LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Denis X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de METZ, en date du 13 septembre 2011, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs de harcèlement moral, destruction, détournement ou soustraction d'un acte remis à une personne chargée d'une mission de service public et destruction de preuves, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 mai 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY, VEXLI-IARD et POUPOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à suivre du chef de harcèlement moral commis à l'encontre de M. X... ;
"aux motifs que M. X... cite, au titre des actes de harcèlement moral, la décision du comité directeur de la chambre des métiers du 8 août 2002 ayant créé en faveur de M. Y..., jusqu'alors secrétaire général, directeur des services de la chambre des métiers de la Moselle (¿), un cabinet hors hiérarchie et un emploi de directeur de cabinet hors hiérarchie (¿), M. X... estimant que cette décision prise illégalement créait une hiérarchie parallèle le privant de ses attributions et le mettait au placard (¿) ; que, d'autre part, au titre des abus de pouvoir, la décision de son éviction de la chambre des métiers prise le 15 octobre 2002 pour abandon de poste (¿) ; que ces deux seuls agissements ne suffisent pas à caractériser les "agissements répétés" tels qu'exigés par le texte incriminant le harcèlement moral (¿) ; qu'au moment où a été prise la décision du 8 août 2002 de créer un cabinet hors hiérarchie et un emploi de directeur de cabinet hors hiérarchie au profit de M. Y..., cette décision n'a pas eu pour effet une dégradation des conditions de travail de M. X... dans la mesure où même si le délit de harcèlement moral n'exige pas que le salarié soit effectivement présent dans l'entreprise au moment de la commission du délit, encore faut-il que cette personne soit toujours au moment de la commission de ces agissements répétés dans une relation effective de travail avec son employeur (¿) ; que M. X... ne se trouvait plus concrètement engagé dans une relation de travail avec la chambre des métiers puisqu'il se trouvait lié par un contrat de travail auprès du SMIM à Verdun depuis le mois de mai 2000 (¿) ; que les décisions administratives d'annulation des révocations successives n'ont pas eu pour effet, au regard des exigences de l'article 222-33-2 du code pénal, de rétablir un lien de travail effectif entre M. X... et la chambre des métiers (¿) ; que si le Conseil d'Etat a, par arrêt du 27 octobre 2010 (¿), annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 avril 2008 ainsi que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 avril 2006 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision prononçant sa radiation des cadres et à ce qu'il soit enjoint à la chambre des métiers de le réintégrer dans son poste dès notification dans son poste (¿), il l'a fait sur un moyen de forme (¿), de sorte que contrairement à ce qui est soutenu par M. X..., cet arrêt ne permet pas de considérer qu'il se trouvait toujours, du fait de l'annulation de la décision prononçant sa radiation des cadres, au temps de la commission des faits qu'il dénonce, régulièrement dans une relation de travail effective avec la chambre des métiers telle que l'implique l'incrimination pénale du harcèlement moral prévue à l'article 222-33-2 du code pénal, puisqu'il se trouvait toujours alors au service du SMIM à Verdun (¿) ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance de non-lieu en tant qu'elle a dit qu'il n'existe pas contre quiconque de charges suffisantes d'avoir commis le délit de harcèlement moral, tel que dénoncé par M. X... dans sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 12 juillet 2005 ; qu'il n'y a pas lieu de répondre aux autres moyens du mémoire qui concernent notamment les problèmes de reconstitution de carrière et de droits à pension de M. X..., lesquels concernent directement le litige administratif qui oppose ce dernier à la chambre des métiers et qui n'ont pas d'incidence sur l'éventualité d'une possible incrimination pénale ;
"1°) alors que le harcèlement moral résulte d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ; qu'en ayant considéré que deux agissements distincts ne pouvaient caractériser à eux seuls la répétition exigée par l'article 222-33-2 du code pénal, la chambre de l'instruction a violé ce texte ;
"2°) alors que constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en subordonnant le délit de harcèlement moral à l'exercice effectif du travail quand l'exigence d'une dégradation des conditions de travail implique seulement l'existence d'une relation juridique de travail, susceptible d'être reprise dans des conditions dégradées, la chambre de l'instruction a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et a ainsi violé les textes visés au moyen ;
