LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique : Vu l'article 1984 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2013), que Mme X..., propriétaire d'un logement, dans un immeuble en copropriété, occupé par Mme Y..., a délivré à celle-ci un commandement de quitter les lieux ; que Mme Y...a assigné Mme X... en annulation de ce commandement et, invoquant la qualité de mandataire apparent du syndic, en reconnaissance de son titre d'occupation ; Attendu que pour rejeter l'existence d'un bail verbal l'arrêt retient que Mme Y...ne pouvait ignorer le caractère équivoque de la position du syndic, censé agir certes dans l'intérêt de Mme X... en tant que prétendu mandataire mais aussi dans l'intérêt de l'ensemble des copropriétaires, et que ces circonstances auraient dû conduire Mme Y...à vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire ; Qu'en statuant ainsi sans rechercher si le mandat apparent ne se déduisait pas de ce que, pendant vingt-sept ans, l'administrateur de biens avait émis des avis d'échéance, encaissé des sommes en contrepartie de l'occupation puis émis des quittances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., la condamne à payer à Mme Y...la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a dit que le cabinet SCHUMACHER et ASSOCIÉS ne pouvait être regardé comme le mandataire apparent de Mme X..., débouté en conséquence Mme Y...de sa demande tendant à faire constater qu'elle bénéficiait d'un bail verbal, puis constaté que Mme Y...occupait les lieux sans titre locatif ; AUX MOTIFS QUE « par jugement du 17 décembre 1981 signifié le 26 mars 1982 et devenu irrévocable, le tribunal d'instance de Paris (18ème arrondissement) a déclaré valable le congé signifié par Mme X... (alors Z...) à M. et Mme Y...le 21 avril 1980 pour le 1er novembre 1980, leur a accordé un délai de douze mois à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux et a autorisé leur expulsion ainsi que la séquestration du mobilier à défaut de départ volontaire à l'issue du délai de grâce ; que par lettre du 15 avril 1983 adressée au conseil de Mme X..., Mme Y...a demandé à être autorisée à rester dans les lieux jusqu'à la majorité de son plus jeune fils, ou à défaut, a proposé d'acheter le logement ; que par lettre du 30 juin 1983, le conseil de Mme X... a informé le syndic de l'immeuble que celle-ci refusait les propositions de Mme Y...et lui a demandé de rechercher " une solution comportant l'aménagement d'un départ volontaire de Monsieur et Madame Y..." ; que par acte d'huissier de justice du 9 août 1983, Mme X... (alors Z...) a assigné M. et Mme Y..., ainsi que le syndic, devant le juge des référés pour voir ordonner l'expulsion ; que le 22 juillet 2010, Mme X... a signifié à M. et Mme Y...le commandement de quitter les lieux dont cette dernière a contesté la validité ; que pour soutenir qu'elle bénéficie d'un titre d'occupation, Mme Y...fait valoir que Mme X... est tenue d'exécuter l'engagement contracté par le syndic, lequel agissant en vertu d'un mandat apparent auquel Mme Y...a légitimement cru, a, en encaissant durant vingt-sept ans des loyers pour lesquels il a donné quittances et sans qu'aucune mesure d'exécution ne soit poursuivie, conclu un nouveau bail, verbal, au profit de l'intéressée, Mme X... ayant renoncé à exécuter le jugement de 1981 ; qu'à supposer établi que Mme X... aurait renoncé à poursuivre, l'expulsion du seul fait, par là-même équivoque, de son inaction entre 1983 et 2010, il ne peut en être déduit qu'un nouveau bail s'est formé entre les parties, la conclusion d'un contrat supposant l'échange des consentements ; que si une personne peut, même en l'absence de faute, être engagée sur le fondement d'un mandat apparent, c'est à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; que Mme Y...fait valoir que le désintérêt pour son bien manifesté. par Mme X... pendant vingtsept ans et le fait que le syndic a agi dans son intérêt en affectant les versements qu'elle effectuait au paiement des charges de copropriété l'autorisaient à ne pas vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire ; que les quittances de " loyer " délivrées par le syndic à Mme Y...l'ont été, soit, entre 1982 et 1983, époque au cours de laquelle ont été signifiés le jugement et l'assignation devant le juge des référés, sous la réserve des droits du propriétaire, soit, à partir de 1984 et jusqu'en 2006, sous la réserve qu'elles ne pouvaient valoir que comme reçus d'indemnité d'occupation au cas où l'occupant n'aurait pas de titre régulier ou aurait reçu congé ; qu'après 2006, il n'est produit qu'une seule quittance, pour le 1er trimestre 2010 (pièce n° 134 de Mme Y...), qui contient une réserve alors inopérante, prise d'instances judiciaires en cours ; que pour la période de 2006 à 2010 (excepté la pièce n° 134), Mme Y...ne produit aucune quittance mais seulement des avis d'échéances ; que l'absence partielle de quittances et les réserves contenues dans celles qui ont été émises jusqu'en 2006, le contexte précédemment décrit dont il ressort que le conflit opposant les parties est devenu un contentieux judiciaire que Mme Y...a perdu, l'intention de Mme X... dernièrement exprimée en 1983, et connue de Mme Y..., de la voir quitter les lieux, le silence même de Mme X... et le fait que Mme Y...ne pouvait ignorer le caractère équivoque de la position du syndic, censé agir certes dans l'intérêt de Mme X... en tant que prétendu mandataire mais aussi dans l'intérêt de l'ensemble des copropriétaires en tant qu'employeur de la gardienne, ces intérêts ne se confondant pas nécessairement, sont autant de circonstances qui auraient dû conduire Mme Y...