'orphelin au-delà de son vingtième anniversaire, sans violer les articles L 434-10 et R 434-15 du code de la sécurité sociale ensemble le décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-18467
Date de la décision : 19/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Prestations - Décès de la victime d'un accident du travail - Ayants droit - Rente au profit des enfants - Durée de versement de la rente - Conditions - Limite d'âge - Relèvement - Possibilité (non)

Selon l'article L. 434-10 du code de la sécurité sociale, les enfants dont la filiation, y compris adoptive, est légalement établie ont droit, en cas de décès de la victime d'un accident du travail résultant de celui-ci, à une rente jusqu'à un âge limite, qui peut être relevé pour les enfants qui sont placés en apprentissage, qui poursuivent leurs études, qui sont à la recherche d'une première activité professionnelle et inscrits comme demandeurs d'emploi à Pôle emploi ou qui, par suite d'infirmités ou de maladies chroniques, sont dans l'impossibilité permanente de se livrer à un travail salarié. Il résulte de l'article R. 434-16 devenu R. 434-15 du même code, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002, pris pour l'application de l'article L. 434-10 précité, que cet âge est désormais fixé à vingt ans, sans distinction. Viole ces dispositions l'arrêt qui, pour condamner la caisse à verser la rente d'ayant droit au-delà du vingtième anniversaire, retient que la rente est due tant que l'enfant poursuit ses études


Références :

article L. 434-10 et R. 434-16, devenu R. 434-15 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 jui. 2014, pourvoi n°13-18467, Bull. civ.Bull. 2014, II, n° 139
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, II, n° 139

Composition du Tribunal
Président : M. Héderer (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : Mme Lapasset
Rapporteur ?: Mme Palle
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18467
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