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18/06/2014 | FRANCE | N°13-11341

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 juin 2014, 13-11341


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2323-27 et L. 4612-8 du code du travail, et l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que la compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est (la compagnie) a pour activité l'extraction, la transformation et la commercialisation du sel à partir de plusieurs sites dont celui de Varangéville qui fonctionne en continu à l'exception de quelques périodes de l'année au cours desquelles il est procédé aux op

érations de nettoyage et de maintenance ; qu'invoquant des difficultés de sto...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2323-27 et L. 4612-8 du code du travail, et l'article 809 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que la compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est (la compagnie) a pour activité l'extraction, la transformation et la commercialisation du sel à partir de plusieurs sites dont celui de Varangéville qui fonctionne en continu à l'exception de quelques périodes de l'année au cours desquelles il est procédé aux opérations de nettoyage et de maintenance ; qu'invoquant des difficultés de stockage, la compagnie a décidé de procéder à l'arrêt de l'exploitation de la saline pour la période du 2 au 12 novembre 2012 et a convoqué le comité d'établissement (CE) pour une réunion extraordinaire au cours de laquelle ses membres ont refusé de se prononcer sur l'arrêt de l'exploitation, notamment parce qu'ils ne disposaient pas de l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) ; que le directeur d'établissement ayant indiqué que ce refus valait avis défavorable, et que l'exploitation de la saline serait arrêtée à la date prévue, le comité d'établissement a saisi le juge des référés sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que la décision d'arrêt d'exploitation de la saline à compter du 2 novembre à 12 heures constitue un trouble manifestement illicite, ordonner la suspension de cette décision et faire interdiction à la société de poursuivre la mise en oeuvre de la décision d'arrêt d'exploitation tant que le comité d'établissement n'aura pas été rendu destinataire de l'avis du CHSCT, et qu'il n'aura pas émis son propre avis, l'arrêt retient que si l'arrêt d'exploitation envisagé n'est que ponctuel et ne concerne qu'une partie des salariés, les documents communiqués par l'employeur dans les deux convocations adressées en vue des réunions des 19 octobre et 29 octobre 2012 comportent une organisation prévisionnelle impliquant à l'évidence une modification des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération, qu'outre l'affectation d'une partie des salariés au lancement des opérations d'arrêt et de lessivage des appareils et des circuits ainsi qu'à la reprise, l'employeur a en effet prévu l'utilisation de différents compteurs tels que ceux relatifs aux congés payés et autres, et a même envisagé des possibilités de transferts vers d'autres ateliers, que les conditions de l'application de l'article L. 2323-27 du code du travail, relatif à l'information et à la consultation du comité d'entreprise sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant notamment de l'organisation du travail, étaient à l'évidence réunies s'agissant de ce projet d'arrêt de l'exploitation et des mesures alternatives envisagées pour éviter le recours au chômage partiel comme le précisait l'ordre du jour de la convocation à la réunion du 29 octobre 2012 et qu'en raison des incidences inévitables de son projet d'arrêt d'exploitation de la saline sur les conditions de travail des salariés, la compagnie devait préalablement à l'information et à la consultation du comité d'établissement recueillir l'avis du CHSCT ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'arrêt temporaire et ponctuel de l'activité de la saline, affectant 32 salariés sur 249, était prévu pour dix jours, au cours desquels il serait procédé, par une partie des salariés concernés par l'arrêt de l'exploitation, aux opérations de maintenance effectuées périodiquement sur les installations de la saline, ce dont il ne résultait pas de manière évidente que cet aménagement temporaire constituait une modification importante des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail justifiant la consultation du CHSCT préalable à celle du comité d'établissement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;Condamne le comité d'entreprise de la compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Comité d'établissement de VARANGEVILLE recevable et bien fondé dans son action, dit que la décision de la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST d'arrêt d'exploitation de la saline à compter du 2 novembre à 12 heures constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser, d'avoir ordonné la suspension de la décision d'arrêt d'exploitation de la saline prévue à compter du 2 novembre 2012 à 12 heures, d'avoir fait interdiction à la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST de poursuivre la mise en oeuvre de la décision d'arrêt