à vérifier les pouvoirs du prétendu mandataire ; qu'il s'ensuit que Mme Y...ne prouvant pas le caractère légitime de sa croyance, elle est, pour ce seul motif, mal fondée à invoquer à son profit les effets d'un mandat apparent du syndic dont il résulterait que Mme X..., renonçant à l'exécution du jugement de 1981, lui aurait consenti un bail verbal ; qu'elle sera déboutée de sa demande tendant à voir constater qu'elle bénéficie d'un bail verbal ; que le jugement sera réformé en ce sens ; qu'en l'absence de reconduction du bail résilié en 1980 par l'effet du congé et à défaut de bail verbal, Mme Y...est dépourvu de titre locatif » ALORS QUE, premièrement, l'émission pendant 27 ans d'avis d'échéance et de quittances et l'encaissement pendant la même durée des sommes acquittées en paiement des avis d'échéance constituent des actes étrangers aux missions dévolues à un syndic de copropriété ; que ces actes sont en tant que tels dépourvus de toute ambiguïté, ne pouvant constituer que des actes de gestion des intérêts privés du copropriétaire suffisant à établir la qualité de mandataire apparent de celui qui les réalise ; qu'en opposant la double qualité du cabinet SCHUMACHER et ASSOCIÉS, quand ces actes ne pouvaient relever que de son activité d'administrateur de biens, et donc de mandataire, les juges du second degré se sont déterminés par un motif inopérant en violation de l'article 1984 du code civil et des règles gouvernant le mandat apparent ; ALORS QUE, deuxièmement, les juges du fond avaient à trancher la question de savoir si, postérieurement à 1983, date à compter de laquelle toutes diligences de la part du propriété ont cessé en vue d'obtenir le départ de Mme Y..., et l'année 2010, date de délivrance du commandement de quitter les lieux, un mandat apparent ne se déduisait pas de ce que, pendant 27 ans, l'administrateur de biens a émis des avis d'échéance, encaissé des sommes en contrepartie de l'occupation puis émis des quittances ; qu'en s'abstenant de rechercher si, par l'effet conjugué de ces trois séries d'actes, devant faire l'objet d'un examen groupé, Mme Y...ne pouvait pas légitimement croire que le cabinet SCHUMACHER et ASSOCIÉS, administrateur de biens, avait reçu pouvoir de Mme X... pour agir aussi longtemps dans ses intérêts, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article 1984 du code civil et des règles gouvernant le mandat apparent ; ALORS QUE, troisièmement, l'avis d'échéance de loyer ou d'indemnité d'occupation adressé à l'occupant pour lui faire connaître le prix dû en contrepartie de l'occupation est nécessairement émis pour le compte du propriétaire, seul créancier de ce loyer ou de cette indemnité ; qu'en tant que tel, son émission constitue un acte de gestion pertinent pour apprécier l'existence d'un mandat apparent ; qu'en énonçant en l'espèce que, pour la période de 2006 à 2010, Mme Y...ne produisait que des avis d'échéance, marquant par-là que ces éléments étaient dépourvus de pertinence, les juges du fond ont violé l'article 1984 du code civil et les règles gouvernant le mandat apparent ; ALORS QUE, quatrièmement, dès lors qu'un acte ne profite qu'au propriétaire, il ne peut être réalisé que pour son compte, peu important les réserves qu'il contient ; qu'en s'appuyant en l'espèce sur le fait que les quittances contenaient des réserves visant à préserver les droits du propriétaire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation une nouvelle fois de l'article 1984 du code civil et les règles gouvernant le mandat apparent ; ET ALORS QUE, cinquièmement, et en tout cas, l'indemnité d'occupation comme le loyer ne sont dus qu'au propriétaire ; que l'émission d'avis d'échéance et de quittances précisant que leur délivrance ne préjuge pas de la qualification de loyer ou d'indemnité d'occupation est sans incidence dès lors que, sous une qualification ou sous une autre, les paiements ne profitent qu'au propriétaire ; qu'en s'appuyant en l'espèce sur le fait que les quittances indiquaient par précaution que l'encaissement ne préjugeait pas de la qualification en tant que loyer ou qu'indemnité d'occupation, les juges du fond se sont une nouvelle fois prononcés par un motif inopérant, en violation de l'article 1984 du code civil et les règles gouvernant le mandat apparent.