"3°) alors que l'absence d'exercice effectif de ses fonctions par le salarié n'exclut pas l'existence d'un harcèlement moral dès lors que les faits de harcèlement sont à l'origine de l'absence du salarié ; qu'en s'étant fondée, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de harcèlement moral, sur l'absence de M. X... à la chambre des métiers de la Moselle au moment des faits litigieux, quand cette absence était précisément causée par les faits de harcèlement moral dénoncés, à savoir les manoeuvres de son employeur destinées à lui faire croire qu'il serait mis à disposition du SMIM pour ensuite le radier pour abandon de poste, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires et a violé les textes visés au moyen ;
"4°) alors que tout arrêt doit comporter les motifs propres à le justifier et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si n'était pas constitutif du délit de harcèlement moral, le fait de n'avoir pas inscrit à l'ordre du jour du comité directeur de la chambre des métiers, seul compétent, la décision sur la demande de M. X... de mise à disposition du SMIM tout en lui laissant croire que cette mise à disposition était possible pour ensuite le radier pour abandon de poste, et le fait d'avoir modifié la grille de salaire du poste de M. X... pour la minorer, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978, 3 de la loi n°79-18 du 3 janvier 1979, 434-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à suivre des chefs de destruction de preuves, détournement ou soustraction d'un acte remis à une personne chargée d'une mission de service public ;
"aux motifs qu'à l'appui de sa plainte, M. X... fait valoir que la chambre des métiers a refusé de lui communiquer deux documents administratifs importants pour la manifestation de la vérité, à savoir une bande magnétique d'enregistrement des débats du comité directeur du 8 août 2002 et le procès-verbal de celui-ci alors que ces deux documents concernaient directement la mise en place de la hiérarchie parallèle qu'il dénonce (¿) ; que la bande magnétique d'enregistrement des débats du comité directeur du 8 août 2002 ne constitue pas un document administratif communicable mais un document préparatoire normalement pas communicable et insusceptible de recours (¿) ; qu'à supposer même qu'il s'agisse d'un document administratif communicable, sa destruction ne pourrait être punissable qu'à supposer qu'elle ait été intentionnelle et non d'usage comme en l'espèce (¿) ; qu'il ne peut être retenu que la destruction invoquée a été faite sciemment dans le but de faire obstacle à la manifestation de la vérité, alors qu'en l'espèce, l'effacement de la bande magnétique des débats de la séance du comité directeur du 8 août 2002 ne résulte que de l'usage de la chambre des métiers qui procède ainsi avec l'ensemble des bandes d'enregistrement des séances du comité directeur une fois le procès-verbal établi (¿) ; que dès lors, c'est à raison que le premier juge a dit qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits de destruction ou d'altération de preuves, de détournement ou de soustraction d'un acte remis à une personne chargée d'une mission de service public ;
"1°) alors que constitue un document administratif qui ne peut être détruit sans l'autorisation du directeur des archives départementales l'enregistrement sonore d'une séance du comité directeur d'un établissement public ; qu'en ayant jugé que la bande magnétique d'enregistrement des débats du 8 août 2002 du comité directeur de la chambre des métiers de la Moselle, établissement public, ne constituait pas un document administratif et qu'il avait pu être régulièrement détruit par celle-ci sans autorisation, la chambre de l'instruction a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que le fait de détruire sciemment des actes de l'autorité publique implique nécessairement le dessein, chez l'auteur, de faire obstacle à la manifestation de la vérité ; qu'en s'étant fondée sur l'usage invoqué par la chambre des métiers de la destruction systématique les bandes d'enregistrement, la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant impropre à exclure l'absence de volonté de la chambre des métiers de faire obstacle à la manifestation de la vérité lors de la destruction d'un acte administratif concernant directement les relations conflictuelles entretenues de longue date avec M. X..." ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à la répétition d'agissements exigée pour caractériser le délit de harcèlement moral, critiqué au premier moyen, pris en sa première branche, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;