d'exploitation de la saline tant que le Comité d'établissement n'aura pas été rendu destinataire de l'avis du CHSCT, et qu'il n'aura pas émis son propre avis, sous astreinte de 10.000 ¿ par jour d'arrêt ; AUX MOTIFS QUE « sur l'existence d'un trouble manifestement illicite : même si l'arrêt de l'exploitation envisagé n'est que ponctuel et ne concerne qu'une partie des salariés, les documents communiqués par la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est dans les deux convocations adressées en vue des réunions des 19 octobre et 29 octobre 2012 comportent une organisation prévisionnelle impliquant à l'évidence une modification des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération ; qu'outre l'affectation d'une partie des salariés au lancement des opérations d'arrêt et de lessivage des appareils et des circuits ainsi qu'à la reprise, la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est a en effet prévu l'utilisation de différents compteurs tels que ceux relatifs aux congés payés et autres, et elle a même envisagé des possibilités de transferts vers d'autres ateliers ; que les conditions de l'application de l'article L. 2323-27 du code du travail relatif à l'information et à la consultation du comité d'entreprise sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant notamment de l'organisation du travail, étaient à l'évidence réunies s'agissant de ce projet d'arrêt de l'exploitation et des mesures alternatives envisagées par l'appelante pour éviter le recours au chômage partiel comme le précisait l'ordre du jour de la convocation à la réunion du 29 octobre 2012 ; qu'en raison des incidences inévitables de son projet d'arrêt d'exploitation de la saline sur les conditions de travail des salariés, la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est devait préalablement à l'information et à la consultation du comité d'établissement recueillir l'avis du CHSCT comme cela a été sollicité par le comité d'établissement au cours des deux réunions évoquées ci-dessus, la lecture des procès-verbaux en attestant ; que n'ayant pas saisi le CHSCT, la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est n'a pas permis au comité d'établissement de rendre un avis éclairé et pertinent ; or qu'elle ne peut pas nier avoir pris la décision d'arrêter la production de sel ; qu'en effet, il ressort clairement du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'établissement du 29 octobre 2012, certes non signé par l'appelante mais non contesté quant à la véracité des propos qui y sont relatés, que cette dernière a pris la décision d'appliquer la mesure d'arrêt de l'exploitation de la saline à compter du 2 novembre 2012 à partir de 12 heures (page 5 du procès-verbal) ; que le refus de la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est de consulter le CHSCT ne respecte pas les exigences résultant de l'application de l'article L. 2327-27 du code du travail ; que cette attitude s'analyse en un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile que le juge de première instance a, à bon droit, fait cesser en ordonnant la suspension de la décision d'arrêter l'exploitation de la saline tant que le CHSCT n'aura pas été consulté et n'aura pas rendu un avis permettant alors au comité d'établissement d'être utilement consulté et donc de remplir son rôle ; que l'ordonnance de référé est donc confirmée en toutes ses dispositions ; qu'une indemnité de 1.000 ¿ est accordée au comité d'établissement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile » ;AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « 1) sur l'objet de la demande : certes la décision définitive n'est pas encore intervenue et une réunion du Comité d'établissement doit se tenir le 2 novembre 2012, mais il ressort manifestement des P-V établis lors des précédentes réunions que la direction de l'entreprise va procéder à l'arrêt de l'exploitation de la Saline aux dates prévues et que la procédure a bien été engagée dans ce but ; dans ces conditions, on ne saurait considérer que la demande de suspension ne présente pas d'objet, dès lors qu'elle a pour dessein d'obliger l'entreprise à suivre une procédure régulière selon les formes imposées par la réglementation en vigueur ; 2) Sur la non-consultation du CHSCT : l'article L. 2323-27 du code du travail relatif à l'information et à la consultation sur les conditions de travail dispose que le Comité d'établissement « bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis ». ; il s'évince de ces termes que le CE donne ses avis sur la base de ceux du CHSCT, et que s'il estime nécessaire pour se prononcer, de se fonder sur l'avis d'un CHSCT, la non communication de celui-ci est susceptible, soit de suspendre l'avis du CE soit, si celui-ci est émis sans avoir été éclairé par celui du CHSCT, de vicier l'avis émis ; que la consultation des organes représentatifs de la société doit être loyale, ce qui implique de la part de l'employeur la fourniture de toutes les informations se rapportant à la prise de décision ; d'autant plus en matière de conditions et d'organisation du travail, ce qui est le cas en l'espèce, la production de l'avis préalable du CHSCT - dont c'est la compétence essentielle - est indispensable ; et il doit s'agit d'un véritable avis, c'est-à-dire constitué d'une réponse pertinente à la suite d'une libre discussion ; dès lors que l'avis du CHSCT est requis par le CE, sa non production peut être légitimement invoquée par le CE pour suspendre la fourniture de son propre avis ; qu'en application de l'article 809 du code de procédure civile, le Président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; le non-respect des articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail constitue un trouble manifestement illicite ; en l'espèce, le CE a clairement sollicité l'avis du CHSCT dans un domaine de compétence de ce dernier ; pourtant, il résulte des PV des 19 et 29 octobre 2012, que la SA Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est a refusé de recueillir son avis ; ce comportement de refus constitue bien un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant la suspension, sous astreinte, de la décision de procéder à un arrêt de production à compter du 2 novembre 2012 12H00, tant que le CHSCT n'aura pas rendu un avis ; enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge du CE les frais irrépétibles non compris dans les dépens ; la SA Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est sera condamnée à verser la somme de 1000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la consultation préalable du comité d'entreprise prévue par les articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du Code du travail ne s'impose à l'employeur que lorsque les mesures envisagées sont importantes et ne revêtent pas un caractère ponctuel ou individuel ; que, de la même manière, la consultation préalable du CHSCT ne s'impose qu'en cas de projet d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un comité d'entreprise n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence d'avis du CHSCT lorsque l'employeur projette d'arrêter pendant quelques jours l'activité d'un service de l'entreprise pour des raisons conjoncturelles, sans qu'il soit envisagé la moindre mesure de chômage partiel, ni la moindre évolution du volume ni de la structure des effectifs ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la mesure projetée par la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST d'arrêter l'activité de la saline ne devait durer que 10 jours, du 2 au 12 novembre 2002, que cette mesure ne concernait que 32 salariés de l'établissement sur 249 et ne devait entraîner aucune mesure de chômage partiel ni affecter le volume et la nature des effectifs de l'établissement ; qu'en faisant droit à la demande du Comité d'établissement de suspension de cette mesure ponctuelle ne concernant qu'un effectif très minoritaire des salariés de l'établissement au motif que l'employeur n'aurait pas recueilli l'avis préalable du CHSCT, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 2323-2, L. 2323-6, L. 2323-27 et L. 4612-8 du Code du travail, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'existence d'un impact sur les conditions de travail des salariés concernés ne saurait, à elle seule, conférer à une mesure ponctuelle et n'affectant qu'un nombre réduit de salariés dans l'entreprise une importance de nature à rendre obligatoire la consultation préalable du CHSCT et du Comité d'établissement ; qu'en s'abstenant de caractériser l'importance de la mesure ponctuelle envisagée par la société COMPAGNIE DE SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST au regard de la situation de l'établissement de VARANGEVILLE, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2323-5, L. 2323-6, L. 2323-27 et L. 4612-8 du Code du travail, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la société COMPAGNIE DE SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST faisait valoir dans ses écritures que s'il avait été avancé pour des raisons conjoncturelles liées à la saturation des capacités de stockage de l'entreprise, l'arrêt temporaire de la saline pour les opérations de maintenance et de nettoyage constituait une mesure ayant lieu entre trois et cinq fois chaque année, de sorte que cette mesure n'entraînait aucune modification notable des conditions de travail et d'emploi existantes des salariés affectés à la saline (conclusions p. 7) ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même relevé que la saline était arrêtée au cours de « quelques périodes dans l'année pour pouvoir procéder à des opérations de nettoyage et de maintenance » (arrêt p. 2 al. 1) ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'arrêt temporaire de la saline ne relevait pas des conditions de travail et d'emploi déjà existantes au sein de l'établissement, de sorte qu'il n'avait pas à donner lieu à la consultation préalable du CHSCT et du Comité d'établissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4612-8 et L. 2323-27 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-11341
Date de la décision : 18/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 27 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jui. 2014, pourvoi n°13-11341


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11341
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